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AMÉLIORER LE SOUTIEN AUX PROGRAMMES AUTOCHTONES AXÉS SUR LA TERRE DANS LES TERRITOIRES DU NORD-OUEST

Debbie DeLancey et Sabrina Broadhead

Remerciements : Le présent chapitre n’aurait jamais vu le jour sans le soutien des principaux leaders du groupe NWT On The Land Collaborative et du programme Supporting Wellbeing. Nous tenons à remercier les personnes suivantes pour leur contribution : Stephen Ellis, chargé de programme, Nord du Canada, MakeWay; Kyla Kakfwi-Scott, sous-ministre adjointe, Services généraux et Sécurisation culturelle, ministère de la Santé et des Services sociaux du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest; et Rachel Cluderay, directrice de projet, Supporting Wellbeing.

Le Canada reconnaît et comprend de plus en plus l’importance des programmes axés sur la terre dans les contextes culturels autochtones. Les programmes axés sur la terre peuvent être conçus et mis en place pour atteindre divers objectifs dans les communautés autochtones et procurer un éventail de bienfaits, dont l’approfondissement des liens intergénérationnels, la transmission du savoir traditionnel et les occasions de guérison (McDonald, 2023; Redvers, 2020; Walsh et Sommerfield, 2018; Wildcat, McDonald, Irlbcher-Fox et Coulthard, 2014; Zoe, 2018). Un programme axé sur la terre se définit comme suit :

Un programme ou service défini sur le plan culturel, qui est donné dans un lieu urbain, naturel, rural ou éloigné et qui comporte des enseignements culturels et un transfert intergénérationnel du savoir combinés à toute une gamme d’autres activités ou objectifs. Ces programmes sont guidés par une pédagogie autochtone voulant que la terre soit la principale source de savoir et de guérison (Redvers, 2020, p. 90).

Valeur et bienfaits

Les humains sont plus heureux et en santé lorsqu’ils vivent une connexion avec le monde naturel. De plus en plus d’ouvrages scientifiques ancrés dans les systèmes de connaissances occidentaux confirment cette affirmation, comme le résume le rapport du Conseil canadien des parcs de 2014 Connecter les Canadiens à la nature, qui souligne l’importance du contact avec la nature comme facteur de bien-être individuel et sociétal (Conseil canadien des parcs, 2014).

L’Institut Yellowhead a récemment publié un rapport offrant une vue d’ensemble exhaustive de la littérature actuelle en lien avec la valeur et les bienfaits des programmes autochtones axés sur la terre, qui fait l’observation suivante :

La plupart, si ce n’est la totalité, des programmes axés sur la terre sont conçus pour produire de multiples résultats et bienfaits interreliés pour la santé mentale, émotionnelle et physique de l’humain; l’intendance environnementale; la confiance culturelle et le savoir autochtone; les compétences pratiques et techniques; et une compréhension et maîtrise approfondies de concepts essentiels comme le colonialisme de peuplement, la gouvernance et l’autodétermination des peuples autochtones (McDonald, 2023, p. 9).

Les auteurs autochtones font la distinction entre l’apprentissage en plein air ou les programmes axés sur les lieux, où les plans de cours peuvent se fonder sur les contextes environnementaux locaux, mais restent ancrés dans l’approche occidentale de l’apprentissage, et les programmes autochtones axés sur la terre, qui reposent sur les pédagogies autochtones, intègrent les visions autochtones du monde et comprennent souvent un objectif de renforcement du lien à la terre, à la culture et à l’autodétermination des peuples autochtones (Cluderay, Mainville, Simpson et Wrightson, 2022; McDonald, 2023). Cluderay et coll. (2022) font remarquer que, même si l’apprentissage en plein air et les programmes axés sur la terre ont de nombreuses caractéristiques en commun, l’éducation en plein air n’est pas une éducation axée sur la terre, car elle ne s’articule pas autour des pédagogies et épistémologies autochtones. Le simple fait d’emmener un groupe à l’extérieur pour faire du canot, de la randonnée pédestre ou du ski n’est pas suffisant pour affirmer que ce sont des activités « axées sur la terre » (Cluderay et coll., 2022, p. 52).

Le présent chapitre met l’accent sur les programmes axés sur la terre tels que définis par Redvers (2020, p. 95), c’est-à-dire des programmes fondés sur une « connexion ressentie qui s’est bâtie au fil des générations, qui est transmise par tradition orale et qui ne peut être comprise que par des expériences ou pratiques directes ».

Le rôle des programmes autochtones axés sur la terre comme facteur contributif du bien-être collectif et individuel et de la résurgence culturelle des peuples autochtones est largement reconnu. Son importance a été soulignée dans un grand nombre d’articles universitaires et de rapports demandés par divers organes gouvernementaux (DeLancey, 2023; gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, 2013; McDonald, 2023; Redvers, 2020; Walsh et Sommerfield, 2018). Les Territoires du Nord-Ouest à eux seuls ont publié plusieurs rapports gouvernementaux majeurs au cours des dix dernières années qui relèvent le rôle essentiel des programmes axés sur la terre sur le bien-être collectif et individuel. Par exemple, un rapport de 2013 présentant les résultats d’un forum sur les dépendances et le bien-être communautaire, dirigé par les citoyen.ne.s, insiste sur le fait qu’investir davantage dans les programmes axés sur la terre constitue LA solution pour lutter contre les dépendances (gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, 2013). Par ailleurs, un examen des services à l’enfance et à la famille a révélé en 2022 que les résident.e.s du territoire voient les programmes axés sur la terre comme la ressource la mieux cotée pour les familles qui ont besoin de soutien (Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest, 2022).

