9 Jour 0 : Salle d’urgence

Jour : 0
Heure : 18 h
Endroit : Triage de la salle d’urgence

En s’assoyant sur sa chaise, Jackie soupire. « Eh bien! Ce quart de travail a été bien long. Je suis épuisée. »

En levant les yeux, elle aperçoit une vieille camionnette Ford verte s’immobiliser devant la salle d’urgence. La portière du passager s’ouvre et une vieille dame sort lentement du véhicule. Cette dernière étire le bras vers la camionnette et en ressort une très petite chienne, qu’elle dépose lentement sur le sol.

La dame âgée se dirige à petits pas vers les portes, la chienne derrière elle, au bout d’une laisse. Jackie voit que la dame, une fois à l’intérieur, respire avec les lèvres pincées, qu’elle a un teint légèrement bleuté et que sa démarche est très lente.

Enfin arrivée au poste de triage, la dame s’appuie sur le bureau et soupire bruyamment.

Jackie contourne le bureau derrière lequel elle était assise et approche un fauteuil roulant d’Erin pour qu’elle s’y assoie.

« Bonjour, je m’appelle Jackie et je suis l’infirmière de triage. Comment puis-je vous aider?

— Merci. Je m’appelle… Erin. Je me sens mal. J’ai suis… essoufflée. »

Jackie approche le tensiomètre et l’oxymètre de pouls d’Erin et lui installe le brassard autour du bras droit. Elle appuie sur un bouton et le brassard gonfle. Elle insère l’index de la main gauche d’Erin dans l’oxymètre de pouls.

Après une trentaine de secondes, la machine émet un signal sonore et affiche les signes vitaux suivants :

Jour : 0 Fréquence cardiaque Pression artérielle Fréquence respiratoire Température Saturation en O2
Heure : 18 h 96 180/90 28 36,5 °C 85 %

Jackie s’empare d’une planchette à pince munie d’une fiche d’évaluation d’urgence et y note les signes vitaux initiaux.

En consultant l’échelle de triage et de gravité et compte tenu des signes vitaux, Jackie détermine que l’état d’Erin correspond au niveau III – Urgent du triage.

Un homme d’âge moyen, grand et portant des vêtements d’ouvrier s’approche du poste de triage. « Comment va ma mère?, demande Thomas.

— Je crois qu’il vaudrait mieux que madame Johns demeure avec nous pour le moment afin qu’un médecin puisse l’examiner. Je prendrai des dispositions pour qu’elle ait une place dès que nous aurons rempli ses documents d’admission. Pouvez-vous, votre mère et vous, répondre à quelques questions de Denise, la commise qui se trouve tout juste à la gauche de mon bureau? »

Denise, la commise à l’admission, s’avance et se présente à Erin.

« Bonsoir. Je m’appelle Denise.

— Je m’appelle… Erin. Voici mon fils. Thomas, mentionne Erin, haletante.

— D’accord. Thomas, pourriez-vous approcher votre mère de mon bureau afin que je puisse entrer ses renseignements dans l’ordinateur? Ainsi, nous pourrons lui trouver rapidement un endroit à l’urgence et demander à un médecin de l’examiner. »

Thomas pousse le fauteuil roulant jusqu’au comptoir des admissions.

« Avez-vous votre carte santé? », demande Denise.

Erin lui remet sa carte santé, et Denise saisit rapidement les renseignements dans le système.

« Madame Johns, je vois ici que vous êtes venue à la clinique la semaine dernière? Est-ce exact? »

Erin acquiesce d’un signe de tête. Thomas explique : « On lui a remplacé ses inhalateurs et on lui a dit de revenir en cas de problème. »

Denise hoche la tête. « Assurez-vous de mentionner ce renseignement aux infirmières. »

Denise demande ensuite : « Rencontrez-vous quelqu’un régulièrement à la clinique?

