23 Salle d’urgence

Jour : 0
Heure : 11 h 15
Endroit : Triage de l’urgence

L’infirmière Jackie se dit en elle-même : Wow! Je peux enfin m’asseoir une petite minute. La grippe saisonnière est vraiment forte. Quinze patients avant 10 h 30 ce matin. Elle remplit un certain nombre de formulaires urgents, installée derrière le poste de triage, et ajoute quelques noms au tableau blanc pour faire le suivi de l’emplacement des patients et du personnel.

En levant les yeux, Jackie voit deux femmes d’âge moyen, bien habillées, qui s’approchent du poste; l’une d’elles est assise dans un fauteuil roulant.

Je parie qu’il s’agit d’un autre cas de grippe, se dit-elle intérieurement.

« Bonjour, lance Jackie en s’adressant aux deux femmes. Comment puis-je vous aider? »

Dorothy avance le fauteuil roulant jusqu’au poste de triage. « Nous sommes justement là pour ça, avoir votre aide. En fait, il faut aider Meryl! »

Jackie regarde les deux femmes et tente de leur sourire. Elle se dit à elle-même : À ce que je vois, la situation pourrait s’avérer complexe.

Jackie s’adresse alors aux deux femmes : « Quel est le problème? Comment pourrais-je vous être utile?

— Je m’appelle Dorothy, et voici ma conjointe, Meryl. Elle s’est évanouie ce matin, pendant que nous faisions notre épicerie.

— Je m’appelle Jackie et je suis l’infirmière de triage. Ma tâche consiste à effectuer un premier examen pour déterminer la gravité du problème. Très bien. Alors, vous vous êtes évanouie, n’est-ce pas? Avez-vous perdu connaissance ou vous êtes-vous sentie étourdie avant de tomber au sol? »

Meryl regarde les deux autres femmes. « Un peu des deux, je crois. Je me souviens seulement d’avoir repris mes esprits, assise sur le plancher, les jambes croisées.

— D’accord. Vous me semblez un peu essoufflée. »

Meryl tente de prendre une grande respiration qui ne provoque, en définitive, qu’une faible toux. « Oui, je termine à peine une grippe. Je croyais qu’elle était bel et bien finie. »

Jackie contourne le poste de triage avec l’appareil de prise de signes vitaux.

Après avoir installé le brassard du tensiomètre autour du bras de Meryl ainsi que le saturomètre et la sonde de température, Jackie appuie sur le bouton afin de mettre l’appareil en marche et de prendre les signes vitaux de Meryl.

Jour : 0 Fréquence cardiaque Pression artérielle Fréquence respiratoire Température Saturation en O2
Heure : 11 h 20 106 95/60 20 36,5 °C 95 %

L’infirmière prend connaissance des résultats. Elle constate que la température n’est pas élevée, mais que la pression artérielle est basse et que la fréquence cardiaque est haute. « Votre problème ne semble pas être lié à la grippe. C’est sans doute autre chose. Très bien. Veuillez patienter à cet endroit pendant que je tente de trouver rapidement quelqu’un pour vous examiner. L’urgence n’est pas très occupée; l’attente devrait être courte. »

Dorothy secoue la tête. « Fantastique! Notre système de santé en action. D’accord, Meryl. Asseyons-nous et patientons. »

Meryl lève les yeux vers Dorothy. « Je suis prête à patienter.

— Pas moi. » Dorothy dirige le fauteuil jusqu’à l’endroit indiqué par Jackie.

Heure : 11 h 30

L’infirmière Jackie s’approche de Meryl et de Dorothy. « J’ai d’abord besoin de quelques renseignements, puis le médecin pourra vous examiner. »

Jackie consigne tous les antécédents médicaux de Meryl. Elle lui pose des questions sur son passé, sa prise de médicaments, ses allergies et ses coordonnées.

« Vous avez donc un souffle cardiaque qui n’a pas disparu après votre dernière grossesse. C’est exact?

— Oui. On m’a dit de ne pas trop m’en soucier.

— Vous a-t-on dit autre chose?

— Non. Je ne m’en suis pas préoccupée jusqu’à maintenant. Aujourd’hui, j’ai des sensations inhabituelles à la poitrine et je suis essoufflée.

« Très bien. Merci. Je vais aller parler avec le Dr Smythe, et nous vous installerons à un autre endroit afin d’explorer plus en détail ce qui se passe. »

Jackie s’éloigne pour trouver le Dr Smythe.

