La traduction humaine et les outils de traduction automatique : le bon jugement contre l’intelligence artificielle
Comme vous l’avez vu, une bonne traduction dépend beaucoup de la capacité de la traductrice ou du traducteur à comprendre et à extraire le sens du texte de départ. De nos jours, les textes peuvent être traduits par des personnes ou des ordinateurs (comme Google Traduction, DeepL Traducteur, Microsoft Traducteur ou ChatGPT), ou parfois par une combinaison des deux. Mais il y a des différences significatives entre l’approche d’un être humain envers la traduction et celle d’un ordinateur. En savoir plus sur les forces et les limites tant des humains que des ordinateurs peut vous permettre de mieux comprendre les risques liés à l’usage des outils de traduction automatique. De plus, mieux comprendre comment les gens et les ordinateurs traduisent peut vous aider à mieux préparer vos textes pour en optimiser la traduction et augmenter vos chances d’obtenir des traductions de bonne qualité.
Les traductrices et traducteurs professionnels comprennent les enjeux!
Avant que la traductrice ou le traducteur puisse exprimer à nouveau un texte dans une autre langue, il lui faut d’abord comprendre ce que dit le texte de départ. C’est seulement une fois le texte de départ clarifié que la traductrice ou le traducteur peut amorcer le processus pour trouver la meilleure manière d’exprimer le même message dans une autre langue. S’il lui est impossible de comprendre le texte de départ, alors il lui sera impossible de bien le traduire.
Les traductrices et traducteurs, des spécialistes hautement qualifiés en communication, peuvent parfois décrypter le sens voulu d’un texte mal construit avant de commencer à le traduire. Par exemple, il leur est souvent possible de détecter les coquilles, de reconnaître les erreurs de grammaire, de désembrouiller les ambigüités et de compenser pour divers types de problèmes dans le texte de départ. Autrement dit, les spécialistes de la traduction comprendraient qu’il manque une virgule à la phrase originale « Vous voulez manger les enfants? ». Il leur serait possible de trouver comment traduire et ponctuer la phrase correctement dans la langue cible (« Do you want to eat, kids? »). Bien sûr, dans le cas, très improbable, où le texte porterait sur le cannibalisme, les traductrices ou traducteurs professionnels sauraient que la virgule n’est pas de mise et traduiraient en conséquence (par exemple « Do you want to eat kids? »). Les humains qui traduisent peuvent comprendre le sens et ils sont capables d’exercer leur jugement, d’utiliser les indices contextuels et leur connaissance du monde réel pour les aider à interpréter le sens le plus probable d’un texte, même s’il n’est pas particulièrement bien exprimé. Mais qu’en est-il des ordinateurs?
Les outils de traduction automatique : appariement de formes et calcul
Les outils de traduction automatique gratuits comme Google Traduction, DeepL Traducteur ou Microsoft Traducteur sont de plus en plus populaires. Ces outils ne peuvent remplacer la traduction professionnelle dans toutes les circonstances, mais ils peuvent quand même aider à combler certains besoins de traduction. Pour tirer le meilleur parti de ces outils sur l’Internet, il est toutefois utile de faire attention à ce que vous y mettez. Rappelez-vous : médiocre à l’entrée = médiocre à la sortie!
Contrairement aux humains, les ordinateurs ne comprennent pas les langues. Ils les traitent, mais ne les comprennent pas. Alors, comment les outils de traduction automatique fonctionnent-ils? L’approche actuelle en matière de traduction automatique est une approche axée sur les données appelée traduction automatique neuronale ou TAN. Pour que les outils axés sur les données fonctionnent, ils ont besoin de données. Et pour la traduction, ces données sont des textes déjà traduits par des traductrices et traducteurs professionnels.
Les spécialistes en informatique commencent par réunir une VASTE collection de textes existants. C’est ce qu’on appelle un corpus de formation. Dans ce corpus de formation, il leur faut ensuite aligner les textes phrase par phrase, de manière à voir clairement quelles phrases sont équivalentes dans les deux langues. Par exemple, voici un court extrait illustrant quelques phrases alignées tirées du site bilingue de l’Université d’Ottawa. L’alignement des textes anglais et français s’est effectué au niveau de la phrase.
