18 Maison

Jour : 0

Heure : 20 h 30
Endroit : Maison

Priya regarde par la fenêtre pour voir son conjoint Harj travailler encore une fois sur son camion.

« Il est toujours là, à faire quelque chose sur cette machine. Je jure que ce camion n’a jamais bien fonctionné depuis qu’il nous appartient », murmure-t-elle.

En nettoyant la cuisine, tout juste avant le dîner, elle regarde la bouteille de Crown Royal, à moitié vide. « Il a recommencé à boire de façon excessive. Je sais qu’il sera grognon et triste à la table tout à l’heure. »

Priya regarde encore une fois par la fenêtre et voit Harj fumer une cigarette après avoir travaillé sous le capot du camion. « De plus, il fume beaucoup trop. Nous réussirions sans doute à mieux joindre les deux bouts s’il ne fumait pas et s’il ne consommait pas autant d’alcool. »

Elle se dirige vers la cuisinière pour y remuer la casserole d’aloo gobi, puis elle éteint l’élément de cuisson. « Voilà, c’est prêt. Voyons maintenant s’il peut venir manger ou s’il dit être trop occupé. »

En se retournant, elle découvre Harj qui la regarde. « Est-ce que tu te parles à toi-même ou est-ce que les enfants sont ici pour le repas?

— Non, Harj. Je réfléchissais à voix haute. Peux-tu faire une pause pour manger quelque chose?

— Oui, je crois que j’ai presque terminé. Cette fois-ci, c’est la pompe à essence qui pose problème. C’est la dernière fois que j’achète de l’essence à ton beau-frère. Le prix était bon, mais je crois que la qualité laissait à désirer.

— Ce n’est peut-être pas la faute de Gurr. Le camion est vieux. As-tu déjà remplacé le filtre à carburant?

— Non. » Harj s’approche de l’îlot de cuisine et soulève son large ventre au-dessus de l’îlot afin d’atteindre l’armoire où sont rangés les petits verres. Il se verse un demi-verre de Crown Royal. « Je me souviens de l’époque où nous n’utilisions ces verres que pour les enfants, quand ils grandissaient. Maintenant qu’ils sont partis, je m’en sers pour boire un verre. En veux-tu un, Priya? »

Priya secoue la tête en signe de refus. « Tu devrais peut-être prendre des verres encore plus petits ou consommer moins d’alcool.

— Pas encore, et pas aujourd’hui. Je me suis levé avant l’aube et j’ai conduit mon camion partout dans cette maudite région. Maintenant, il est 19 h 30. Je mérite un verre pour tout ce dur travail.

— Eh bien! J’ai consulté les registres. Tous ces déplacements ne signifient pas que nous gagnons de l’argent. Nous devrons réduire certaines dépenses. L’alcool et les cigarettes, peut-être? »

Harj secoue négativement la tête. « C’est le seul plaisir que j’ai pour me détendre. Je tenterai de trouver d’autres contrats pour éviter de me déplacer sans cargaison cette semaine. »

Harj s’assoit au bout de la table afin de pouvoir admirer son camion adoré par les portes-fenêtres coulissantes. Ce n’est pas un semi-remorque, mais ce n’est pas l’une de ces camionnettes d’UPS non plus, pense-t-il.

Il dit à voix haute à Priya : « Il ne me reste qu’à reconnecter les composants électriques et je devrais avoir terminé pour ce soir. Je serai prêt à partir tôt demain. »

Priya dépose le repas sur la table et saisit la louche pour mettre des pommes de terre et des légumes chauds et parfumés dans le bol de Harj. Elle lui tend un morceau de pain naan, mais le voit avec dégoût prendre le sien. Il la regarde et hausse les épaules. « Quoi? J’ai faim.

— Tu n’as même pas pris une bouchée encore et tu veux en avoir davantage. Je me souviens de l’époque où je pouvais entourer mes bras autour de ta taille. »

Harj baisse les yeux, regarde son abdomen assez protubérant et sourit à Priya. « Il s’agit certainement de la seule chose qui m’appartient et que j’ai payée au complet. »

Priya sourit en entendant la blague et s’assoit à la table.

Les deux se racontent leur journée et les activités des enfants. « C’est très différent sans les enfants ici. N’est-ce pas, Priya? Le dernier a déménagé il a plus d’un an, mais les choses semblent encore étranges. C’est si tranquille.

— Oui, dit-elle en acquiesçant de la tête, je comprends ce que tu veux dire. Ils viendront nous rendre visite ce week-end. Tu devras faire une pause quand ils viendront. La dernière fois, tu as travaillé tout le week-end et tu ne les as même pas vus. Ce n’est pas bien, ni pour toi, ni pour les enfants. »

Harj arrête de manger et regarde simplement sa nourriture. Priya l’entend dire discrètement : « Je sais. »

Harj termine rapidement son repas, s’écarte de la table et commence à sortir une cigarette de sa poche. — Non, Harj. Nous nous sommes entendus. Aucune cigarette dans la maison. »

Harj lui fait une grimace et franchit les portes-fenêtres coulissantes en allumant une cigarette pour se rendre jusqu’au camion.

