L’Ontario français

7. Un enjeu de société minoritaire : la complétude institutionnelle

1. La complétude institutionnelle

Chaque pays, chaque état est doté d’institutions publiques et privées. Ces institutions permettent de structurer et de gouverner la société. Par exemple, les hôpitaux, les écoles, les universités, les chambres de commerce, les théâtres, les bibliothèques, etc. sont des institutions. Les institutions officielles jouent un rôle important pour gérer et prendre des décisions qui affectent la vie des citoyens. Elles structurent ainsi un très grand nombre de services et de processus:

  • les institutions politiques (le parlement)
  • le système éducatif (les conseils scolaires)
  • le système de santé et les services sociaux (les hôpitaux, les centres de soins de longue durée)
  • le système judiciaire (la cour suprême, etc.)
  • le système économique et bancaire (les places boursières)
  • les institutions militaires et policières (la GRC)
  • le système médiatique (CBC/Radio-Canada, les grands groupes de presse)
  • le paysage linguistique
  • les institutions religieuses (les lieux de culte, la hiérarchie religieuse)
  • l’industrie culturelle du sport et des loisirs (les associations, les clubs)

Ces institutions sont parfois très anciennes et peuvent alors être de véritables marqueurs culturels.

Exemples:

Au Royaume-Uni, la monarchie britannique est une institution historique et toujours importante.

L’Académie française a été créée en 1635 et c’est toujours cette institution qui régit l’usage du français en France.

Au Canada, la GRC (Gendarmerie Royale du Canada [RCMP]) et le Parlement sont des institutions anciennes et très associées à l’identité et à la fierté canadiennes.

Plus un pays est développé, plus il va se doter d’institutions pour optimiser son fonctionnement et bien servir ses citoyens. On parle alors de complétude institutionnelle. Mais il existe aussi le soutien institutionnel non officiel, comme par exemple les associations culturelles, les regroupements de citoyens autour de questions de société comme la protection de l’environnement, Idle No More, Black Lives Matter, etc.

Les groupes minoritaires ne sont pas toujours reconnus au sein des sociétés dominantes. Et même lorsqu’ils sont reconnus, leurs spécificitéset leurs besoins sont rarement pris en compte ou protégés. Dans le pire des cas, les institutions deviennent même l’instrument de politiques discriminatoires pour renforcer l’exclusion ou l’assimilation des minorités. Sans même être des instruments politiques, les institutions développent souvent des processus et des micro-cultures qu’il est parfois difficile de faire évoluer – ce qui peut contribuer au racisme ou à la discrimination systémique.

Exemple:
Entre 1870 et 1997, les pensionnats autochtones étaient une institution conçue pour assimiler les enfants autochtones, métis et inuits à la société canadienne.

 

Dans cette partie du cours, nous allons donc nous demander quel niveau de complétude institutionnelle ont atteint les Franco-Ontariens.

2. Panorama de l‘Ontario français jusqu’aux années 1960

Jusque dans les années 1960, les Canadiens français installés en Ontario vivent souvent dans de petites communautés villageoises très semblables à celle du Québec.  La paroisse est très importante, le prêtre joue un rôle d’autorité et d’animation dans la communauté, tout comme les rares élites locales. Toute la vie est organisée autour des cycles religieux de l’Église catholique. À partir des années 1940, le mouvement coopératif commence à prendre son essoravec l’appui de l’Église. Ce mouvement coopératif permet aux familles modestes d’accéder à une forme d’épargneet aux agriculteurs de se regrouper afin d’acheter des engins agricoles en commun. 

Les Conseils scolaires sont gérés par les anglophones (écoles primaires) ou les congrégations religieuses (écoles secondaires); c’est aussi le cas des hôpitaux et de certains clubs pour les jeunes. Beaucoup d’employeurs qui font vivre des communautés dans les one-companytowns (dans les usines, les mines, dans le secteur de la foresterie) sont anglophones. Bref, c’est un monde traditionnel peu institutionnalisé et au sein duquel les habitants n’ont que peu de contrôle sur les structures sociales. 

