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Chapitre 8 – Partenariat et lobbying

Introduction

Ce chapitre porte d’abord sur les partenariats d’affaires. Les partenariats public-privé sont mis en examen. En second lieu, il porte sur un très particulier type de partenariat d’affaires, le lobby. Le partenariat consiste à élever une partie prenante comme partenaire par la signature d’une entente formelle et où il y a partage de pouvoir de décision. Le partenariat se distingue ainsi d’une simple relation de parties prenantes, mais aussi des simples contrats d’affaires. Un fournisseur est un « partenaire » dans ce qu’il participe à la réalisation du produit d’une entreprise. Mais il ne l’est pas dans ce qu’il partage un pouvoir décisionnel, chacune des organisations demeurant indépendante de l’autre sur ce point. Du moment qu’il y a partage de l’autorité décisionnelle, de nouveaux comportements émergent en réponse à l’imposition de nouvelles contraintes dans les affaires. Le chapitre examine la variété des moyens par lesquels les partenaires s’allient et travaillent ensemble à l’exécution de leur entente de partenariat. Comment les partenariats sont complexes sur le plan des ententes, le type de relations qui existe entre les partenaires peut-être de toute sorte. Il y a bien sûr des partenaires entre organisations du secteur privé, soit les entreprises et les sociétés de capitaux. Le partenariat entre organisations du secteur public existe aussi, notamment entre les niveaux de gouvernement ou les juridictions. Le secteur tiers est dans bien des cas disposés à une logique de partie prenante et donc les partenariats formels ne semblent que l’extension de leur nature. Les partenariats intersectoriels proposent toutefois un point d’intérêt, puisque la diversité des organisations qu’on retrouve de part et d’autre soulève la possibilité d’une complémentarité de forces et de faiblesse. L’entente promet la possibilité de structurer cet équilibre, mais encore fait-il avoir la bonne entente. De cette perspective, il peut sembler curieux de percevoir le lobby comme un partenariat. Le lobby regroupe des organisations distinctes, et parfois même autrement en concurrence, dans la poursuite d’un intérêt qui leur est collectif. Il vise prioritairement les décideurs, mais il est important de noter que cela comprend aussi la multitude, comme électeur alors visé par des activités de publicité. Ce monde de partenariat et de lobbying est une couche importante des formes de relations organisationnelles qui constituent les systèmes organisationnels, ces convergences industrielles qui forment le tissu social de la multitude. L’entente est une structure plus permanente, notamment parce qu’elle bénéficier de la protection de la loi (en cas de non-respect), et se distingue alors des nombreuses relations plus éphémères qui marque le monde des gestionnaires.

Le Partenariat

Les partenariats sont essentiels dans le monde des affaires et ont toujours été présents. Peu d’entreprises parviennent à l’autonomie complète. Elles ont toutes besoin de fournisseurs, de distributeurs, de fabricants, de sources de main-d’œuvre et de financements. Lorsqu’une entreprise commence à se développer, il ne lui est pas nécessaire de tout recréer de zéro. Trouver des partenaires pour des fonctions encore peu développées peut assurer un développement accéléré et permettre la concentre dans le cœur de sa proposition de valeur. Bien sûr, les partenariats sont également courants dans les grandes entreprises. Un partenariat se compose de parties prenantes qui ont choisi ensemble de formaliser leur relation avec une entente légale (et donc sujette, au besoin, à une interprétation par un tribunal). Former un partenariat élève une partie prenante par l’élaboration d’un partage effectif des ressources, objectifs, savoir, brefs d’un choix de ces nombreuses composantes qui peuvent marquer les organisations contemporaines. La signature d’une entente de partenariat établit une relation privilégiée. L’entente de partenariat se distingue du simple contrat par la provision, sous quelconque forme, d’un partage d’une autorité décisionnelle. Même si l’entente ne stipule que le transfert de fonds vers l’autre des parties (tel un partenariat entre une entreprise et une organisation volontaire), il y a dans ce transfert une cessation des contrôles du premier partenaire sur ces fonds transférés et le partenaire en réception devient donc le décideur principal d’une part des sommes qui auraient autrement été utilisées par l’entreprise qui les a gagnés. Dans de nombreux partenariats, ce partage du contrôle est très spécifiquement établi. La création d’unité décisionnelle partagée marque ainsi les partenariats dont le but est segmenté d’avec les autres activités des partenaires. Un partenariat autour d’un projet à durée limitée se verra délégué des membres des partenaires respectifs, celui ayant une permanence (tel un partenariat indéterminé pour un approvisionnement) pourrait en venir à occuper une part appréciable des travaux des partenaires respectifs, et donc ne mobiliser que quelques-uns des membres des organisations respectives.

