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MESURES D’INTERVENTION APRÈS UN INCIDENT

Ross Cloutier

Qu’est-ce qu’une crise?

Différents incidents peuvent provoquer une crise au sein des établissements d’éducation en plein air et de tourisme d’aventure, des situations qui entravent tout fonctionnement normal. On parle d’atteinte à la réputation ou de répercussions sur les objectifs, d’incidents perturbant gravement les activités régulières ou d’événements entraînant une rupture de confiance avec les principaux intervenants. Même si l’on estime que tous les incidents sont prévisibles et évitables, une grande incertitude plane dans l’apprentissage en plein air et des crises risquent de se produire.

La plupart des membres du personnel des programmes d’apprentissage et de guide en plein air ne subiront probablement jamais d’incident mortel, et pour ces derniers, la gestion des accidents demeure hypothétique. Néanmoins, du temps est consacré à la formation à la planification et à la prévention des risques. Grâce à une formation en premiers soins, le personnel est prêt à intervenir en cas d’événements mineurs. Même si la probabilité d’un échec catastrophique du programme est faible, elle existe comme le prouvent les événements certes occasionnels, mais très graves. La plupart des établissements de plein air ne sont pas outillés pour faire face aux crises, mais la connaissance des menaces et une structure détaillée des mesures pendant et après une intervention sont pertinentes.

Si certaines situations provoquent un ou plusieurs décès, d’autres sont liés à des enjeux comme les déversements de carburant et l’exposition à d’autres substances nocives, les pandémies (comme nous l’avons très bien appris), les maladies d’origine alimentaire, les personnes disparues, les incidents liés à l’hébergement et aux installations, à savoir les incendies ou les épidémies de norovirus, ou encore les conflits entre humains et espèces sauvages. Un incident critique fait basculer de la normalité au chaos instantanément. Il est donc trop tard pour commencer à s’organiser. Actions et rôles doivent donc être déterminés et planifiés en amont. La communauté de plein air se compose de planificateurs experts et d’intervenants compétents, et cette section propose des outils pour simplifier la phase de rétablissement après un incident.

Les quatre étapes de l’intervention d’urgence dans le cycle de gestion des risques sont l’atténuation, la préparation, l’intervention et le rétablissement (HeliCat Canada, 2019). Le chapitre est surtout consacré aux deux dernières étapes. Les réflexions approfondies sur les deux premiers points sont couvertes par d’autres chapitres du manuel. La gestion préventive des risques (activités visant à prévenir, planifier et réduire la gravité des incidents) relève généralement des activités d’atténuation et de préparation. Les activités de gestion après une crise font partie des phases d’intervention et de rétablissement.

  1. Atténuation : Prévenir les risques et réduire les répercussions sur l’établissement. Les activités d’atténuation comprennent toute activité visant à prévenir une situation d’urgence, à réduire tout risque ou à atténuer les effets dommageables de problèmes inévitables. Les réunions de guides, l’évaluation des menaces, l’équipement de protection individuelle et une police d’assurance en sont des exemples.
  2. Préparation : Se préparer à faire face à une situation d’urgence. Les activités de préparation comprennent les plans ou les préparatifs pour organiser les activités d’intervention, de sauvetage et de gestion après un incident. L’élaboration de plans d’intervention d’urgence, l’achat d’équipement d’intervention d’urgence, la formation du personnel, l’établissement de listes de contacts en cas d’urgence et la mise en place de dépôts d’équipement en sont quelques exemples.
  3. Intervention : Intervenir efficacement et en toute sécurité en cas de situation d’urgence. Les activités d’intervention comprennent les mesures pour sauver des vies et prévenir d’autres dommages matériels en cas d’urgence. L’intervention est la mise en œuvre de plans et se déroule pendant une situation critique. Une intervention en cas d’avalanche, la recherche d’un élève disparu, la communication avec les médias ou la famille sont des protocoles d’intervention.
  4. Rétablissement : Favoriser un retour à la normale (ou à une nouvelle normalité) après une situation d’urgence. Le rétablissement comprend les mesures pour revenir à une situation normale, voire meilleure, à la suite d’un incident. Plusieurs activités ont lieu immédiatement après ou pendant les dernières phases de l’intervention. Recueillir les déclarations des témoins, établir un profil de neige à des fins d’archivage, faire un débreffage du personnel, compiler la documentation sur les autres personnes présentes et les incidents, et faire un retour avec les effectifs et la clientèle sur le stress lié à un incident grave sont quelques exemples de mesures immédiates. Par la suite, différentes activités à long terme peuvent se poursuivre pendant des mois, voire des années dans de nombreux cas : mener une enquête interne sur un incident, garder le contact avec les familles et la clientèle présente, collaborer avec les assureurs, les enquêteurs, les médecins légistes et les avocats, et gérer les demandes d’indemnisation.

