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Le Québec

16. Un enjeu linguistique: La langue à l’intersection de la politique, la langue et l’identité

Introduction

1. Portrait linguistique du Québec  

1.1. Portrait linguistique du Québec 

  • Anglo-Québécois et Franco-Québécois ont chacun des institutions distinctes : écoles, hôpitaux, services sociaux, municipalités, média, etc…  
  • Les Anglo-Québécois = 9% de la population.  
  • Possèdent et contrôlent + 80% de l’économie québécoise. La presque totalité des postes de direction et de cadres (management) sont entre les mains d’employés unilingues anglais.  
  • Un Québécois francophone unilingue a un revenu annuel deux fois moindre qu’un Anglo-Québécois unilingue. 

1.2. Le bilinguisme institutionnel avant 1960 

  • 3 hôpitaux de langue anglaise à Montréal (Montreal General, Jewish, Shriners)  
  • 3 universités de langue anglaise (McGill, Concordia, Bishop’s), 3 de langue française (Montréal, Laval, Sherbrooke)  
  • Une minorité linguistique en situation de domination 
  • « une minorité majoritaire » face à « une majorité minoritaire » (E. Laur) 

1.3. Une vague de changements  

  • Après 1930, arrivée massive de travailleurs québécois à Montréal, Sherbrooke, Trois-Rivières, Saint-Jean-sur-Richelieu, Saint-Jérôme, Hull, Drummondville.  
  • La pauvreté est endémique. Des bidonvilles [slums] très démunis se forment au sud (Jacques-Cartier), au sud-ouest (Pointe-Saint-Charles, Saint-Henri) et à l’est (Pointe-aux-Trembles, Rivière-des-Prairies). 

Voir « Ville Jacques-Cartier, le bidonville de Montréal » 

2. Des facteurs de prise de conscience  

2.1. Des facteurs de prise de conscience  

  • Remise en question du statu quo linguistique et économique 
  • Lien établi entre langue et pauvreté 
  • Études sur la qualité du français, sur l’incapacité des Québécois de parler de leur milieu de travail en français 
  • Conscience accrue des choix linguistiques des immigrants : en 1962, 85% des immigrants s’assimilent à la minorité de langue anglaise et n’apprennent pas le français. 
  • Les insolences du Frère Untel (1960) 
  • Un prêtre, Jean-Paul Desbiens, publie de façon anonyme des lettres dans le journal Le Devoir pour déplorer la qualité du français parlé et l’emprise de la religion sur la société. 
  • Pierre Vallières publie un essai (1968) sur la langue comme instrument de colonisation. 

2.2. Un début en 1962 

  • Timide première tentative du gouvernement du Québec pour protéger le français  
    au gouvernement : le français devient langue de la législature provinciale. 
  • Une mesure symbolique, qui ne change rien dans la vie de la population générale 
  • 1963: début des activités terroristes du FLQ [Front de Libération du Québec] 
  • Crise peu reconnue par les Canadiens anglophones 
  • Manifestation du 19 avril 1963 dans Westmount 

3. La comission Laurendeau-Dunton 

3.1. La comission Laurendeau-Dunton 

  • Commission royale sur le bilinguisme et le biculturalisme 
  • Idée d’une commission royale sur le bilinguisme et le biculturalisme lancée par André Laurendeau dans un éditorial du Devoir en janvier 1962 
  • Appui du Premier Ministre canadien Lester Pearson qui, élu en 1963, met sur pied la commission 

3.2. Laurendeau et Dunton 

  • Création de la commission en juillet 1963, co-présidée par  
    • André Laurendeau (journaliste au Devoir et nationaliste)  
    • et Davidson Dunton (président de l’Université Carleton, homme modéré) 

3.3. Le rôle de Frank Scott 

  • Doyen de la Faculté de droit de McGill et représentant de la minorité anglophone au Québec 
  • Très influent 
  • Veut un modèle bilingue pour tout le Canada, sur l’exemple du Québec de l’époque 
  • ≠ Laurendeau: maintenir deux groupes unilingues distincts 
  • « Je ne vois pas comment une commission mise sur pied pour promouvoir le bilinguisme pourrait finir par favoriser l’unilinguisme. » (Journal de F. Scott cité par L’Express, vol. XXXVIII, n 7, p. 2) 
  • Mais accord sur le fait qu’un « Québec bilingue dans un Canada anglophone » était inacceptable 

4. Le compromis  

4.1. Le compromis  

  • Reconnaissance de la prédominance francophone au Québec 
  • Reconnaissance fédérale des droits linguistiques comme droits de la personne, garantis dans une charte qui deviendra… la Loi sur les langues officielles en 1969 au Canada 

4.2. McGill françias, mars 1969 

  • Cristallisation des débats autour de la question linguistique 
  • 5,000-10,000 manifestants nationalistes et socialistes 
  • Réclament la francisation de McGill, fondée en 1821 et plus riche université, perçue comme un symbole de la domination anglophone. 
  • À l’échelle internationale, contexte de révolte étudiante et de décolonisation 

4.3. Les émeutes de Saint-Léonard  

  • Septembre 1969 
  • Conflit inter-ethnique violent 
  • Opposition à ce que la communauté italo-québécoise envoie ses enfants à l’école anglophone. 
  • La tension linguistique est au maximum. 
  • Des manifestations (40,000 personnes) durant tout l’automne 

4.4. La loi 63 

  • 1re loi linguistique 
  • Adoptée par Québec, malgré le mécontentement, en novembre 1969 
  • Censée promouvoir la langue française… 
  • … mais permet le libre choix de la langue d’enseignement = les immigrants continuent de scolariser leurs enfants en anglais. 