Les partenariats ont des avantages nombreux : assurer un accès aux ressources autrement instable, multiplier les bénéfices, s’assurer de nouvelles capacités. Les partenariats placent l’organisation dans un cadre d’obligations qui peuvent être bénéfiques en réduisant l’incertitude et en stabilisant l’environnement d’affaires. Mais ils imposent aussi des limites. Si ce ne sont pas des concessions, il y a aussi les engagements envers des actions et travaux que nous n’aurions pas autrement entrepris. Les partenariats assument différentes formes. Généralement, un partenariat est de nature à compléter les besoins des partenaires respectifs. Une entreprise se fera partenaire avec un fournisseur s’assurant ainsi une première place (et peut-être même une place exclusive) dans les considérations de son partenaire. Le gestionnaire pourra alors être rassuré d’un accès aux matériaux dont il a besoin. Un partenaire peut aussi rassembler des entreprises qui autrement seraient des concurrents. C’est notamment le cas des lobbys, un genre de partenariat dont il est question plus loin dans ce chapitre. Pour ces partenariats entre concurrents, il peut être question de se partager des territoires, des clientèles ou même simplement de se partager des tâches communes. Enfin, il y a aussi ces partenariats dont les deux partenaires semblent avoir très peu en commun et dont les activités, en soi ne concordent pas. On pense ici à un partenariat entre une organisation de bienfaisance et une entreprise opérant dans un tout autre secteur (celui du transport, par exemple). Ces partenariats fortuits semblent surtout guidés par des contributions morales et financières que peuvent se faire l’un et l’autre des partenaires. Dans tous les cas, le partenariat est un choix que prendront les organisations concernées et qui découlera d’une opportunité, mais aussi de l’analyse des avantages et désavantages. Les partenariats sont établis pour diverses raisons, notamment pour assurer la stabilité au sein des affaires, mais en fin de compte les partenaires choisissent de collaborer parce qu’ils jugent, pour quelconque raison, qu’ils en ont plus à perdre qu’à gagner en restant hors du partenariat. Ce que cela veut dire, soit de juger « qu’on en a plus à gagner qu’à perdre », est en effet à contextualiser dans le cadre des préoccupations pour l’entreprise.

Ainsi, les partenariats peuvent exister dans toute la variété que peuvent adopter les parties prenantes d’une organisation, pourvu bien sûr qu’il s’agisse d’une organisation capable de signer au nom de ses membres directeurs. Il est possible de tisser des associations avec ses fournisseurs, comme cela est possible avec des associations civiles, le gouvernement ou même un syndicat (notamment si l’on est soi-même un syndicat). Par exemple, un partenariat pour l’approvisionnement en batteries pour la fabrication d’électronique est à l’avantage d’entreprise qui en a besoin, mais dont le capital n’est pas suffisamment investi dans ce marché spécifique (des batteries). Il est important aussi, de voir l’ensemble des avantages que peut conférer un partenariat. Bien que les batteries soient au cœur d’un accord, l’échange des apprentissages doit nécessairement avoir lieu entre les personnes désignées comme point de contact. Il est possible d’imaginer des partenariats avec une variété des parties prenantes de l’entreprise, mais pas toutes. Les syndicats s’intéressent au bien-être des employés, tandis que pour l’entreprise, l’objectif principal reste le profit et la satisfaction des actionnaires. Est il est possible de forger un partenariat avec ses clients, une autre partie prenante de l’entreprise? Une assurance de qualité est certes de nature à engager des frais additionnel, mais difficile de déterminer qui devrait signer au nom de la multitude (un politicien s’en chargerait, et il existe quelques instances de tels ‘pactes avec le peuple’, mais la question du pouvoir décisionnel partagé demeure non-répondue). Nous sommes le client de son fournisseur, et sur cette base plus restreinte il y a certes la possibilité de forger un lien de partenariat plus sérieux. Quant aux médias, les partenariats sont toujours difficiles à imaginer, mais ils ne sont pas impossibles. Il existe des partenariats entre les organisations médiatiques elles-mêmes, l’Associated Press étant essentiellement un partenariat constitué de médias autrement indépendants. Mais étant donné le rôle des médias à l’égard des débats publics, qui consiste à l’alimenter en nouvelles dignes d’être discutées, les partenariats entre organisations médiatiques et d’autres formes d’entreprise (ou même le gouvernement), ne correspondent pas très bien à l’idée qu’on se fait de leur rôle en société démocratique. Ainsi, même si toutes les formes de partenariats sont envisageables, certaines ne semblent pas inspirer le même degré de fonctionnalité et cohérence.