Niveaux d’intervention en cas d’incident

De nombreux modèles décrivent différents niveaux d’intervention, mais ce dernier est simple et est utilisé par une grande partie du secteur canadien du ski dans l’arrière-pays (HeliCat Canada, 2019). Il présente trois niveaux : interne, externe et intégré, identifiés en vert, jaune et rouge respectivement, comme le montre la figure 1.

Figure 1 : Trois niveaux d’intervention
NIVEAU 1 – INTERVENTION INTERNE (VERT)
L’incident est géré par les guides, les instructeurs et le personnel sur place. L’intervention est indépendante et fait appel à du personnel et à du matériel de l’équipe et de l’établissement. La plupart des incidents sont de cette ampleur, donc les guides sont en mesure d’organiser le sauvetage, de prodiguer les premiers soins et d’évacuer à l’aide du personnel et du matériel disponibles. Les ressources peuvent se composer d’un hélicoptère, d’un pilote, d’un guide ou d’un instructeur, de l’équipement transporté et du soutien au sol.
NIVEAU 2 – INTERVENTION EXTERNE (JAUNE)
L’incident est plus grave, quoique contrôlable au moyen de ressources organisationnelles surtout internes, mais peut nécessiter une aide extérieure. L’intervention est principalement indépendante au sein de l’établissement grâce aux ressources requises, comme d’autres guides et hélicoptères ou du matériel. Cela dit, elle requiert également des ressources externes, soit une ambulance, un hélicoptère d’évacuation sanitaire, une patrouille de ski, un médecin entre autres.
NIVEAU 3 – INTERVENTION INTÉGRÉE (ROUGE)
L’incident est très grave et mobilise d’importantes ressources externes, comme l’aide mutuelle des services de recherche et sauvetage (R-S), de la police ou des services d’urgence. L’aide est généralement demandée par un appel logé au 911. Le commandement et le contrôle peuvent être confiés à une équipe externe comme la police et les ressources de l’établissement pourraient être intégrées dans un système de commandement d’intervention (SCI). L’intervention peut se dérouler sur plus d’une période d’activité. Ce niveau d’incident peut provoquer des décès ou nécessiter des mesures complexes.

Intervention

La priorité dans la gestion d’un incident est de prendre en charge la clientèle ou le personnel blessés. De tels événements peuvent affecter d’autres personnes en plus des victimes. Il est important de répondre aux besoins de l’entourage des blessés, de faire un débreffage, d’offrir du counseling, de porter attention à tout symptôme potentiel lié à un incident grave. Gardez à l’esprit que les intervenants et les enquêteurs eux-mêmes peuvent nécessiter des soins et du soutien. Voici quelques stratégies pour intervenir efficacement en cas d’incident.

  • Rester calme et bien réfléchir aux actions.
  • S’assurer que tout blessé est pris en charge et qu’une intervention appropriée et rapide est mise en place. Intervenir rapidement et de manière professionnelle.
  • Mettre en place un système de commandement adéquat pour gérer l’incident.
  • Confirmer les détails de l’incident et ne pas agir sans vérifier toute information.
  • Organiser des séances de débreffage avec le personnel et les équipes externes séparément.
  • Prévenir les autorités compétentes (police, assureur, avocat, organisme provincial de santé et de sécurité au travail et équipe de direction de l’établissement).
  • Organiser la communication avec les proches : personne-ressource, quantité d’information à fournir et assistance pour les amener à l’endroit où se trouve le blessé. Désigner une personne-ressource pour les proches et fournir régulièrement de l’information.
  • Communiquer au personnel les renseignements confirmés. Ne discuter de l’incident ou des causes qu’avec le personnel désigné, et ne pas porter de blâme ou ne pas essayer de trouver de fautif.
  • Mettre en branle le plan média de l’établissement. Veiller à ce que toutes les demandes ou questions soient acheminées par un porte-parole désigné pour informer le public. Il se peut qu’un avis juridique soit requis avant de communiquer toute information aux médias ou au public.
  • Des réunions supplémentaires avec le personnel et des séances de débreffage avec des conseillers professionnels peuvent être nécessaires.
  • Documenter et photographier toutes les étapes de l’intervention. Compiler tous les documents connexes, soit les formulaires d’inscription, les renonciations signées, les rapports d’incidents, les formulaires de SCI, de santé et de sécurité au travail, les formulaires d’assurance et les déclarations des témoins.
  • Demander à l’assureur si son expert ou son avocat doivent intervenir. Ils se chargeront de l’enquête par la suite.
  • Le personnel ne doit en aucun cas commenter dans les médias. Adresser toutes les demandes de renseignements au porte-parole de l’information du public au sein de votre organisation.

