2. Contexte, santé et accès aux soins
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À retenir
Les personnes qui portent l’étiquette de déficience intellectuelle ou de handicap du développement font face à plusieurs obstacles environnementaux. Tout comme les nouveaux immigrants, les personnes autochtones et les membres de familles monoparentales, celles-ci sont parmi les plus pauvres et les plus marginalisés au Canada. Tous ces facteurs ont un impact sur leur santé et leur espérence de vie.[1]
Un peu de contexte
La déficience intellectuelle et les handicaps du développement sont souvent présentés selon un modèle biomédical. En d’autres termes, les personnes qui diffèrent au niveau de la cognition, de la communication et du comportement sont perçues comme ayant des déficits ou des anomalies. Des mots tels que déficience ou trouble indiquent que les caractéristiques cognitives et comportementales des personnes avec ces diagnostics sont mesurées par rapport aux conceptions de ce que sont des caractéristiques normales. Selon cette perspective biomédicale, le travail des spécialistes de la santé et de la réadaptation est de corriger ou de compenser pour ces déficits au niveau de l’individu.
L’expression la plus forte du modèle médical s’est manifestée via le mouvement eugéniste. Ce mouvement visait à améliorer l’espèce humaine en contrôlant la reproduction par la stérilisation non-consentie et par la ségrégation physique des personnes considérées une menace au bon fonctionnement de la société.[2] Au Canada et ailleurs dans le monde, il était commun que les spécialistes de la santé et des services sociaux encouragent les parents à institutionnaliser leur enfant.[3][4]. L’Ontario a fermé ses dernières grandes institutions en 2009 et a offert des excuses officielles auprès des personnes pour la négligence et les abus vécus lors de leur confinement dans les centres régionaux gérés par la province.[5] L’eugénisme a perdu sa crédibilité et presque toutes les grandes institutions au Canada sont désormais fermées. Cependant, certaines chercheures parlent de néo-eugénisme dans les pratiques de dépistage prénatal[6] et de ses impacts négatifs sur les personnes handicapées.[7]
Obstacles et facteurs sociaux
Selon un sondage effectué par la Commission canadienne des droits de la personne, les principales préoccupations énumérées par les personnes en situation de handicap étaient la pauvreté, l’accès au logement et à l’emploi.[8] Une étude menée par Statistique Canada en 2017 révèle que 43% des personnes identifiées comme ayant un handicap du développement n’avaient pas terminé leurs études secondaires et que seulement 31% déclaraient avoir un emploi.[9] En outre, les personnes présentant une déficience intellectuelle ont le taux de participation le plus faible à l’enseignement postsecondaire par rapport aux étudiants ayant d’autres handicaps.[10]
Disparités en matière de santé
De manière générale, les personnes ayant une étiquette de déficience intellectuelle sont en moins bonne santé que les Ontariens sans déficience intellectuelle ou développementale.[11] Selon Loirdighi et al., les problèmes de santé sont sous-estimés dans 50% des cas et l’accès aux soins est difficile dû à plusieurs facteurs dont :
- les obstacles à la communication;
- les attitudes préjudiciables;
- le manque de connaissances des professionnels de la santé face des caractéristiques des personnes ayant un handicap cognitif ou du développement;
- la difficulté des personnes et de leurs soutiens à interpréter et communiquer les symptômes liés à leur état physique;
- le manque de programmes et d’environnements adaptés à leurs besoins;
- la peur des personnes étiquetées face à la rencontre avec un professionnel de la santé et aux procédures (p. 4)[12]
De plus, près de 50 % des Ontariens étiquetés d’une déficience intellectuelle ont un diagnostic psychiatrique.[13] Plusieurs reçoivent des médicaments pour gérer des conditions telles que la dépression, l’anxiété mais aussi comme moyen de gérer leur comportement. [14] La surmédication pendant des périodes prolongées peut avoir des effets délétères sur la santé et la combinaison de différents antipsychotiques peut être mortelle. Haines et Channon ont constaté que les personnes ayant des handicaps considérés plus sévères courent un risque disproportionné de privation occupationnelle, et que ce manque d’activité était lié à un plus grand risque de mortalité.[15][16]
Les personnes avec une étiquette de déficience intellectuelle ont un plus haute incidence d’épilepsie (30%), de troubles sensoriels et gastro-intestinaux que la population en général.[17] Loirdighi et al. rapportent que les maladies cardiovasculaires sont responsables pour plus d’un tier des décès. Les troubles de l’ouïe sont plus élevés et sont souvent sous-diagnostiqués.[18] Les personnes ayant une déficience intellectuelle et/ou un trouble psychiatrique sont particulièrement exposées au risque de « masquage diagnostique »[19], un phénomène par lequel les symptômes d’une maladie ne sont pas reconnus parce qu’ils sont attribués à la déficience intellectuelle, développementale ou psychiatrique.
En somme, plusieurs facteurs ont une incidence négative sur l’accès et la qualité des soins reçus par les personnes étiquetées avec une déficience intellectuelle. Lorsque ces facteurs interagissent avec des conditions de santé existantes et des facteurs sociaux tels que la pauvreté, la privation occupationnelle et l’insuffisance de soutiens individualisés, ils contribuent à ce que Stevens décrit comme un « désavantage de la mort » où les personnes ayant une déficience intellectuelle meurent « 20 à 25 ans plus tôt que les adultes de la population générale » (p.1).[20] En étant mieux informés, les spécialistes de la santé sont bien placés pour contribuer à la réduction de cette disparité en matière de santé.
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