Le partage des autorités est surtout évident dans le cadre de la création d’unité décisionnelle. Chacun des points de préoccupation peut être la source d’une préoccupation et une unité décisionnelle sera efficace si elle parvient à bien le contenir dans le cadre de l’exécution de l’entente. La négociation d’une entente de partenariat soulève des questions importantes touchant à des vérifications qui ont pour but de s’assurer une transparence des partenaires à l’égard des autres. Le but des activités de divulgation que renferme une négociation est de s’assurer que le partenariat renforce bien la stabilité des parties respectives ainsi que les liens qui les unit, et non pas l’inverse. Le partenariat est souvent très significatif sur le plan des engagements financiers et ainsi ne doit pas être signé sans bonne cause, mais aussi sans vérifications approfondies de ses partenaires d’affaires. Lorsqu’on élabore des ententes de partenariat, il est crucial de consulter des avocats, car ils sont spécialisés dans la préparation de ces documents. Les nombreux malentendus dans les siècles depuis qu’a pris forme le commerce moderne ont produit de nombreux apprentissages concernant les clauses avec lesquels il faut se protéger. Les litiges du passé ne laissent pas seulement leur trace dans la loi, mais aussi dans le comportement des organisations, qui voudront alors assurer que leurs partenaires ne puissent se saisir de la loi contre eux. Le manque de clarté a été à la racine de ces innombrables litiges et ont légué auprès des avocats la responsabilité d’aviser leur client de leurs responsabilités, notamment à celles toujours présentes dans le cadre d’une délégation de responsabilités à une unité décisionnelle. Il est de plus impératif d’inclure des dispositions pour des situations imprévues.
Le partenariat ressemble au mariage à bien des égards. Il engendre une négociation qui peut être quotidienne et nécessite d’avoir à s’adapter aux différences de l’autre. Même si l’amour est présent, il est essentiel d’apprendre à vivre ensemble faute de quoi l’attachement peut rapidement s’évaporer. Le partenariat, même s’il est encadré sur le plan légal renferme aussi une dimension de relations humaines. Ce ne sont pas deux organisations qui se parlent, ce sont aussi des gens et très souvent ce seront les mêmes gens qui peuvent en venir à se voir aussi souvent que se voient des collègues d’une même organisation. Pour le bien de l’entente, mais aussi pour le bon vivre ensemble, il est essentiel que les personnes concernées en viennent à se connaitre et apprennent à travailler avec les autres. Bien conçu, le partenariat saura enrichir la vie des partenaires, tout comme c’est le cas d’un mariage solidement fondé. Mais mal conçus, les partenariats vont alourdir la performance et contribuer à un déclin de la productivité. Lorsque c’est le cas, ou lorsque tout simplement la friction a atteint un point de non-retour, les parties ont la responsabilité de mettre un terme au partenariat. Le gestionnaire peut tenter pendant un certain temps d’éliminer les causes de ces frictions, cherchant toujours à voir s’il n’y a pas moyen de revenir vers les dispositions initiales. Mais pour de nombreuses raisons, il peut être nécessaire de mettre fin au partenariat. Cette décision n’est jamais prise à la légère, puisqu’elle engendre des mesures et des coûts qui peuvent être sévères. Mais toujours dans cette optique de l’avantage comparatif entre le partenariat et le non-partenariat, le partenariat doit prendre fin lorsque le gestionnaire juge que les conséquences négatives de sa poursuite dépassent les conséquences négatives de sa rupture.