— Non, je rencontre la personne disponible au moment où je viens. Elle change si souvent. »

Levant le regard vers Thomas, Denise demande : « Pourrais-je avoir vos coordonnées, Thomas? Au cas où nous devrions communiquer avec vous? »

Thomas donne à Denise son numéro de cellulaire et lui mentionne qu’il habite actuellement avec sa mère en raison d’un divorce compliqué qui l’a rendu légèrement dépressif et laissé à court d’argent.

Denise fait un signe de la tête et entre les coordonnées dans l’ordinateur.

« Très bien. J’ai tous les renseignements dont j’ai besoin pour l’instant. J’ai appelé un préposé. Il vous conduira à l’endroit où vous rencontrerez le médecin. »

Denise regarde le préposé s’approcher de Thomas et d’Erin. Le préposé diriger ensuite le fauteuil roulant vers les portes de la partie arrière du service d’urgence.

Denise secoue la tête légèrement et remue le nez. Elle se dit en elle-même : Cet animal a besoin d’un bain. Pauvre bête.

« Vous allez… me laisser… ici? C’est… un corridor! » Erin implore le préposé du regard.

Celui-ci se tourne vers elle. « Vous devrez attendre ici jusqu’à ce qu’une meilleure place se libère pour vous », dit-il, avant de s’éloigner.

Assise dans son fauteuil roulant, Erin étreint Trixie. Thomas regarde autour de lui et constate le chaos et des gens, vêtus d’uniformes bleu clair, se déplaçant d’un endroit à l’autre, voilés par des rideaux. Personne ne regarde les nouveaux venus ou ne semble même remarquer leur arrivée.

Aux prises avec ces pensées, il sent une présence derrière lui. Il se retourne et voit un autre infirmier habillé en tenue bleu pâle, une planchette à pince à la main.

« Êtes-vous madame Johns et son fils, Thomas? »

Les deux acquiescent d’un signe de tête.

« Je m’appelle Jason. Je commence mon quart de travail. Je constate que l’infirmière de triage a ouvert votre dossier et que vous avez été admise. Je dois maintenant ausculter votre thorax et vous poser quelques questions. Est-ce OK pour vous? »

Jason voit ses deux interlocuteurs donner leur accord en hochant de la tête.

« Très bien. Thomas, pourriez-vous faire sortir la chienne pour que je puisse examiner votre mère? »

Thomas se penche et prend délicatement Trixie des bras d’Erin.

« Peux-tu venir me rejoindre quand tu auras terminé?, demande Erin.

— Maman, je promènerai Trixie, puis je la laisserai dans la camionnette. J’ai quelques biscuits à lui donner. Elle sera très bien. »

Thomas tient délicatement dans ses bras la petite chienne, qui commence à gémir doucement, et se dirige vers la sortie de l’urgence.

Jason approche une chaise d’Erin. « J’ai quelques questions à vous poser. Elles m’aideront à vous aider. Croyez-vous pouvoir y répondre?

— Oui.

— Quand avez-vous commencé à avoir le souffle court?

— Il y a une semaine… environ. Je suis allée… à la clinique. J’ai eu de nouveaux… inhalateurs. Ils ont… semblé m’aider. Aujourd’hui. Promenade avec Trixie. Froid dehors. Très essoufflée. Appelé Thomas. Venue ici. »

Jason inscrit les renseignements directement sur la deuxième page du dossier de soins infirmiers.

« Les notes cliniques indiquent que vous souffrez de MPOC. Est-ce exact? »

— Oui.

— Avez-vous d’autres problèmes de santé?

— Non, répond Erin en souriant du bout des lèvres. Autrement… en santé.

— D’accord. C’est tout pour le moment. Prenons vos signes vitaux. Ensuite, j’ausculterai vos poumons et votre cœur. »

Jason approche l’appareil de mesure des signes vitaux du fauteur roulant, installe le brassard du tensiomètre et l’oxymètre de pouls, puis appuie sur le bouton.