Système de commandement d’intervention

Si la plupart des incidents liés aux activités nécessitent une intervention de niveau 1 ou 2 et peuvent être gérés « en interne », les dangers plus importants nécessitent des ressources externes et l’intégration de toutes les activités déjà menées avec des organismes d’intervention externes comme la police, les groupes de recherche et sauvetage locaux, l’organisme provincial de gestion des urgences, Parcs Canada, les services ambulanciers et d’incendie. C’est également le cas lorsqu’un établissement apporte son aide lors d’un incident externe géré par l’un de ces organismes. Toute intervention en cas de situations d’urgence nécessite un système de gestion organisé, et le SCI est couramment utilisé en Amérique du Nord. Les organismes concernés utilisent un tel système et la terminologie associée.

Le SCI est un système normalisé de gestion sur place conçu pour favoriser une gestion efficace et optimale des incidents en intégrant installations, équipement, personnel, procédures et communications au sein d’une structure organisationnelle commune. L’incapacité à s’intégrer harmonieusement à une telle structure compromet les communications, le commandement, la portée du contrôle et la responsabilité. Les organismes d’intervention canadiens ont adopté le SCI. D’ailleurs, il est important que les programmes de plein air et les entreprises de tourisme d’aventure puissent collaborer avec ces organismes.

Ressources d’intervention affectées en amont

Dans le cadre de la préparation, de nombreux éléments d’une intervention planifiée peuvent être mis en place, à savoir :

  • Personnel de l’équipe de direction
  • Ressources d’interventions internes et externes
  • Plans de communication
  • Communiqués de presse prérédigés
  • Personnes-ressources en santé et sécurité au travail
  • Ressources sur le débreffage en cas de stress lié à un incident grave
  • Trousses d’outils en cas d’intervention
  • Listes de contrôle en cas d’intervention

Documentation

Lors d’un litige découlant d’un incident, tous les documents pertinents doivent être accessibles. Ils ne sont pas protégés par une « dérogation » et peuvent devoir être divulgués aux avocats représentant les parties. Rien n’est confidentiel, y compris les rapports et notes de service, les publications sur les médias sociaux et les courriels du personnel. Il est important de faire preuve d’objectivité et de professionnalisme dans toute la documentation portant sur l’incident. Les commentaires subjectifs et les opinions sont à proscrire.

Les protocoles sur la gestion appropriée des incidents, les rapports, la documentation, l’interaction et la communication avec la clientèle et le public doivent être établis par chaque entreprise et présentés dans le cadre de la formation du personnel. Par ailleurs, petit rappel : toute demande d’indemnisation à la suite d’un incident peut être présentée des années plus tard. De plus, les mesures prises pendant et immédiatement après l’événement peuvent être déconseillées par les assureurs ou les juristes. Il faut donc faire preuve de rigueur lorsqu’il est question du contenu de la documentation, de la tenue des registres et de la présentation des documents.

Documentation préalable

Les entreprises de plein air disposent d’une vaste documentation préalable aux incidents, à savoir : renseignements sur l’inscription et la réservation, matériel de marketing, contenu de site Web, échange de courriels avec la clientèle, matériel de formation, dérogations, discussions sur la sécurité, plans de gestion des risques, données d’observation de la neige, niveau d’eau et conditions météorologiques, procès-verbaux de réunions des guides et des instructeurs, plans d’excursion, registres d’équipement et d’entretien, carnets de route de guides et d’instructeurs, polices d’assurance, programmes de formation du personnel, CV et certifications du personnel et registres commerciaux.

Après un incident, de tels documents sont couramment utilisés et doivent toujours être colligés et conservés. Ils sont d’ailleurs analysés minutieusement au cours des enquêtes et des demandes de réclamation. En cas d’incident mortel, chaque province dispose de son propre système d’enquête sur les décès (par le truchement d’un coroner ou d’un médecin légiste), et la police mène l’enquête. Les documents peuvent être saisis et tout contenu enregistré devient une partie officielle du dossier. Par ailleurs, en cas de litige, les témoins experts mènent également des enquêtes et examinent minutieusement la documentation et les procédures opérationnelles. Si des clients sont affectés par l’incident, et que vous utilisez une plateforme de renonciation électronique, vous devez immédiatement copier tous les formulaires du site pour toutes les personnes et conserver ces documents. S’ils ont également signé antérieurement des décharges lors de voyages avec votre établissement, conservez des copies, car plusieurs copies signées valent mieux qu’une.