Heure : 12 h 15

Au moment même où Jackie termine la consignation de ses observations, le Dr Smythe s’approche du lit.

« Bonjour, je suis le docteur Edward Smythe. Je suis l’un des médecins de l’urgence, et Jackie m’a demandé de vous examiner. »

Meryl et Dorothy lèvent toutes deux le regard, voient le Dr Smythe et font simultanément un signe de la tête.

Le Dr Smythe commence à évaluer Meryl et fait pivoter la tête de la patiente d’un côté à l’autre en étudiant son cou. Il scrute ensuite les doigts de Meryl ainsi que les chevilles, qu’il serre légèrement. « Je dois ausculter votre cœur et vos poumons. »

Meryl ajuste son chemisier et permet au Dr Smythe d’avoir accès à son thorax. Le Dr Smythe écoute attentivement les bruits du cœur et de la respiration de la patiente.

À la fin de l’évaluation, il recule de quelques pas, puis regarde Meryl et Dorothy. « Je ne crois pas que ce soit la grippe. Votre souffle cardiaque est très bruyant – plus que je ne m’y attendais en fait – et vos bruits respiratoires sont très rudes. Je pense aussi entendre un autre bruit provenant du cœur. Il pourrait ne rien y avoir, mais il pourrait aussi s’agir d’un problème grave. J’aimerais donc faire quelques analyses sanguines et une radiographie thoracique. Je demanderai aussi un test de grossesse, puisque votre souffle cardiaque est apparu lors de votre dernière grossesse.

— Docteur Smythe, je ne pense pas qu’elle soit enceinte, répond Dorothy en pouffant de rire.

— Ce pourrait quand même être le cas, et nous devons écarter cette possibilité. »

Le Dr Smythe se tourne vers Jill. « Veuillez lui installer l’appareil de contrôle et prendre ses signes vitaux toutes les 15 minutes durant la prochaine heure, puis à toutes les heures. Je prescrirai aussi des tests : FSC, électrolytes, AUS, créatinine, troponine, ECG 12 dérivations et radiographie thoracique mobile. J’ajouterai à cela glucose, analyse des urines et test de grossesse. Pour le moment, je veux que vous restiez au lit. Je demanderai à quelqu’un du service de cardiologie de venir vous examiner. »

Jill consigne tout ce qui a été dit pour s’assurer de ne rien oublier.

Le Dr Smythe se retourne vers les deux femmes. « Meryl, vous passerez la majeure partie de la journée avec nous. Je vous admettrai donc à l’urgence. Après avoir reçu les résultats de tous les tests, je reviendrai vous en parler et planifier avec vous la suite des choses.

— Merci, docteur Smythe. »

Heure : 12 h 45

Le téléphone à côté de Jill sonne alors qu’elle consigne un autre épisode de fibrillation atriale. « Bonjour, Jill à l’appareil.

— Bonjour, Jill. C’est Gurpreet, de la radiologie. J’ai reçu une demande de radiographie thoracique pour Mme Meryl Smith. Peut-elle se rendre au service de radiologie?

— Je ne crois pas. Elle est reliée à un appareil de contrôle et elle a été admise pour un évanouissement. J’ai peur qu’il se produise quelque chose si on l’envoie en radiologie. Sinon, elle devra être accompagnée d’une autre infirmière ou de moi-même.

— Très bien, Jill. Je pensais bien qu’il en serait ainsi. Je tenais seulement à m’en assurer. Je descendrai dans quelques minutes et je réaliserai la radiographie à l’urgence avec un appareil mobile.

— Merci. » Jill raccroche le combiné, termine de coller le relevé des variations de la fréquence cardiaque dans le dossier de la patiente et se rend au chevet de Meryl.

« Bonjour, madame Smith. Quelqu’un descendra bientôt pour la radiographie thoracique. Je voudrais vous aider à vous installer afin que vous soyez prête à l’arrivée de Gurpreet et de son appareil. »

Jill aide donc Meryl à s’asseoir droite, retire les électrodes de l’électrocardiogramme du thorax de la patiente et explique la procédure de radiographie à Dorothy et à Meryl.

Comme elle termine, Gurpreet tourne le coin avec l’appareil de radiographie mobile.

« Ouf! On dirait que cette chose est de plus en plus lourde d’une fois à l’autre! Même avec la commande mécanique, elle est difficile à déplacer sans écraser quelques orteils. Est-ce Mme Meryl Smith?