Les médias canadiens citent souvent les programmes axés sur la terre comme étant la démonstration de la résilience et la résurgence culturelle autochtones (p. ex., Galloway, 2018; Johnson, 2019). Comme l’explique Broadhead dans une communication personnelle (2023), la colonisation a enlevé aux peuples autochtones la possibilité de vivre et d’adopter ce qui était autrefois leur mode de vie traditionnel. Participer à des programmes axés sur la terre permet de « retrouver des parties de soi que l’on a perdues », de lier les gens à leur famille et à leur histoire, et de rebâtir sa connexion à la terre, à sa culture et à son mode de vie après que des générations entières ont été privées de cette expérience.

Même si l’importance et l’efficacité des programmes axés sur la terre sont largement reconnues, les groupes et organismes autochtones peinent à mettre ces programmes en œuvre, principalement en raison de problèmes d’effectifs et de financement. Les programmes axés sur la terre relèvent d’un « domaine professionnel interdisciplinaire complexe et hautement perfectionné » (Redvers, 2020, p. 95) et la prestation de ce type de programme en contexte actuel exige que l’on investisse dans les infrastructures, les transports, le personnel enseignant et de soutien et les assurances, entre autres coûts (Wildcat et coll., 2014; Jensen, Andrew et Simmons, 2021). Les conséquences multigénérationnelles de la colonisation et de la dépossession territoriale ont fait en sorte que bon nombre d’Autochtones sont aujourd’hui dépourvu.e.s non seulement d’expérience et de compétences en matière d’activités axées sur la terre, mais aussi de l’équipement de base nécessaire à la pratique de ces activités. Les organismes de prestation des programmes sont donc souvent tenus d’équiper les participant.e.s et de fournir par exemple des vêtements d’hiver appropriés, des outils, des tentes, des gilets de sauvetage, etc.

La mise en œuvre de la plupart des programmes dépend d’un soutien financier externe de la part d’organismes gouvernementaux ou d’organisations philanthropiques, ce qui alourdit le fardeau administratif lié à la préparation de demandes de financement et au respect des exigences d’évaluation et de création de rapports. Ces programmes sont généralement donnés par des gouvernements autochtones fondés sur la communauté ou des groupes locaux ou régionaux sans but lucratif dotés d’effectifs insuffisants pour répondre à ces exigences. De plus, pour les communautés autochtones, les activités axées sur la terre ont une valeur intrinsèque, tandis que les organismes de financement de la société majoritaire ont plutôt tendance à cibler des activités ou résultats attendus précis (p. ex., appuyer les jeunes à risque, offrir des cours de langue autochtone ou guérir les dépendances). Cette différence de vision représente un autre obstacle pour les organismes locaux, qui se voient parfois forcés d’obtenir du financement auprès de diverses sources pour parvenir à offrir un programme intégré répondant aux besoins des résident.e.s de la communauté (Dotto, 2020; Redvers, 2020).

Pour pallier ces obstacles, des soutiens institutionnels pour les programmes autochtones axés sur la terre commencent à apparaître partout au Canada. Par exemple, le gouvernement fédéral a récemment annoncé la création d’un réseau national financé en grande partie par le gouvernement du Canada visant à simplifier le financement et le renforcement des effectifs pour les programmes donnés par des gardiens autochtones (Wood et Cruikshank, 2022). Le présent chapitre décrit le travail collaboratif sur l’élaboration de politiques et se penche particulièrement sur deux innovations conçues dans les Territoires du Nord-Ouest (T.N.-O.) pour combattre ces difficultés et offrir un meilleur soutien aux organismes et communautés autochtones qui souhaitent offrir un accès aux programmes axés sur la terre. Ces deux projets sont les groupes NWT On The Land Collaborative et Supporting Wellbeing et seront abordés plus loin dans le chapitre.

Collaboration sur l’élaboration de politiques

En 2018, un atelier rassemblant des spécialistes de l’éducation axée sur la terre de tout le Nord du Canada a été organisé à Yellowknife (T.N.-O.) pour discuter des meilleures méthodes d’évaluation efficaces et respectueuses de la culture pour les programmes axés sur la terre et dirigés par des Autochtones. L’atelier est né d’une collaboration entre le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest (GTNO), le ministère de la Santé et des Services sociaux, la fondation Tides Canada (devenue MakeWay), l’Office des ressources renouvelables du Sahtú, le centre de soutien à la recherche Hotıì ts’eeda et la NWT Recreation and Parks Association (NWTRPA). Les personnes organisatrices de la rencontre espéraient amorcer l’élaboration de stratégies communes pour évaluer les programmes axés sur la terre et préparer ainsi le terrain pour la conception d’un ensemble d’outils et de méthodes pouvant être utilisés par les prestataires de tels programmes dans le Nord du Canada. Les participant.e.s ont parlé de leur expérience quant à l’évaluation et au compte rendu de leurs programmes, en plus d’examiner les soutiens externes pouvant appuyer ce projet.

La rencontre s’est conclue par un consensus selon lequel il serait pertinent de poursuivre le projet afin de fournir un soutien et des outils d’évaluation aux programmes axés sur la terre. Les participant.e.s ont également relevé des lacunes dans la littérature actuelle sur les programmes axés sur la terre, et ont conclu que l’accès à une ressource commune regroupant toutes les données probantes sur l’efficacité de tels programmes s’avérerait un soutien pertinent pour les personnes qui assurent leur mise en œuvre. Les participant.e.s ont aussi exprimé leur frustration quant au volume de temps et d’efforts administratifs que leurs organismes et communautés devaient investir pour prouver la valeur des programmes axés sur la terre dans leurs demandes de financement, d’autant plus que la plupart dépendent de diverses sources de financement externes pour assurer la prestation du programme. La création d’un document unique et convaincant pouvant à la fois faire office de revue de la littérature et de description narrative des répercussions des programmes axés sur la terre pourrait non seulement alléger le fardeau administratif des prestataires de programme, mais aussi contribuer à influencer les gouvernements et les bailleurs de fonds philanthropiques.