Dans ce panorama, il faut pourtant distinguer le cas d’Ottawa où se crée un petit groupe de leadership canadien-français autour des institutions politiques fédérales. Ce groupe peut s’appuyer sur la proximité du Québec, l’Université d’Ottawa (bilingue depuis sa fondation en 1848), l’Institut canadien-français (1852), la fonction publique fédérale, un important journal francophone, Le Droit, et des congrégations religieuses. Avec l’arrivée régulière de fonctionnaires fédéraux en provenance du Québec après 1867, un climat culturel et un certain leadership canadiens-français émergent dans cette région, mais peine à s’exporter dans les régions.

3. Les années 1960, une période de transition

Entre 1945 et 1970, la population canadienne-française migre vers les villes. Bien souvent, en quittant leur région natale, les gens s’éloignent de leur communauté d’appartenance. L’exode rural produit une remise en question des caractéristiques identitaires.

Au cours des années 1960, plusieurs écoles secondaires francophones apparaissent grâce à l’action constante de l’ACFÉO. L’Université Laurentienne (1960, bilingue) est créée à Sudbury, ainsi que le Collège universitaire Glendon à York University (1966).

Confrontées à leur vieillissement et à leurs difficultés de renouvellement, les congrégations religieuses abandonnent peu à peu les secteurs de l’éducation et de la santé. Le gouvernement prend en charge ces dossiers.

En 1967, lors des États généraux du Canada français, une rupture se produit entre les nouveaux nationalistes québécois et les francophones de l’Ontario.

Lire l’article: « Le Canada français, 50 ans après le divorce » (Radio-Canada, 22 novembre 2017).

Citations

« La nouvelle vague des nationalistes québécois affirme […] que le salut du Québec ne peut s’accomplir en même temps que le sauvetage des francophones hors Québec. »
Pierre Savard, « Relations avec le Québec », Cornelius Jaenen (dir.), Les Franco-Ontariens, 1993, p. 247.

 

« Les Franco-Ontariens: une « identité [qui]  se rattache à la  nation canadienne-française qui cohabite avec la nation canadienne-anglaise à l’intérieur d’un État binational. »
Marcel Martel, Le deuil d’un pays imaginé, 1997, p. 165.

4. Les années 1970: l’élan du Nord

« L’école secondaire française en Ontario », recto (5 photographies d’étudiants et leurs paroles dans une bulle). Université d’Ottawa, CRCCF, Fonds Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens.

En 1969, l’adoption de la loi fédérale sur les langues officielles apporte du financement qui permet de commencer à subventionner des centres culturels qui vont jouer un rôle clé pour l’animation culturelle. 

À partir de 1970, la Direction-Jeunesse a pour but « d’accroître chez les jeunes le sentiment d’appartenance à la communauté Franco ontarienne et de favoriser leur esprit d’initiative. » (Bock et Gervais, L’Ontario français, 2004).

Tout au long des années 1970, parents et élèves sont très actifs et visibles dans les médias pour réclamer l’ouverture d’écoles secondaires en français. Les jeunes (adolescents et étudiants) sont très dynamiques.

Des symboles identitaires

De fait, les associations étudiantes, les élèves d’école secondaire et leurs parents vont jouer un rôle très important dans le développement de l’identité et de la fierté franco-ontariennes.

© Zscout370, Wikipédia, Domaine Public

C’est ainsi qu’un petit groupe  d’étudiants, avec l’appui de quelques professeurs, va créer le drapeau franco-ontarien en 1975 à l’Université Laurentienne à Sudbury. Ce drapeau est immédiatement adopté par les Franco-Ontariens, et officialisé en 2001.

Depuis 2010, le 25 septembre est reconnu comme la fête des Franco-Ontariens. Les chansons « Notre place » et « Mon beau drapeau » sont chantées dans les écoles et au sein des groupes communautaires.

Des événements culturels marquants

André Paiement, Gaston Tremblay et Denis Courville alias Roger, Marc et Raymond dans la pièce Moé, j’viens du Nord, ‘stie. Photo de Doug Kinsey

Des groupes d’étudiants et d’artistes vont aussi produire des spectacles marquants qui vont rassembler la communauté, notamment dans la région de Sudbury.

•1970: création collective à l’Université Laurentienne de la pièce de théâtre Moi j’viens du nord, ‘stie

•1973-: Concerts en plein air très populaires « la Nuit sur l’étang » à Sudbury

•1976-: le Festival franco-ontarien à Ottawa

Ces spectacles constituent des moments mythiques de la création de l’identité franco-ontarienne. Loin de la vieille culture canadienne-française associée à la génération des parents et des grands-parents, s’affirme une nouvelle identité franco-ontarienne, jeune, engagée, parfois subversive, vraiment attirante et branchée sur la modernité. Cette nouvelle identité repose sur le Nord, le dynamisme de la communauté de Sudbury.

