Théorie
1. Un enjeu de société minoritaire: la minorisation
Dans le cadre de ce cours, l’un des concepts fondamentaux que nous allons étudier est la minorisation. Afin de comprendre la minorisation, nous allons tout d’abord considérer l’élaboration du sujet.
1. Qu’est-ce que le sujet?
Le sujet est à prendre ici au sens philosophique, le sujet c’est l’individu, la personne qui dit “moi”, qui est douée de conscience.
Être un sujet, devenir un sujet est un processus qui s’élabore tout au long de notre vie. La subjectivité, c’est une construction originale de soi-même de notre naissance jusqu’à notre mort, que ce soit à travers les étapes déterminantes de notre vie, ou à travers nos expériences au quotidien. Cette perception de nous-mêmes est subjective. Différents domaines de savoir s’intéressent à cette construction de la subjectivité. Ainsi, le sujet peut être vu comme:
Dans le cadre de ce cours, nous n’allons pas étudier le sujet biologique. Nous allons parfois aborder quelques paramètres psychologiques, mais plus fondamentalement notre perspective sera d’ordre anthropologique.
Qu’est-ce que le sujet anthropologique?
Le sujet anthropologique, c’est chacun d’entre nous dans notre relation quotidienne avec la culture, la culture telle que comprise de la façon la plus généreuse, la plus ouverte possible. Ce peut être la culture de notre enfance, celle de notre pays d’adoption, celle transmise par notre famille, les influences de l’école, de notre milieu professionnel, de nos appartenances culturelles et religieuses, etc.
Un exemple :
Penser à la première fois que vous êtes allée souper chez un.e ami.e ou dans la famille de votre partenaire, notamment pour un souper traditionnel (Noël, Action de grâce, etc.)
Qui avait préparé le repas?
Le repas s’est-il déroulé exactement comme chez vous?
Étiez-vous familier des plats servis?
La table était-elle mise de la même façon?
Qui parlait et comment?
Dans quel ordre se déroulaient les choses?
Dans la vie de tous les jours, nous avons appris à faire les choses, à poser des gestes, à penser les autres, à penser l’ordre social, le déroulement de la vie de certaines façons. Souvent, nous attendons des autres qu’ils se comportent comme nous, qu’ils pensent comme nous. Dans certaines sociétés, dans certains milieux sociaux, la conformité aux pratiques culturelles est très importante; elle est exigée de chaque citoyen. Dans d’autres sociétés, c’est moins le cas il y a plus de fluidité, plus de permissivité, plus de liberté. Les écarts avec la norme sociale sont davantage tolérés, permis, voire valorisés.
Un exemple :
Le milieu bourgeois du XIXe siècle valorisait un certain conformisme social et stigmatisait ce qui s’en écartait.
Les milieux artistiques entretiennent ou valorisent davantage des pratiques marginales ou transgressives.
Dans certaines sociétés, il y a des attentes spécifiques à l’égard des femmes, concernant leur apparence physique (cheveux, vêtements, etc.).
En nous intéressant au sujet anthropologique, nous allons considérer de nombreux et différents aspects de la construction subjective. Par exemple:
- la mémoire collective;
- la valeur accordée à la langue maternelle;
- le comportement religieux;
- la relation avec l’autorité (famille, travail, école, gouvernement);
- les pratiques quotidiennes: comment se déroulent les repas, la conversation, les gestes, la sagesse transmise, les arts de faire;
- comment se nouent les relations amicales et amoureuses;
- les rites qui accompagnent souvent les grandes transitions de la vie: naissance, entrée dans l’âge adulte, mariage, décès.
Tous ces paramètres sont extrêmement intéressants pour étudier le fait humain. En elles-mêmes, ces différentes pratiques anthropologiques permettent d’étudier le sujet en tant que tel, comme individu isolé, mais aussi de le comprendre en relation avec ses pairs, avec sa communauté au sens restreint ou élargi.
Deux concepts importants issus des sciences humaines et sociales vont nous permettre d’étudier ces aspects : l’habitus et le discours social.