Pendant le gonflement du brassard, Jason observe attentivement Erin. Il remarque que ses voies respiratoires sont libres, que sa respiration est rapide (28 à la minute) et semble superficielle, et que des battements des ailes du nez sont parfois visibles.

Le brassard du tensiomètre émet un signal, et les résultats s’affichent à l’écran.

« Madame Johns, votre pression artérielle est plus élevée que ce à quoi je m’attendais. Ces résultats sont-ils normaux pour vous? »

Erin s’incline vers l’avant et regarde les chiffres de plus près. « Je crois que oui. Nombre du haut. De 150… à 170… d’habitude. »

Jour : 0 Fréquence cardiaque Pression artérielle Fréquence respiratoire Température Saturation en O2
Heure : 20 h 92 170/90 26 36,4 °C 84 %

Jason hoche la tête. « Votre saturation en oxygène est un peu basse. Je vais donc vous donner de l’oxygène. Est-ce que ça vous convient?

— Oui.

Jason tend le bras pour approcher un chariot se trouvant dans le corridor. Il sort des lunettes nasales et les fixe à la bouteille d’oxygène installée à l’arrière du fauteuil roulant. Il réfléchit intérieurement, puis règle le débit à 2 l/min.

« Voyons voir si cela atténue votre essoufflement. Je vais maintenant ausculter votre cœur et vos poumons. Je sais que nous sommes dans le corridor et je ferai de mon mieux pour ne pas vous dénuder. Me permettez-vous de vous examiner?

— Oui. Pas contente… dans le corridor.

— Je comprends très bien, mais l’urgence est bondée, et je n’ai aucune place à vous offrir. J’espère que ça ne durera que quelques heures. »

Jason glisse délicatement le stéthoscope entre les vêtements et la peau d’Erin. En fermant les yeux, il déplace le stéthoscope méthodiquement, d’abord sur la face antérieure du thorax, puis sur la face postérieure du thorax. Après l’auscultation, il examine rapidement l’abdomen et les extrémités d’Erin.

« OK, madame Johns. J’ai terminé pour l’instant. Je voix que votre niveau d’oxygène semble un peu plus élevé. Vous sentez-vous un peu moins essoufflée?

— Oui, je me sens un peu mieux.

— Super! Je vais trouver le médecin de ce pas pour savoir ce que nous pouvons faire pour vous. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, vous n’avez qu’à agiter le bras. »

Erin acquiesce de la tête pour indiquer qu’elle a compris. En regardant autour d’elle, elle frémit légèrement à l’idée d’être malade et d’être si à découvert dans le corridor. Elle observe Jason se diriger vers le poste de soins infirmiers, où deux personnes semblent être des médecins. Ils ont l’air bien jeunes, pense-t-elle. S’agit-il vraiment de médecins? On m’abandonne dans un corridor. J’ai peine à croire que c’est le meilleur service qu’on peut m’offrir avec tous les impôts et taxes que j’ai payés. Quand Thomas reviendra, je lui demanderai de me reconduire à la maison avec Trixie. Tout cela est ridicule.

Jason regarde les différentes personnes regroupées autour du poste de soins infirmiers.

Il secoue légèrement la tête et marmonne : « Ouais, changement de quart de travail pour tous. »

Il se dirige vers le Dr Singh, puisqu’il s’agit de la personne qu’il connaît le plus. Alors qu’il s’en approche, il l’entend dire : « Je m’occupe des salles du fond et des patients du corridor. Stan, pouvez-vous vous occuper du triage et de la traumatologie? —C’était ma tâche hier. De plus, étant donné le décès du patient hier dans la salle de traumatologie, je dois signer le dossier et rencontrer le coroner. »

Stan regarde son collègue. « D’accord, mais si la tâche s’alourdit, nous aurons besoin de renforts ou vous devrez nous donner un coup de main. »

Le Dr Singh pousse un soupir. « Si vous avez besoin d’aide, je resterai. »

Le Dr Singh se dirige vers l’ordinateur pour y consulter les admissions en urgence et commencer à planifier son quart de travail.

