Le Québec

18. Un enjeu de société minoritaire: le nationalisme

Étudier le début de ce chapitre ici, dans le manuel. La fin sera enseignée en salle de classe.

Des idées derrière des mots: lexique

La souveraineté : terme utilisé depuis les années 1980 environ.​

Souvent, ces termes sont utilisés de façon interchangeable.​

Mais différents mots pour différentes idéologies:​

  • Rupture?​
  • Autonomie?​
  • Décentralisation?​
  • Partenariat?​

1. Aux origines du nationalisme

Henri Bourassa
Henri Bourassa, Source: l’Encyclopédie Canadienne, Henri Bourassa © TOUS DROITS RÉSERVÉS

Nous avons vu dans les cours passés que l’avènement de la Confédération canadienne en 1867 n’est pas un marqueur historique majeur en ce qui concerne les Canadiens français. La fondation de la Confédération canadienne renforce des tendances sociales et culturelles à long terme qui font que les Canadiens français se sentent de plus en plus limitées à la province du Québec. Même après 1867, au fur et à mesure qu’on construit le Canadien Pacifique pour rejoindre les provinces qui intègrent peu à peu la Confédération, une réflexion active continue afin de penser le modèle de fédéralisme à développer ainsi que la nature des liens à entretenir avec le Royaume-Uni.

Par exemple, Henri Bourassa imagine une fédération canadienne émancipée de l’empire britannique. D’autres observent l’accession à l’indépendance totale dans certains pays d’Amérique du Sud (entre 1816 et 1828). D’autres encore évoquent une annexion du Québec aux États-Unis car ils ont la perception que les États américains arriver à préserver un plus grand degré d’indépendance. Ce ne sont d’ailleurs pas que les Canadiens français qui s’interrogent sur les contours des identités nationales et des modes de gouvernance à cette époque. Par exemple, le New Hampshire (1776, 20% origines canadiennes-françaises, « Live free or die ») et la partie nord de la Californie (1846, « Bear Flag ») ont été des états indépendants.

Ainsi, jusqu’à la Première Guerre mondiale au moins, toutes sortes de  conceptions, souvent pleines d’hésitations, de contradictions et de revirements coexistent dans le discours public.

L’itinéraire intellectuel de Bourassa (-1952) lui-même illustre bien ce flottement: il défend l’existence des « deux races » (terme employé à l’époque) au sein d’un pays, mais refuse toute séparation, même en 1917 lors de la crise de la conscription.

Lionel Groulx (-1967), autre penseur influent du Canada français dans les années 1920 et 1930, réclame un état français « la Laurentie »… mais refuse de se considérer comme un séparatiste!

C’est une période ou les frontières et les modèles politiques on tente encore une relative fluidité et où les idées bouillonnent et se confrontent de façon encore un peu indécise dans la sphère intellectuelle.

2. La politisation du nationalisme (années 1960)

 Le contexte de la Révolution tranquille (1960-1969)

Montreal Light Company Source : Hydro-Québec, 1945-1959 – Les premières réussites d’Hydro-Québec
www.hydroquebec.com

Pendant toute la période surnommée la Grande Noirceur (du crash de 1929 à 1959), Le Québec est gouverné presque sans interruption par le parti de l’Union nationale du Premier Ministre Maurice Duplessis qui meurt avant la fin de son mandat en 1959. Son décès marque la fin d’une ère d’austérité et de conservatisme social et politique. Des élections sont organisées et en 1960, le gouvernement libéral majoritaire de Jean Lesage est élu, marquant le début de la Révolution tranquille, une période de modernisation en profondeur et en accéléré du Québec. Ce gouvernement met en oeuvre plusieurs mesures phares qui vont changer la façon dont les Canadiens français se perçoivent… à commencer par le fait qu’ils ne vont plus se définir comme Canadiens français, mais comme Québécois.

Profitant de l’expansion économique du pays, Jean Lesage modernise l’État québécois et lui donne plus d’initiatives par de grands investissements publics:

Sur le plan économique

La nationalisation des ressources naturelles avec la création d’Hydro-Québec en 1963 permet la création de grands projets d’infrastructure tels que de grands barrages hydroélectriques (Rapide 7 en Abitibi).