2. L’habitus
L’habitus est un concept philosophique et sociologique qui est employé depuis l’Antiquité dans les sciences sociales. Il a notamment été très utilisé par le sociologue français Pierre Bourdieu. Dans la théorie bourdieusienne, l’habitus désigne les prédispositions d’un individu qui influencent son comportement et ses actions dans la vie quotidienne. L’habitus détermine ainsi les façons de se tenir, de parler, de percevoir les autres et soi-même, de se vêtir, les sports, les arts ou les passe-temps que l’on pratique, etc. Prises ensemble, ces prédispositions constituent une sorte de style de vie. Ces prédispositions ne sont pas innées : elles sont acquises, intériorisées inconsciemment au cours de la socialisation qui commence dès la petite enfance. La phase de socialisation se poursuit généralement jusqu’au début de l’âge adulte : c’est une phase de conditionnement social pendant laquelle l’individu apprend à connaître son environnement social, s’y adapte et s’y intègre.
Si un individu change de classe sociale, ce processus recommence ou est réorienté en fonction des codes sociaux de la classe sociale qu’il intègre.
Si un individu s’intègre à une autre culture, ce processus recommence ou se poursuit selon les nouvelles attentes de la culture d’accueil.
L’habitus inclut nos habitudes, mais il est aussi plus fort que nos habitudes : non seulement il permet la reproduction de comportements sociaux, mais il fonctionne aussi comme générateur de nouvelles structures sociales puisque de nouvelles pratiques se forment de façon continue. En étant un moteur essentiel de la reproduction des structures sociales, l’habitus réactive dans chaque individu, dans chaque corps, l’histoire des rapports de domination au sein d’une société. Ce concept invite donc à concevoir l’individu surtout comme un être déterminé socialement, et dans une moindre mesure, comme un être original, singulier.
En contexte minoritaire, l’individu subit un double processus de socialisation, au sein de chacune des cultures en présence. Plus ces cultures sont éloignées l’une de l’autre (culturellement), plus la conscience du dédoublement identitaire est forte. Plus ces cultures sont hiérarchisées, plus le processus de minorisation est fort; et donc plus la tentation sera grande de rejeter la culture minoritaire.
3. Le discours social
Le discours social est un concept transdisciplinaire théorisé par Marc Angenot, professeur de langue et littérature française à l’Université McGill, qui désigne « « tout ce qui se dit et s’écrit dans un état de société ; tout ce qui s’imprime, tout ce qui se parle publiquement ou se représente aujourd’hui dans les médias électroniques. Tout ce qui narre et argumente, si l’on pose que narrer et argumenter sont les deux grands modes de mise en discours[1]. »
Dans cette perspective sémiotique, on tient compte de la valeur symbolique attribuée à tel ou à tel discours. Par exemple, la valeur symbolique du discours du Premier Ministre du Canada est plus élevée que celle d’un enseignant, d’un dirigeant syndical ou d’un personnage de bande dessinée. Pourtant, l’impact du discours est encore plus important. L’effet quantitatif (combien de personnes entendent ce discours?) est plus déterminant que son capital symbolique. Par exemple, un influenceur qui s’adresse directement aux milliers/millions de personnes qui le suivent peut avoir plus d’impact qu’une publication en sciences médicales publiées dans une revue spécialisée.
Mais surtout, dans la perspective d’Angenot, ce ne sont pas les individus qui produisent les discours, mais l’inverse : nous sommes des êtres discursifs, nous sommes façonnés par les discours qui nous entourent constamment :
« Ce qu’on propose ici c’est le renversement classique des démarches historico dialectiques : ce ne sont pas les écrivains, les publicistes qui «font des discours», ce sont les discours qui les font, jusque dans leur identité, laquelle résulte de leur rôle sur la scène discursive. Les individus, leurs talents, leurs dispositions ne sont pas contingents dans une hégémonie anonyme; ils sont spécifiquement produits […][2]. »
Le discours social saisit ce qui se dit, à un moment donné, dans un groupe précis (un pays, une province, un groupe social comme les étudiants, etc.), ce qui s’y dit. De quoi parle-t-on? Qu’en dit-on? Quelles sont les différentes opinions sur ces sujets? Qu’est-ce qui est cliché? Qu’est-ce qui est tabou? Qu’est-ce qui est controversé? Qu’est-ce qui est communément accepté? Ceci va être un aspect fondamental de notre cours.
Aujourd’hui, on peut dire que les images et les vidéos qui circulent sur internet et les médias sociaux participent aussi du discours social. Avec la circulation permanente de l’information aujourd’hui, le discours social est plus effervescent que jamais : tout le monde peut s’exprimer, se créer une tribune; mais avec la création des chambres d’écho sur les média sociaux (mes amis et les gens que je suis pensent tous comme moi, j’exclus les personnes qui ont des avis divergeant du mien), le discours social se segmente aussi : des clivages idéologiques très profonds apparaissent. Les acteurs de ces clivages n’ont pas d’espace de dialogue sain et modéré, ce qui nourrit plusieurs formes d’extrémismes.