Jason s’approche de lui. « Puis-je vous interrompre?

— Certainement, Jason. Que se passe-t-il? »

En tentant de se limiter aux aspects concernant la situation, le contexte, l’évaluation et la recommandation (SCER), Jason dit : « Je commence mon quart de travail aussi. Nouvelle patiente. Mme Johns, 72 ans. Corridor B. Exacerbation de MPOC. Peut-être une pneumonie. Aucun autre antécédent médical. Essoufflement important et saturation basse.. Je lui ai installé des lunettes nasales à 2 l/min. Soulagement partiel et meilleure saturation. Les bruits respiratoires sont assez faibles dans les champs inférieurs, et elle présente une respiration légèrement sifflante dans les champs supérieurs. Elle est stable pour le moment, mais j’aurais besoin de quelques directives, s’il vous plaît.

— D’accord, Jason. Je conviens qu’elle est stable pour l’instant, mais le potentiel de détérioration est élevé. Je suivrai le protocole MPOC et je prescrirai une radiographie thoracique, quelques tests de laboratoire, des inhalateurs, une spirométrie et une GSA. Ne donnons aucun antibiotique avant d’avoir une meilleure idée en ce qui a trait à la pneumonie. Je ne veux pas réagir avec excès et prescrire quelque chose dont elle n’a pas besoin actuellement. Étant donné son diagnostic et l’usage potentiellement fréquent d’antibiotiques, nous pourrions la rendre vulnérable à une superbactérie. Qu’en pensez-vous?

— Je suis d’accord. Merci. Je m’occupe de l’inhalo pour la GSA et je tenterai de savoir si la radmed peut faire une radiographie mobile. »

Le Dr Singh prend une fiche d’ordonnance. Jason y appose dans le coin supérieur droit un autocollant sur lequel sont inscrits les renseignements d’identification d’Erin Johns.

Jason prend les prescriptions du Dr Singh et se dirige vers Sheila, la commise d’unité.

Sheila le regarde en haussant les sourcils. « J’arrive à peine. Ne me dis pas qu’il y a beaucoup de prescriptions! Mon trajet pour arriver a été désastreux, et le service de garde a ouvert en retard. Je me sens déjà moi-même en retard avant d’avoir commencé.

— Pauvre toi, lance Jason en souriant. Je déteste quand ma journée commence ainsi. J’ai déjà dû apporter mon petit Jim au travail une fois, quand le service de garde avait ouvert en retard. Cathy était passée le prendre une demi-heure après le début de mon quart. Les prescriptions sont vraiment courtes, comme on peut s’y attendre puisqu’elles sont du Dr Singh. Juste l’essentiel, aucun extra. Comme tu arrives à peine, voudrais-tu que je les entre moi-même dans l’ordinateur?

— Ce serait fantastique! Je vois que le Dr Greg a admis un patient dans le 7B et que les prescriptions pour ce patient comptent plus de sept pages. Je préférerais commencer par cette série, si tu le veux bien.

— Aucun problème. » Jason s’éloigne du poste de soins infirmiers et se connecte à un ordinateur installé à quelques mètres d’Erin.

Il saisit tous les renseignements et produit les demandes relatives aux prescriptions du Dr Singh : FSC, électrolytes, AUS, créatinine, spirométrie, radiographie thoracique mobile et médicaments suivant le protocole MPOC.

Jason se dirige silencieusement vers Erin et constate qu’elle s’est endormie dans le fauteuil.

Wow! Je me demande à quand remonte sa dernière bonne nuit de sommeil, pense-t-il. Jason touche délicatement le bras d’Erin pour la réveiller et l’informer des tests à venir. Il lui dit que le Dr Singh passera la voir bientôt, quand les tests seront terminés, pour l’examiner.

Erin hoche la tête et referme les yeux.

