"

Chapitre 4 – L’État et le secteur public

Introduction

Le gouvernement fédéral canadien est au cœur de ce chapitre, mais les notions et concepts qui y sont examinés sont utiles pour définir les relations qui peuvent exister entre tout gouvernement et les organisations partout en société qu’il gouverne. En effet, les organisations que l’on retrouve dans un gouvernement (département, agence, société de la Couronne, tribunaux (administratifs), conseils, autorités régionales, etc.) interpellent les entreprises, organisations volontaires et bien sur les particuliers œuvrant dans un domaine d’activité de leur juridiction. Le gouvernement, et l’État qui le chapeaute sont à l’origine des lois, des règlements et des politiques qui communiquent à tous que certaines normes ont été jugées tellement importantes qu’elles ne peuvent être laissées au gré de l’éthique des personnes concernées. Gare à qui enfreint les lois et les règlements, car l’État maintien en place des agents, y compris des agents policiers, ainsi que des systèmes juridiques pour contraindre tous aux comportements qui y sont prescrits. Une part de ces systèmes de tribunaux sont d’ailleurs aussi accessibles aux particuliers et aux organisations soucieuses de faire adresser un grief, par exemple une entreprise en conflit avec une autre. Or, c’est aussi par ses politiques budgétaires et monétaires que le gouvernement encadre l’activité des organisations. Le gouvernement maintient de nombreux moyens d’intervenir financièrement dans l’économie (subvention, crédit d’impôt, prêt avantageux), et plus généralement il est guidé par une politique économique susceptible de règlementer ou de dérèglementer les domaines d’activité (selon les ambitions des élus). La poursuite de ces politiques économiques n’est pas sans conséquences pour la formation à long terme des économies nationales, comme en témoigne le fait que chaque juridiction du monde renferme ses configurations uniques de lois, règlements et politiques applicables. En ce sens, bien que le capitalisme soit évidemment le régime économique dominant à l’échelle de la planète, il est partout incarné dans des régimes juridiques au moins légèrement évidents.

Les organisations de l’État

Qu’est-ce que l’État? Voilà une question qui a garni plus d’un titre de livre, de chapitre ou d’article de science politique. L’État est la forme contemporaine que prend l’autorité organisée à partir d’une multitude. Les États existent en vertu d’autorités souveraines, mutuellement reconnues et effectives sur leur territoire. Un État se dote d’organisations capables d’agir sur son territoire dans le but d’assurer la continuité de ses intérêts, tel que perçu par ses dirigeants. Cette base est avec nous depuis déjà plusieurs siècles, ayant d’abord pris forme au 17e siècle en Europe occidentale dans le cadre de la guerre de Trente Ans (1618-1648). À cette base de défense du territoire se sont depuis ajoutés d’autres rôles pour l’État, notamment à partir de la fin du 18e siècle lorsque l’État commence à être posé comme une propriété collective (et non plus celle du roi) et affiche alors des ambitions de représentation de la ‘volonté générale’ (selon l’expression de Jean-Jacques Rousseau). L’État et l’Empire ont continué à exister côte à côte jusque vers le milieu du 20e siècle, mais depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, l’Empire comme forme alternative des communautés politiques a subi un fort déclin. L’Empire manifeste néanmoins des sursauts dans le comportement de certains États et puis plusieurs théorisent toujours la possibilité d’Empires économiques, où la souveraineté politique est formellement reconnue, mais les politiques (économiques) sont contrôlées d’ailleurs. Ne minimisons pas non plus ce qui peut sembler un Empire à certains peuples soumis au joug d’un État discriminatoire à leur égard. Or, depuis la mi-20e siècle, presque tous les territoires de la planète et une part appréciable des eaux littorales sont recouverts de l’autorité souveraine d’État (aussi symbolique soit-elle).