Le discours social cristallise bien des formes de la culture. Par exemple : comment sont représentées les femmes? Qu’est ce qui est perçue comme une bonne éducation pour les enfants? Quelle place est accordée aux agriculteurs? Aux entrepreneurs? Aux petits commerçants? Que pense-t-on de tel autre pays? Telle religion? Telle valeur ou pratique sociale?
Le discours social est une entrée privilégiée pour comprendre une culture. On peut maîtriser parfaitement une langue étrangère, mais si on n’est pas familier du discours social qui sous-tend cette langue, on ne peut pas pleinement comprendre cette culture. Nous allons donc nous immerger, autant que possible, dans le discours social des régions francophones que nous allons étudier. Dans une moindre mesure, nous allons également tenir compte de ce qui se dit de ces régions, de leurs cultures, dans la société canadienne en général.
4. Des minorités francophones du Canada à une théorisation de la minorisation
Tous ces aspects seront au premier plan de notre cours. Plus précisément, nous allons porter notre attention sur le cas des individus en situation de minorité ou de (post-)colonisation. Dans un contexte de société minoritaire ou (post-)colonisée, la construction du sujet anthropologique est spécifique; elle s’effectue de façon particulière. Dans ce cours, nous allons illustrer ce processus à partir d’exemples des sociétés francophones minoritaires au Canada. Autant que possible, j’essaierai d’établir des liens avec d’autres communautés. Je vous encouragerai toujours d’ailleurs à en établir vous-même, et à partager vos exemples, qui peuvent être tirés des actualités, de votre propre savoir académique, et surtout peut être de votre propre expérience personnelle.
Par-delà donc le titre (ancien et très général) du cours, « Aspects du Canada français », qui vise à vous enseigner des connaissances spécifiques sur les communautés francophones du Canada, il s’agit d’entreprendre une réflexion d’ordre théorique sur la minorisation, réflexion applicable à bien d’autres contextes. Les observations que nous allons faire concernant les communautés francophones du Canada seront ainsi bien souvent applicables à d’autres groupes, à d’autres sociétés car la construction du sujet anthropologique se fait de façon spécifique en contexte minoritaire ou colonisé. Il s’agit moins d’un modèle rigide qu’ ensemble de déterminants, de facteurs qui infléchissent, qui influencent la façon dont chaque individu se construit comme sujet dans ces sociétés.
5. Minoritaire ou minorisé?
Quelques exemples :
Avant le génocide du Rwanda en 1994, les Tutsis composaient entre 10 et 25% de la population du pays. C’était traditionnellement une minorité en situation de pouvoir, bien dotée sur le plan socio-économique, alors que les Hutus, pourtant majoritaires en nombre, formait un groupe moins bien nanti sur le plan socio-économique, et constituait ainsi un groupe minorisé dans ce pays. Pour le formuler de façon très schématique, le Rwanda était un pays majoritairement composé de Hutus, mais mené par une minorité tutsie qui concentrait les ressources.
En 2019, les Noirs (incluant les Africains américains) composaient environ 13.4% de la population des États-Unis. (source)
Dans une société minorisée ou colonisée, les conditions de minorisation sont presque toujours intériorisées par les individus. Ce sont des facteurs souvent invisibles, mais extrêmement puissants, omniprésents dès la naissance et la petite enfance du sujet. Les individus minorisés ont tendance à penser qu’ils appartiennent à une culture inférieure, sans valeur. Ceci rejaillit sur la perception qu’ils ont d’eux-mêmes: ils peuvent se percevoir comme étant eux-mêmes des individus sans intérêt. En résultat, il arrive souvent qu’ils rejettent leur langue, leurs pratiques culturelles, pour s’identifier à la majorité et mettre fin à ce sentiment désagréable, inconfortable de minorisation.
Jusque vers 1960, les Québécois francophones se voyaient comme formant une société minoritaire et minorisée au sein du Canada. Entre 1960 et 1980 environ, les Québécois francophones ont renversé ce paradigme, cette perception d’eux-mêmes et ont développé une véritable fierté pour leur identité. Cela a changé tout un ensemble de pratiques anthropologiques que nous étudierons.