La tradition des arts de scène franco-ontariens connait un autre épisode au début des années 2000 avec la création du méga spectacle en plein air « L’écho d’un peuple » (2002-2007), dans l’Est ontarien, qui rassemble chaque été plus de 200 comédiens professionnels et amateurs, 350 bénévoles, pour raconter l’histoire de l’Ontario français. 

5. Le monde des arts

Le chanteur multi-instrumentiste Damien Robitaille

Voici quelques exemples d’institutions artistiques et culturelles franco-ontariennes :

Autour de l’Université Laurentienne à Sudbury:

  • 1971: Création du TNO [Théâtre du Nouvel-Ontario] à Sudbury
  • 1972: Création de la CANO [Coopérative des Artistes du Nouvel-Ontario], une « commune d’artistes dynamiques ouverts aux styles nouveaux de l’expression contre-culturelle » (Fernand Dorais, Entre Montréal… et Sudbury, 1984, p. 9)
    L’humoriste Katherine Levac
  • 1973: Création de la maison d’édition Prise de Parole
  • 1976: la Galerie du Nouvel-Ontario, autogérée
  • 1993 : Création des Éditions David (région d’Ottawa)

Les troupes de théâtre:

  • 1967: Le Théâtre français de Toronto
  • 1971: Le Théâtre du Nouvel-Ontario (Sudbury)
  • 1979: Le Théâtre de la Vieille 17 (Ottawa)
  • 1999: La Nouvelle Scène (Ottawa) regroupe 4 anciens théâtres de la région + expositions
La chanteuse et imitatrice Véronic Dicaire

Aujourd’hui, plusieurs artistes franco-ontariens se démarquent:

Le chanteur multi-instrumentiste Damien Robitaille, originaire de Lafontaine.

L’humoriste Katherine Levac, originaire de St-Bernardin (dans l’Est ontarien).

La chanteuse et imitatrice Véronic Dicaire, originaire d’Embrun (autre petit village dans l’Est ontarien).

6. Les médias

La presse écrite

À travers le temps, de nombreux journaux locaux francophones voient le jour, mais ils ne duraient souvent que quelques années. Un seul quotidien, mais très important: Le Droit (1913) à Ottawa. Ce journal appartient maintenant à un groupe québécois, mais il demeure un vecteur important des intérêts franco-ontariens. Il existe quelques hebdomadaires et bi-mensuels locaux comme le journal L’Express de Toronto ou La voix du Nord (anciennement Le Voyageur) de Sudbury.

La radio

À partir de 1950 : le développement exponentiel de la radio et notamment de Radio-Canada. Il s’agit d’un média très peu cher, disponible presque partout, qui permet de faire entendre du français dans les foyers, faire rayonner la culture francophone et renforcer le sentiment d’appartenance à une communauté linguistique et culturelle.

860am dans le Grand Toronto; des émissions régionales: Toronto, Windsor (nouvelle fréquence 1550 AM), Sudbury, etc. + l’application RC OHdio.

La télévision et les plateformes de diffusion en ligne

TFO et MonAvenir, ensemble pour une première rentrée scolaire en toute confiance! (Groupe CNW/Office des télécommunications éducatives de langue française de l’Ontario (OTÉLFO)), Newswire

Durant les années 1970, jusqu’à 17% du temps d’antenne de TVOntario est en français.

De 1986 à 1997, « La Chaîne Française » est une section autonome qui rejoint 72% des francophones.

En 1997, la Chaîne devient TFO (télé franco-ontario) dont les programmes sont aussi diffusés au Nouveau-Brunswick, au Québec et au Manitoba. TFO développe aujourd’hui de nombreux contenus en ligne, notamment pour les enfants, les tout-petits (MINI-TFO) et le contexte scolaire (IDÉLLO-TFO).

Au cours des années 2000, la télévision par câble permet d’accéder à des chaînes spécialisées en français (comme TV5monde, par exemple).

Depuis environ 2016, avec la popularisation de Netflix et d’autres plateformes de diffusion en ligne, regarder des contenus en français n’a jamais été aussi facile ni si peu coûteux. Mais l’enjeu principal porte sur la création et la diffusion de contenus canadiens… et francophones – objet de négociations entre le gouvernement et ces plateformes. C’est un défi fondamental qui se pose dans beaucoup de pays et concerne beaucoup de langues.