Documentation après un incident

On parle de toute documentation produite pendant l’intervention et après l’événement. Nommons les croquis du lieu de l’accident, les notes des guides sur le terrain, les témoignages, les déclarations d’autres participants, les photographies et vidéos, les vidéos GoPro (à obtenir immédiatement), les listes des groupes et les coordonnées, les messages sur les médias sociaux, les courriels du personnel, les notes internes, les rapports d’incidents, les communiqués de presse, les rapports d’enquête interne ou externe, les formulaires de gestion des incidents, les échanges avec les participants ou les familles, avec les assureurs et d’autres entreprises, le matériel de marketing et de communication au sein de l’établissement. Toutes ces données doivent être collectées et conservées.

Gestion après un incident

Enquêtes après un incident

Les incidents critiques peuvent nécessiter diverses formes de collecte de données et d’enquêtes. Il est recommandé de désigner une personne responsable de la liaison dans le cadre de ce processus. Dans une petite entreprise, le propriétaire assurerait la tâche alors qu’un cadre supérieur dans une grande entreprise exercera la responsabilité. On distingue trois principaux types d’enquêtes après incident : l’analyse interne et la collecte de données, les enquêtes réglementaires (accidents du travail) et les enquêtes contentieuses.

Une analyse interne et une collecte de données permettent de recueillir et préserver les faits saillants. La collecte de dossiers, de documents, de témoignages, de vidéos, de communications et de rapports d’incidents est de mise. Étant donné qu’une entreprise doit informer immédiatement l’assureur de tout accident, elle peut également lui demander des conseils sur les prochaines étapes de l’enquête. Un courtier sera en mesure d’aider à mettre en œuvre une stratégie d’intervention et de diriger vers des experts juridiques ou d’autres spécialistes si nécessaire. En cas d’incident grave, il communiquera avec l’assureur, qui peut faire appel à un avocat, un expert ou d’autres spécialistes externes.

Par ailleurs, les commentaires personnels et opinions sont toujours à éviter dans la documentation des incidents et tous les rapports qui en découlent servent à établir des faits, et non à désigner des fautifs. Les opinions du personnel ne doivent pas non plus y figurer. Souvent, la phase la plus importante de la collecte d’information sur un incident se déroule pendant les 24 premières heures : les personnes présentes font des dépositions précises, des vidéos et des photographies peuvent être obtenues, et des éléments comme les zones de déclenchement des avalanches, les analyses des niveaux d’eau des rivières, les analyses météorologiques et la recherche de faits fournissent des repères.

À ce stade, l’entreprise doit suivre différentes étapes :

  • Recueillir l’information sur le déroulement de l’incident. Recueillir des renseignements factuels, objectifs et exempts de jugement.
  • Informer le personnel et les personnes présentes, et recueillir les témoignages, les photos et les vidéos.
  • Communiquer avec les assureurs pour les informer de l’incident.
  • Colliger et conserver la documentation pertinente avant et après l’incident (comme décrit ci-dessus).
  • Mettre en place un plan de gestion de la communication avec les médias, les participants et les familles.
  • Passer en revue les activités de l’entreprise si nécessaire.
  • Communiquer clairement et régulièrement avec le courtier d’assurance, l’avocat ou l’expert en sinistres, s’ils sont désignés, au sujet de la gestion des demandes d’indemnisation liées à l’incident.

Sans tenir compte de la nature des blessures ou d’un accident évité de justesse, voici les phases de l’enquête :

  • sécuriser, photographier et documenter la scène;
  • recueillir de l’information sur le déroulement;
  • reconstruire la séquence des événements.

Enquêtes réglementaires

De telles enquêtes sont régies par des lois ou des règlements provinciaux ou fédéraux, comme une enquête sur un incident exigée en vertu d’une loi provinciale sur l’indemnisation des travailleurs lorsqu’une personne se blesse. Elles sont menées par des organismes de réglementation. En cas de travailleurs blessés et dans certaines enquêtes réglementaires, l’entreprise doit également assumer certaines tâches :

  • déterminer la ou les causes;
  • recommander et mettre en œuvre des mesures correctives;
  • soumettre un rapport à l’organisme provincial de santé et de sécurité au travail.

