10.4 Le cancer et le cycle cellulaire

Objectifs d’apprentissage

À la fin de cette section, vous serez en mesure de :

  • Décrire comment une croissance cellulaire incontrôlée provoque le cancer
  • Comprendre comment les proto-oncogènes sont des gènes de cellules normales qui deviennent oncogènes à la suite d’une mutation
  • Décrire le fonctionnement des suppresseurs de tumeurs
  • Expliquer comment les suppresseurs de tumeurs ayant subi une mutation provoquent le cancer

Le cancer englobe de nombreuses maladies différentes causées par un mécanisme commun : une croissance cellulaire incontrôlée. Malgré les niveaux de redondance et de chevauchement des mesures de contrôle du cycle cellulaire, des erreurs peuvent se produire. Un des processus critiques surveillés par le système des points de contrôle du cycle cellulaire est la réplication appropriée de l’ADN pendant la phase S. Même si tous les contrôles du cycle cellulaire fonctionnent correctement, un petit pourcentage d’erreurs de réplication (ou mutations) sera transmis aux cellules filles. Si des changements à la séquence de nucléotides de l’ADN surviennent dans la partie codante d’un gène et ne sont pas corrigés, une mutation génétique peut se produire. Tous les cancers commencent lorsqu’une mutation génétique produit une protéine anormale qui joue un rôle important dans la reproduction de la cellule.

Le changement cellulaire qui résulte de la protéine anormale peut être mineur : peut-être une liaison tardive entre la Cdk et la cycline ou un détachement d’une protéine Rb de son ADN cible alors qu’elle est encore à l’état phosphorylé. Toutefois, même des erreurs minimes peuvent permettre à des erreurs subséquentes de se produire plus facilement. Avec le temps, de petites erreurs non corrigées sont passées d’une cellule mère aux cellules filles et elles sont amplifiées, car chaque génération produit de plus en plus de protéines défectueuses à partir d’un ADN endommagé qui n’a pas été réparé. Au bout d’un certain temps, le cycle cellulaire s’accélère, parce que l’efficacité des mécanismes de contrôle et de réparation diminue. La croissance incontrôlée des cellules porteuses de la mutation génétique devance celle des cellules normales dans la même zone et une tumeur (« -ome ») peut en résulter.

 

Figure 10.15 Division cellulaire et apoptose. Dans un organisme adulte, la division cellulaire normale est équilibrée par l’apoptose (mort cellulaire programmée) pour maintenir un nombre constant de cellules en homéostasie. Une augmentation de la division cellulaire ou une diminution de l’apoptose entraîne une augmentation du nombre de cellules et la formation de tumeurs. (crédit : Rao, A. et Ryan, K. Département de biologie, Texas A&M University)

Proto-oncogènes

Les gènes qui codent pour les protéines qui interviennent dans la régulation positive du cycle cellulaire s’appellent des proto-oncogènes. Les proto-oncogènes sont des gènes normaux qui, après avoir subi une mutation particulière, deviennent oncogènes – des gènes qui provoquent la transformation d’une cellule normale en une cellule cancéreuse. Examinez ce qui peut se passer dans le cycle cellulaire d’une cellule contenant depuis peu un oncogène. Dans certains cas, la modification de la séquence ADN entraînera la production d’une protéine qui fonctionne moins bien (ou pas du tout). Le résultat est néfaste pour la cellule et il l’empêchera probablement de terminer son cycle cellulaire; toutefois, l’organisme ne subira aucun préjudice, parce que la mutation n’ira pas plus loin. Si une cellule ne peut se reproduire, la mutation ne se propage pas et le dommage est minime. Parfois, une mutation génétique peut tout de même causer un changement qui augmente l’activité d’un régulateur positif. Par exemple, une mutation qui permet à une Cdk d’être activée sans être jumelée à une cycline pourrait autoriser la cellule à passer à travers un point de contrôle avant que toutes les conditions nécessaires aient été satisfaites. Si les cellules filles qui en résultent sont trop endommagées pour subir de nouvelles divisions cellulaires, la mutation ne serait pas propagée et l’organisme ne subirait aucun préjudice. Cependant, si les cellules filles atypiques sont autorisées à subir de nouvelles divisions cellulaires, les générations subséquentes de cellules peuvent accumuler davantage de mutations, et certaines de ces mutations peuvent toucher d’autres gènes qui interviennent dans la régulation du cycle cellulaire.