— Oui, c’est bien elle, répond Jill en souriant à Gurpreet. Les choses n’ont pas traîné. Dois-je inspecter les roues du chariot pour en décoincer des orteils?

— Non. J’ai entendu quelques cris, mais rien d’autre en me rendant jusqu’ici. Merci d’avoir tout installé pour moi.

— Aucun problème. »

Gurpreet s’approche du lit et vérifie la position de Meryl. « Je m’appelle Gurpreet. Je dois d’abord contre-vérifier votre identité, puis j’installerai une plaque très dure derrière vous pour réaliser une radiographie de votre thorax. »

Meryl donne son consentement en hochant la tête.

Gurpreet consulte la demande et compare les renseignements qui s’y trouvent au bracelet d’identification que porte Meryl à son poignet gauche. « Pourriez-vous me donner votre date de naissance? »

— Oui. Il s’agit du 6 juin 19xx.

— Très bien. Allons-y. »

Gurpreet retourne à l’appareil de radiographie mobile et retire une large plaque d’un compartiment dissimulé à l’arrière. Elle glisse la plaque dans un sac spécial en plastique, puis revient vers le lit. Avec l’aide de Jill, elles inclinent ensemble Meryl vers l’avant et déposent la plaque servant à la radiographie derrière la patiente.

« Oh! C’est très inconfortable.

— Nous n’en aurons que pour quelques minutes. Appuyez votre corps contre la plaque, détendez-vous et tentez de ne pas bouger. »

Gurpreet positionne l’appareil de radiographie au pied de la civière. Elle allume une lumière du bloc de caméra et règle l’ouverture en fonction de la taille du thorax de Meryl. À l’aide d’un ruban à mesurer intégré, Gurpreet fait une vérification pour s’assurer que la radiographie est prise à la bonne distance. Satisfaite, elle fait un signe de tête à Jill et saisit le tablier de protection suspendu au montant de l’appareil de radiographie.

« Radio prête dans le lit 4.

— Écartez-vous! Radio dans le lit 4! » Gurpreet appuie sur un bouton qui démarre un bruissement. L’opération se termine par un clic sourd.

« J’ai terminé, madame Smith. » Gurpreet suspend le tablier de protection au montant de l’appareil, puis se dirige vers le lit pour aider Jill à retirer la plaque et à réinstaller Meryl dans une position plus confortable.

Gurpreet sort de la chambre avec l’appareil de radiographie mobile.

Dorothy entre au même moment, deux cafés à la main, l’un pour Meryl, l’autre pour elle. « Hé! Est-ce que j’ai manqué quelque chose?

— Seulement le premier des nombreux tests que nous devons faire, répond Jill en se retournant. Il s’agissait de la radiographie. J’espère que le technicien en laboratoire viendra bientôt pour les autres tests. »

Heure : 12 h 59

Alexa consulte la liste des demandes transmises au laboratoire. « Très bien. Il y en a plusieurs provenant de l’urgence et deux autres envoyées par le service des naissances. Je peux m’occuper rapidement de celles transmises par l’urgence. Je devrais cependant trouver quelqu’un pour répondre aux demandes du service des naissances. »

En levant les yeux, elle voit Harry installé au bureau. « Hé! Harry. Pourrais-tu me rendre un service? Je suis un peu submergée de demandes provenant de l’urgence, et le service des naissances a envoyé deux demandes que je ne pourrai pas faire aussi vite que je le souhaiterais. Pourrais-tu t’en charger?

— Tu sais que je ferais tout pour toi Alexa, répond Harry en souriant. Mais il t’en coûtera quand même un café.

— Un café? Marché conclu. Merci! »

Alexa agrippe son chariot de laboratoire et se dirige vers la porte pour se rendre au service d’urgence. En patientant dans l’ascenseur, elle examine les demandes de l’urgence. Très bien, pense-t-elle. Rien de spécial. Il semble s’agir de tests de routine. Aucune urgence. Allons-y donc en ordre chronologique, en fonction de l’heure de réception des demandes.

Heure : 13 h 14

En s’avançant, Alexa dit : « Bonjour. Êtes-vous madame Meryl Smith?

— Oui. Pourquoi?

— Je m’appelle Alexa et le médecin de l’urgence a prescrit quelques tests de laboratoire pour vous.