Il existe des règlements sur la santé et la sécurité au travail dans les différentes provinces, mais la plupart des objectifs est similaire dans différentes administrations. À ce propos, la Worker’s Compensation Act de la Colombie-Britannique (Imprimeur du Roi, 2019) a été modifiée et de nouvelles exigences s’appliquant aux enquêtes ont été formulées. En résumé, la loi stipule ce qui suit :

Si un travailleur se blesse ou pas, mais qu’il existe un risque de blessure grave (incidents évités de justesse), l’employeur doit mener une enquête préliminaire et approfondie sur l’incident.

L’enquête préliminaire doit être réalisée dans les 48 heures. Elle vise les mesures prises immédiatement pour éviter une situation similaire et protéger les autres autres travailleurs. Des mesures correctives provisoires doivent être appliquées si elles sont déterminées à ce stade.

L’enquête exhaustive est un examen détaillé des circonstances qui permet de trouver les causes de l’accident et les facteurs propices à l’incident et aux blessures. Elle doit être achevée dans les 30 jours suivant l’incident et une copie du rapport final, des mesures correctives et de la mise en œuvre doit être soumise à WorkSafeBC.

Le Règlement sur la santé et la sécurité au travail, a également été modifié pour clarifier les rôles des représentants des travailleurs ou des membres des comités de santé et de sécurité, qui s’articulent comme suit :

  • Visiter le lieu de l’incident avec les enquêteurs.
  • Conseiller les personnes chargées de l’enquête sur les méthodes, la portée ou tout autre aspect de l’investigation.
  • Participer à la collecte de renseignements en lien avec l’enquête.
  • Épauler les personnes chargées de l’enquête dans l’analyse de l’information recueillie.
  • Participer à la détermination de mesures correctives pour éviter des incidents similaires.

Une collaboration étroite doit favoriser les débouchés de l’enquête. En Colombie-Britannique, les petites entreprises de moins de neuf employés ne sont pas tenues de mobiliser tant de travailleurs, mais elles sont encouragées à demander l’avis du personnel.

L’obligation pour l’employeur d’informer tout organisme provincial de santé et de sécurité au travail varie en fonction du type d’incident et diffère de la déclaration des blessures liées à des sinistres. En cas d’accident du travail, l’employeur doit toujours remplir des formulaires de déclaration d’accident. Cela dit, il ne satisfait pas pour autant à l’obligation de signaler immédiatement certains incidents. Consultez les lois provinciales sur l’indemnisation des travailleurs pour connaître les exigences.

Enquêtes sur les litiges

Dans le cadre d’un litige découlant d’un incident, des enquêtes sont ouvertes lorsque l’on appréhende une action en justice. Elles sont menées par l’assureur et son avocat ou par des experts très crédibles, car ils seront des témoins experts en cas de poursuite.

L’assureur peut avoir recours à des spécialistes, des consultants et des avocats. À ce stade, il exerce sa responsabilité et son pouvoir de défendre la demande d’indemnisation selon son jugement, et il définit la stratégie avec l’avocat. Il ne s’agit pas de l’avocat de l’établissement, et ce dernier détermine généralement la stratégie de défense. Outre la franchise de la police, les coûts sont généralement inclus dans l’assurance.

Une entreprise doit connaître les coûts compris dans sa franchise et ceux pris en charge par l’assureur. Les frais déjà engagés ne seront probablement pas déduits (par exemple, pour l’analyse interne, la collecte de données ou d’autres coûts associés à l’entreprise).

Sécurisation et documentation de la scène

Les renseignements recueillis sur les lieux d’un incident sont importants dans le cadre d’une procédure judiciaire ou d’une enquête réglementaire qui ne commencerait que des mois ou des années après l’événement. Notez tout, car des détails à première vue insignifiants peuvent être très pertinents pour déterminer un lien de causalité ou pour une défense juridique à un stade ultérieur. Les indices sur les lieux peuvent être dissimulés ou compromis en raison des opérations de sauvetage. Des photos de la scène lors de l’incident sont indispensables pour établir les faits, notamment pour retracer le personnel et les témoins au moment des faits.