Partenariat public-privé (PPP)

Les partenariats intersectoriels sont une chose courante. Certains partenariats impliquent des organisations d’un même secteur qui font du lobbying pour influencer les réglementations gouvernementales. Le tiers secteur et le secteur privé renferment des offres respectives dans la possibilité de partenariat qui les a longtemps réunies. Les entreprises soucieuses d’augmenter leur visibilité sociale peuvent faire des dons philanthropiques auprès d’organismes de bienfaisance. Dès l’aube de l’ère industrielle, les grands patrons d’entreprises reprirent de la noblesse en déclin la pratique du patronage déjà très ancienne. Le gouvernement n’est pas non plus étranger à cette idée d’un soutien du secteur privé et tiers. Mais l’idée d’un partage décisionnel formel entre l’État et une entreprise, et la structuration de partenariat formel entre eux n’est pas elle très ancienne dans l’histoire des organisations. Les partenariats public-privé (PPP) sont un exemple d’un partenariat intersectoriel où le gouvernement et les entreprises privées se complètent dans la fourniture des capitaux, expertises et autorités nécessaire à la réalisation de projet d’envergure. Les PPP sont typiquement (mais pas uniquement) utilisés pour financer des projets d’infrastructures. Un exemple rare exemple qui ne l’est pas est le service de test de conduite en Ontario, géré comme un PPP. Les PPP sont un outil d’approvisionnement efficace pour le secteur public, en intégrant divers facteurs de production nécessaires à la fourniture de services. Ils sont généralement conçus pour des engagements à long terme, souvent de 25 ans et plus. Ceci permet notamment d’étaler le partage des responsabilités financières sur ce long terme par l’introduction de mesure de rentabilisation à petite échelle. Par exemple, une entreprise peut exploiter des espaces commerciaux ou autrement louer ce qu’elle contrôle. Une fois l’entente échue, l’État récupérera le contrôle des installations. Bien que 25 ans puissent sembler longs pour une personne biologique, les organisations n’ont pas elle de durée de vie ancrée dans un corps biologique. L’État bien sûr est une organisation ancienne.

Le PPP est un outil d’approvisionnement gouvernemental qui a ses origines dans la fiscalité déficitaire des finances publiques des années 1980. Ils sont le produit de la volonté de maximiser des fonds d’infrastructures publiques à l’époque de plus en plus limitée. Le premier PPP au Canada a été pour la construction de l’aéroport Pearson de Toronto, en 1988, mais la première vague des PPP au Canada a beaucoup touché les provinces maritimes du Canada. La Nouvelle-Écosse a généralisé le PPP pour la construction d’écoles, le Nouveau-Brunswick pour la construction d’autoroute et bien sûr, quoiqu’il se soit agi d’un projet fédéral, le Pont de la Confédération qui relie l’Île-du-Prince-Édouard au reste du pays fut lui aussi un projet PPP de construction. (Notons d’ailleurs qu’au moment de la signature de l’entente pour le Pont, en 1993, le gouvernement fédéral se trouvait lui aussi dans une crise fiscale). Pour la construction des écoles, les accords consistaient à ce que ces entreprises assument les frais de construction, devenant ainsi propriétaires pendant 30 ans, tandis que le gouvernement paierait un loyer. Enfin, en ce qui concerne les autoroutes, le flux des fonds devient souvent très évident dans les ponts à péage que doit payer l’utilisateur (de l’autoroute 407, par exemple). Ce dernier exemple de l’autoroute 407, date plutôt de la seconde vague des PPP, qui commence avec le tournant du 21e siècle. Les autoroutes néobrunswickoises n’ont pas de péage, et donc l’arrangement est différent (essentiellement un prêt à long terme, dont le gouvernement se fait le garant). Les péages reflètent une approche au PPP qui vise à rendre la multitude partenaire du financement de l’infrastructure, c’est-à-dire que l’utilisateur du service (ici, l’autoroute) participe au remboursement des frais de sa construction en proportion de son utilisation.

Dans la seconde génération de ces partenariats, les autorités publiques ont développé la pratique d’inclure des incitations à maintenir les infrastructures en bon état. C’est donc dire qu’il y a eu nécessité de cet apprentissage, donc que certaines ententes ont été défectueuses sur ce point. Un PPP permet aux secteurs public et privé de collaborer sur des projets en fonction de leurs forces respectives. Mais il représente aussi la possibilité de déchainer le pire des deux mondes, l’incompétence et l’avarice. Les pires instincts peuvent prendre racine dans les unités décisionnelles et le mélange des cultures peut causer des chocs si les uns ou les autres perdent leurs racines. Il existe aussi pour eux les défis plus généraux des partenariats. Les projets de partenariat échouent, il existe de nombreux risques, et donc même s’il s’agit de partenariat avec un partenaire public, les résultats optimaux ne sont pas assurés. Pire, le financement continu de projet douteux peut entrainer la formation d’une instance de Corporate Welfare, avec tous les désavantages que cela possède pour chacun. Le partenariat doit également respecter des procédures éthiques. Il renferme la possibilité de grièvement blesser son partenaire par une trahison ou autre comportement propre à réintroduire les turbulences dans l’environnement organisationnel qu’il est précisément conçu pour limiter.