La premiere barrage d’Hydro-Québec pendant sa constuction. Source : Hydro-Québec, 1960-1979 – La 2e étape de la nationalisation : les grands défis
www.hydroquebec.com

La création de sociétés permet de mieux contrôler de développement économique de la province (Société de sidérurgie du Québec, Société québécoise d’exploration minière).

La barrage modern d’Hydro-Québec. Source : Hydro-Québec, 1960-1979 – La 2e étape de la nationalisation : les grands défis www.hydroquebec.com

Dans le domaine de la santé

En 1961, c’est la création du ministère de la Famille et du Bien-être social.

Il faut attendre 1969-70 pour la création de la RAMQ (Régie de l’Assurance Maladie du Québec et l’entrée en vigueur du régime de l’assurance maladie.

Pour l’éducation et la culture

En 1961, la commission Parent entame une profonde réforme de l’éducation qui débouche sur la création de plusieurs institutions:

  • Le ministère de l’Éducation (1964)
  • Les écoles secondaires « polyvalentes » (1964), gratuites, ouvertes à toutes et à tous
  • Les cégeps (1967-8) [Collège d’enseignement général et professionnel, 2 ans d’étude entre le secondaire et l’université]
  • Le réseau de l’Université du Québec (1968) (Université du Québec à Montréal, à Chicoutimi, à Trois-Rivières, à Rimouski, en Outaouais)

Les programmes d’études sont modernisés pour mieux refléter les « nouvelles » préoccupations de la société québécoise.

En 1961, sont aussi créés le ministère des Affaires culturelles et de l’OQLF (Office québécois de la langue française): http://www.olf.gouv.qc.ca/

Une modernisation accélérée

Monteurs de ligne de la Montreal Light, Heat and Power. Source : Hydro-Québec, 1898-1929 – La consolidation des grandes entreprises et le début des projets d’envergure www.hydroquebec.com

Avec la prise en charge par l’état des domaines de la santé de l’éducation et de la culture, on assiste à la sécularisation accélérée de la société québécoise qui s’observe également dans la baisse soudaine de la fréquentation des églises, surtout à partir de 1967.

 

La modernisation est ressentie par l’ensemble de la population avec par exemple l’électrification des campagnes et donc leur entrée dans la modernité et le confort, tandis qu’en ville on assiste à la création du réseau de métro en 1966, juste à temps pour accueillir l’Exposition universelle “Terre des hommes”, plus communément appelée « Expo 67 ». Montréal accueille plus de 50 millions de visiteurs en moins d’un an à l’occasion de cet événement!

Le R.I.N.

Pancarte pour Pierre BourgaultCes transformations politiques et économiques traduisent de profondes mutations sociales et culturelles dans la société. C’est sur ce fond de changement que naît un sentiment de fierté, d’affirmation culturelle et de revendication, qui s’observe dans plusieurs domaines. Cette force d’affirmation va peu à peu se catalyser sur le plan politique.

En 1960, naît le Rassemblement pour l’Indépendance Nationale (R.I.N.), un mouvement citoyen. Entre 1964 et 1968, ce mouvement  est dirigé par Pierre Bourgault, un orateur charismatique et apprécié qui fait émerger dans le discours politique la possibilité de l’indépendance du Québec.

En 1966, le R.I.N. obtient 5.5% des votes aux élections provinciales. Il reste une force politique marginale qui ne sera jamais élue.

En 1968, le RIN se dissout et Bourgault incite ses partisans à se rallier pour la fondation d’un nouveau et véritable parti politique: le Parti québécois (PQ), fondé par René Lévesque.

 

René Lévesque

Photo de René Lévesque
René Lévesque , Source : Bibliothèque et Archives Canada

Le fondateur et premier chef du PQ est un leader charismatique bien connu du public. En effet, René Lévesque était tout d’abord un animateur  télé qui animait une émission politique « Point de mire » qui discutait notamment des enjeux liés à la décolonisation des continents asiatique, africain et de nombreuses îles.  Puis, comme ministre des Ressources naturelles dans le gouvernement Lesage, c’est lui qui a piloté la nationalisation des ressources électriques, réforme bien perçue par la population. Avant cela, les compagnies d’électricité étaient toutes anglophones (la Montreal Light, Heat and Power Consolidated,  la Shawinigan Water and Power Company, etc.) et mal aimées d’une grande partie de la population.