Bien que la priorité demeure les blessés, il est important de prendre des photos et de faire des croquis le plus rapidement possible à cause des changements des conditions météorologiques et d’enneigement et de la tombée de la nuit. Voici quelques éléments importants pour documenter la scène :

  • Le lieu exact de l’incident doit être délimité afin de le mesurer et de l’enregistrer.
  • Toute preuve matérielle, comme les dangers et les obstacles, doit être identifiée en vue d’un examen ultérieur.
  • Des photos de l’emplacement exact de l’équipement doivent être prises, et l’état de tout matériel doit être documenté. Il peut être judicieux d’étiqueter et de mettre hors service tout équipement concerné.
  • Il ne faut ni déplacer ni altérer des éléments de la scène avant que tous organismes et enquêteurs n’aient scruté minutieusement les lieux.
  • Dans la mesure du possible, les chaussures d’une personne blessée après une glissade, un trébuchement ou une chute doivent être décrites et photographiées. Déterminer si elles étaient adaptées aux conditions météorologiques, au lieu et aux activités est un moyen de défense viable en cas de procès.

Lorsque l’incident se produit sur un site ou dans des locaux, comme dans le cas d’une glissade, d’un trébuchement ou d’une chute, le personnel de l’établissement en est informé généralement après un certain temps. Au moment de l’enquête, les conditions ont probablement changé et l’endroit exact peut être difficile à retracer. Il est donc recommandé de prendre des photos dans la direction vers laquelle marchait le blessé ainsi que de gros plans de l’état de la surface.

Photographier la scène

Le nombre de photos prises sur les lieux d’un incident varie, mais mieux vaut trop que trop peu. Prenez-en le plus possible. N’en supprimez pas. En examinant les photos sur place avant de tout remballer, vous pourrez reprendre les images floues ou indéchiffrables en raison de l’angle par exemple.

Enregistrez la date, l’heure, le lieu et le nom du photographe avant tout, en prenant une photo d’une feuille contenant les renseignements ou en les notant dans un calepin. Après la prise des photos, notez à nouveau l’heure. Si possible, l’équipement non concerné ne doit pas figurer sur les photos, à moins que le but soit de montrer l’emplacement de l’incident ou la taille et les distances.

D’autres personnes présentes ont peut-être des photos ou des vidéos d’un incident, de l’intervention ou d’activités antérieures. Si c’est le cas, l’enquêteur doit en demander une copie, mais peut tout de même essuyer un refus. En cas d’enquête de la police, d’un coroner ou de WorkSafeBC, toute personne peut être contrainte de fournir des images.

Collecte d’information

Déclarations de témoins

Les témoins doivent être interrogés et les déclarations de toute personne ayant une connaissance directe de l’incident doivent être recueillies. Parfois, la police s’en charge, mais même en cas de légers incidents, il faut recueillir des renseignements auprès de toute personne concernée. Il faut interroger les témoins le plus tôt possible, car les souvenirs sont frais et les propos seront plus précis. De plus, communiquer rapidement avec ces derniers et clairement expliquer la raison de l’entretien favorisent la collaboration.

La plupart des témoins coopèrent, surtout si l’enquêteur les aborde avec respect et reconnaît qu’ils lui consacrent un temps précieux. Cependant, d’autres peuvent juger la démarche contraignante, s’impatienter ou faire obstruction. Une telle réaction peut s’expliquer par le fait d’avoir assisté à une situation traumatisante. Il faut donc tenir compte du bien-être du témoin. S’il est impossible de recueillir immédiatement le témoignage, notez le nom complet et l’adresse des personnes afin de communiquer avec elles ultérieurement.

Lorsque le témoin est un mineur, le parent ou le tuteur a le droit d’être présent ou de refuser la rencontre. La présence du parent peut aider ou nuire, et l’enquêteur doit faire preuve de discernement pour déterminer si le jeu en vaut la chandelle. Les témoins peuvent être interrogés sur les lieux de l’incident. Cette approche est la plus simple et peut s’avérer concluante pour l’enquête, car ils sont en mesure d’indiquer des endroits ou des objets précis et de relater des faits, difficiles à décrire ou susceptibles d’être oubliés par la suite.

Souvent, la rencontre a lieu dans un pavillon ou un bureau. L’environnement doit être confortable et calme et l’entretien ne doit pas être interrompu. Si le contexte le permet, il faut interroger le témoin sans la présence d’amis ou de membres de la famille afin de réduire les distractions et de préserver l’intégrité des souvenirs sur l’incident.