— D’accord. »

Alexa consulte la demande, en compare les renseignements avec ceux figurant sur les étiquettes, puis appose celles-ci aux tubes pertinents. Ensuite, elle s’approche du lit de Meryl. « Je dois vous poser quelques questions pour m’assurer de m’adresser à la bonne patiente et d’effectuer les bons tests. » Alexa voit Meryl acquiescer de la tête. « Très bien. Pourriez-vous me dire votre nom au complet?

— Meryl May Smith. Ma date de naissance est le 6 juin 19xx.

— Oh! Je vois que vous connaissez la procédure.

— Pas vraiment, mais chaque personne semble me poser les mêmes questions.

— Vous avez raison. Nous devons confirmer l’identité de chaque patient pour effectuer les bons tests. Nous tentons d’éviter les erreurs dans la mesure du possible. »

Alexa se prépare pour la ponction veineuse en rassemblant le matériel nécessaire. Elle installe ensuite un garrot autour du bras gauche de Meryl. En examinant minutieusement la fosse antécubitale de la patiente, Alexa trouve une large veine proéminente. « Vous pourriez sentir un petit pincement. »

Alexa insère rapidement l’aiguille du barillet dans la veine et, constatant un reflux de sang, pousse le premier tube dans le barillet. Elle répète la procédure trois fois de plus afin de remplir les quatre tubes collecteurs.

« Très bien, madame Smith. Veuillez appuyer ici. » Meryl obéit à la requête. Alexa vérifie de nouveau les étiquettes en fonction des renseignements de la demande, puis dépose les tubes dans les supports en vue du traitement.

« Appliquons maintenant un petit pansement sur la plaie. Voilà. Je vous laisse tranquille maintenant. J’espère que tout ira bien pour vous, madame Smith. » Alexa pousse son chariot en direction de l’espace principal du service d’urgence. J’ai terminé tous les patients, pense-t-elle. Je n’ai plus qu’à déposer ces prélèvements pour le traitement et à demander si quelqu’un a besoin d’aide.

Heure : 13 h 20

Jill s’approche du lit de Meryl au moment même où arrive le technicien responsable de l’électrocardiographie. « Est-ce Mme Meryl Smith? »

Jill lève les yeux et aperçoit le chariot de l’électrocardiogramme 12 dérivations. « Oui, c’est bien elle.

— D’accord. Merci. Les choses sont un peu chaotiques aujourd’hui. J’ai un peu de retard. Toutes mes excuses. »

Jill hausse les épaules, vérifie l’appareil de contrôle et prend en note les signes vitaux.

Jour : 0 Fréquence cardiaque Pression artérielle Fréquence respiratoire Température Saturation en O2
Heure : 13 h 20 104 98/60 22 36,5 °C 95 %

« Bonjour, madame Smith. Je m’appelle Denis. Je dois installer quelques câbles sur votre thorax, vos jambes et vos bras. Cela nous permettra d’avoir une meilleure idée du fonctionnement électrique de votre cœur.

— D’accord. Je suppose. »

Denis tire les rideaux pour offrir une certaine intimité à Meryl, puis il lui demande de soulever légèrement son chemisier afin qu’il puisse lui installer des câbles sur le flanc gauche. Il fixe les électrodes rapidement et efficacement sur le thorax, les jambes et les bras de Meryl. Une minute plus tard environ, l’appareil imprime un ECG 12 dérivations.

« Maintenant que vous avez toutes ces belles ondulations sur cette feuille rose, qui se charge de les analyser et que veulent-elles dire?, demande Meryl.

— Eh bien, dit Denis en souriant, j’en remettrai une copie à Jill pour votre dossier et une autre au cardiologue afin qu’il l’examine. Peu importe l’identité du cardiologue, il dictera ensuite un rapport qui sera consigné dans votre dossier.

— Quand me présentera-t-on le contenu de ce rapport?

— Je présume qu’on le fera rapidement, mais tout cela dépend de Jill et du médecin de l’urgence. »

Meryl pousse un soupir et s’allonge.

Denis ouvre les rideaux et remet à Jill une copie de l’ECG 12 dérivations.

« Voilà, Jill. Je te laisse en discuter avec les médecins de l’urgence. Je dois monter au cinquième étage pour une urgence.

— Merci, Denis. »

Heure : 14 h 30

Jill trouve le Dr Smythe pendant qu’il examine la radiographie thoracique, les tests de laboratoire et l’ECG 12 dérivations de Meryl.

