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Préface

Ce manuel n’est pas un manuel de cours typique. Un manuel de cours se veut une introduction à la matière et son auteur prend le temps d’optimiser et calibrer son contenu pour un auditoire perçu comme étant spécialisé à un niveau plus ou moins précis : écolier, bachelier, doctorante. Du moment que l’on s’adresse aux spécialistes du domaine, on écrit des monographies. Ce dernier passage est aussi celui où l’on verra réduites les exigences de la forme. Les encadrés explicatifs sont moins nécessaires, des suivis soucieux et très progressifs dans la construction des concepts, comme on le fait avec un apprenant. L’académicienne qui écrit pour ses collègues le fait avec un usage de la langue beaucoup plus orienté vers le dialogue, car elle n’a pas à faire toutes les démonstrations, une part des connaissances étant déjà acquise de son auditoire. Le texte d’une monographie savante fait l’objet d’une rigoureuse révision, tout comme le manuel. Mais alors ces derniers ne sont pas le produit d’un dialogue entre académiciens, plutôt le rapport d’un maitre à un apprenti. Différent auditoire, différent rapport entre auteur et lecteur.

Ce manuel n’est pas typique, car il n’est pas le produit de cette construction délicate et mesurée avec laquelle on approche la réalisation d’un manuel de cours. Ce manuel procède plutôt dans une forme orale plus rapprochée du dialogue que tiennent les savants entre eux. Cela est vrai d’abord parce que le texte lui-même tire ses origines dans l’enseignement d’un cours à l’École de gestion Telfer de l’Université d’Ottawa d’abord intitulé Responsabilité sociale des entreprises et qui porte aujourd’hui le nom de Gestion et société. Le texte lui-même est un amalgame de notes et d’enregistrements de cours retravaillés avec chaque itération du cours depuis 2024 et dont la première édition complète date de l’hiver 2025, alors que l’auteur s’était imposé un horaire de production d’un chapitre par semaine. Le texte a donc dans ses origines comme dans son développement des sources qui n’en font pas un manuel typique, duquel on peut sensément découler une déclinaison systématique de tout ce qu’il y a dire au sujet du rapport entre nos pratiques contemporaines de gestion et les transformations sociales qui les encadrent.

La lectrice n’y retrouvera donc pas l’exposé prétendument complet auquel on s’attend dans un manuel. Par ailleurs, on y retrouvera que très peu de références à d’autres publications. C’est le produit de ses origines orales, qui puisent dans la mémoire de son auteur et dans son expérience de livraison du cours. Cela dit, plusieurs de ces rares références sont parmi les publications charnières ayant marqué l’histoire des idées. Le lecteur y retrouvera certainement des références à l’histoire récente. Puisant encore ici dans sa mémoire, l’auteur, qui a vécu certaines des époques décrites, y présente des épisodes et contextes dont le but est de stimuler la réflexion auteur de ce lien entre gestion et société. Ainsi, le fil conducteur de ce manuel n’est pas la démonstration systématique de tous les recoins d’un domaine-créneau, mais bien une invitation à penser de manière critique et interreliée les normes qui gouvernent ces agglomérations d’individus en poursuite d’un but commun que l’on nomme une organisation d’une part, et de l’autre, les institutions sociales qui émanent de la multitude des gens.

Ce texte fut soutenu par une subvention par la Bibliothèque de l’Université d’Ottawa à l’appui de Ressources éducationnelles libres. Le texte est couvert par une licence CC BY-NC-SA. Cette licence autorise aux utilisateurs de distribuer, adapter et développer le contenu qui s’y trouve dans n’importe quel support ou format mais uniquement à des fins non commerciales et à condition que l’auteur original soit mentionné. Toute redistribution du matériel doit aussi être faite selon les mêmes conditions. L’auteur est par ailleurs très reconnaissant de l’appui et de la patience exprimée dans le cadre du processus de réalisation de la REL.

Le manuel est voué à continuer son développement, non seulement par licence, mais aussi parce que son auteur aura encore la chance de donner le cours. Sa réalisation fut aussi l’occasion de repenser le manuel universitaire afin d’en faire une référence plus centrée sur l’expérience critique que sur l’accumulation des nombreux détails que renferme un champ d’études. Les détails sont importants dans ce qu’ils doivent empêcher la formulation de fausseté. Une masse critique de détails est nécessaire pour prendre part aux discussions académiques et afin de passer à un niveau plus élevé de conversation, il faut en accumuler d’autres : passer du secondaire à l’université nécessite un saut de connaissance qui fera passer certaines d’entre elles dans la zone du « pris pour acquis ». Mais dans le quotidien, peu de spécialistes sont en mesure de mobiliser absolument toutes les connaissances de leur domaine (Encore moins semblent prêts à l’admettre). L’esprit du manuel est d’affirmer que la conversation est tout autant utile pour l’apprentissage que la récitation des recoins de la discipline. Il est plus important savoir naviguer le monde des idées que de mémoriser le contenu des encyclopédies.

Eric Lyall Nelson, Ph. D.

Été 2025