Tenue des dossiers

L’enquêteur doit colliger toute l’information qui apporte un éclairage sur le déroulement des faits. Dans les cas complexes, des carnets de bord, de rapports et d’autres documents justificatifs sont nécessaires pour établir une chronologie des jours, voire des semaines, précédant l’incident. La direction doit superviser activement la tenue de tous les registres. Il faut vérifier régulièrement que les dossiers ne comportent pas de commentaires narratifs superflus, qu’ils sont remplis adéquatement et contiennent les dates et les noms complets de tous les membres du personnel qui remplissent les formulaires.

Les documents doivent être classés de manière systématique et contrôlée afin d’être accessibles. D’ailleurs, ils peuvent faire office de preuves et reflètent le professionnalisme, la diligence et les normes générales de fonctionnement de l’entreprise. Voici une liste non exhaustive de documents pertinents qui peuvent être utilisés comme éléments de preuve au cours d’une enquête :

  • Renonciations
  • Formulaires d’inscription
  • Formulaires de location
  • Journaux des guides
  • Notes de réunions des guides
  • Rapports d’enquête interne
  • Courriels et autres correspondances
  • Données sur les avalanches et InfoEx
  • Documentation sur la planification des activités du programme
  • Formulaires de rapport d’incident
  • Rapports et conditions météorologiques
  • Registres d’utilisation de l’équipement
  • Listes de contrôle préalables à l’utilisation de l’équipement
  • Registres d’entretien de l’équipement
  • Bons de travail pour les réparations
  • Rapports sur les blessures et les premiers soins
  • CV des guides

Gestion du stress lié à un incident critique

De nombreuses personnes participant aux programmes de plein air seront probablement confrontées à des situations dangereuses causées par la nature, des défaillances mécaniques ou l’humain. Bien qu’elles s’en remettent complètement assez souvent, d’autres en gardent parfois des séquelles. Les incidents critiques sont des événements traumatisants qui peuvent provoquer une forte réaction physiologique dans l’immédiat ou plus tard. Le stress généré est une réaction normale.

Un débreffage permet aux personnes directement et indirectement concernées d’en parler individuellement ou en groupe avec une personne formée au soutien des pairs ou un professionnel de la santé mentale. La gestion du stress à la suite d’un incident critique comporte des techniques d’intervention en cas de crise éprouvées par les personnes nécessitant de l’aide après avoir subi une situation grave ou traumatisante. L’objectif est de créer un sentiment de normalisation et d’appartenance et de rétablir des stratégies d’adaptation perturbées. Des approches de gestion du stress à la suite d’un incident critique (GSIC) figurent dans certaines sources, et les employeurs devraient tirer avantage des ressources pour leur personnel. Nommons entre autres :

  • Le secteur des activités en montagnes canadiennes (qui regroupe HeliCat Canada, la Canadian Avalanche Association, Avalanche Canada, l’association Backcountry Lodges de la Colombie-Britannique, l’Association canadienne des guides de montagne et l’Association des guides de ski canadiens) offre au personnel un programme de soutien par les pairs axé sur la GSIC (HeliCat Canada, s. d.).
  • Certains organismes provinciaux régissant les indemnisations des accidents du travail proposent de pareils services aux entreprises (WorkSafeBC, 2018).
  • Des services sont fournis par des professionnels de la santé mentale.
  • Les programmes de mentorat proposent des réseaux de soutien par des groupes de pairs (Mountain Muskox, 2022).

Listes de contrôle pour la communication en cas d’intervention

En plus des fonctions opérationnelles d’une intervention lors d’une crise, une bonne communication et la gestion des messages avec les médias, le public, les familles, le personnel, les assureurs, les avocats et les autres parties concernées sont de mise. Les listes de contrôle couvrent les trois premières heures d’une intervention, puis pour les premiers jours et les premières semaines, jusqu’à la fin l’événement (Coast Communications, 2020).

Première heure

  • Confirmer les faits avec la direction de l’établissement.
  • Mettre en branle le plan de communication en cas de crise et mobiliser l’équipe de gestion.
  • Rédiger des messages clés d’après le modèle Préoccupation/Action/Responsabilité. Préciser le qui, quoi, où, pourquoi, quoi, comment.
    • Quelle est la cause?
    • Quelle est l’intervention?
    • Quelles sont les prochaines étapes?
    • Quand a lieu la prochaine mise à jour?
    • Où trouver plus de renseignements?
  • Scruter les médias sociaux et traditionnels.
  • Faire des annonces ou des publications sur les médias sociaux (réviser avant de publier).
  • Déterminer la méthode de communication avec les médias, y compris la façon et le moment d’émettre une déclaration.
  • Confirmer les approbations (nommer l’approbateur de toute information publique) et mettre en œuvre des procédures simples.
  • Faire le suivi des demandes des médias
  • Évaluer les ressources, faire appel à une aide externe au besoin, sauvegarder tous les documents sur la crise dans un lecteur partagé.
  • Recommander les parties prenantes clés à contacter, l’ordre et le moyen, par exemple, communiquer avec les personnes responsables de la communication avec les organismes de régulation, les courtiers d’assurance, le gouvernement.
  • Activer un site Web destiné aux communications en période de crise le cas échéant (c’est-à-dire une page officieuse en attente) ou mettre rapidement à jour la page d’accueil pour que l’information pertinente y figure.
  • Désigner un porte-parole et l’informer immédiatement.