Au Canada : la plateforme TOU.TV de Radio-Canada pour voir des émissions, des séries et des films gratuitement (+ une version payante. C’est l’équivalent de CBC Gem).

7. La loi sur les services en français

En 1986, le gouvernement ontarien adopte la loi 8 sur les services en français qui stipule que les services gouvernementaux offert par la province doivent être disponibles en français dans les 2 cas suivants:

  • les régions ou 10% de la population et francophone
  • les centres urbains totalisants plus de 5000 francophones.
Carte des régions désignées par la Loi sur les services en français https://files.ontario.ca/ofa_designated_areas_map_fr.pdf

Pour comprendre le contexte dans lequel cette loi a été votée, lire l’article « La loi sur les services en français de l’Ontario a 30 ans » (Radio-Canada, le 14 novembre 2016).

Il y a un ministère des Affaires francophones au sein du gouvernement provincial de l’Ontario. Ce ministère assure une représentation politique.

Au niveau local, le réseau associatif francophone est très bien développé dans toute la province avec des associations de francophones, des annuaires de services (les commerces ou services capables d’offrir le service en français), des sites de ressources disponibles en françaiset dans les communautés plus concentrées des clubs Richelieu.

https://www.ontario.ca/fr/page/ministere-des-affaires-francophones

Exemple:

À KitchenerWaterloo, nous avons depuis 2004 l’AFKW [Association des Francophones de Kitchener-Waterloo] qui organise des sorties, des groupes (de cuisine, de lecture, de jeux, de sorties, etc.), des fêtes, etc.

Les institutions judiciaires

En théorie, les francophones ont accès aux services judiciaires en français en Ontario. Dans la pratique, il est peut être très long et compliqué d’obtenir le service en français.

8. La santé: « la bataille de l’Hôpital Monfort »

Les institutions médicales jouent un rôle crucial car elles assurent la santé et le bien-être physique et mentale des citoyennes et citoyens.

Écoutez cette brève vidéo retraçant ce qu’on appelle souvent « la bataille de l’Hôpital Montfort ». C’est un épisode clé de l’histoire franco-ontarienne.

9. Les institutions scolaires

L’assimilation silencieuse

Le système éducatif de l’Ontario se met en place au milieu du XIXe siècle, principalement sous la gouverne du pasteur Egerton RyersonLe français n’a aucun statut officiel, mais les autorités scolaires le tolèrent dans les écoles des communautés majoritairement francophones. Elles espèrent que l’assimilation globale de la minorité francophone se fera lentement mais sûrement, sans avoir à faire voter des lois qui provoqueraient des hostilités.

Cependant, après la pendaison du chef métis Louis Riel dans l’Ouest (1885), le gouvernement ontarien, comme celui d’autres provinces, va durcir ses lois contre l’enseignement en français. Il bénéficie pour cela de l’appui important des Orangistes qui exercent de fortes pressions en ce sens.

L’arsenal législatif

Au début du XXe siècle, plusieurs lois visent à limiter l’accès à l’éducation en français.

En 1901, l’anglais devient la seule langue officielle des écoles publiques. Mais la plupart des écoles francophones sont gérées par des congrégations catholiques et profitent donc d’un certain flou les concernant.

En 1911, le gouvernement étend alors sa loi aux écoles catholiques. Une clause permet cependant des exceptions pour le cas de villages où il n’y a aucun enseignant anglophone. L‘enseignement en français est alors toléré.

En 1912, le Règlement 17 va encore plus loin en limitant l’usage du français au deux premières années de l’école primaire. Cette loi abolit de facto les écoles bilingues et les situations qui étaient gérées au cas par cas, localement.

Une résistance se forme: les enseignants continuent à enseigner en français, défiant ainsi les autorités scolaires, bien souvent avec la complicité des familles. L’ACFÉO (Association canadienne-française d’éducation de l’Ontario) est aussi créée en réaction à ces mesures pour défendre l’éducation en français. Face à cette résistance, le gouvernement revient à la charge avec le Règlement 18 qui interdit le financement des conseils scolaires et exige le licenciement des enseignants ne respectant pas le Règlement 17.