« Qu’en pensez-vous, docteur Smythe?

— Eh bien! Les nouvelles ne sont pas réjouissantes. Mme Smith présente une certaine congestion pulmonaire. Elle ne fait pas de fièvre. Les GB sont élevés, mais il n’y a aucun signe d’infection. Je crois donc que la congestion est de nature cardiaque. En examinant l’ECG 12 dérivations, je vois une hypertrophie du ventricule gauche. Les tests de laboratoire sont intéressants, puisque la patiente semble avoir une fonction rénale diminuée selon le DFG et la créatinine. De plus, la BNP est élevée. Tous les autres marqueurs cardiaques sont normaux. Il semble donc s’agir d’une exacerbation d’insuffisance cardiaque.

— Wow! Elle semble bien jeune pour souffrir d’insuffisance cardiaque.

— Oui, mais les problèmes qu’elle a eus avec sa valve cardiaque durant la grossesse ne se sont pas améliorés. Ils semblent même s’être aggravés au fil du temps. Sa conjointe est-elle ici? J’aimerais que les deux soient présentes pour entendre la nouvelle.

— Oui, Dorothy se trouve avec Meryl actuellement. »

Jill conduit le Dr Smythe au chevet de Meryl.

Le Dr Smythe regarde les deux femmes. Il n’est jamais facile d’annoncer de mauvaises nouvelles. J’aimerais bien qu’il y ait un autre moyen, pense-t-il.

« Très bien, madame Smith. Je crois savoir ce qui ne va pas et pourquoi vous ne vous sentez pas bien. J’ai examiné tous les résultats de vos tests de laboratoire, et tout semble confirmer un diagnostic d’insuffisance cardiaque.

— Quoi? Qu’est-ce que c’est? Est-ce que je vais mourir?

— Une insuffisance cardiaque est un diagnostic général indiquant que votre cœur ne pompe pas comme il devrait le faire. Dans votre cas, cette insuffisance est liée aux problèmes que vous avez eus avec votre valve cardiaque durant la grossesse. La valve ne se referme pas comme elle devrait le faire, ce qui exerce une pression sur votre cœur lorsqu’il tente de répondre aux besoins de votre corps. Non. Vous n’êtes pas en danger de mort immédiate. Il s’agit toutefois d’un diagnostic grave que vous devrez gérer efficacement avec l’aide d’un cardiologue. »

Dorothy commence à pleurer silencieusement de l’autre côté du lit. Meryl lui tend la main pour la tenir. « Entendu, docteur. Que faut-il faire maintenant?

— Je communiquerai avec l’équipe de cardiologie. J’aimerais vous hospitaliser et vous confier à ses soins pour que vous puissiez prendre les bons médicaments, recevoir des enseignements – pour vous et votre conjointe – et vous joindre à quelques groupes d’aide afin de vous aider à composer avec la situation. Je sais qu’une telle nouvelle n’est pas facile à apprendre, mais, avec une gestion efficace, tout devrait bien aller. »

Meryl, qui semble bouleversée, regarde d’abord Dorothy, puis se tourne vers le Dr Smythe et Jill. « Je ferai tout ce que vous voudrez. »

Le Dr Smythe s’éloigne du lit et retourne vers le poste de soins infirmiers principal pour communiquer avec l’équipe de cardiologie. Jill s’approche de Meryl et de Dorothy. « Avez-vous des questions? »

— Non. Pourriez-vous nous laisser seules un moment?

— Certainement. Je fermerai les rideaux pour vous donner un peu d’intimité. Je reviendrai dans 15 minutes pour vous préparer à monter au cinquième étage. »

Heure : 15 h 30

Jill observe l’appareil de contrôle de Meryl et voit que la saturation en oxygène diminue. L’appareil indique 88 % à l’air ambiant.

Jour : 0 Fréquence cardiaque Pression artérielle Fréquence respiratoire Température Saturation en O2
Heure : 15 h 30 106 96/60 22 36,5 °C 88 %

« Hé! Meryl. Vous sentez-vous bien, demande-t-elle.

— Non, je suis essoufflée. Je ne réussis pas à reprendre mon souffle. On dirait que j’ai fait une course. »

Jill constate aussi que la fréquence cardiaque augmente, mais que le rythme demeure sinusal.