Cette idée n’est pas tombée dans l’oubli, car en 2021, quatre des commanditaires de l’atelier (MakeWay, NWTRPA, ministère de la Santé et des Services sociaux et Hotıì ts’eeda) ont alloué des fonds et des apports en nature au soutien de ce projet et à l’amorce du processus de sélection d’érudit.e.s autochtones ayant une expérience et une expertise approfondies dans la planification et la prestation de programmes axés sur la terre pour relever le défi. Leurs efforts ont abouti à la publication récente d’un rapport extraordinaire intitulé Indigenous Land-Based Education in Theory and Practice, accessible grâce à un partenariat avec l’Institut Yellowhead (McDonald, 2023). Ce rapport s’appuie sur de récents ouvrages universitaires et accessibles au public pour mettre en lumière les bienfaits des programmes axés sur la terre, selon cinq thèmes précis : autodétermination autochtone; santé et bien-être; intendance environnementale; réconciliation et justice climatique; et méthodologies d’évaluation. Bien que sa conception ait pris plusieurs années, ce document fondamental est enfin accessible comme ressource publique en appui aux prestataires de programmes axés sur la terre et comme politique de référence pour les organismes de financement et décideur.euse.s politiques qui souhaitent mieux comprendre l’importance d’investir dans les projets d’éducation axée sur la terre.

NWT On The Land Collaborative

Le groupe Northwest Territories On The Land Collaborative (OTLC) est un partenariat entre des gouvernements, des organismes non gouvernementaux et à but non lucratif et des entreprises qui procure un moyen de combiner les efforts de ces intervenants et de faciliter l’accès des gouvernements, communautés et organismes communautaires autochtones à du financement et à d’autres ressources pour des projets axés sur la terre. La fondation TIDES Canada (devenue MakeWay) et le ministère de la Santé et des Services sociaux du GTNO ont organisé en 2014 un atelier rassemblant des représentant.e.s du gouvernement, des entreprises et de bailleurs de fonds philanthropiques afin d’obtenir directement l’opinion des organismes prestataires de programmes axés sur la terre quant aux meilleurs moyens de les soutenir. À l’issue de cet atelier, les participant.e.s ont conclu qu’une collaboration entre les bailleurs de fonds permettrait d’augmenter les sommes de financement disponibles et l’efficacité des bailleurs de fonds, de réduire considérablement la charge administrative pour les demandeurs et d’offrir des occasions d’apprentissage partagées, ce qui serait avantageux tant pour les bailleurs de fonds que pour les prestataires de programmes. Ce constat a donné lieu à la création de l’OTLC.

Parmi les premiers partenaires de l’OTLC figuraient TIDES Canada et le GTNO, qui ont conjointement dirigé la création du fonds, de même que la Dominion Diamond Ekati Corporation, la NWT Recreation and Parks Association, TNC Canada, l’Initiative de leadership autochtone, la Fondation de la famille J.W. McConnell ainsi que sept gouvernements autochtones régionaux (la Société régionale inuvialuite, le Conseil tribal des Gwich’in, les Nations des Métis des Territoires du Nord-Ouest, les Premières Nations du Dehcho, le gouvernement tłı̨chǫ, le Sahtú Secretariat Incorporated et le gouvernement du territoire d’Akaitcho), lesquels ont chacun nommé un.e conseiller.ère communautaire pour assister aux réunions de l’OTLC. Au cours de l’année 2015, les partenaires du groupe ont conçu la structure et déterminé les activités de l’OTLC, en organisant des rencontres fréquentes pour étudier les modèles d’autres territoires et en élaborant un processus de financement clair et facile à utiliser. Les discussions portaient sur les principaux éléments de conception suivants :

  • Gouvernance et processus décisionnels
  • Rôle des conseiller.ère.s communautaires
  • Rôles et responsabilités des partenaires financiers
  • Description détaillée d’une procédure de demande de renseignements et de soumission de propositions facile à utiliser
  • Méthodes pour communiquer efficacement un appel à candidatures

À la fin de l’année, les partenaires étaient prêts à mettre une version pilote de l’OTLC à l’essai et ont publié le premier appel à candidatures. La procédure de candidature avait été conçue pour être claire et simple, ce qui a permis de réduire le fardeau administratif des personnes qui soumettaient leur candidature. L’admission de candidat.e.s au projet pilote visait à préciser et à parfaire la procédure de candidature et le processus décisionnel, mais a finalement servi à élaborer quelques lignes directrices : par exemple, les partenaires ont décidé d’accorder la priorité aux projets qui amenaient réellement les participant.e.s sur la terre, plutôt que d’investir dans des infrastructures ou de l’équipement, et ont établi un seuil minimal de 1 000 $ pour les projets admissibles. Les conseiller.ère.s communautaires devaient entre autres répondre aux questions des candidat.e.s de leur région géographique respective et les appuyer dans l’élaboration de leurs propositions.

À sa première offre de financement, l’OTLC pouvait octroyer un peu plus de 380 000 $. L’appel à candidatures a été lancé en novembre 2015, avec une période de réception des candidatures de deux mois. À la clôture de la période de candidature, plus de 200 demandes en provenance des quatre coins des Territoires du Nord-Ouest avaient été reçues; les demandes de financement totalisaient près de 9 M$. L’examen de cette première série de candidatures a permis d’orienter l’élaboration d’autres critères pour la prise de décisions, notamment l’exclusion de tout projet duquel les promoteur.trice.s pourraient obtenir un gain financier personnel.