Les fondements philosophiques et sociaux de l’État et l’exercice de la souveraineté suivent parfois des rituels qui peuvent sembler venir d’une autre époque. Rousseau et les autres penseurs des Lumières ont laissé des écrits qui font allusion à une légitimité populaire, et ils ont en ce sens délégitimisé la notion que l’État peut-être la propriété d’une seule personne. Cette tradition dite du ‘contrat social’ propose l’existence d’un moment (symbolique) où les gens du peuple auraient donné leur accord à se voir gouverner par l’État. Or, Rousseau lui-même admettait que ce moment de délégation officielle du peuple était figuratif plus que réel. Bien sûr que des États du monde ont eu des moments charniers (révolutionnaires) qui peuvent ressembler à cette appropriation de l’État par le peuple. La mise à l’écart du rideau de fer qui séparait l’Europe jusqu’en 1989, les manifestations politiques ayant mené à la chute du gouvernement de Robert Mugabe et plus récemment les manifestations qui ont suivi le décret de la loi martiale en Corée du Sud en seraient des exemples. Mais ceux-ci n’ont pas créé leurs États respectifs. Ces États existaient auparavant. Ces mouvements politiques ont plutôt transformé, rehaussé ou fortifié les institutions qui gouvernent l’État en question dans le but (avoué) de l’orienter dans une direction plus démocratique. Le 20e siècle a mis le peuple comme l’acteur de la légitimité de l’État partout au monde. Même la révolution russe de 1917 a été dite du peuple.

Ainsi, il est à douter que les États, comme rassemblement des organisations politiques issues de la multitude aient des genèses très claires. Elles sont dans tous les cas des continuités au moins partielles de ce qui précédait. Plusieurs anciens hauts placés communistes ont continué dans leurs fonctions en Europe de l’Est après la fin du rideau de fer. Ion Illiescu, président de la Roumanie pendant les années 1990, était un ancien du régime communiste. Mais bien sûr, l’émerge des États démocratiques est davantage une question de transformations des institutions qu’une transformation des personnes à la tête. L’État est généré comme fonction générale de la multitude et sa qualité de démocratie sera arrimée à la définition que s’en donne une part appréciable du peuple. Car c’est plutôt dans l’assentiment implicite de la non-contestation que l’État retrouve l’effet de la légitimité populaire. L’approche en continuité à l’histoire de l’État le voit surtout comme un regroupement d’institutions où les normes de l’exercice du pouvoir ont changé à mesure qu’a évolué la nature des organisations de la société, d’une revendication par un regroupement du village devant la noblesse à un mouvement populaire visant à acquérir des droits du travail (deux exemples, chacun à leur manière, de la recherche d’un encadrement dans la loi d’une préoccupation actuellement gouvernée par l’éthique des personnes concernées). De cette perspective, l’équilibre des pouvoirs entre les personnes et les parties est un aspect de notre réalité qui aurait traversé les âges. Au XIe siècle, l’État était la propriété privée du roi, mais les emprunts d’argent par le roi auprès de la noblesse auraient placé ces derniers en position d’autorité de sorte qu’ils furent en position de limiter certaines prérogatives royales[1]. De même, à l’industrialisation du XIXe siècle correspondrait l’émergence des mouvements démocratiques soutenue par une nouvelle classe socio-économique, aujourd’hui connue comme la ‘classe moyenne’ (telle que discuté dans le Chapitre 1). L’État intériorise les enjeux politiques qui touchent à la responsabilité institutionnelle pour la création des lois. Bref, la nature de l’État est un processus continuel au cours des siècles et tout l’intérêt de son étude consiste à voir comment on y a ajouté, modifier et soustrait des institutions, démocratiques ou autres[2].