Le lobbying

Le lobbying désigne une série d’activités menées par des personnes (les lobbyistes) dans le but de convaincre des décideurs (politiques ou administratifs) d’adopter une prise de position à l’intérêt de ses clients. Le terme lui-même renverrait à celui d’un lobby d’hôtel (le rez-de-chaussée) et remonterait au moins aux années 1930, alors que les premiers lobbyistes tentaient d’attraper des décideurs au sortir de l’escalier, du restaurant ou de leurs chambres. Le lobbying aujourd’hui est bien plus que ces petits guets-apens des premières heures, mais en un sens il consiste toujours à attraper l’attention d’un décideur dans le but de faire entendre sa cause. Les hôtels ne sont plus les endroits privilégiés de l’exercice des lobbyistes, mais alors ces derniers constitutent désormais un domaine d’activité commerciale bien établi et fort lucratif. Le lobbyiste qui a fait ses preuves dans la réalisation des objectifs législatifs et administratifs de ses clients est un point d’accès qui se vend fort cher. Il existe des lobbys pour une grande variété de causes. Certains sont officiellement institutionnalisés et travaillent autour d’un secteur particulier : c’est le cas de L’Association canadienne des producteurs pétroliers, qui ne perd pas son temps à défendre les intérêts des firmes d’aquaculture. Or, il existe aussi des cabinets de lobby, qui ne poursuivent pas un intérêt sectoriel spécifique (ils peuvent avoir des spécialisations), mais qui vendent plus généralement leurs services à ceux qui veulent orienter les politiques publiques. Certes les membres plus petits d’un lobby industriel ne bénéficient pas toujours proportionnellement à leurs collègues plus imposants, mais du moment que le lobby est un groupe enregistré (comme organisation à but non lucratif), les frais d’adhésion et le droit de votre assurer un peu d’équité dans le processus décisionnel. L’acteur plus petit y retrouve son avantage sur ce plan, même si sur celui des résultats des activités des lobbyistes, ses concurrents plus importants bénéficient davantage.

La lobbyiste sait être bien connectée, car si tout gestionnaire vend en quelque sorte son réseau, la lobbyiste elle le fait très directement et concrètement. Son offre de valeur consiste essentiellement des accès spécifiques qu’elle est en mesure de démontrer. Le réseautage est une activité qui dépasse beaucoup la prise de cocktail en tenue de soirée. C’est un suivi constant de communication, c’est une évaluation des contributions de chacun, c’est la tenue d’une vision sur le réseau (qui connait qui d’autre). Il faut voir les influences que possèdent les acteurs du réseau et comprendre l’importance des échanges. Il faut, en langage de réseaux, voir les triades qui nous entourent, c’est-à-dire la propension que se forme un lien entre deux personnes qui connaissent une personne en commun, mais qui entre eux ne se connaissent pas). Être sociable fait partie des descriptions de poste des lobbyistes, l’intelligence émotive est hautement valorisée, comme l’est la capacité d’engager des conversations avec n’importe qui, et à tout moment. Elles travaillent souvent le soir, en raison des nombreuses fonctions corporatives et gouvernementales auxquelles elles participent, mais aussi parce que le lobbying est un travail en continu.

Le lobby se livre essentiellement à des activités de communications et cela dans divers forums. Certains de ces forums seront publics : publicité, études et rapports, comparution devant des tribunes publiques. D’autres seront privés : rencontre un-à-un, visite officielle, modification des discours. Il est essentiel pour un lobbyiste de comprendre les techniques de communication efficaces à transmettre un message. Il est important de ne pas critiquer ces techniques de manière irréfléchie, car le lobbying n’est pas intrinsèquement à condamner. On peut tout aussi bien faire du lobbying pour tenter de sauver la planète, comme on peut pour se protéger de la destruction qu’y apportent ses clients. Le lobby, comme toute organisation, est confronté par la possibilité de se conduire de manière éthique, tandis que d’autres ne le font pas. Lorsqu’un dirigeant industriel est photographié en circonstances non officielles avec un administrateur chargé de superviser son industrie, le sens de scandale éclate même si rien d’illégal n’a eu lieu. Ce sens tient à ce que ce genre de rencontre est la base d’échanges qui mèneraient à la collusion, car même l’apparence de collusion peut être très problématique pour une société démocratique. Mais comme la conversation n’a pas été enregistrée, nous ne saurons jamais s’ils parlaient de golf ou d’une mesure allant à l’encontre de l’intérêt public.