« Très bien. Je crois que je vais vous donner un peu d’oxygène. » Jill sort des lunettes nasales d’un sac en plastique et relie l’une des extrémités au débitmètre d’oxygène. Elle entoure l’autre bout autour des oreilles de Meryl et installe délicatement les lunettes dans le nez de la patiente. Elle règle enfin le débit d’oxygène à 4 l/min.

« Voilà, madame Smith. Inspirez profondément par le nez, puis expirez par la bouche. »

Meryl prend cinq ou six respirations, comme lui demande l’infirmière. Jill constate que la saturation remonte à 93 % et que la fréquence cardiaque commence à diminuer pour s’établir entre 95 et 100 battements à la minute.

« Merci. Je me sens un peu mieux, mais pas comme d’habitude. Est-ce que mon état s’aggrave?

— Peut-être, mais il est encore trop tôt pour le savoir. Disons seulement que vous avez besoin d’un peu d’oxygène, mais que rien d’autre n’a changé.

— D’accord. »

Jill laisse Meryl seule et se met à la recherche du Dr Smythe.

Elle le voit sortir de la salle de dictée, une tasse de thé à la main.

« Docteur Smythe, Mme Meryl Smith a maintenant besoin d’oxygène. Elle dit qu’elle ne se sent pas bien et qu’elle est essoufflée.

— Je pensais bien que cela pourrait se produire. D’accord. Je vais prescrire une écho transthoracique et je communiquerai avec le service de cardiologie pour qu’on la prenne dès qu’un lit se libère. Huit patients recevront leur congé aujourd’hui du service de cardio. Il devrait donc y avoir de la place pour elle. »

Jill regarde le Dr Smythe remplir la demande urgente d’échographie cardiaque.

Heure : 16 h

Charlie examine les demandes à l’écran de l’ordinateur. Qu’avons-nous ici? Une écho urgente à l’urgence?, se demande-t-il.

En prenant connaissance des renseignements sur la demande d’échographie, il constate qu’une consultation a été demandée au service de cardiologie.

Charlie saisit le téléphone et communique avec le service d’urgence pour parler avec l’infirmière responsable de Mme Meryl Smith.

« Bonjour. Jill à l’appareil.

— Bonjour, Jill. C’est Charlie du service d’échographie. J’ai reçu une demande urgence pour Mme Smith. Peut-elle se rendre au service d’échographie?

— J’ai des réserves à vous l’envoyer. Elle reçoit de l’oxygène et elle est branchée à l’appareil de contrôle. Elle est essoufflée et elle ne se sent pas très bien. Il s’agit de son premier épisode d’insuffisance cardiaque, et nous ignorons comment elle y réagit actuellement.

— D’accord. Je descendrai avec un appareil mobile. Ce ne sera pas parfait, mais je pourrai ainsi vous donner d’autres renseignements sur la patiente. Elle aura sans doute besoin d’une autre échographie au service pour obtenir de meilleures images, mais je laisserai le service de cardiologie prendre cette décision. Je serai là dans une dizaine de minutes.

— Merci, Charlie. »

Heure : 16 h 10

Fidèle à sa parole, Charlie arrive en poussant devant lui un gros appareil d’échographie. Légèrement essoufflé par le transport de l’appareil et les manœuvres nécessaires pour se déplacer dans le service d’urgence, il approche l’appareil jusqu’à la civière de Meryl.

« Bonjour, madame Smith. Je m’appelle Charlie et je suis technicien en échographie cardiaque. Je suis ici pour prendre une vidéo de votre cœur. La procédure est sans douleur, mais vous aurez peut-être un peu froid, puisque j’utiliserai du gel.

— Je me souviens d’avoir fait l’un de ces examens quand j’étais enceinte.

— Meryl, dit Dorothy. Je vais sortir pour donner des nouvelles à la famille pendant que Charlie fait son examen. Il n’y a pas assez d’espace pour moi et son appareil. Je reviendrai. » Dorothy contourne l’appareil d’échographie et se dirige vers la salle d’attente pour y faire quelques appels téléphoniques.

Charlie tire les rideaux autour de lit de Meryl et éteint la lumière près de la civière pour obtenir un peu d’obscurité et voir plus aisément l’écran de l’appareil d’échographie.

« Voilà, madame Smith. Vous devrez soulever un peu votre chemise d’hôpital pour me permettre de voir le flanc gauche de votre thorax. »

Meryl expose le côté gauche de son thorax, et Charlie ajuste la chemise pour couvrir la majeure partie du sein de la patiente.