Un total de 27 projets ont pu être financés en 2016, totalisant un financement de 385 000 $, une somme légèrement supérieure à celle offerte au départ par les partenaires. Cette augmentation témoigne d’un bienfait inattendu du processus de l’OTLC : les partenaires choisissent parfois d’augmenter leur contribution pour financer un projet précis qui correspond aux priorités de financement de leur organisation. De plus, les partenaires peuvent être en mesure d’utiliser leur réseau et leur expertise pour orienter les candidat.e.s vers d’autres sources de financement ou les mettre en contact avec des ressources locales pour accéder à des infrastructures ou de l’équipement, ce qui représente un autre avantage pour les candidat.e.s. Par exemple, lorsque des candidat.e.s communautaires incluent dans leur proposition une demande de formation de leadership en plein air (premiers soins en nature, sécurité en canot, etc.), la NWT Recreation and Parks Association est souvent en mesure de couvrir cette portion de la demande de financement avec ses voies de financement existantes.

Depuis ce premier appel en 2016, le groupe NWT OTLC a augmenté annuellement la somme de financement offert, perfectionné ses processus de financement et augmenté le nombre de partenaires contribuant au financement. De 2016 à 2022, l’OTLC a financé 323 projets dans toutes les régions des Territoires du Nord-Ouest, allouant une somme totale de 5,9 M$ en fonds aux organismes, gouvernements, écoles, organismes non gouvernementaux, gouvernements communautaires et particuliers autochtones pour la prestation de projets axés sur la terre. Le montant des subventions variait, mais s’élevait en moyenne à 18 000 $ par projet. L’examen approfondi de 132 projets montre que les activités soutenues par l’OTLC comprennent une vaste gamme de compétences traditionnelles et de plein air, notamment l’établissement d’un campement, la préparation autochtone de nourriture, l’exploitation de la faune, les connaissances sur les plantes et les arbres, la couture, le tambour, la raquette, la sécurité en nature, l’apprentissage des langues autochtones et la transmission orale de l’histoire (Dotto, 2021).

À l’exception d’un partenaire, tous les premiers partenaires sont demeurés actifs (quoique certains organismes aient évolué et changé de nom) et de nouveaux partenaires ont joint le groupe, dont RBC, la Gordon Foundation et plusieurs autres ministères du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Le montant du financement annuel offert par l’OTLC a quelque peu fluctué au fil des ans en raison de l’injection occasionnelle et temporaire de fonds destinés à financer des projets spéciaux, mais il se situe généralement entre 900 000 $ et 1 M$. Au fil du temps, la vision de l’OTLC s’est cristallisée et est décrite comme suit sur le site Web du groupe :

Aujourd’hui, la NWT On The Land Collaborative fournit des fonds, des ressources et du soutien aux programmes centrés sur l’éducation axée sur la terre et la revitalisation culturelle. La participation des jeunes est une composante très importante de ces programmes, tout comme le développement de compétences et l’acquisition de connaissances pour améliorer la résilience et la force de la communauté. Nous appuyons les projets qui rétablissent les modes de vie traditionnels, prônent la justice et bâtissent des économies plus solides. Les subventions contribuent également à la mise en œuvre de programmes d’intendance et de surveillance environnementale qui garantissent la santé des terres pour les générations à venir. La santé mentale, les dépendances, la guérison et le bien-être des familles sont des préoccupations dans les communautés de l’ensemble des Territoires du Nord-Ouest, et sont par conséquent des priorités pour le groupe (NWT On The Land Collaborative, s. d.).

Les processus administratifs de l’OTLC se sont peaufinés au fil du temps, évoluant vers un processus décisionnel annuel qui s’amorce chaque année avec un appel à candidatures ouvert en septembre suivi d’une période de réception des candidatures finissant en début novembre. Les partenaires de l’OTLC se plongent ensuite dans un processus d’examen intensif de trois jours qui commence par une réunion des conseiller.ère.s communautaires afin d’évaluer toutes les candidatures et de les classer en trois catégories aux fins d’examen par les bailleurs de fonds. Le lendemain de cette rencontre, tous les partenaires se réunissent et les conseiller.ère.s communautaires présentent un résumé de leur évaluation aux bailleurs de fonds, lesquels se rencontrent le jour suivant pour décider entre eux de la meilleure façon d’allouer le financement disponible aux projets recommandés. Le processus repose sur une méthode de consensus : l’opinion de chaque membre de l’OTLC a une valeur équivalente, peu importe leur contribution au soutien administratif ou au financement proprement dit.

En 2019, l’OTLC a demandé la création d’un rapport de synthèse rétrospectif pour évaluer l’impact de son travail et orienter les programmes futurs. Le rapport a été mis à jour en 2021 afin d’intégrer les conclusions tirées des rapports individuels de 132 projets envoyés par 80 bénéficiaires de subventions différents. Ce rapport résumait comme suit les répercussions des programmes axés sur la terre, confirmées par les rapports de projet (Dotto, 2021, p. 4-16) :

  • Le fait de passer du temps sur la terre revigore et renforce les liens qui unissent les participant.e.s du programme à la terre, liens qui sont traditionnels, radicaux et qui prônent l’anticolonialisme…
  • Les programmes axés sur la terre engendrent en toutes saisons diverses occasions pour les membres de la communauté, en particulier les jeunes, d’apprendre des compétences axées sur la terre et d’approfondir leur connexion à la culture et au mode de vie autochtones…
  • Les programmes axés sur la terre rapprochent les Aîné.e.s des jeunes et des autres membres de la communauté, renforçant ainsi les liens intergénérationnels et offrant aux Aîné.e.s la possibilité de transmettre leur savoir, leurs compétences et leur langue…
  • Les programmes axés sur la terre cultivent l’estime de soi, la persévérance, la confiance, le leadership et la coopération…
  • Les programmes axés sur la terre procurent aux communautés et à leurs membres des ressources vitales, comme les aliments traditionnels et le bois de chauffage…
  • Les programmes axés sur la terre favorisent des attitudes d’intendance chez les participant.e.s, qui s’efforcent ensuite de préserver et d’améliorer le bien-être de la terre.