Endroit : Laboratoire médical

Alexa a à peine commencé son quart de travail. En souriant intérieurement, elle pense : C’est mon troisième quart de travail toute seule depuis mon intégration. J’ai peine à y croire. Les études permettent de bien nous préparer en vue d’un emploi, mais rien ne nous prépare au travail. Il y a tellement de choses à faire. J’ai déjà mal aux pieds.

En replaçant la blouse de son uniforme, elle se penche sur son chariot afin de s’assurer qu’elle dispose du matériel nécessaire pour la majeure partie de son quart de travail.

Le superviseur du laboratoire s’approche d’elle. « L’urgence est très occupée actuellement. Pourrais-tu y descendre avant de te rendre ailleurs dans l’hôpital? Sheila, la commise de l’urgence, affirme qu’il y a une vingtaine de demandes de test de laboratoire en attente.

— D’accord, mais je n’y ai pas travaillé depuis la fin de mes études.

— Tu n’as pas à t’inquiéter. James y est déjà et il pourra t’aider. Il aime vraiment l’atmosphère de l’urgence. »

Alexa pousse son chariot jusqu’à la porte du laboratoire, puis se dirige vers l’ascenseur menant à l’urgence. Dans l’ascenseur, elle appuie sur le bouton correspondant à l’étage de l’urgence et regarde les voyants s’allumer à tour à tour jusqu’à ce que s’illumine celui de l’urgence. La descente terminée, elle pousse son chariot jusqu’aux portes réservées au personnel de l’urgence et appuie sur le bouton en prenant une grande respiration. À l’ouverture des portes, le bruit, les odeurs et un écrasant sentiment de chaos la font légèrement reculer.

« Oh, mon dieu. Les études ne m’ont vraiment pas préparée à ça. Wow. »

Manœuvrant tant bien que mal son chariot dans le service d’urgence, elle se dit en elle-même : C’est comme si je conduisais en pleine heure de pointe en pays étranger. Il y a des règles, mais personne ne les respecte.

Elle trouve rapidement son chemin jusqu’au poste de soins infirmiers et se dirige vers les bureaux, où sont conservées toutes les demandes en attente. Elle remarque que James a pris toutes les demandes urgentes parce qu’il n’en reste aucune dans la pile. En examinant les demandes, elle constate qu’elles se ressemblent toutes et qu’elles ont toutes été rédigées sensiblement au même moment.

« Très bien. Commençons par celle-ci », dit-elle en déposant la demande d’Erin Johns sur le dessus de sa planchette. En consultant la demande, elle sort les tubes de laboratoire et y appose les étiquettes d’identification d’Erin Johns.

Elle relève ensuite le regard. Elle fronce les sourcils en marmonnant : « Corridor B. Où diable est-il? »

Jason, passant par là, entend les murmures d’Alexa et s’arrête. « Bonjour, je m’appelle Jason. Je suis responsable du corridor B. Qui cherchez-vous? »

La mine quelque peu déconfite, Alexa dit : « Je ne pensais pas que quelqu’un m’entendrait chuchoter avec tout ce bruit.

— Ce n’est pas si bruyant, et on s’y habitue.

— Je cherche Erin Johns.

— Erin est ma patiente. Passons par ici et empruntons le corridor. Je vous la présenterai. C’est la première fois que je vous vois. Êtes-vous nouvelle?

— Oui. C’est mon troisième quart de travail toute seule depuis mon intégration. J’ai surtout travaillé au laboratoire ou sur les étages des soins médicaux. J’ai travaillé à l’urgence pour une partie de mon dernier préceptorat.

— Excellent! C’est un milieu de travail fantastique. Les tâches n’y sont pas de tout repos, mais les gens sont compétents et très attentionnés. »

En parcourant le corridor, Alexa voit une dame âgée qui porte des vêtements ordinaires, une couverture légère sur les épaules, et qui dort dans un fauteuil roulant.