6. Symptômes de la minorisation
Pour celles et ceux qui ont grandi et vivent dans une culture majoritaire, il n’est pas facile de comprendre la minorisation. Je vous invite donc dans ce cours à faire preuve d’empathie et à faire l’effort conscient de mettre en action la métaphore bien connue de « marcher dans les souliers » d’autres personnes, c’est à dire d’essayer de comprendre le ressenti et les expériences des sujets minoritaires.
Le sujet anthropologique (et même psychologique) est affecté par la minorisation et cela dès la petite enfance, dès le stade du développement du langage et des premières références culturelles. Le langage arrive très tôt entre un an et deux ans déjà, avec les premières références culturelles avant l’âge de 3 ans. On peut penser aux berceuses et aux petites comptines qu’on chante pour les enfants, aux émissions et aux jeux qui s’adressent aussi aux jeunes enfants de 3 ou 4 ans.
Les conséquences de la minorisation sont très concrètes: cela peut mener à l’auto-dévalorisation, cela peut affecter les ambitions, les possibilités de carrière, la facilité à développer des relations, etc.
Il faut généralement plusieurs générations pour effacer les traces de la minorisation. On le voit très bien par exemple dans le cas des Premières Nations, Métis et Inuits du Canada. Même si la génération qui a votre âge (née en 2000 et après, environ) n’est pas allée dans les pensionnats autochtones, elle subit encore très clairement les conséquences de ce qu’y ont vécu leurs parents, leurs grands-parents et leur parenté étendue.
Le même raisonnement peut s’appliquer à de nombreux pays ou régions qui ont accédé à l’indépendance au cours de la seconde moitié du XXe siècle. Bien que la plupart des gens vivant maintenant n’ont pas connu l’époque de la colonisation, certains portent encore les stigmates, l’héritage très lourd de cette période historique.
On dit souvent que les sociétés minorisées ne veulent pas changer, qu’elles ne veulent pas s’intégrer dans la société majoritaire, qu’elles ont des revendications et des intérêts particuliers, qu’elles se complaisent dans une image idéalisée de leur passé et de leur folklore. Mais ce n’est pas si simple!
La minorisation crée des choix identitaires complexes et ambivalents. Souvent, les sujets minorisés font preuve d’hypersensibilité (aux langue, aux accents, aux manifestations de paternalisme ou de discrimination); en même temps, ils ont souvent le désir de passer inaperçus, de cacher leurs différences, de se fondre à la majorité. Ils développent une identité caméléon, c’est à dire qu’ils s’adaptent au contexte dans lequel ils se trouvent, choisissent quel visage ils veulent montrer à leurs interlocuteurs. Il s’agit de perceptions qui sont souvent fondées sur leur expérience de vie, ou celle de leur groupe d’appartenance.
Pour les minorités dites « visibles », la couleur de la peau, la couleur et la texture des cheveux, le fait de parler dans sa langue, ou encore l’habillement selon la culture traditionnelle rendent justement ces personnes « visibles », « audibles ». Cette visibilité est à double tranchant : du côté négatif, elle peut susciter des réactions de racisme, de discrimination, d’exclusion de la part de la majorité (ou d’autres minorités!). Mais du côté positif, la majorité voit et entend, au quotidien, cette minorité; elle se rend compte de son importance, de ses contributions à la société, et cela peut inciter l’adoption de politiques d’inclusion, comme proposer des services dans plusieurs langues parlées dans la communauté, la création d’emplois qualifiés offerts spécifiquement à ces personnes, etc. Il est difficile pour une société majoritaire de nier l’existence d’une minorité visible.
Les francophones du Canada n’ont pas, n’ont jamais eu cette visibilité. Bien sûr, aujourd’hui, toute une proportion des francophones vient d’Haïti, de pays africains ou de communautés autochtones. Mais la couleur de la peau ou l’habillement ne permet pas d’identifier une personne comme francophone. Compte tenu de leur invisibilité, les francophones au Canada ne risquent ainsi pas de subir de discrimination raciale (comparativement à d’autres minorités), mais leur invisibilité a un côté négatif : en contexte minoritaire, les francophones ne peuvent pas se reconnaître entre eux. À moins de s’entendre parler mutuellement en français, ils ne peuvent pas se connaître, ils n’ont aucune idée de leur nombre dans la communauté. Ils invisibles pour eux-mêmes, mais aussi pour la majorité qui ne peut alors pas se rendre clairement compte de leur nombre et de leurs contributions. Cette invisibilité renforce le phénomène de minorisation.