Voici l’Université d’Ottawa | This is the University of Ottawa |
L’Université d’Ottawa est la plus grande université bilingue (français-anglais) du monde. | The University of Ottawa is the largest bilingual (English-French) university in the world. |
Découvrez toutes les bonnes raisons de choisir l’Université d’Ottawa. | Discover all the good reasons to choose the University of Ottawa. |
Niché au cœur de la dynamique ville d’Ottawa, le campus de l’Université d’Ottawa est un village compact et propice à la marche. | The University of Ottawa’s campus is a walkable, compact village nestled in the core of vibrant Ottawa. |
Située au cœur de la capitale du Canada, elle jouit d’un accès direct aux plus grandes institutions du pays. | Located in the heart of Canada’s capital, we have ready access to the great institutions of our country. |
Nous vous offrons les espaces, les outils et les technologies pour que vous repoussiez les limites du savoir et deveniez la meilleure version de vous-même. | We offer the space, expertise, tools and technologies to push the boundaries of knowledge and help you to become your best future self. |
Joignez-vous à une communauté composée de gens audacieux, bienveillants et engagés comme vous pour bâtir une société meilleure et un monde plus durable. | Join a community of bold, caring and engaged people like you to build a better society and a more sustainable world. |
Bien sûr, cet extrait ne montre qu’un petit échantillon de phrases tirées d’un site. Mais pour bien former les outils de traduction automatique, un corpus de formation doit comprendre des millions et des millions de phrases alignées provenant de plusieurs sources différentes.
Les outils de traduction automatique neuronale se basent sur l’intelligence artificielle (IA), ce qui veut dire qu’ils contiennent un réseau neuronal artificiel. Le qualificatif artificiel est important ici. Les êtres humains possèdent de véritables réseaux neuronaux (par exemple, leurs cerveaux) et sont capables de vraiment comprendre un texte. En revanche, les outils basés sur l’intelligence artificielle ne comprennent rien. Ils ne peuvent que traiter les textes à l’aide de techniques comme l’appariement de formes et le calcul. Les outils de TAN peuvent ainsi imiter partiellement la traduction humaine, mais pas entièrement. Les outils de TAN ne comprennent pas le sens sous-jacent des textes : ils ne font que chercher des similarités superficielles.
L’apprentissage automatique est un terme souvent associé à l’IA, mais cet apprentissage aussi est artificiel. Dans le cas de la traduction, des spécialistes de l’informatique soumettront à l’outil de traduction automatique un vaste corpus de phrases alignées, et l’outil de TAN cherchera des formes. Par exemple, l’ordinateur pourra trouver la forme « Université d’Ottawa » dans les phrases en français, et détecter ensuite une forme correspondante « the University of Ottawa » dans les phrases en anglais. L’ordinateur ne comprend pas le sens d’un texte. Il ne sait pas ce qu’est une université ou une ville. Il ne fait que détecter les formes constituées de caractères, et peut compter à quelle fréquence elles se répètent. L’ordinateur peut donc ainsi garder en mémoire le fait qu’il a détecté la forme « Université d’Ottawa » et noter que chaque fois que cette forme se présente en français, il y a une forme correspondante en anglais (c.-à-d. « the University of Ottawa »).
Les gens peuvent souvent apprendre de nouvelles choses en voyant seulement quelques exemples, mais rappelez-vous que les ordinateurs ne peuvent, en réalité, apprendre. Ils ne font que chercher des formes. Et pour être sûrs que ce qu’ils détectent est réellement une forme et non pas seulement une combinaison de mots, ils ont besoin de voir beaucoup, beaucoup d’exemples. C’est pourquoi le corpus de formation pour les outils de traduction automatique comporte des millions de textes. C’est aussi pourquoi les outils de traduction automatique font des erreurs : ils ne comprennent pas vraiment le texte.
Contrairement à une personne, un ordinateur ne pourra pas déchiffrer ce que vous vouliez dire. Il ne fera que traiter ce que vous avez réellement écrit. Un ordinateur ne peut pallier les coquilles, une grammaire déficiente ou d’autres problèmes de langue. Il acceptera les données de départ, même problématiques, et les traduira « telles quelles », ce qui aboutira, sans doute, à une traduction incohérente. Médiocre à l’entrée = médiocre à la sortie! Voici quelques traductions générées par Google Traduction. Parce que les textes français contenaient une erreur ou pouvaient donner lieu à plusieurs interprétations, l’outil de traduction automatique a produit un résultat erroné ou inexact. Croyez-vous qu’une traductrice ou un traducteur humain aurait fait les mêmes erreurs?