Les organisations dont se dote l’État sont celles qui seront gouvernées par ces institutions publiques. Un État démocratique permet une authentique possibilité que les gens du peuple aient leurs mots à dire au sujet de la manière dont ils sont gouvernés, autrement dit, sur l’orientation des institutions propres à l’organisation de l’État. L’État regroupe conventionnement ces organisations directement créées par le gouvernement dans le but de poursuivre ses intérêts, tel qu’ils sont perçus par les décideurs politiques (qui auront typiquement, dans une démocratie, gagné cette position suite à un concours électoral). L’État trône au milieu du secteur public, mais il ne rassemble pas toutes les organisations qui font partie du secteur public. Autrement dit, du moins au Canada, il existe une variété d’organisation qui partage d’une quelconque manière des responsabilités pour la poursuite de l’intérêt commun, mais qui ne découle pas des organisations gouvernementales et ne relève pas directement de l’autorité des élues. Parfois désignées comme des organisations ‘parapublique’, on compte parmi elles les conseils scolaires, les entreprises d’État, les autorités de santé, les tribunaux administratifs, les commissions d’enquête et d’autres encore[3]. Très souvent ces organisations obtiennent leurs fonds des octroies budgétaires et la tradition parlementaire de Westminster (à laquelle souscrit le Canada ainsi que plusieurs pays dans le monde) assure qu’il y ait une imputabilité de base. C’est-à-dire que même si un conseil scolaire opère à distance de l’autorité de la ministre de l’Éducation, cette dernière doit néanmoins rendre compte devant la législature de l’utilisation des argents transférés. Non seulement ces organisations non étatiques du secteur public maintiennent-elles une autonomie, mais elles sont incorporées en leur propre nom, possédant l’autorité indépendante de passer des contrats et poursuivent leurs activités quotidiennes à l’écart. Certains règlements sur des préoccupations comme l’approvisionnement et les normes d’embauche peuvent leur être imposés en vertu d’être une organisation du secteur public (qui ne seraient typiquement pas sur le secteur privé, telle la loi sur l’équité dans l’emploii, qui ne touche que le gouvernement fédéral et ses principaux contractants). Or, une organisation est aussi dite secteur public en vertu de ses codes de comportements, qui reflèteront un engagement envers l’intérêt commun. Elles seront de plus jugées par le public selon leur conformité à ce que ce dernier juge être un comportement éthique à l’égard de la multitude. Un conseil scolaire a peut-être une entité autonome du gouvernement, mais les gens s’attendent à ce que ses décisions reflètent des normes d’amélioration de la condition éducationnelles du peuple.

Tous les départements et agences de l’État renferment une loi constitutive qui crée la position du ministre, articule la raison d’être générale et procure les pouvoirs qui sont les siens. Il est aussi vrai que plusieurs autres organisations du secteur public sont aussi créées par la loi, comme le serait toute organisation gouvernementale. Mais le secteur public renferme aussi des organisations qui ont été créées dans le tiers secteur ou dans le secteur privé et qui ont par la suite été reconfigurées dans le secteur public suite à un réajustement dans la distribution des responsabilités sociales (très souvent par une loi, autrement par convention). Le sens inverse existe aussi. Une organisation publique peut être détachée de l’État pour devenir une OSBL (organisation sans but lucratif), par exemple, et l’État peut vendre ses avoirs à des acheteurs privés (on parle alors de privatisation). Ces transferts intersectoriels sont plutôt rares, mais ils reflètent presque toujours une évolution au niveau des institutions. Dans le premier sens, on juge que les normes des secteurs privés et tiers étaient incapables de bien gérer une préoccupation essentielle. Inversement, il arrive que les décideurs publics concluent qu’une organisation n’a pas à faire l’objet d’une gouvernance par les institutions publiques et qu’il est donc possible de la confier à l’extérieur.

Les finances publiques

Les finances publiques désignent l’ensemble des préoccupations associées aux revenus et aux dépenses de l’État. C’est un domaine d’activité qui concerne prioritairement les ministères des Finances ainsi que quelques autres organisations gouvernementales (au Canada, on compte le Secrétariat du Conseil du trésor, le Bureau du premier ministre et le Bureau du conseil privé). Les finances publiques ne sont pas limitées à l’analyse et la récolte des revenus d’impôt ou même les processus d’attribution des ressources financières selon les priorités gouvernementales. Les finances publiques vont aux creux de l’État, comprenant aussi les notions de résultats et de performance des programmes et transferts. Les finances publiques touchent aussi au secteur privé. Le gouvernement doit d’abord pouvoir anticiper quelles seront ses revenus, en examinant les projections de l’activité économique du pays (à multiplier par le taux d’imposition et à contrôler selon la myriade des segmentations et exemptions pouvant s’appliquer à la récolte des taxes et impôts). Enfin, d’une certaine manière, les finances publiques touchent aussi au rôle du gouvernement comme un acteur économique d’envergure, qui est imposante compte tenu de son rôle d’acheteur et d’employeur. Les finances publiques désignent principalement l’activité budgétaire d’un gouvernement, mais parce que le budget du gouvernement impacte très loin dans la multitude, comprendre le rôle des finances publiques exigence d’aussi comprendre que font la myriade des transactions financières qu’entretien l’État, selon les directives du gouvernement.