On peut proposer un parallèle : le paradigme de visibilité/invisibilité s’applique aussi à la santé. Les sociétés ont d’abord commencé à se soucier de l’accessibilité pour les personnes ayant des handicaps physiques (cannes, fauteuils roulants, taille, etc.) car ceux-ci sont bien visibles. On commence à présent la même réflexion pour les problèmes de santé mentale qui sont invisibles et donc plus difficiles à remarquer, à quantifier, etc.
Citations
Dans Poèmes de la résistance, Elsie Suréna: « Je ne me savais pas francophone » avant d’être « acculée à ressentir l’appartenance / à notre grande et belle minorité ».
Andrée Lacelle (dir.), Poèmes de la résistance, Sudbury, Prise de parole, 2019.
Michel Ouellette: « Longtemps, j’ai cédé / Cédé le passage / Cédé ma place /Marché les yeux fermés sur mes rêves / et mes ambitions »
Andrée Lacelle (dir.), Poèmes de la résistance, Sudbury, Prise de parole, 2019.
Un exemple
Dans l’Est ontarien, certains villages sont majoritairement francophones. Mais même dans ce contexte, les francophones hésitent à afficher leurs services en français car ils craignent que cela rebute ou insulte les clients anglophones. On peut bien sûr interpréter cette réaction des francophones comme un certain tact, et une ouverture, mais en même temps cette pratique contribue à minoriser encore davantage le français en l’invisibilisant encore un peu davantage.
Voir également la vidéo « Justin Trudeau et l’insécurité linguistique » :
Quelques remarques:
– François Paré est professeur émérite du département d’Études françaises de l’Université de Waterloo. C’est lui qui enseignait ce cours jusqu’en 2013!
– Justin Trudeau parle de son arrivée à « Brébeuf ». Le Collège Jean-de-Brébeuf est un collège privé francophone de Montréal. Plusieurs personnalités illustres (en politique, culture, arts, etc.) sont des anciens élèves de Brébeuf.
Quiz :
- Qu’est-ce qu’un habitus dans la théorie de Bourdieu?
- Les Inuits du Nunavut sont-ils une société minoritaire? Majoritaire? Minorisée? une combinaison de ces réponses?
- Citer deux exemples de symptômes de minorisation.
7. Pour terminer : une métaphore
Je vous propose de terminer ce premier cours sur une œuvre que je trouve très évocative. Elle a été créée par l’artiste de la Gatineau Éric Tardif et s’intitule « L’oeuf cactus ».
Pourquoi cet objet artistique m’intéresse-t-il?
J‘aime le voir comme une métaphore du sujet minoritaire.
En effet, qu’est-ce qu’un œuf?
Un œuf est opaque, on ne sait pas ce qu’il y a dedans, ce qui va en sortir: un poussin, un caneton, un oison, un ornithorynque Et on ne sait pas non plus ce qui va arriver à cet œuf: peut-être qu’il va donner vie à un animal domestique, peut-être qu’il va donner naissance à un bel oiseau sauvage, peut-être aussi qu’il va faire une très bonne omelette! Un œuf, c’est une belle forme harmonieuse pleine de promesses, c’est un ensemble de possibles, comme tout sujet en devenir.
Mais cet œuf arbore aussi des pics de cactus, formes de vie beaucoup moins douce. En effet, le cactus pousse dans un environnement difficile, peu propice à l’épanouissement. Sa forme reflète donc ses adaptations génétiques pour pouvoir survivre dans ce milieu.
En évoquant un peu plus tôt le sujet minoritaire, j’ai mentionné comment celui-ci peut faire preuve d’hypersensibilité où d’auto-dévalorisation. Jusqu’à un certain point, cet œuf-cactus peut être vu comme une métaphore du sujet minoritaire, qui peut choisir de faire advenir tous ses possibles en jouant sur son bi- ou multilinguisme, sa connaissance intime de divers contextes culturels, mais qui peut parfois aussi avoir des réflexes d’auto-défense qui peuvent paraître exacerbés, exagérés, ou difficiles à comprendre.
- Marc Angenot, 1889, un état du discours social, Longueuil, Le Préambule, « L’Univers des discours », 1989, ch. 1, part. 1. Consultable sur http://www.medias19.org/index.php?id=11796#tocto1n1 ↵
- Marc Angenot, « Le discours social : problématique d’ensemble », Le discours social et ses usages, Vol. 2, n° 1 (avril 1984), p. 21. https://www.erudit.org/fr/revues/crs/1984-v2-n1-crs1515818/1001977ar.pdf ↵