« Le gel est réchauffé, mais il pourrait tout de même vous paraître un peu froid. J’en appliquerai sur votre thorax et sur la sonde. Ainsi, nous obtiendrons une meilleure image. »

Meryl frissonne légèrement pendant l’application du gel sur son thorax, puis elle se détend alors que Charlie dépose la sonde sur le foyer tricuspidien.

« Voilà, madame Smith. J’ai terminé l’échographie. »

Charlie prend une serviette et essuie délicatement la plus grande quantité de gel possible. Puis, il aide Meryl à replacer sa chemise d’hôpital.

« Qu’avez-vous vu? On aurait dit qu’il n’y avait que des ombres.

— Je peux vous dire que votre cœur ne pompe pas aussi bien qu’il le devrait et qu’il y a un problème avec l’une des valves du côté gauche de votre cœur. Le reste devra être déterminé par les médecins, puisque je ne peux pas vous en dire plus.

— Je ne suis pas convaincue que j’avais vraiment besoin de cet examen, car vous avez dit les mêmes choses que le Dr Smythe.

— Vraiment?, dit Charlie en souriant. Eh bien, l’examen confirme ses propos alors. »

Charlie ouvre les rideaux, manœuvre l’appareil d’échographie hors de l’espace prévu pour la patiente et salue Jill et Meryl de la main.

Heure : 16 h 30

Jill aperçoit le Dr Smythe s’entretenir avec Charlie et s’approche d’eux pour entendre ce qu’ils disent.

« D’accord, Charlie, redites-moi ce que vous avez vu durant l’échographie.

— D’accord. La fraction d’éjection est estimée à 30 % environ. Le ventricule gauche semblait un peu dilaté. La valvule mitrale présentait une régurgitation modérée. Sur une note plus positive, je n’ai vu aucune végétation. »

Le Dr Smythe jette un regard à Jill. « Les choses sont beaucoup plus graves que je m’y attendais. Je suis très surpris qu’elle s’en soit si bien sortie hors d’ici et qu’il ne s’agisse que de sa première admission pour une insuffisance cardiaque.

— Un lit s’est libéré pour elle au cinquième étage, répond Jill en hochant la tête. On me dit que je pourrai l’y conduire après 16 h.

— Compte tenu de tout ce que nous savons, ce sera le meilleur endroit pour elle. Merci, Charlie. Saluez votre père pour moi et dites-lui que je suis disponible s’il veut une autre leçon de quilles.

— Merci, docteur Smythe. Je suis convaincu que mon père ne s’est pas encore remis de la partie parfaite que vous avez eue la dernière fois que vous avez joué ensemble. Cette nouvelle leçon pourrait ne jamais se produire. »

Charlie sourit au Dr Smythe et à Jill et, en les saluant de la main, agrippe son appareil à échographie.

« Très bien, Jill. Je ne crois pas devoir parler de nouveau avec Mme Smith. Conduisons-la à l’étage et laissons l’équipe de cardiologie s’en occuper. Ce sera préférable ainsi. Je terminerai la rédaction des notes d’évolution et des prescriptions faites jusqu’à présent. Le service de cardiologie devra ajouter son propre traitement.

— D’accord. Je téléphonerai pour transmettre le rapport au cinquième étage, puis je monterai la patiente après 16 h. Merci, docteur Smythe. »

Heure : 17 h 15

Jill s’approche de Meryl et lui dit : « Très bien, madame Smith. On est prêt à vous recevoir au cinquième étage, et un vrai lit vous y attend dans une vraie chambre. Dorothy peut nous accompagner. Je vais brancher vos électrodes à un système mobile et demander à Glen de me donner un coup de main avec votre civière. »

Dorothy et Meryl semblent soulagées qu’un vrai lit soit prêt.

Jill saisit le système de contrôle portable et l’installe au pied du lit. Elle retire ensuite de l’appareil de contrôle principal la cartouche contenant l’ensemble des renseignements et des électrodes de Meryl et l’insère dans l’appareil portable. Tout en consultant le petit écran, Jill apporte quelques ajustements et constate avec satisfaction que tout semble correct.

Jill communique avec le poste d’accueil et demande à Glen, le préposé, de l’aider à déménager Mme Smith.

Glen arrive quelques minutes plus tard. Ensemble, et avec l’aide de Dorothy, il conduit Meryl jusqu’à sa chambre au cinquième étage.

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