Comme tout document corporatif, le budget fédéral a une histoire. Le budget n’a pas toujours été des quelques centaines de pages, comme il a pu le devenir dans les dernières décennies. Sa croissance au cours des décennies manifeste l’ambition de contrôler un État également en croissance depuis 1945, malgré des pauses significatives à certains moments. La distribution des fonds anticipés que propose un budget fait l’objet d’une intervention organisée par la ministre des Finances et mélange des contributions antérieures avec des annonces de nouvelles dépenses. Les transactions autour du budget sont complexes. Ce n’est pas directement que l’État prend l’argent des contribuables pour le redistribuer dans ses programmes et ailleurs. Les transactions autour du budget existent plutôt selon des processus assez indépendants de récolte régulière des taxes et impôts, d’emprunts, d’interactions avec la Banque du Canada et de versements aux départements, aux provinces et aux particuliers. C’est du fait que le mécanisme d’emprunt fonctionne séparément qu’il est possible d’opérer selon un déficit budgétaire. Toutes les dépenses de l’État doivent être approuvées par une majorité du Parlement, et le processus d’allocation est suivi au cours de l’année selon les ‘ travaux des subsides’. Le suivi des dépenses produit de très volumineux rapports renfermant le portrait des tentatives d’effectuer un impact par la redistribution des richesses. S’ils peuvent sembler ennuyeux, leur disponibilité offre néanmoins une piste de réponse, si jamais il sera nécessaire d’en faire le suivi. Enfin, notons que les argents dépensés dans les programmes font aussi l’objet d’un suivi selon des indicateurs de performances et qu’un processus de vérification est assuré chaque automne par le Vérificateur général du Canada.

Au Canada, il n’y a qu’un seul compte fondamental pour l’État, c’est-à-dire que chaque juridiction compte le sien. Les institutions du secteur public tendent vers l’intégrité absolue en termes de réconciliation de la position financière. Lorsqu’une dépense ou une dette échappe à la centralisation financière, elle devient dans le contexte canadien ouverte à la critique politique, journalistique ou populaire, officielle ou non officielle. À voudrait s’en saisir, il trouverait l’occasion d’offusque les normes. Cette intégrité du compte est une marque incontestée par la tradition politique canadienne. Bien sûr que l’État place de ses argents un peu partout (comme investisseur, comme prêteur, comme épargneur), mais la comptabilité de l’État doit être faite sur la base d’un seul état financier qui intègre toutes les dépenses et les revenus de l’État. C’est le fond consolidé. Les mécanismes d’entrée des capitaux sont gérés par l’ARC,  d’autres mécanismes des finances publiques sont gérés par le département des Finances et la Banque du Canada joue son rôle de mainmise directe sur le trésor (entre autres fonctions essentielles). En ce qui concerne le déboursement, la métaphore de ‘Gardien’ (ceux qui veulent ralentir les dépenses) et des ‘Dépensiers’(ceux qui veulent approprier des fonds) offre un moyen un peu simple, mais illustratif de penser le processus. Dans cette métaphore, le déficit a lieu parce que les gardiens n’arrivent pas à contenir les dépensiers.

