9.4 Signalisation dans les organismes unicellulaires
Objectifs d’apprentissage
À la fin de cette section, vous serez en mesure de faire ce qui suit :
- Décrire comment les levures unicellulaires utilisent la signalisation cellulaire pour communiquer entre elles
- Relier le rôle de la détection du quorum à la capacité de certaines bactéries à former des biofilms.
La signalisation intracellulaire permet aux bactéries de répondre aux signaux environnementaux, tels que les niveaux de nutriments. Certains organismes unicellulaires libèrent également des molécules pour se signaler les uns aux autres.
Signalisation dans la levure
Les levures sont des eucaryotes (champignons), et les composants et processus trouvés dans les signaux des levures sont similaires à ceux des signaux des récepteurs transmembranaires des cellules dans les organismes multicellulaires. Les levures bourgeonnantes (figure 9.16) sont capables de participer à un processus similaire à la reproduction sexuelle, qui implique que deux cellules haploïdes (cellules avec la moitié du nombre normal de chromosomes) se combinent pour former une cellule diploïde (une cellule avec deux jeux de chaque chromosome, ce qui est le cas des cellules normales du corps humain). Afin de trouver une autre cellule de levure haploïde prête à s’accoupler, les levures bourgeonnantes sécrètent une molécule de signalisation appelée facteur d’accouplement. Lorsque le facteur d’accouplement se lie aux récepteurs de la surface cellulaire d’autres cellules de levure situées à proximité, celles-ci interrompent leur cycle de croissance normal et déclenchent une cascade de signalisation cellulaire comprenant des protéines kinase et des protéines liant le GTP, similaires aux protéines G.
Signalisation chez les bactéries
La signalisation chez les bactéries leur permet de surveiller les conditions extracellulaires, de s’assurer que les quantités de nutriments sont suffisantes et d’éviter les situations dangereuses. Dans certaines circonstances, cependant, les bactéries communiquent entre elles.
La première preuve de communication bactérienne a été observée chez une bactérie qui entretient une relation symbiotique avec le calmar hawaïen. Lorsque la densité de population des bactéries atteint un certain niveau, l’expression de gènes spécifiques est déclenchée et les bactéries produisent des protéines bioluminescentes qui émettent de la lumière. Le nombre de cellules présentes dans l’environnement (densité cellulaire) étant le facteur déterminant de la signalisation, la signalisation bactérienne a été baptisée détection du quorum. En politique et dans le monde des affaires, le quorum est le nombre minimum de membres devant être présents pour voter sur une question.
La détection du quorum utilise des autoinducteurs comme molécules de signalisation. Les autoinducteurs sont des molécules de signalisation sécrétées par les bactéries pour communiquer avec d’autres bactéries du même type. Les autoinducteurs sécrétés peuvent être de petites molécules hydrophobes, telles que l’acyl-homosérine lactone (AHL), ou des peptides ; chaque type de molécule a un mode d’action différent. Lorsque l’AHL pénètre dans les bactéries cibles, il se lie aux facteurs de transcription, qui activent ou inactivent l’expression des gènes selon le cas. Lorsque le nombre de bactéries augmente, la concentration de l’autoinducteur augmente également, ce qui déclenche une expression accrue de certains gènes, y compris des autoinducteurs, et entraîne un cycle d’autoamplification, également connu sous le nom de boucle de rétroaction positive (figure 9.17). Les autoinducteurs peptidiques stimulent des voies de signalisation plus complexes qui comprennent des kinases bactériennes. Les réponses des bactéries suite à l’exposition aux autoinducteurs peuvent être très importantes. La bactérie pathogène Pseudomonas aeruginosa possède 616 gènes différents qui répondent aux autoinducteurs.
Certaines espèces de bactéries qui utilisent la détection du quorum forment des biofilms, des colonies complexes de bactéries (contenant souvent plusieurs espèces) qui échangent des signaux chimiques pour coordonner la libération de toxines qui attaqueront l’hôte. Les biofilms bactériens (Figure 9.18) sont parfois présents sur les équipements médicaux. Lorsque les biofilms envahissent des implants tels que les prothèses de hanche ou de genou ou les stimulateurs cardiaques, ils peuvent provoquer des infections potentiellement mortelles.
La recherche sur les détails de la détection du quorum a permis de progresser dans la culture des bactéries à des fins industrielles. Des découvertes récentes suggèrent qu’il serait possible d’exploiter les voies de signalisation bactériennes pour contrôler la croissance bactérienne ; ce processus pourrait remplacer ou soutenir les antibiotiques qui ne sont plus efficaces dans certaines situations.
LIEN AVEC L’ÉVOLUTION
La communication cellulaire chez les levures
La première forme de vie cellulaire sur notre planète était probablement constituée d’organismes procaryotes unicellulaires qui avaient peu d’interactions entre eux. Alors que certains signaux externes sont émis entre différentes espèces d’organismes unicellulaires, la majorité des signaux émis au sein des bactéries et des levures ne concernent que d’autres membres de la même espèce. L’évolution de la communication cellulaire est une nécessité absolue pour le développement des organismes multicellulaires, et on pense que cette innovation a pris environ 2 milliards d’années pour apparaître dans les premières formes de vie.
Les levures sont des eucaryotes unicellulaires et possèdent donc un noyau et des organites caractéristiques de formes de vie plus complexes. La comparaison des génomes des levures, des vers nématodes, des mouches des fruits et des humains illustre l’évolution de systèmes de signalisation de plus en plus complexes qui permettent le fonctionnement interne efficace de l’humain et d’autres formes de vie complexes.
Les kinases sont une composante majeure de la communication cellulaire, et les études de ces enzymes illustrent la connectivité évolutive de différentes espèces. Les levures possèdent 130 types de kinases. Des organismes plus complexes tels que les vers nématodes et les mouches des fruits comptent respectivement 454 et 239 kinases. Sur les 130 types de kinases de la levure, 97 appartiennent aux 55 sous-familles de kinases que l’on trouve dans d’autres organismes eucaryotes. La seule déficience évidente observée chez les levures est l’absence totale de tyrosine kinase. On suppose que la phosphorylation des résidus de tyrosine est nécessaire pour contrôler les fonctions plus sophistiquées du développement, de la différenciation et de la communication cellulaire utilisées dans les organismes multicellulaires.
Comme les levures contiennent de nombreuses classes de protéines de signalisation identiques à celles des humains, ces organismes sont idéaux pour étudier les cascades de signalisation. Les levures se multiplient rapidement et sont des organismes beaucoup plus simples que les humains ou d’autres animaux multicellulaires. Par conséquent, les cascades de signalisation sont également plus simples et plus faciles à étudier, bien qu’elles contiennent des contreparties similaires à la signalisation humaine.2
Notes de bas de page
2G. Manning, G.D. Plowman, T. Hunter, S. Sudarsanam, « Evolution of Protein Kinase Signaling from Yeast to Man », Trends in Biochemical Sciences 27, no. 10 (2002): 514–520.