La mobilisation

L’adoption de ces deux règlements suscite une crise importante: une grande mobilisation des Canadiens français en Ontario, bientôt appuyés par l’ensemble du Canada français.

C’est dans ce contexte de tensions croissantes que sont fondés les journaux Le Devoir (1910) à Montréal par Henri Bourassa, et Le Droit (1913) à Ottawa. Ces journaux prennent position, publient de nombreux éditoriaux pour dénoncer la situation et appuyer la cause de l’éducation en français en Ontario. Pendant toute la Première Guerre mondiale, la question de l’éducation en français en Ontario est présente dans les journaux. Elle provoque un sentiment de crise nationale qui se superpose bientôt à une autre crise : la crise de la conscription.

Le verdict juridique s’appuie sur l’acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867 qui reconnaît le droit à l’école confessionnelle, mais non en fonction de la langue. Autrement dit, les écoles catholiques sont permises, mais pas les écoles francophones.

Pour les Canadiens français, c’est donc un échec sur le plan légal, mais dans la pratique, la mobilisation populaire est telle qu’elle rend l’application du règlement impossible. Le gouvernement de l’Ontario abolit finalement le Règlement 17 qui n’a jamais vraiment été appliqué, en 1927. Les conseils scolaires rétablissent alors les écoles primaires bilingues, c’est à dire des écoles où l’enseignement est en français, mais où les enfants peuvent utiliser l’anglais ou le français pour communiquer.

L’éducation en français en 1960

Avançons dans le temps: 40 ans plus tard, en 1960, il demeure difficile d’étudier en français en Ontario.

Louis Larocque, « Le réveil francophone de la région de Cornwall », Le Droit d’Ottawa, mardi, 20 mars 1973, p. 1. Université d’Ottawa, CRCCF, Fonds Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens (C50).

Les écoles primaires bilingues accordent la même importance à l’anglais et au français, ce qui nuit à l’apprentissage de la langue minoritaire. Ces écoles offrent parfois la 9e et la 10e années. Mais il n’existe pas d’école secondaire publique en français. On compte une quinzaine d’écoles secondaires francophones privées à travers la province. Elles sont toutes gérées par des communautés religieuses et s’y inscrire coûte très cherIl n’y a donc pas beaucoup de possibilités, et celles-ci demeurent difficile d’accès et dispendieuses. Ceci explique que seulement environ 38% des francophones étudient jusqu’en 11e année, et seulement 3% accèdent à l’éducation postsecondaire.

En 1968, une loi permet aux conseils scolaires publics (anglophones) de créer des classes ou des écoles francophones – mais ne les y obligent pas. Pendant toutes les années 1970, les parents et les élèves francophones habitant dans des villes où ils sont en bon nombre vont constamment réclamer l’ouverture de classes ou d’écoles – ce que les conseils scolaires refusent de faire.

Presque à chaque rentrée scolaire, d’importantes luttes se déroulent à Sturgeon Falls (1971) ou à Penetanguishene (1979-1980), par exemple. Les communautés francophones se mobilisent dans de grandes manifestations qui obtiennent un retentissement national.

Au milieu des années 1980, la justice reconnaît que certains points de la Loi sur l’éducation de la province comme inconstitutionnels. Les premiers conseils scolaires franco-ontariens commencent à apparaître à Toronto, Ottawa et dans l’Est ontarien.

En 1997une loi autorise officiellement les conseils scolaires de langue française partout dans la province.

Aujourd’hui, il existe 12 conseils scolaires francophones en Ontario (4 publics et 8 catholiques).

Exemples:

Dans la région, il existe :

  • Le conseil scolaire public Viamonde
  • Le conseil scolaire catholique MonAvenir

L’éducation postsecondaire

Les collèges:

1990 : Création du premier collège entièrement francophone, La Cité collégiale, à Ottawa.

1995 : Basé à Sudbury, le Collège Boréal dessert le Nord, le Centre et le Sud de la province. Il compte 7 campus (surtout dans le Nord de la province) et 42 centres d’accès.