Les lobbys ont un pouvoir d’influence significatif au Canada, c’est-à-dire que leur présence est normalisée par des lois et des encadrements déontologiques. Ce sont en ce sens des acteurs légitimes du système politique. On peut les prendre à part et s’opposer farouchement à leurs activités, on ne pourra aller jusqu’à nier leur droit d’existence. Leur capacité d’influence découle fondamentalement de cette régularisation au sein du système politique. Mais elle découle ensuite par leurs financements et bien sûr la nature de leurs activités. Celle-ci est en mesure par le degré auquel leur client parvient à imposer leur influence sur les décideurs. Tout comme c’est le cas avec une partie prenante, l’adoption par un politicien d’une position poursuivie pas un lobby n’est une reconnaissance que le pouvoir, la légitimité ou le sens d’urgence que communique le lobby au nom de son client a été entendue. Les politiciens sont exposés à des lobbys, parfois en compétition, et les réussites respectives de ces lobbys en concurrence seront jugées selon l’influence de leur client sur l’orientation des politiques publiques. Les lobbyistes, dans cette poursuite, engagent parfois des campagnes publicitaires dont les buts demeurent de soutenir la légitimité des positions qu’ils défendent. C’est bien d’ici que découle le soupçon d’une manipulation des opinions publiques. On craint que ces discussions ne soient influencées par les lobbyistes, qui utilisent leurs ressources et publicités pour peser sur les décisions politiques et orienter les perspectives en faveur de leurs intérêts. Les lobbys font partie intégrante de notre existence, mais il est envisageable de considérer une réglementation supplémentaire. Les députés fédéraux sont collectivement visités environ 11 000 fois par des lobbyistes.

Conclusion

Ce chapitre a été l’occasion de comprendre les partenariats comme des formes de relations plus permanentes entre parties prenantes. L’entente de partenariat élève la partie prenante d’une manière qui contraint les parties sur certains plans (impossible de s’approvisionner ailleurs, par exemple) tout en offrant des avantages sur d’autres (assurance de disponibilité de matériaux). Le gestionnaire doit déterminer si l’un excède l’autre et aussi prendre sa décision selon les conséquences de la rupture du partenariat. Sur ce plan, les PPP peuvent être très problématique, en partie car il n’y a pas un autre secteur public, ou à l’autre gouvernement, mais surtout parce qu’il peut se développer un cas de corporate welfare, ce a quoi peut d’ailleurs aussi mené le lobbying trop efficace. Le lobby est un partenariat structuré autour de l’objectif stratégique. Il ne réunit pas des relations de fournisseurs (les membres étant souvent producteurs interchangeables) et n’est pas non plus associé pour s’appuyer mutuellement sur le plan, par exemple, de la distribution. Bien sûr qu’il peut exister une autre relation commerciale entre deux membres membre d’un même lobby. Deux entreprises partenaires pour se partager les juridictions par exemple, pourraient faire partie du même lobby à titre indépendant. Le lobby peut richement contribuer aux débats sociaux, car ils sont souvent en mesure de bien comprendre les questions. Cette spécialisation est d’ailleurs un appui important dans leur prétention à vouloir parler directement aux politiciens. Nous avons tous le droit d’approcher nos représentants, qui n’auront pas toujours le temps de voir tout le monde, mais dans une société qui se veut rationnelle, l’occasion doit être donnée aux connaissances spécialisées d’atteindre les décideurs. Cela dit, ce même principe d’accès soulève le soupçon de la poursuite d’un intérêt bien trop restreint pour être en conformité avec l’intérêt public. Ce ne sont pas tous les intérêts privés qui sont en accord avec l’intérêt public, mais du moment qu’il ne lui est pas contraire, le consensus dans la société démocratique lui donner droit de passage. Or, mesurer exactement la conformité est impossible, et donc les tentatives de normaliser chez les lobbyistes un comportement qui est éthique se heurte à l’imprécision des mesures possibles, ou du moins la non-volonté de certaines de voir chez les lobbyistes des contributeurs potentiels à la stabilité des sociétés.