Tout d’abord, l’existence même de l’OTLC est fondée sur la conviction que les programmes axés sur la terre possèdent une valeur intrinsèque et que les communautés autochtones sont les mieux placées pour savoir quels programmes répondront le mieux à leurs besoins. Ainsi, il n’incombe pas aux candidat.e.s de démontrer pourquoi les programmes axés sur la terre sont pertinents et méritent d’être financés. D’un point de vue pratique, le regroupement en un seul endroit des fonds offerts et l’octroi de ces fonds selon une seule procédure de candidature allègent aussi le fardeau administratif pour les candidat.e.s, qui autrement pourraient devoir préparer plusieurs demandes de financement auprès de plusieurs organismes dotés de critères d’admissibilité et de formulaires de candidature légèrement différents.

L’OTLC se distingue de presque toutes les autres possibilités de financement pour les programmes autochtones axés sur la terre grâce à un principe clé : il permet aux candidat.e.s de décrire leur propre vision du programme proposé et de mettre l’accent sur la valeur et les bienfaits perçus sans devoir classer le programme dans une catégorie prédéterminée de résultats attendus. Redvers (2020, p. 96) décrit la « malencontreuse ironie » de la tendance occidentale à vouloir restreindre les activités aux programmes, et observe que les prestataires de programmes axés sur la terre ont l’impression de « devoir maintenant adapter leur mode de vie au concept occidental de “programme” afin que ce mode de vie puisse perdurer ». En offrant cette liberté aux candidat.e.s, les organismes de financement peuvent répondre aux besoins et priorités des communautés plutôt qu’exiger qu’elles adaptent leurs programmes aux priorités des bailleurs de fonds. Les membres de longue date de l’OTLC ont remarqué qu’à leur adhésion à l’OTLC, les représentant.e.s d’organismes de financement tentent souvent de pousser l’OTLC à définir des programmes qui correspondent mieux à leurs priorités organisationnelles, mais l’OTLC a refusé de céder à cette pression et est demeuré fidèle à sa conviction sous-jacente de privilégier les visions autochtones.

La structure de l’OTLC permettant aux partenaires de financement de partager les processus administratifs fournit une grande souplesse et lui permet de tirer parti de toute la gamme d’outils de financement offerts à l’ensemble des partenaires. Les bailleurs de fonds gouvernementaux et philanthropiques sont contraints par des politiques et règlements qui limitent leur capacité à financer certain.e.s candidat.e.s, mais travailler ainsi ensemble leur permet d’utiliser les outils idéaux pour chaque situation. Les exigences gouvernementales en matière de responsabilité peuvent imposer un fardeau administratif aux programmes communautaires, c’est pourquoi la majorité des fonds de l’OTLC sont acheminés à MakeWay, qui est en mesure de financer les candidat.e.s admissibles sous la forme d’une subvention associée de très peu d’exigences de compte rendu. Cependant, puisque MakeWay est un organisme de bienfaisance enregistré, il peut seulement financer des organismes considérés comme des donataires qualifiés par l’Agence du revenu du Canada. Si un.e candidat.e admissible ne passe pas le test de l’ARC, le financement qui lui sera attribué proviendra alors d’un accord de contribution avec l’un des ministères participants du GTNO.

Une autre caractéristique innovante de l’OTLC est qu’il offre aux candidat.e.s des avantages au-delà du financement de programme. Les conseiller.ère.s communautaires nommé.e.s par les gouvernements autochtones régionaux sont des animateur.trice.s d’activités axés sur la terre extrêmement compétent.e.s et agissent non seulement comme premier point de contact pour les propositions de financement, mais fournissent en plus des conseils sur une variété de sujets liés à l’élaboration de programmes. Les conseiller.ère.s communautaires travaillent aussi avec les candidat.e.s communautaires pour déterminer les lacunes et points à améliorer dans leurs ébauches de proposition, ce qui leur donne l’occasion, à la lumière des commentaires reçus, de les réviser et les étoffer avant de les soumettre. Les conseiller.ère.s communautaires sont souvent en mesure de mettre les promoteur.trice.s de programmes en contact avec d’autres groupes locaux ou régionaux pouvant partager des infrastructures, transmettre des connaissances et offrir des formations ou d’autres ressources. Les organismes de financement qui siègent à l’OTLC acceptent souvent de financer des propositions précises qui n’ont pas été recommandées par les conseiller.ère.s communautaires, mais qui s’intègrent bien dans d’autres flux de financement. Enfin, la structure de l’OTLC fournit une tribune où échanger points de vue et enseignements et où les bailleurs de fonds peuvent développer une compréhension plus nuancée de l’importance des programmes axés sur la terre.