« Est-ce…?

— Oui. Il s’agit d’Erin Johns. »

Jason s’approche d’Erin avec assurance et lui touche délicatement le bras. Alexa remarque que les yeux d’Erin s’ouvrent rapidement et qu’ils semblent vifs. Le regard d’Erin n’est pas vague, comme celui d’autres patients qu’elle a déjà vus.

« Madame Johns, je vous présente Alexa, l’une de nos techniciennes de laboratoire. Elle vient vous faire un prélèvement sanguin. Est-ce OK pour vous? »

Erin acquiesce d’un signe de tête.

Alexa approche son chariot. En examinant la demande, puis en regardant Mme Johns, elle dit : « Pourriez-vous me dire votre nom?

— Erin Johns.

— Quelle est votre date de naissance?

— Le 6 juin 19xx.

— Parfait. Merci! » Alexa vérifie le bracelet d’identification au poignet droit d’Erin pour savoir si les renseignements y figurant sont identiques à ceux de la demande. Satisfaite, elle prépare les tubes, les contre-vérifie et saisit le matériel de ponction veineuse et le garrot. Se rappelant les lignes directrices de l’Organisation mondiale de la Santé, elle se prépare à prélever les échantillons sanguins.

Alexa demande d’abord à Erin de relever sa manche un peu plus. Elle attache ensuite délicatement le garrot autour de la partie supérieure du bras droit d’Erin et nettoie la fosse antécubitale à l’aide d’un tampon désinfectant.

« Très bien. Vous sentirez un petit pincement. »

Alexa fait pénétrer délicatement l’aiguille sous la peau, trouve la veine immédiatement et insère le premier des trois tubes de prélèvement dans le tube Vacutainer.

Une fois les tubes remplis, Alexa les secoue lentement et délicatement pour mélanger le sang et l’anticoagulant. Ensuite, elle dépose doucement les tubes dans le support à l’avant de son chariot.

« J’ai terminé, madame Johns. J’espère que vous vous sentirez bientôt mieux. »

Alexa s’éloigne et se dirige vers le poste de soins infirmiers. Elle consulte la prochaine demande sur la liste et constate qu’il ne s’agit pas d’un corridor, mais d’un numéro. En regardant autour d’elle, elle trouve rapidement le numéro 12 et se dirige vers son prochain patient.

Endroit : Radiographie médicale

Gurpreet consulte la liste des demandes de patients dont elle doit s’occuper. Sur la liste se trouve un certain nombre de patients de l’urgence et d’autres déjà installés sur les étages. Aucune demande ne porte la mention « Urgent ».

« On dirait bien que j’aurai besoin d’un préposé. »

Glen regarde de l’autre côté du hall où il est assis. « Qu’as-tu dit, Gurpreet? As-tu besoin de mon aide?

— Je suis désolée, Glen, je ne t’avais pas vu. Oui, pourrais-tu m’amener Mme Erin Johns du corridor B de l’urgence, s’il te plaît?

— Oui, avec plaisir. »

Glen se lève de sa chaise et franchit les portes doubles du service de radiologie. En jetant un regard dans le corridor, il emprunte l’escalier arrière et descend au service d’urgence.

Glen travaille à l’hôpital depuis une quinzaine d’années et en connaît tous les raccourcis. Deux marches à la fois, il arrive à une porte peu utilisée menant au corridor B du service d’urgence.

Il se rend jusqu’au poste de soins infirmiers, à l’extrémité du corridor et se tourne vers Sheila, la commise d’unité. « Bonjour, Sheila!

— Oh! Bonjour, Glen. Que puis-je faire pour toi?

— Que dirais-tu d’un repas?

— Ce n’est pas ce que je veux dire! » Sheila sourit à son amoureux et lui fait un clin d’œil.

« Je dois conduire Mme Erin Johns au service de radiologie pour une radiographie. »

Sheila consulte la liste des affectations et constate que l’infirmier responsable est Jason. « D’accord. Mme Johns est une patiente de Jason. Le voici d’ailleurs qui parle avec elle.

