Module 2: Genre et sexualité

Les voix manquantes

Dr. Klaus Mueller, conférencier invité

Dans ce clip, le Dr. Klaus Mueller décrit l’importance de la recherche, et sa capacité à changer la réalité et à reconstituer récupérer l’histoire. Cette description est mise en contexte par l’expérience du Dr Mueller, qui a interviewé Frieda Belinfante, une survivante juive lesbienne dont l’histoire est incluse dans cette conférence. Frieda est un exemple de voix manquante retrouvée. Pour continuer à retrouver les histoires de ceux qui ont été perdus – les histoires des lesbiennes, des trans, des Juifs LGBTQ+ et d’autres personnes occultées par le temps et les circonstances – nous devons continuer à relire les recherches, à lire les documents des auteurs à contre-courant et, même lorsqu’il ne nous reste que des traces, à faire appel à notre imagination pour redonner vie à cette histoire.


La fameuse citation de Himmler concernant l’homosexualité, « ceux qui pratiquent l’homosexualité privent l’Allemagne des enfants qu’ils lui doivent », était double : si les femmes étaient sexuellement indisponibles pour les hommes, alors davantage d’hommes seraient poussés à l’homosexualité. De cette façon, les lesbiennes deviennent une menace pour la nation ; cependant, contrairement aux homosexuels, les lesbiennes ne sont pas explicitement persécutées en vertu du paragraphe 175. Les nazis considéraient que la sexualité des femmes pouvait être dominée ; selon leur logique, les femmes lesbiennes pouvaient être forcées à changer, et si elles ne le faisaient pas, elles pouvaient être envoyées dans des camps sous le titre d’« asociales » ou de « prisonnières politiques ». Ce parcours de persécution à l’égard des lesbiennes nous laisse un registre d’expériences peu clair. Voici quelques exemples des témoignages qui existent.


Frieda Belinfante

Frieda Belinfante, née à Amsterdam en 1904 d’un père juif et d’une mère non-juive, était un éminent chef d’orchestre néerlandais et un membre de la résistance néerlandaise. Belinfante a été la première femme directrice artistique et chef d’orchestre d’un grand orchestre en Europe ; elle était également juive et lesbienne. Belinfante a joué un rôle majeur dans la résistance néerlandaise, en falsifiant des papiers pour des personnes et en suggérant et en prenant part au bombardement du registre d’Amsterdam en 1943. La destruction du registre était cruciale ; sans lui, les nazis n’avaient rien à quoi comparer les documents falsifiés. Après les événements de l’attentat, Frieda s’est cachée, vivant comme un homme, et a finalement fui en Suisse. Le témoignage de Belinfante témoigne des mesures sévères prises aux frontières; elle décrit comment elle n’a été autorisée à rester qu’après avoir révélé qu’elle était une femme, et après que son ancien professeur, le célèbre chef d’orchestre juif Hermann Scherchen, se soit porté garant de son identité. Le compagnon de voyage de Frieda, un homme du nom de Toni van Praagh, a été refoulé à la frontière suisse et finalement tué à Auschwitz. L’histoire de Frieda est importante pour son caractère unique. Son expérience illustre ce qu’était la vie d’une femme masculine aux Pays-Bas, sur le plan social et professionnel, et elle donne un aperçu de ce qu’était la vie des femmes dans la résistance, c’est-à-dire comment les rôles étaient délégués et à qui. Comme le témoignage de Gad Beck, l’histoire de Frieda Belinfante illustre également la tension entre les multiples identités persécutées à cette époque, puisqu’elle a d’abord été persécutée en tant que juive et non en tant que lesbienne.

 

Frieda Belinfante fumant une cigarette dans un veston et une cravate, ses cheveux sont gominés.
Portrait de Frieda Belinfante, qui aurait porté des vêtements d’homme pour se cacher des informateurs nazis.

Histoire orale de Frieda Belinfante

Frieda Belinfante décrit sa participation au bombardement par la résistance néerlandaise du registre de la population d’Amsterdam en 1943. Découvrez un autre exemple de la résistance néerlandaise dans notre entretien avec Susan Bloomfield.


Annette Eick

Annette Eick (à droite) et sa partenaire Gertrude Klingel (à gauche) posent dans des tenues assorties; chacune porte un gilet en tricot sur une chemise à col, un béret, une cravate et une pipe à tabac suspendue à la bouche.
Annette Eick (à droite) et sa compagne, Gertrude Klingel (à gauche)

Annette Eick, née à Berlin en 1909, était une poète lesbienne juive. Dans un entretien avec Claudia Schoppmann, Eick a rappelé comment elle a utilisé ses liens avec les cercles sociaux lesbiens de Berlin pour obtenir des papiers d’immigration et éviter la persécution des nazis. “J’avais déjà le désir d’être avec des femmes”, se souvient-elle. « Dans ce club, j’ai fait la connaissance d’une femme, Ditt, qui ressemblait un peu à Marlene Dietrich que j’appréciais comme type même si elle était un peu vulgaire. » Après avoir survécu à une attaque pendant la Nuit de cristal en 1938, Eick a reçu des papiers déguisés en lettre d’amour de Ditt, et ces papiers lui ont permis de s’échapper à Londres, au Royaume-Uni. Les parents d’Eick ont été tués à Auschwitz. Eick est restée au Royaume-Uni le reste de sa vie avec sa compagne, Gertrud Klingel (1901-1989), jusqu’à son décès en 2010 à l’âge de 100 ans.

Annette Eick. Interviewée par Claudia Schoppmann, Lesbengeschichte, 2005. https://www.lesbengeschichte.org/Pdfs/pdfs_bio_skizzen_englisch/eick_schoppmann_engl.pdf


Questions de réflexion

  1. Quels sont les principaux facteurs qui expliquent pourquoi il nous manque encore des « voix » dans l’histoire LGBTQ+ de l’Holocauste?
  2. En réfléchissant à l’idéologie nazie et à la façon dont le sexe et la sexualité fonctionnent dans cette idéologie, veuillez indiquer pourquoi les nazis se sont moins intéressés aux lesbiennes qu’à l’homosexualité masculine.

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