Le concept et l’approche de l’OTLC sont sans contredit une réussite. En huit ans d’activité, le groupe a connu un volume stable d’adhésions, a attiré de nouveaux bailleurs de fonds et a plus que doublé le montant offert pour financer les programmes axés sur la terre et sur la communauté grâce à son approche unique. Les membres de l’OTLC n’ont pas cédé à la pression les poussant à reprendre un modèle de financement plus traditionnel où la réussite dépend des priorités des bailleurs de fonds. De plus, grâce à des contributions administratives en nature, les membres ont pu maintenir leurs activités administratives au minimum et ainsi éviter de détourner une partie des fonds disponibles pour couvrir des frais administratifs.

Au fur et à mesure que les conseiller.ère.s communautaires ont élargi leurs réseaux et aidé les organismes locaux et régionaux à parfaire leurs propositions de programmes, les membres de l’OTLC ont constaté une augmentation graduelle de la qualité des soumissions et de la capacité des organismes locaux à fournir des programmes axés sur la terre efficaces et bien structurés.

Cette réalisation a été reconnue à l’échelle nationale et territoriale. En 2017 et 2018, l’OTLC a reçu le Prix d’excellence du premier ministre du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, lequel est décerné aux partenariats pour « l’excellence, l’innovation et le dévouement dont [ils] ont fait preuve » (gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, s. d.). Puis en 2021, le groupe a reçu le Prix pour les partenaires de l’Association canadienne des parcs et loisirs, qui honore les partenaires dont la collaboration, la créativité et l’innovation enrichit la santé individuelle et le bien-être collectif et améliore la communauté des parcs et loisirs au Canada (rapport annuel du NWT OTLC, 2022, p. 6).

La croissance de l’OTLC n’a pas été sans embûches. Le débat sur la définition des programmes « axés sur la terre » se poursuit, comme on le constate ici :

La question à savoir ce qui définit un programme « axé sur la terre » continue d’être débattue à l’OTLC. De façon générale, le groupe aimerait voir des projets qui dépassent les frontières municipales. Toutefois, nous sommes conscient.e.s qu’un certain nombre de facteurs (sécurité, type de groupe, équipement et financement) peuvent empêcher les organismes d’étendre la portée de leur programme. Il est essentiel de comprendre ce que signifie « axé sur la terre » dans le contexte des candidat.e.s et des personnes à qui leur programme s’adresse (rapport annuel du NWT OTLC, 2017, p. 4).

L’OTLC s’est surtout concentré sur l’apprentissage par l’expérience, en commençant par l’élaboration d’un ensemble assez restreint d’exigences et de politiques pour ensuite se consacrer au fil du temps à la création de lignes directrices. Après près de dix ans d’activités, les membres reconnaissent qu’il est peut-être temps de mieux codifier leurs lignes directrices et leurs pratiques et hypothèses opérationnelles, d’autant plus que de nouveaux partenaires de financement sont incités à se joindre à l’OTLC.

Comme c’est le cas pour de nombreux organismes et projets, les occasions de sensibilisation, de réseautage et de croissance se sont faites plus rares dans les dernières années, puisque les activités ont été grandement limitées par les restrictions imposées par la pandémie de COVID-19. L’OTLC a récemment recruté trois nouveaux partenaires de financement : Transports Canada, Google et la Fondation BHP. Au fur et à mesure que les activités retrouvent leur rythme normal, le groupe espère se réinvestir dans la sensibilisation et le recrutement proactifs pour attirer davantage de partenaires.

Les bailleurs de fonds membres de l’OTLC ont la possibilité d’augmenter leur contribution. On constate actuellement une variation considérable des contributions des différents bailleurs de fonds, celles-ci variant de 10 000 $ à 300 000 $ par année. Jusqu’à maintenant, l’OTLC n’a pas fixé de contribution minimale et a accordé à chaque organisme de financement un poids égal dans la prise de décision. Bien qu’en constatant la valeur de l’OTLC, certains bailleurs de fonds aient augmenté leur contribution annuelle au fil du temps, d’autres n’ont rien fait de tel, et certains membres pensent qu’il est peut-être temps d’imposer des exigences minimales aux partenaires ayant la capacité d’apporter une contribution plus importante.

D’autres territoires ont remarqué le succès du modèle de l’OTLC et demandent des renseignements aux partenaires du groupe sur ses activités. Compte tenu du succès que connaît l’OTLC, le groupe planifie actuellement un prochain atelier afin de faire part des réussites et leçons tirées de son expérience aux parties intéressées d’autres territoires.

Supporting Wellbeing

Supporting Wellbeing est un programme de formation qui fournit des outils et ressources aux personnes offrant des programmes axés sur la terre, afin de les préparer à atténuer et prendre en charge les problèmes de santé mentale des participant.e.s par des activités axées sur la terre. Ce projet est né de l’expérience de plusieurs chargé.e.s de programmes axés sur la terre des Territoires du Nord-Ouest, qui se sont réuni.e.s en 2018 dans le cadre d’un atelier commandité par la Northwest Territories Recreation and Parks Association (NWTRPA) et l’Office des ressources renouvelables de Sahtú pour discuter des obstacles rencontrés dans leurs programmes. Lors de cet atelier, une insistance a été mise sur le fait que bon nombre de participant.e.s et de membres du personnel de ces programmes vivent avec des traumatismes, et les chargé.e.s de programme ont soulevé la pertinence d’une formation propre au contexte nordique sur les soins tenant compte des traumatismes et sur la façon de gérer les problèmes de santé mentale (site Web du programme Supporting Wellbeing, s. d.).

Des représentant.e.s du personnel de la NWTRPA, de la Société régionale inuvialuite (SRI) et des Premières Nations du Dehcho (PND), trois chefs de file reconnus dans le soutien aux programmes autochtones axés sur la terre dans les Territoires du Nord-Ouest, ont ensuite uni leurs forces en 2020 pour former un comité directeur et amorcer l’élaboration d’un programme de formation exhaustif propre au contexte nordique et fondé sur les pédagogies et voies du savoir autochtones.