5. La Loi sur les langues officielles  

5.1. La Loi sur les langues officielles  

  • En 1969 
  • Loi adoptée par le gouvernement fédéral du Premier Ministre Pierre-Elliott Trudeau  
  • L’anglais et le français sont les langues officielles du Canada. 
  • Lois et textes réglementaires dans les 2 langues 
  • Travail au sein de la fonction publique fédérale dans les 2 langues dans les régions désignées bilingues 
  • Crée le Commissariat aux langues officielles 

5.2. Raymond Théberge, commisaire aux langues officielles  

  • Responsabilité de protéger les droits linguistiques et de faire la promotion du français et de l’anglais dans la société canadienne 
  • Rend compte au Parlement 
  • Veiller à ce que les institutions fédérales respectent la Loi sur les langues officielles. 

5.3. Les conséquences de la loi sur les langues officielles  

  • Améliore la situation du bilinguisme 
  • Améliore la perception du français en dehors du Québec = succès des écoles d’immersion 
  • 1965: 17% du ROC [Rest of Canada] favorable au financement de l’enseignement des écoles francophones 
  • 1977: 77% du ROC [Rest of Canada] favorable au financement de l’enseignement des écoles francophones 
  • Au Manitoba: 1979, sur arrêt de la Cour suprême, rétablissement du français comme langue officielle à l’Assemblée législative et devant les tribunaux (ne l’était plus depuis 1890) 
  • En Ontario: Offre des services en français là où la demande le justifie. 
  • Au Nouveau-Brunswick: Effet positif: la province se proclame aussi bilingue 

5.4. Suites de la loi 

  • Appuyer le développement des communautés francophones et anglophones en situation minoritaire;  
  • « Favoriser la progression vers l’égalité de statut et d’usage du français et de l’anglais. » 
  • « À l’échelle du pays, environ 40 % des postes dans la fonction publique fédérale nécessitent la connaissance des deux langues officielles. » 

6. Vers l’adoption de la Charte de la langue française (les années 1970 au Québec) 

6.1. 1974, la loi 22 

  • Le gouvernement libéral de Robert Bourassa fait voter cette loi qui fait du français la langue officielle du Québec.  
  • Mesures incitatives pour encourager les immigrants à choisir l’école en français.  
  • Mais aucune mesure pour le milieu du travail. 

6.2. La Charte de la langue française, 1977 = Loi 101 

  • Par le gouvernement péquiste de René Lévesque 
  • Le français seule langue officielle (révisée en 1979) 
  • Fin du libre choix de la langue d’enseignement  
  • Francisation obligatoire des lieux de travail  
  • Affichage public en français seulement (révisé vers le bilinguisme en 1988). 

6.3. Critique 

  • Protestations contre ce que les Anglo-Québécois appellent « la police linguistique ».  
  • Loi cassée à maintes reprises par la Cour Suprême du Canada. 

7. Bilan de la loi 101 

7.1. Bilan de la loi 101 

  • Résultats spectaculaires dans les milieux de travail et l’affichage public [permission d’afficher dans les deux langues, mais le français doit être dominant.] 
  • Résultats plus mitigés à Montréal.  
  • Mais l’anglais a tendance à s’imposer dans les lieux publics, certains lieux de travail et sur l’île de Montréal. 
  • Les familles immigrantes envoient leurs enfants à l’école française = formation d’une génération multilingue 

7.2. Les enfants de la loi 101 

  • Joanne Liu 
  • Sugar Sammy 
  • Kim Thuy 
  • Marianna Mazza 

7.3. Le français au Québec aujourd’hui 

  • 77.1% francophone  
  • 13.1% allophone 
  • 7.4% anglophone 
  • 0.6% autochtone 
  • Continuité linguistique: 1,02% (par défaut, les nouveaux immigrants doivent inscrire leurs enfants en école francophone.) 
  • 40% des Québécois sont bilingues /vs/ 10% de personnes bilingues dans le ROC = effort de bilinguisme 
  • La loi 96 de juin 2022 vise à renforcer le français comme “langue commune de tous les Québécois” 

7.4. L’Office québécois de la langue française  

  • La BDL: la Banque de Dépannage Linguistique 
  • Le Bureau de la traduction 
  • Mission de l’OQLF  
    • assurer le respect de la Charte de la langue française (surveillance et plaintes) 
    • surveiller l’évolution de la situation linguistique au Québec et d’en faire rapport tous les cinq ans au ministre 
    • veiller à ce que le français soit la langue habituelle et normale du travail et des communications 
    • définir la politique linguistique et la francisation de l’Administration et des entreprises 

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Penser la minorisation culturelle et linguistique Droit d'auteur © par Élise Lepage est sous licence Licence Creative Commons Attribution 4.0 International, sauf indication contraire.