Le Parti québécois (PQ)

Le logo pour le Parti Québécois
Premier logo du Parti Québécois, en 1968, Fondation fr-academic.com, © TOUS DROITS RÉSERVÉS

C’est le premier parti qui propose l’indépendance totale du Québec à l’égard du Canada. Il cherche à unifier le vote indépendantiste.  Une fraction du parti libéral, progressiste et sensible aux idées nationalistes, rejoint également ce nouveau parti.

La vision sociale-démocrate que propose Lévesque intègre des éléments de pensée des grands penseurs de la décolonisation, entre autres Frantz Fanon, Aimé Césaire et Jacques Berque. Ses discours rallient beaucoup de jeunes et d’étudiants, la première génération formée par le nouveau modèle d’éducation moderne. Lévesque prône la création d’un État-Providence fort, d’un État souverain de langue française reposant sur une authentique démocratie qui garantirait les droits scolaires de la minorité anglophone.

Il propose de tenir un référendum sur la souveraineté du Québec qui fonctionnerait avec une association économique avec le reste du Canada, en accord avec l’A.A.N.B. (Acte de l’Amérique du Nord Britannique, 1867) qui stipule que le gouvernement fédéral ne peut s’ingérer dans les dossiers de compétence provinciale.

L’émergence de ce parti a lieu sur une toile de fond sociale extrêmement tendue et dans un climat de violence (voir toutes les manifestations de 1969-1970 dans le cours sur les droits linguistiques).

Ce parti modifie profondément et durablement la scène politique québécoise à partir de 1968.

Un fourgon de sécurité de l’entreprise de sécurité Brink’s
Un fourgon de sécurité de l’entreprise de sécurité Brink’s, en 1981. © TOUS DROITS RÉSERVÉS, Le Devoir

« Le Coup de la Brinks » lors des élections de 1970

Aux élections provinciales de 1970, puis de 1973, le PQ réussit à faire élire quelques députés, mais pas Lévesque.

Juste avant les élections de 1970, la presse diffuse des images de neuf camions remplis de capitaux qui quittent Montréal pour Toronto par crainte de l’élection du P.Q. Ces images et les articles qui les accompagnent font craindre qu’un gouvernement péquiste et son programme indépendantiste feraient fuir les grandes compagnies et appauvrirait l’économie du Québec.

Il a par la suite été démontré que les camions étaient vides et qu’il s’agissait d’un coup médiatique destiné à influencer le vote (apparemment orchestré par Pierre Elliott Trudeau, alors Premier Ministre du Canada, et le journal anglo-montréalais The Gazette). C’est ce qu’on a appelé “le Coup de la Brinks”.

L’argument économique (l’indépendance ferait fuir les grandes compagnies et les capitaux), de même que l’ingérence du gouvernement supra-national sont deux stratégies qui s’observent presque systématiquement lorsqu’un mouvement nationaliste se politise, obtient de la crédibilité et est perçu comme une menace potentielle. Ces mêmes stratégies ont été mobilisées par exemple par le gouvernement britannique lors du référendum sur l’indépendance de l’Écosse en 2014; par le gouvernement espagnol pendant le référendum d’autodétermination de la Catalogne à l’automne 2017.

3. La faction terroriste du nationalisme: la crise d’Octobre 1970

Dès 1963, le FLQ [Front de Libération du Québec] est un regroupement de personnes qui pensent que le nationalisme politique est un processus qui prendra trop de temps. Le FLQ prône l’usage de la violence pour arriver à ses fins. Le FLQ n’est pas un parti politique, c’est davantage un mouvement, une faction de citoyens. Ils font exploser plusieurs bombes entre 1963 et 1970, notamment dans le quartier Westmount, perçu comme le quartier de l’élite anglo-montréalaise.

 

 

Un soldat près d'une drapeau du Québec
Un soldat monte la garde à Montréal en 1970 pendant la crise d’Octobre, Source:  The Canadian Patriot

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