L’État est un gros dépensier et un immense employeur au Canada. L’assurance du financement et la programmation des différents outils d’intervention constituent des éléments clés de la régulation économique. Les gouvernements peuvent choisir de dépenser de l’argent pour financer des programmes ou des projets spécifiques, ou de mettre en place des programmes de services pour répondre aux besoins de la population. De même, ils peuvent offrir des crédits d’impôt pour encourager les investissements ou les dépenses dans certains secteurs. Chacune de ces approches a ses propres avantages et inconvénients, et les gouvernements pèsent soigneusement les options avant de prendre des décisions. Ensemble, les secteurs publics des gouvernements canadiens emploient de près (administrateurs gouvernementaux) ou de loin (employés du secteur public) à peu près un Canadien sur cinq. En plus des employés gouvernementaux, la plupart des enseignants ainsi que de nombreux infirmiers et infirmières, docteurs, sont essentiellement employés selon les termes du secteur public : un financement qui provient d’une centralisation des impôts et une supervision par des autorités déléguées selon un pouvoir souverain. Au Canada, les instances gouvernementales sont responsables, dans l’histoire récente d’un taux entre 20 à 22 % du PIB, montant qui a sursauté pendant la COVID (la part relative des dépenses gouvernementales ayant augmenté ). La place du gouvernement en société et son rôle dans la règlementation des conditions selon lesquelles les richesses sont créées sont un débat complexe. Il semble évident que si l’État se retirait soudainement de l’économie, il y aurait des conséquences économiques significatives.

L’économie politique et les politiques économiques

Les enjeux de la règlementation économique sont considérables, car les décisions prises par les gouvernements peuvent avoir des impacts significatifs sur la croissance économique, l’emploi et le bien-être des citoyens. Il est donc essentiel que les gouvernements abordent la régulation économique avec prudence et discernement, en tenant compte des options à leur portée et des effets anticipés situés dans le cadre de l’amélioration de l’intérêt national. La distribution des responsabilités pour le maintien des sociétés fait l’objet d’une discussion active de la part du Cabinet des ministres au Canada. Lorsqu’il y émerge une préoccupation politique, soulevée de l’interne par le parti lui-même ou selon une pression populaire extérieure aux organisations de l’État, le Cabinet questionne et débat de la responsabilité du gouvernement sur la question. L’économie nationale du pays est susceptible d’être fondamentalement réorientée par les décisions à ce niveau, une réorientation qui peut même être observée dans le partage des composantes du PIB ou même l’emploi. Cette décision n’est pas sans parallèle au spectre loi-éthique, alors qu’il est essentiellement décidé si la responsabilité sera guidée par les fortes règlementations que l’on retrouve dans le secteur public ou qu’il soit préférable de responsabiliser le secteur privé d’y voir. D’une manière ou d’une autre, les choix sont lourds de conséquences et s’étendent très longuement dans le temps. On n’a qu’à penser aux impôts sur les salaires, une mesure mise en place d’abord pour financer la Première Guerre mondiale. La réalité économique du pays est en bonne partie le résultat d’une série de choix qui ont été faits par les Cabinets du passé. Peut-être n’étions-nous pas tous d’accord avec ces choix, mais nous en sommes certainement les héritiers. Les enjeux sont importants, puisque leurs effets sont à long terme, les choix étant relativement rarement renversés.

Au Canada, c’est la réussite du concours électoral qui accorde le droit de diriger la politique économique du pays. La collectivité de ces individus élus d’un même parti politique se rassemblent au Parlement pour assumer le pouvoir et est alors permis d’exercer un pouvoir règlementaire sur l’ensemble des domaines qui tombent sous ses compétences constitutionnelles. Le parti majoritaire au Parlement forme le gouvernement et ce gouvernement ces choix de politiques économiques. Cette intervention règlementaire est de grande échelle (celle de la juridiction), mais à bien des égards, les choix de politiques sont aussi pourvus des équilibres difficiles entre croissance économique, stabilité sociale et durabilité environnementale. Si chaque entrepreneur peut à sa propre échelle faire face au trilemme que crée l’équilibre systémique à l’appui des besoins de la multitude, les décideurs gouvernementaux se retrouvent avec la capacité d’action directe à une échelle susceptible de manifester des résultats plus évidents (parce que plus larges) et plus rapidement (mais pas toujours). En choisissant comment va se positionner l’État devant la multitude, avec tous les pouvoirs financiers et règlementaires qui lui sont issus de la souveraineté, le gouvernement cherche lui aussi les équilibres possibles. Au lieu que l’effet de la décision soit distribué sur sa communauté environnante, il l’est auprès de 40 millions d’individus étalés sur la deuxième superficie territoriale du monde.