Phrase de départ | Traduction en anglais qui reflète le sens voulu | Traduction en anglais proposée par Google Traduction | Commentaire |
Avez-vous des allergies alimentaires? Oui, à l’avocat. | Do you have any food allergies? Yes, to avocado. | Do you have any food allergies? Yes, to the lawyer. | Le mot « avocat » a deux sens possibles : le fruit, ou la profession d’avocat. |
Combien de cours suivez-vous ? J’en suis trois. | How many courses do you take? I am taking three classes. | How many courses do you take? I am three. | Le mot « suis » a deux sens possibles : le verbe suivre ou le verbe être. Malgré la première phrase toute proche, Google Traduction ne comprend pas le lien entre les deux phrases. |
Il est sûr le bord de la route. | He is on the side of the road. | It’s safe on the side of the road. | La coquille ou la faute d’orthographe (sûr au lieu de sur) occasionne une erreur d’interprétation. |
Nous avons trois voitures d’occasion seulement pour les acheteurs. | We have only three used cars for buyers. | We have three used cars only for buyers. | La phrase de départ est ambigüe et rend la traduction difficile. |
Choisir entre la traduction professionnelle et les ordinateurs
Pour des projets de traduction, trois facteurs qui s’opposent doivent être considérés : qualité, coût et délai. Bien sûr, dans un monde idéal, il serait possible d’obtenir une traduction de qualité dans un court délai pour un coût modique. Mais en réalité, il peut s’avérer difficile d’obtenir les trois en même temps et c’est pourquoi on parle alors d’un problème de triple contrainte. Il est souvent possible de résoudre deux des trois contraintes, mais vous devrez probablement assouplir la troisième. Par exemple, dans le cas de la traduction, vous pouvez avoir une traduction:
- rapide et à coût modique, mais de moindre qualité ;
- rapide et de bonne qualité, mais dont le coût est élevé ;
- de bonne qualité et à coût modique, mais qui prend plus de temps.
Les outils de traduction sont très rapides, mais ils produisent des textes de moins bonne qualité. Par ailleurs, les traductrices et traducteurs humains sont très bons, mais il leur faut un plus de temps. À première vue, les outils de traduction automatique peuvent sembler bon marché, mais si les erreurs qu’ils font ont des répercussions sérieuses, alors cela pourrait finir par coûter très cher.
Lorsque vous vous interrogez sur la pertinence de choisir – ou non – la traduction automatique, l’un des principaux aspects à prendre en considération est la conséquence d’une mauvaise traduction. Si la traduction est pour votre usage personnel, ou pour usage interne auprès des membres de votre équipe (ou au sein de votre entreprise), les enjeux sont probablement moindres que si vous envisagez de partager ce texte à grande échelle ou de le publier sur le site Web de votre société. De même, si le contenu de votre texte concerne la planification d’une fête de bureau ou l’organisation de l’équipe de balle molle au travail, les conséquences d’une mauvaise traduction seront relativement mineures. Par contre, si le texte porte sur une vérification financière ou sur un nouveau produit, une traduction de mauvaise qualité pourrait avoir de sérieuses répercussions : elle pourrait ternir la réputation de l’entreprise ou même entraîner des problèmes d’ordre juridique. Bien sûr, il y a aussi une troisième option : faire vérifier, et, si nécessaire, corriger le texte traduit avec un outil de traduction automatique par une personne compétente.
Dans tous les cas, que votre texte soit traduit par une personne ou par un outil de traduction automatique, il est avantageux d’écrire avec clarté et de rédiger votre texte pour en optimiser la traduction. Les traductrices et traducteurs humains sont certes plus aptes à déceler, corriger ou pallier les problèmes du texte de départ (par exemple les coquilles, les homophones, la ponctuation déficiente). Mais des textes qui contiennent de tels problèmes ralentiront assurément la traduction, ce qui pourrait occasionner des retards ou augmenter le coût d’un projet. Les prochaines sections offriront quelques conseils que vous pourrez utiliser pour créer des textes qui optimisent la traduction.