— Merci. Je te vois après le travail?

— Je termine à sept heures. Reviens me voir lorsque tu auras terminé. Nous pourrions prendre l’autobus ensemble. »

Glen sourit, puis se dirige vers Erin et Jason.

« Bonjour, je m’appelle Glen et on m’a demandé d’accompagner Mme Johns au service de radiologie. »

Jason fronce les sourcils. « Ne pourrait-on pas faire la radiographie ici avec un appareil mobile? »

Glen secoue négativement la tête. « Ce n’est pas ma décision. Gurpreet m’a demandé de lui amener la patiente au service. »

Jason se tourne vers Erin et lui explique qu’il faut une radiographie thoracique pour aider le personnel à comprendre les causes de son essoufflement.

Erin, qui semble un peu plus fatiguée, répond : « J’en ai déjà fait plusieurs. Je serai heureuse de m’éloigner de ce corridor. Il est si bruyant. »

Glen saisit les poignées à l’arrière du fauteuil roulant, le retourne rapidement et s’oriente vers la porte. En direction de l’ascenseur, Glen parle à Erin de la température extérieure, de la partie de hockey et des derniers événements survenus en ville. Erin demeure immobile dans le fauteuil et fait semblant de l’écouter.

Glen et Erin franchissent les portes du service de radiologie et voient Gurpreet derrière son bureau.

« Voici Mme Erin Johns du corridor B du service d’urgence.

— Merci, Glen. Pourrais-tu la conduire dans la salle 2, s’il te plaît? J’arrive dans quelques instants. »

Heure : 11 h 30
Endroit : Corridor B de la salle d’urgence

« Dans combien de temps aurai-je mes résultats? »

Glen regarde Erin. « Ce n’est pas à moi qu’il faut le demander. Je dirai à Sheila que vous êtes de retour. Le médecin et Jason pourront donc examiner votre radiographie.

— Merci. »

Glen se dirige rapidement vers le poste de soins infirmiers pour informer Sheila que la radiographie thoracique est terminée.

Erin regarde le corridor d’un bout à l’autre. Il semble y avoir moins d’activité, et quelques unités réservées aux civières sont vides.

J’espère que j’aurai un lit pour m’y allonger, pense-t-elle. Je commence à avoir mal au dos.

Sans s’en rendre compte, Erin ferme les yeux. Soudainement, elle sent que quelqu’un lui touche la main. Surprise, elle émet un petit cri.

« Doucement, doucement. Tout va bien. Je m’appelle Matt. Je ne voulais pas vous effrayer. Wow! Je suis vraiment désolé, madame Johns.

— Ça va. Je me suis endormie sans m’en rendre compte.

— Je suis inhalothérapeute et je dois vous faire passer deux tests. Le premier est une spirométrie. Je crois que vous avez déjà fait ce test d’après les résultats dans votre dossier. Le second est une gazométrie du sang artériel.

— La spirométrie, il faut souffler dans un tube, n’est-ce pas?

— C’est exact. Souhaitez-vous le faire en premier?

— D’accord. »

Matt ouvre un petit sac de plastique pour y prendre un tube stérilisé muni d’une jauge. Il décrit rapidement à Erin ce qu’elle doit faire.

« Madame Johns, je vous demanderai d’inspirer profondément, puis d’expirer le plus fort possible dans ce tube. Nous le ferons trois fois pour nous assurer d’obtenir une mesure fiable. »

Erin se redresse un peu dans son fauteuil, puis fait oui de la tête. « Je ferai de mon mieux. »

Matt lui remet l’appareil. « Bien. Inspirez profondément, puis soufflez dans le tube. »

Erin suit les instructions, et ce, à trois reprises. Chaque fois, Jason consigne les résultats sur la demande de spirométrie.