Le règlement est la loi dans sa fonction exécutive, et non plus législative. C’est le moyen d’agir par la loi, la loi elle-même détaillant surtout la création des autorités de formulation de règlement et l’orientation générale qu’ils devraient prendre. La notion de règlementation concerne les mécanismes par lesquels le gouvernement intervient auprès des organisations. La règlementation s’appuie sur des directives formulées en vertu d’un pouvoir délégué par une loi. En revanche, la dérèglementation fait référence aux processus par lesquels le gouvernement réduit ou élimine les contraintes sur l’action et permet une plus grande liberté d’action aux acteurs visés (entreprises et autres). Les départements sont surtout responsables pour la livraison des programmes et services spécifiques, ils ne sont typiquement pas responsables pour l’application de la règlementation. La règlementation est plutôt l’outil d’organisations tels les tribunaux administratifs, les agences, les conseils, et les commissions. Le règlement, sous la forme d’arrêt-en-conseil, est aussi un des outils principaux du Cabinet. Tout comme la loi, à qui il est directement subordonné, le règlement est appliqué afin de contrôler le comportement selon un rapport à la souveraineté de l’État. Le règlement n’est qu’indirectement le produit de la législature, il provient plus directement des officiers à qui ont été déléguées des compétences spécifiques pour l’application de la loi. Comme il n’est pas le produit de la législature, un règlement peut être issu et retiré bien plus rapidement.

L’économie est donc impactée par les politiques économiques des gouvernements (successifs). Ces politiques économiques sont susceptibles à ce que l’on nomme en science politique les idéologies. Les idéologies sont des moyens de reconnaitre l’orientation substance des politiques par rapport à d’autres orientations possibles. En économie politique, deux grandes tendances sont reconnues, l’orientation libérale (classique, et souvent rapproché au conservatisme contemporain) et l’orientation socialiste (parfois reconnue dans les politiques des parties libéraux). On pourra toujours dire que ce sont les décisions qui comptent et qu’un parti politique ne se comportera pas toujours comme le prescrit son nom, ou même son programme politique. Mais les idéologies servent aux moins à reconnaitre la distinction entre des politiques (économiques) fondées dans des visions alternatives (ici de l’économie). L’analyse des idéologies n’est donc pas de voir quel nom porte tel parti politique qui agit de telle manière[4], mais plutôt de chercher à voir quelles sont les logiques internes entre les idées associées à chacun des partis. Les idéologies sont distinctes par la vision qu’il propose pour la société et la place des personnes. D’une part, l’idéologie du libéralisme classique propose une vision individualiste et autoréglementée de la société. Les gouvernements qui partagent cette idéologie pencheront plutôt vers la responsabilisation du secteur privé pour le maintien de la multitude et préconiseront généralement la dérèglementation. D’autre part, l’idéologie socialisante tend vers la supervision publique des entreprises et la nationalisation. Elle s’appuie sur une vision collectiviste de la société et soutien une planification centralisée de l’économie. La variété des outils d’intervention fait l’objet de préférences idéologique. En effet, les gouvernements d’approches libérales tendent vers la dérèglementation et les crédits d’impôt, alors que ceux d’orientation socialiste visent plutôt la règlementation et les subventions. Il est rare qu’un pays soit entièrement l’un ou l’autre. Surtout dans les États où il y a eu alternance du pouvoir (un signe habituel d’une démocratie), les choix accumulés par des parties aux idéologies différentes reflèteront des structures économiques aux orientations variées. Par exemple, peut-être le secteur de la foresterie sera-t-il fortement règlementé, mais pas celui de la technologie, alors que dans un autre pays on trouvera l’inverse. Enfin, un parti nouvellement arrivé au pouvoir peut avoir de bonnes raisons d’hésiter à abolir un programme populaire auprès du peuple, même si ce programme ne concorde pas avec son idéologie. Les récriminations n’en valent habituellement pas toujours la peine. Mais bien sûr, sur ce point encore, certains gouvernements se sentent habilités à bafouer les normes.