Deuxième à troisième heure

  • Communiquer avec l’équipe du service des communications et la direction, y compris les conseillers externes.
  • Scruter les médias sociaux et traditionnels et envoyer des trousses à l’équipe principale.
  • Mettre à jour l’information régulièrement (fournir des mises à jour dans les médias sociaux que les parties prenantes peuvent publier, appeler les journalistes, corriger toute erreur d’information).
  • Publier toute nouvelle information, y compris les déclarations sur le site Web ou les médias sociaux, s’il y a lieu.
  • Rendre compte à l’équipe des demandes et des commentaires des médias, des principales parties concernées et du public, et mettre l’accent sur les mises à jour et analyses verbales pendant les premières heures, mais transmettre les rapports écrits par courriel.
  • Penser au prochain cycle de mises à jour importantes à l’intention des médias et du public.
  • Informer l’assureur et l’avocat selon les besoins dans le cadre des mises à jour quotidiennes.
  • Déterminer le moment de la prochaine conférence de presse ou du prochain communiqué.
  • Passer en revue les messages clés et les mettre à jour en fonction de l’évolution de l’information.
  • Faire un débreffage et faire appel aux partenaires et aux responsables de validation.
  • Prendre le pouls des membres de l’équipe : comment s’en sortent-ils? Comment se porte leur santé physique et santé mentale?

Fin de la première journée

  • Publier un rapport dans les médias sociaux et traditionnels. Fournir des analyses et des conseils :
  • Déterminer les enjeux majeurs. Quels sont les renseignements à corriger? Dans quelle mesure le message est-il bien reçu? Quels sont les commentaires des partenaires?
  • Penser à la suite : quelle est la prochaine phase des rapports? Comment bien planifier?
  • Déterminer si des ressources sont nécessaires pour alléger la pression sur la première équipe (par exemple, si les entretiens avec des médias se poursuivent en soirée).
  • Confirmer avec l’équipe d’intervention ses projets et ses besoins pour le lendemain.
  • Confirmer que tous les entretiens médiatiques sont autorisés.

Fin de la deuxième journée

  • Confirmer les ressources pour la journée.
  • Mettre à jour les messages importants en fonction de l’évolution de l’information.
  • Évaluer les répercussions à long terme sur la réputation, mettre à jour le plan de communication au besoin.
  • Communiquer avec les principales concernées et divulguer les mises à jour si nécessaire.
  • Disposent-elles d’information à jour?
  • Quelle information reçoivent-elles?
  • Peuvent-elles contribuer à diffuser des messages clés?

Fin de l’incident

  • Monter un rapport de synthèse.
  • Évaluer et suivre les prochaines échéances (rapports, enquêtes, etc.)
  • Appeler les principaux partenaires et les parties concernées et envoyer des courriels de remerciement.

Bibliographie

À propos de l’auteur

Ross Cloutier

Bhudak Consultants Ltd.

Ross cumule plus de 40 ans d’expérience en tant que guide, propriétaire d’entreprise, chercheur universitaire et consultant dans le domaine du tourisme d’aventure. Il dirige Bhudak Consultants Ltd, une société de conseil établie à Kamloops, en Colombie-Britannique et est également directeur général d’HeliCat Canada, la corporation d’héliski et de ski en dameuse au Canada. Ross est le fondateur et ancien président du département des études d’aventure à l’Université de Thompson Rivers et est titulaire d’un MBA en commerce international.

 

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L’article Mesures d’intervention après un incident (2024), par Ross Cloutier, est distribué sous la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les mêmes conditions 4.0 International, sauf indication contraire.

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L’apprentissage en plein air au Canada Droit d'auteur © par Simon Priest; Stephen Ritchie; et Daniel Scott est sous licence License Creative Commons Attribution - Pas d’utilisation commerciale - Partage dans les mêmes conditions 4.0 International, sauf indication contraire.

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