« Très bien. C’est terminé. C’est du bon travail, madame Johns. »

Erin fait un signe affirmatif de la tête et sourit légèrement.

« Je dois maintenant faire une gazométrie du sang artériel ou GSA. Il me faut donc prélever un peu de sang à partir de votre poignet. C’est un peu plus inconfortable qu’un prélèvement sanguin ordinaire. »

Erin le regarde avec des yeux interrogateurs. « Est-ce nécessaire? J’ai déjà fait cet examen et c’est vraiment douloureux.

— Je ferai de mon mieux pour ne pas vous faire mal, mais c’est inconfortable. Quelle main utilisez-vous le plus?

— Je suis droitière. »

Matt saisit délicatement la main gauche d’Erin et lui plie le coude pour former un angle de 90 degrés. Il effectue alors le test d’Allen.

« Très bien, très bien. Tout me semble correct, madame Johns. »

Matt frotte ensuite vigoureusement un tampon d’alcool sur le poignet de Mme Johns. Puis, il agite la main pour dissiper l’odeur d’alcool.

« Détendez-vous et demeurez immobile pendant la procédure. Compris? »

Erin acquiesce nerveusement de la tête.

En tenant la seringue à un angle de 45 degrés, Matt pousse l’aiguille sous la peau d’Erin. La seringue se remplit rapidement de liquide rouge. Matt retire ensuite la seringue et tient une gaze sur le site de ponction.

« Ce n’était pas si mal. Vous êtes vraiment doué.

— J’ai eu un peu de pratique, madame Johns. » Tout en appliquant une pression sur le poignet gauche d’Erin, Matt retire adroitement l’aiguille de l’échantillon et installe un embout sur la seringue. Après quelques minutes, il demande à Erin de maintenir la pression, mais d’éviter de soulever la gaze pour jeter un œil à la plaie, jusqu’à ce qu’il revienne.

Matt prend l’échantillon et retourne vers la zone arrière du service d’urgence pour analyser l’échantillon à l’aide de l’appareil de GSA. L’appareil fournit rapidement le résultat.

Matt retourne voir Erin.

« D’accord, regardons sous la gaze. »

Matt ne voit aucun saignement, mais remarque un petit hématome sur le site de ponction. Il couvre le site d’une gaze, puis fait un petit pansement autour du poignet d’Erin.

« Veuillez laisser ce pansement en place. Nous pourrons le retirer plus tard dans la soirée. Je veux m’assurer que vous n’aurez pas un gros hématome. »

Erin fait un signe affirmatif de la tête.

Matt s’éloigne et se met à la recherche de Jason pour lui montrer les résultats de la spirométrie et de la gazométrie du sang artériel.

Jour : 0 pH O2 CO2 HCO3
Heure : 23 h 7,45 80 50 35

Matt trouve Jason à l’ordinateur, au poste de soins infirmiers.

« Hé, Jason. J’ai les résultats de la spirométrie et de la GSA de Mme Johns. »

Jason lève le regard, sourit et dit : « D’accord. Quelque chose à signaler?

— La spirométrie révèle une diminution de la capacité vitale depuis son dernier test en clinique, il y a deux mois, et son rapport VEMS/CVF est inférieur à 0,7. Ce qui n’est pas surprenant, puisqu’elle est de nouveau ici. La GSA indique une hausse du CO2 et une PO2 normale avec de l’oxygène à 2 l/min. Sa santé est légèrement compromise pour le moment. J’ai ausculté son thorax tout à l’heure. Les bruits ressemblaient à ceux d’une MPOC. Rien ne semblait hors du commun.

— D’accord. Les résultats se trouvent-ils sur la planchette?

— Oui. J’espère que ça ne t’ennuie pas si j’ai aussi consigné la GSA dans son dossier.

— Tu es génial. J’irai voir le Dr Singh quand j’aurai terminé ma tâche actuelle pour savoir quoi faire. Je présume qu’elle passera la nuit ici. »

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