Conclusion

La question de savoir si l’État devrait ou non être dans l’économie empêche de tenir compte du rapport complexe qu’entretient l’État avec les entreprises et néglige aussi son rôle de respect de l’intérêt du public. L’État est une créature dont nul ne sera jamais satisfait. Pour les entreprises, il est souvent perçu comme embêtant, offrant des règlements qui compliquent les opérations et potentiellement réduisent les profits. Pour la multitude, l’État est le garant d’un sens de justice auquel on fait appel lorsqu’on se sent lésé par une distribution des responsabilités sociales jugée inopportune. L’État dans est directement confronté par la question de la distribution des responsabilités. Ils s’y trouvent confrontés en partie parce qu’il est le seul à avoir le droit et la capacité d’agir à l’échelle de la juridiction. L’État possède des ressources uniques et leurs utilisations orientent l’économie alternativement vers le libéralisme ou le socialisme. Bien sûr, l’orientation à suivre est ce qui forme le fond des débats entre les partis politiques, donc il n’est pas clair qu’elle est la Seule Vraie Voie (s’il y en a une). Or, certainement que la possibilité d’alterner les responsables du pouvoir fait en sorte de limiter les abus dans une direction ou dans l’autre. Du moment qu’une idéologie ne semble plus adaptée pour assurer le maintien d’un domaine particulier, il existe dans les démocraties authentiques des options pour réorienter. Il est d’ailleurs intéressant de contempler un domaine d’activité de devrait pas à être reconfiguré dans le temps. Une haute règlementation peut sembler nécessaire dans les débuts d’une industrie, mais devenir lourde lorsque l’industrie parvient à une plus profonde maturité intellectuelle. Mais il ne semble pas que la question de savoir si l’État est ou non dans l’économie, car tous les seraient. La discussion à avoir porte sur le degré, le moyen, les instruments, les règlements. Par-dessus tout, il faut voir que la question du partage de l’ensemble des responsabilités sociales a été posée par tous les gouvernements, et que chacun est arrivé à une réponse qui lui est propre et distincte des autres.

Les finances publiques et la régulation économique sont complexes et nécessitent une compréhension approfondie des mécanismes économiques et des implications politiques. Les gouvernements doivent prendre en compte les effets potentiels de leurs décisions sur l’économie dans son ensemble, ainsi que sur les différents groupes de la population. Cela nécessite une approche nuancée et flexible, capable de s’adapter aux circonstances changeantes. Mais l’État, usant de ses pouvoirs, doit aussi se voir comme un acteur auto-intéressé. Il est lui aussi doté d’une fiscalité, et doit agir d’une manière responsable avec les ressources financières issues des taxes et des impôts.

[1] C’est ici un récit de la célèbre Magna carta de 1215, un important document constitutionnel de l’Angleterre médiévale.

[2] Il est instructif ici déjà de voir les différents régimes politiques que proposait Aristote comme pouvant chacun être au cœur des institutions de l’État. Ainsi, l’oligarchie ou la tyrannie représente des contours possibles d’institution étatique, tout comme la démocratie (dont Aristote n’était pas très impressionné, du moins pas au sens d’une démocratie pure). L’État est en vide de contenu précis, ce qui explique probablement son adaptabilité à toutes les cultures politiques du monde.

[3] Les forces policières et les agences d’élections au Canada relèvent de l’autorité de l’État, mais pas de l’autorité des élus. Autrement, la nature humaine étant ce qu’elle est, ont soupçonnerait la possibilité d’une ingérence

[4] Ainsi, le parti Libéral de la Fédération de Russie fut un parti xénophobe et homophobe. Le vrai parti libéral, celui à l’idéologie conforme au libéralisme classique, s’intitulait simplement ‘Pomme’ (Yabloko). Inversement, ceux que l’on nomme les libéraux aux États-Unis, sont typiquement classés à orientation socialisante, or ce n’est peut-être là qu’un effet du système à deux partis politiques. (Bernie Sanders représente ici une présence socialisante rare aux États-Unis).