La composition du comité directeur comprenait des représentant.e.s des gouvernements et organismes autochtones et des personnes engagées dotées d’une expérience dans la prestation de programmes axés sur la terre, recruté.e.s des quatre coins des Territoires du Nord-Ouest. Le financement initial du projet provenait de plusieurs sources, notamment : Rio Tinto, le Dechinta Centre for Research and Learning, MakeWay, Nature Unie, Hotıì ts’eeda (unité de soutien SRAP des T.N.-O.), la Société régionale inuvialuite et les loteries du Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest (site Web de Supporting Wellbeing, s. d.). Le comité directeur a établi quelques règles de base pour la formation :

  1. La formation Supporting Wellbeing doit être faite dans le Nord et s’appuyer sur l’expertise et les expériences des peuples autochtones.
  2. Le programme doit être divisé en modules pour permettre aux personnes-ressources de l’adapter aux besoins des communautés et groupes spécifiques.
  3. La formation doit dénoter une sensibilité culturelle : pour promouvoir la sécurisation culturelle et pour agir en faveur de la décolonisation, la formation doit adopter les approches autochtones pour prévenir, aborder et guérir les participant.e.s de leurs traumatismes.
  4. La formation doit tenir compte des traumatismes (Supporting Wellbeing, 2022).

Ces décisions prises tôt dans le processus ont permis de définir les valeurs du projet :

  • Réciprocité : Entretenir une relation de respect réciproque à l’égard de soi, de la terre et des autres humains.
  • Inclusion : Faire preuve d’acceptation, se montrer accueillant.e, agir en faveur de la diversité et reconnaître les forces de chacun.e.
  • Responsabilité : Avoir un sens de responsabilité mutuelle avec soi-même, ses partenaires, la terre et les autres humains.
  • Bien-être : Équilibrer et nourrir simultanément les aspects mental, physique, émotionnel et spirituel pour créer un bien-être holistique où les quatre dimensions de l’être sont saines et solides.
  • Autodétermination autochtone : Appuyer la souveraineté et les droits autochtones ainsi que la valeur du savoir et des modes de vie autochtones (site Web de Supporting Wellbeing, s. d.).

Grâce au soutien du personnel de la NWTRPA, le comité directeur a lancé un appel à propositions pour amorcer la conception du programme de formation. Vers la fin de l’année 2021, une ébauche avait été produite sous la gouverne d’un conseiller autochtone chevronné et chargé de programmes axés sur la terre, travaillant en partenariat avec un enseignant aux adultes du Nord spécialisé dans la conception de programmes. Les modules de formation de Supporting Wellbeing combinent des pratiques cliniquement éprouvées dans des groupes de travail en santé mentale avec l’expertise et les pratiques autochtones. En mars 2021, Supporting Wellbeing a tenu sa première séance de formation pilote sur les terres près d’Inuvik (T.N.-O.), dans un campement entretenu par les 17 chargé.e.s de programmes axés sur la terre de la SRI. Des Aîné.e.s ont rejoint les membres du comité directeur de Supporting Wellbeing et les consultant.e.s du programme pour une rencontre de sept jours pendant laquelle ils ont suivi la formation sur les compétences de Supporting Wellbeing tout en donnant leurs impressions sur le programme.

Tout au long de l’année 2021, les premières personnes formées, quoique relativement limitées par les restrictions imposées par la pandémie, ont mis à profit leurs nouvelles compétences dans la prestation de programmes axés sur la terre dans l’ensemble des Territoires du Nord-Ouest. Entretemps, la structure administrative du programme a continué d’évoluer et au début de l’année 2022, le projet a reçu un montant de 500 000 $ alloué par le Prix Inspiration Arctique. Cet investissement a permis au projet de se tailler une place comme projet indépendant sur la plateforme partagée de MakeWay.

Le plan quinquennal initial de Supporting Wellbeing prévoyait non seulement l’élaboration de la formation destinée aux chargé.e.s de programmes axés sur la terre, mais aussi d’une formation pour formateurs pour les chargé.e.s de programme ayant suivi les modules de Supporting Wellbeing et souhaitant les enseigner à d’autres responsables de leur région. Le Guide de Supporting Wellbeing pour les personnes-ressources a été achevé au début de l’année 2022 et à l’automne, le premier groupe de formateur.trice.s potentiel.le.s s’est réuni sur les terres à proximité de Fort Simpson (T.N.-O.) pour un essai pilote d’une semaine du nouveau programme. Conformément à la philosophie du projet, des activités d’apprentissage ont été entrecoupées d’occasions d’apprentissage axées sur la terre, y compris un trajet sur le fleuve MacKenzie pour visiter les terrains traditionnels où vivent les familles locales, une cueillette de plantes pour fabriquer des concoctions médicinales avec les Aîné.e.s de la région et l’apprentissage de compétences telles que le montage d’une structure de tente et le séchage de viande. Le projet continuera d’offrir la formation Supporting Wellbeing aux chargé.e.s de programmes axés sur la terre de toutes les régions des Territoires du Nord-Ouest et prévoit organiser un autre événement de formation des formateurs fin 2023 ou début 2024.