Le gène Cdk dans l’exemple ci-dessus est un des nombreux gènes qui sont considérés comme des proto-oncogènes. En plus des protéines régulatrices du cycle cellulaire, toute protéine qui influe sur le cycle peut être modifiée d’une façon telle qu’elle peut contourner les points de contrôle du cycle cellulaire. Un oncogène est un gène qui, lorsqu’il est modifié, entraîne une accélération de la progression du cycle cellulaire.

Gènes suppresseurs de tumeurs

Tout comme les proto-oncogènes, de nombreuses protéines qui interviennent dans la régulation négative du cycle cellulaire ont été découvertes dans des cellules devenues cancéreuses. Les gènes suppresseurs de tumeurs sont des segments d’ADN qui codent pour des protéines régulatrices négatives, le type de régulateurs qui, lorsqu’ils sont activés, peuvent empêcher qu’une cellule subisse une division incontrôlée. La fonction collective des protéines à gènes suppresseurs de tumeurs les mieux connues, la Rb, la p53 et la p21, est de dresser un obstacle à la progression du cycle cellulaire jusqu’à ce que certains événements soient terminés. Une cellule qui transporte une forme de régulateur négatif ayant subi une mutation pourrait être incapable d’interrompre le cycle cellulaire en cas de problème. Les suppresseurs de tumeurs agissent comme les freins d’une voiture : Des freins qui fonctionnent mal peuvent entraîner un accident de voiture!

Dans plus de 50 pour cent des cellules tumorales humaines, on a observé que les gènes p53 avaient subi une mutation. Cette découverte n’est pas surprenante si l’on considère les multiples rôles de la protéine p53 au point de contrôle G1. Une cellule ayant une p53 anormale peut ne pas détecter les erreurs présentes dans l’ADN génomique (Figure 10.16). Même si une p53 partiellement fonctionnelle arrive à détecter des mutations, elle peut ne plus être capable de lancer un signal aux enzymes nécessaires à la réparation de l’ADN. Quoi qu’il en soit, l’ADN endommagé demeurera non réparé. À ce moment-là, une p53 fonctionnelle jugerait que la cellule n’est pas récupérable et elle déclencherait la mort programmée de la cellule (l’apoptose). La version endommagée de la p53 découverte dans les cellules cancéreuses ne peut toutefois pas déclencher l’apoptose.

 

Lien visuel

Figure 10.16 Le rôle du p53 normal est de surveiller l’ADN et l’apport en oxygène (l’hypoxie est une condition d’apport réduit en oxygène). Si des dommages sont détectés, p53 déclenche des mécanismes de réparation. Si les réparations échouent, p53 signale l’apoptose. Une cellule dont la protéine p53 est anormale ne peut pas réparer l’ADN endommagé et ne peut donc pas signaler l’apoptose. Les cellules dont la protéine p53 est anormale peuvent devenir cancéreuses. (crédit : modification des travaux de Thierry Soussi)

 

Le virus du papillome humain peut provoquer le cancer du col de l’utérus. Le virus code pour la protéine E6, qui se lie à p53. D’après vous, en vous basant sur ce fait et sur ce que vous connaissez de p53, quel sera l’effet de la liaison d’E6 sur l’activité de p53?

  1. E6 active p53
  2. E6 désactive p53
  3. E6 fait subir une mutation à p53
  4. La liaison d’E6 induit la dégradation de p53

 

La perte de la fonction de p53 a d’autres répercussions sur le cycle cellulaire. Ayant subi une mutation, p53 pourrait être incapable de déclencher la production de p21. En l’absence de niveaux adéquats de p21, l’activation des Cdk n’est pas bloquée efficacement. Essentiellement, en l’absence d’une p53 complètement fonctionnelle, le point de contrôle G1 est gravement compromis et la cellule peut passer directement de G1 à S, que les conditions internes et externes soient satisfaites ou non. À la fin de ce cycle cellulaire raccourci, deux cellules filles naissent, ayant hérité le gène p53 muté. Compte tenu des mauvaises conditions dans lesquelles la cellule mère s’est reproduite, il est probable que les cellules filles auront acquis d’autres mutations en plus du gène suppresseur de tumeur défectueux. Les cellules telles que ces cellules filles accumulent rapidement à la fois des oncogènes et des gènes suppresseurs de tumeurs qui ne fonctionnent pas. Encore une fois, le résultat est la croissance d’une tumeur.

 

Lien vers l’apprentissage

Regardez une animation sur la façon dont le cancer provient d’erreurs dans le cycle cellulaire.

Cliquer pour visualiser le contenu (https://www.openstax.org/l/cancer) (en anglais)