[1995-2001 : Le Collège des Grands-Lacs, établissement virtuel basé à Toronto]

Les universités:

  • Université d’Ottawa (francophone à l’origine – 35% francophone en 2009)
  • Université York – Collège Universitaire Glendon (centre-ville de Toronto)
  • Université de Hearst (3 campus dans le Nord)
  • Université Laurentienne (partiellement bilingue – 25% francophone). Au printemps 2021, cette université a fait faillite et fermé de nombreux programmes. Les programmes en français ont été proportionnellement beaucoup plus affectés. Ces programmes sont en train d’être relocalisés à l’Université de Sudbury (francophone).
  • Depuis 2000, les Franco-Ontariens réclamaient la création d’une université par et pour les francophones. Beaucoup de questions se posaient : où l’implanter? Quels programmes offrir? En 2018, le gouvernement de l’Ontario souhaite annuler le financement à ce projet. Une fois encore, la communauté francophone se mobilise et le projet est relancé un an plus tard avec l’intervention du gouvernement fédéral. L’Université de l’Ontario français (UoF) a accueilli ses premiers étudiants au centre-ville de Toronto en 2021. Cette institution peine à démarrer…

Synthèse sur les institutions scolaires franco-ontariennes

La bataille scolaire a été longue et riche en rebondissements en Ontario. Elle a nécessité la mobilisation de la communauté à bien des reprises, et parfois aussi l’appui du gouvernement fédéral et d’autres alliés hors province. Aujourd’hui, les conseils scolaires franco-ontariens ne cessent de s’agrandir et l’offre collégiale, même si elle est limitée géographiquement, est réelle et bien implantée. Elle répond bien aux besoins de la communauté.

On ne peut cependant pas en dire autant pour l’éducation universitaire qui demeure un sujet brûlant d’actualité. Il est difficile de trouver un consensus et de convaincre les autorités du bien-fondé du projet. L’échec (total à la Laurentienne, relatif à Ottawa) des universités bilingues à protéger le français montre que ce type d’institution bilingue reproduit les inéquités linguistiques présentes dans la société et ne permet pas de protéger le français.

10. Conclusion

En Ontario, le fait français se caractérise par son intégration aux autres institutions (un ministère parmi d’autres, par exemple). C’est une solution efficace sur le plan économique, mais qui fragilise aussi la place du français : il est facile de se débarrasser d’un ministère, par opposition à un système où tous les ministères sont dédoublés). Ainsi, si le bilinguisme anglais/français en Ontario a paru presque possible à la fin des années 1980, ce n’est plus envisageable aujourd’hui. En ce sens, le français demeure plus fragile en Ontario que dans d’autres provinces comme le Nouveau-Brunswick ou le Manitoba qui se sont dotées de lois plus fermes pour la protection du français.

La communauté franco-ontarienne a cependant plusieurs accomplissements à son actif :

  • Une représentation politique
  • Des réseaux communautaires et associatifs nombreux et actifs
  • Les médias, les institutions culturelles, artistiques et religieuses
  • Des institutions scolaires autonomes (primaires et secondaires), fruit d’un processus lent et laborieux…
  • Une institution médicale de recherche : l’Hôpital Montfort

Mais ces institutions sont aussi fragiles ou incomplètes :

  • Ces services ou ces institutions sont répartis de façon inégales sur le territoire.
  • Il y a souvent un écart entre les droits et leurs mises en pratique (pour la justice, par exemple).
  • L’histoire des institutions prouvent que même les acquis ne sont jamais garantis : des combats toujours recommencés pour défendre les institutions, les droits. Cela draine une grande partie de l’énergie de la communauté et des associations.
  • La question du financement est toujours sujette à des revirements et à des coupes budgétaires de la part du gouvernement.
  • La dualité linguistique pose problème pour beaucoup d’Ontariens, même pour bon nombre de francophones: pourquoi dédoubler les services? Il y a la question du coût, mais aussi de la légitimité : pourquoi le français alors que d’autres communautés linguistiques ont aussi un grand nombre de locuteurs?
  • Certains sujets (tels que l’Université de l’Ontario français) suscitent beaucoup de débats parmi les francophones. Ces débats peuvent être perçus négativement par le pouvoir politique si la communauté ne parvient pas à présenter un objectif commun.

On peut cependant penser à quelques voies à explorer :

  • Des institutions sans infrastructures à l’ère numérique : les médias, médias sociaux et vidéoconférences abolissent les distances qui séparent les francophones en Ontario.
  • L’essor de l’entreprenariat francophone
  • Le discours économiste du français comme « valeur ajoutée », « actif culturel » pour attirer d’une part des entreprises offrant des postes valorisés et stables, et d’autre part des travailleurs qualifiés et instruits

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