Supporting Wellbeing a connu un succès considérable au cours de ses deux premières années d’activité, tirant profit des ressources de partenaires engagés et de personnes dévouées pour établir une structure de gouvernance, obtenir du financement et offrir des produits dans des délais opportuns. Le contenu du programme et la stratégie de formation de Supporting Wellbeing répondent aux besoins, aux capacités et à l’infrastructure sociale uniques des communautés autochtones nordiques éloignées. Même si certains programmes de guérison axés sur la terre parviennent à inclure des personnes occidentales formées et spécialisées en santé mentale, ce n’est pas le cas pour la grande majorité des programmes axés sur la terre, et ce, pour deux raisons : premièrement, nombre d’entre eux ne sont pas conçus pour adopter une définition cloisonnée du bien-être mental, mais sont plutôt de nature holistique et priorisent d’abord la connexion à la terre et à la culture; deuxièmement, les Territoires du Nord-Ouest vivent actuellement une grave pénurie de conseiller.ère.s formé.e.s, ce qui complique le recrutement de ces spécialistes, même pour les programmes riches en ressources.

La conception modulaire du programme permet d’adapter la formation aux besoins des communautés et organismes locaux, tant du point de vue de l’échéancier de prestation que des éléments à prioriser. Les documents connexes sont aussi conçus pour être personnalisés afin que les Aîné.e.s et les gardien.ne.s du savoir de chaque région puisse apporter une perspective appropriée sur le plan culturel. En plus d’avoir remporté le Prix Inspiration Arctique en 2022, Supporting Wellbeing a été désigné l’organisme gagnant du Prix pour l’innovation en santé mentale et le traitement des dépendances attribué aux Territoires du Nord-Ouest par les premiers ministres des provinces et territoires.

Comme le précise le rapport d’évaluation intérimaire de 2022 du projet, cette réussite n’a pas été acquise sans difficulté. Comme c’est le cas pour tout nouvel organisme, les responsables de l’administration se sont heurtés à des lacunes politiques nécessitant des ajustements continus et l’élaboration d’un cadre politique. Par exemple, la participation de certain.e.s membres du comité directeur est soutenue par l’entremise de leur travail auprès d’organismes autochtones, tandis que d’autres membres sont consultant.e.s et ont besoin d’une forme quelconque de rémunération pour consacrer du temps au projet, ce qui a exigé la création d’une politique sur la rémunération. La transition vers les méthodes administratives de la plateforme partagée de MakeWay a aussi exigé un investissement en temps et en efforts de la part du personnel. Supporting Wellbeing a également été en quelque sorte victime de son succès, car l’enthousiasme qu’il a généré a créé une demande pour la formation qui a excédé à court terme sa capacité de prestation.

Conclusion

Dans les Territoires du Nord-Ouest, les organismes voués à la promotion des programmes axés sur la terre ont uni leurs forces dans le cadre de plusieurs collaborations uniques visant spécifiquement à renforcer les capacités communautaires, à simplifier les processus administratifs, à augmenter le nombre de ressources disponibles et à influencer le gouvernement et les décideur.euse.s politiques philanthropiques. Ces innovations ont vu le jour en réponse à une priorité soulevée par les communautés et organismes dirigeants autochtones du Nord du Canada, et sont conçues pour tirer parti des forces des communautés nordiques et régler les problèmes d’effectifs dans tout le nord du pays.

Ces collaborations ont plusieurs thèmes en commun. Elles partent toutes d’un principe de reconnaissance de la valeur inhérente des programmes axés sur la terre pour les communautés autochtones et du rôle essentiel qu’ils jouent dans la promotion des forces, de la résilience, de la réussite et du bien-être individuels et collectifs. Tous les organismes participants cherchent à appuyer les priorités et besoins des communautés autochtones plutôt que leur imposer de se conformer à leurs propres mandats organisationnels. Tous s’évertuent à appuyer les programmes communautaires en simplifiant et en réduisant les exigences administratives tout en renforçant les effectifs afin d’assurer la prestation efficace de programmes axés sur la terre. Si la philosophie sous-jacente consistant à faire de la présence sur les terres un objectif en soi, sans insister sur des objectifs immuables du programme, peut représenter une innovation pour les bailleurs de fonds gouvernementaux et philanthropiques, pour les communautés autochtones, cette philosophie représente un retour aux pratiques et valeurs traditionnelles qui ont toujours soutenu l’apprentissage, le bien-être physique et mental et la connexion à la culture.

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Ressources

À propos des auteures

Debbie DeLancey

Debby DeLancey vit dans le nord du Canada depuis plus de 40 ans et a travaillé avec les gouvernements et communautés autochtones ainsi qu’au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Elle est consultante indépendante et travaille surtout sur l’élaboration de politiques de santé dans les régions éloignées, en plus d’entretenir un intérêt particulier pour l’évaluation des programmes autochtones axés sur la terre. Elle comptait parmi les premières personnes à parrainer le NWT On The Land Collaborative et a travaillé pour le programme Supporting Wellbeing. Elle est membre titulaire de la Société canadienne d’évaluation et chercheuse associée de l’Institut de recherche Aurora.

Sabrina Broadhead

Sabrina Broadhead vient d’une grande famille métisse qui entretient des liens étroits avec la terre et la culture autochtone. Originaire de Fort Smith, elle est retournée travailler dans le Nord après avoir obtenu son diplôme universitaire dans le sud du Canada. À la retraite depuis peu, Sabrina a consacré près de 40 ans au service de la population des Territoires du Nord-Ouest, notamment en participant au NWT On The Land Collaborative. Son amour pour la terre et la culture a guidé son travail dans le développement communautaire. Elle profite maintenant de son temps pour s’amuser avec ses trois petits-enfants!

 

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L’article Améliorer le soutien aux programmes autochtones axés sur la terre dans les Territoires du Nord-Ouest (2024), par Debbie DeLancey et Sabrina Broadhead, est distribué sous la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International, sauf indication contraire.

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