Priya nettoie la cuisine et prépare un repas à Harj pour le lendemain. Elle le voit entrer dans la maison. « As-tu terminé?

— Pas tout à fait. J’en ai encore pour cinq minutes. J’ai des brûlements d’estomac douloureux. Ta cuisine me tue. Où sont les comprimés antiacides?

— Sur ta table de chevet, comme d’habitude. »

Harj se rend dans la chambre à coucher et prend quatre comprimés. Il retourne ensuite rapidement à son camion.

En effectuant les derniers raccords, il se dit en lui-même : Voilà, c’est terminé. Démarrons maintenant le véhicule pour voir si tout fonctionne. Après avoir refermé le capot, Harj se dirige vers le côté du conducteur et grimpe jusqu’au siège en lançant des grognements à plusieurs reprises. Le camion démarre du premier coup. Harj donne quelques coups de gaz et consulte le tableau de bord pour confirmer que tout fonctionne. Il arrête le véhicule, retire la clé et descend de la cabine pour se diriger vers la maison.

Après s’être lavé, Harj se laisse choir dans son fauteuil et pousse un long soupir. En parcourant les canaux, il s’arrête sur la Soirée du hockey en pendjabi. Le sourire aux lèvres, il se dit en lui-même : Ces gars sont hilarants. Ils sont bien meilleurs que ceux de la version de Radio-Canada.

Une vingtaine de minutes plus tard, Priya sort de sa salle de couture et trouve Harj, le corps incliné vers l’avant. « Est-ce que tout va bien?

— Oui, oui. Ça va. »

Priya s’approche de Harj et constate l’abondante transpiration sur le sommet de sa tête chauve. Elle remarque qu’il masse son épaule gauche et la partie supérieure de son bras. « Est-ce que tu t’es blessé au bras en travaillant sur le camion?

— Quoi, quoi? Non, non. Je vais bien.

— Tu n’as pas l’air d’aller bien. En fait, tu sembles bien pâle malgré ta peau brune. » Priya s’approche encore pour savoir s’il a entendu sa petite blague.

« D’accord, d’accord. C’est ton repas qui me détruit l’estomac. On dirait qu’il me fait un point ici. » Harj cesse de frotter son bras et indique de la main droite qu’il a plein de douleurs thoraciques.

« Ce n’est pas mon repas. Tu adores ce plat. Quelque chose ne va pas.

— Non, c’est ta cuisine. »

Priya se déplace pour regarder Harj directement dans les yeux et tenter de mieux comprendre son état. En l’examinant de plus près, elle constate qu’il éprouve beaucoup de malaises.

« D’accord, Harj, tu ne vas pas bien. Je pense que tu as des problèmes cardiaques.

— Non.

— Oui. À la mosquée, on nous a expliqué les signes d’une crise cardiaque. Tu dois t’en souvenir. Douleurs au thorax, au bras ou à la mâchoire. Indigestion qui ne disparaît pas. Essoufflement.

— Je ne fais pas une crise cardiaque. Laisse-moi tranquille.

— Non. Je ne te laisserai pas tranquille. J’appelle une ambulance.

— Ne fais pas ça. Nous ne pourrons pas la payer.

— Ta vie est plus précieuse qu’une petite facture. Le père de Preeti a demandé une ambulance quand il s’est cassé la hanche. Ça lui a coûté 80 $.

— Pas d’ambulance. Un point c’est tout!

— Très bien. Nous prendrons ma voiture alors, et tu devras endurer le fait que je serai au volant. Je te conduis à l’hôpital. »

Harj regarde le bout de ses pieds. — D’accord. »

Maintenant, Priya sait avec certitude qu’il ne va pas bien. Il déteste quand je conduis. Le seul fait d’accepter de monter dans ma voiture pendant que je conduis me confirme que quelque chose ne va vraiment pas, pense-t-elle.

« Je prends ton manteau et ton portefeuille, ainsi que mon sac à main. Attends-moi à la porte d’entrée. »

Priya prend tout ce qu’il lui faut, y compris son cellulaire pour informer les enfants que leur père se rend à l’hôpital.

En se dirigeant vers la porte avant, Priya remarque que Harj est à bout de souffle après s’être levé pour se rendre à la porte d’entrée.

En ouvrant la porte, elle tient le bras droit de Harj et sent qu’il s’appuie sur elle. Elle se dit en elle-même : On dirait qu’il ne parvient presque plus à marcher maintenant. J’espère que je ne glisserai pas, car nous nous briserons tous les deux la hanche.

Priya l’assoit sur le siège du passager avant, puis rebrousse chemin pour verrouiller la maison.

Elle s’installe ensuite dans le siège de la conductrice, démarre la petite Corolla, sort doucement de l’entrée et emprunte la rue principale.

« D’accord. Nous sommes à une vingtaine de minutes de l’hôpital.

— D’après ta conduite, il nous en faudra une trentaine.

— Non. Je conduirai en dépassant un peu la limite de vitesse. Nous y serons peut-être même dans 15 minutes. »

Harj incline son siège vers l’arrière et secoue la tête.

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