Module 4 : La classe virtuelle en tant que communauté d’apprentissage
Principes directeurs et nétiquette
Lorsque nous pensons à des principes directeurs à même de nous guider pour nos cours, il est facile de nous tourner immédiatement vers les objectifs d’apprentissage — les indicateurs par lesquels nous évaluons si les apprenants ont réussi ce qu’ils avaient entrepris. Mais est-ce que le degré d’apprentissage de quelqu’un a une incidence sur son rôle dans la communauté ? Autrement dit, est-ce que les apprenants qui ont obtenu une note de A+ trouvent davantage leur place que les apprenants ayant obtenu une note de C- ?
Bien qu’il puisse y avoir certains principes de comportement standards qui conviennent partout (où et comment demander certains types de questions, les règles générales de bienséance et autres informations obligatoires), il est également important de tenir compte des particularités de votre espace. Peut-être par exemple que la nourriture est un thème sous-jacent à votre cours d’études cinématographiques : les étudiants pourraient couramment, de manière attendue, y discuter de leurs propres mets préférés et expériences culinaires et en présenter des photos. Un tel mode d’interaction pourrait être considéré moins pertinent dans un cours de statistique, mais ce serait quelque chose qui rend ce cours d’études cinématographiques plus particulier et porteur de sens aux yeux de ses apprenants.
Dans The Art of Community, Charles Vogl parle de l’idée du temple :
« un endroit où des gens qui ont des valeurs communes réalisent les rituels de leur communauté » [traduction libre] (Vogl, 2016, p. 67)[1]
Essentiellement, votre cours est le temple de votre communauté. Il s’agit de l’endroit où les membres de votre communauté se rassemblent pour écouter, parler et apprendre les uns des autres — où ils communiquent. En décrivant clairement les activités qui auront lieu dans votre cours (les rituels du temple), vous comprendrez mieux ce qui rend votre cours spécial. Vos apprenants, pour leur part, arriveront à se sentir plus à l’aise dans leur compréhension des façons de se comporter dans cet espace.
Ci-dessous, vous trouverez quatre courtes listes, dont, trois qui présentent des considérations d’ordre général sur la nétiquette (des choses qui s’appliqueraient probablement à n’importe quel cours) et une quatrième qui présente des questions incitant à la réflexion sur la spécificité (ce qui rend votre cours particulier).
Sélectionnez un sujet ci-dessous, marqué d’une flèche, pour obtenir plus d’informations.
Comment communiquons-nous les uns avec les autres ?
- Où communiquons-nous ? Est-ce qu’il est préférable de poser des questions par courriel ou bien dans les forums de discussion ? Est-ce que les apprenants disposent d’un espace « hors classe » qui n’est pas supervisé par l’enseignant(e) ?
- À quoi ressemble notre communication lorsque nous parlons, qu’est-ce que nos interlocuteurs voient et entendent ? Et quand nous ne parlons pas ? Lorsque nous parlons, de quelle manière nous adressons-nous les uns aux autres ? Dans quelle langue ?
- Comment réagissons-nous face aux désaccords ou aux conflits s’il en surgit ?
À quels endroits et à quels moments s’attend-on à ce que nous terminions les tâches et interagissions avec les documents et les outils ?
- Utilisons-nous des espaces et des outils qui nous emmènent à l’extérieur du SGA ? Dans quel but ?
- À quelle flexibilité pouvons-nous nous attendre en ce qui a trait à des éléments comme l’évaluation, l’assiduité ou la participation ?
- Comment le cours tient-il compte du temps et de l’espace ? Est-ce qu’il y a des possibilités de rencontres synchrones ? Est-ce qu’il y a un fuseau horaire « préféré » que l’enseignant(e) occupe ?
Quels renseignements doivent être explicites au sujet des attentes institutionnelles ?
- Les apprenants ont-ils accès à des logiciels spécialisés ? Comment s’y prendraient-ils pour les obtenir ?
- Quelles sont les ressources qui sont offertes aux apprenants et qu’ils ne connaissent peut-être pas déjà ?
- Est-ce qu’il y a des règlements préétablis en ce qui a trait au professionnalisme (code vestimentaire, diction) ?
Qu’est-ce qui rend ce cours particulier ?
- En quoi ce cours enrichira-t-il la vie des apprenants ?
- Pourquoi les liens et les relations qui s’établiront ici auront-ils du sens ?
- Où les apprenants pourront-ils mettre en action ce qu’ils auront appris dans ce cours ?
Conseil : Rappelez-vous que ces choses peuvent changer au fil du temps ; elles ne sont pas nécessairement gravées dans le marbre. Les principes directeurs, comme les valeurs partagées, sont des choses qui peuvent être renégociées et recommuniquées au fur et à mesure que la communauté évolue.
Une invitation à la création
Un moyen formidable de réduire l’ambiguïté et d’améliorer la lisibilité du cours consiste à ce que nous comprenions tous : qui nous sommes, ce que nous faisons et où nous le faisons. Cependant, ce sont les modes d’interaction de vos apprenants qui transformeront votre cours en une communauté. Si vous invitez les apprenants à mettre en évidence, négocier et façonner certaines choses comme des principes directeurs, des valeurs et des protocoles, chacun aura l’occasion de prendre en main sa relation partagée avec l’espace (et l’apprentissage qui s’y déroule), car cette invitation montre aux apprenants qu’ils ont leur place dans le cours (Vogl, 2016, p. 47).[2] En sollicitant les commentaires et en appréciant l’expression dans ce processus, la nature de l’autorité s’en trouve immédiatement modifiée : à la différence d’un superviseur qui se contenterait d’administrer et de gérer l’exécution de tâches, les enseignants deviennent des apprenants aux côtés de leurs étudiants dans un espace collectif.
Déconstruire des espaces
Il peut parfois être difficile de mettre en évidence (et d’accepter d’un commun accord) un ensemble de règles et de principes. Il est facile de souscrire conjointement à des valeurs courantes comme le respect, ou bien à des incontournables comme l’intégrité dans le domaine de l’éducation, mais les cours seront tous un peu différents les uns des autres. Il doit y avoir une cohérence partagée et exprimée qui influence notre sentiment à l’égard de notre communauté. À quoi, par exemple, ressemble le respect ? Comment le concept guide-t-il, entre autres choses, la reconnaissance des territoires autochtones, l’utilisation des pronoms ou la conversation entre les apprenants ? La capacité d’arriver, comme groupe, à un accord sur ce à quoi nous accordons de la valeur en tant que communauté nous donne de quoi guider nos actions et nos décisions. Une façon de s’y prendre pour trouver ce que nous voulons consiste à comprendre ce que nous ne voulons pas.
Un excellent moyen de procéder pour donner une voix au protocole est d’utiliser TRIZ (l’acronyme correspond à un terme russe qui se traduit par « théorie de la résolution inventive de problèmes »). Il s’agit d’une méthode de formulation des pensées et des idées qui démystifie la coordination de valeurs et de règles en permettant aux gens de discuter de sujets sensibles ou d’idées qui sont généralement considérées comme incritiquables, en les présentant d’une manière insouciante, de bon cœur, avec honnêteté. Dit de manière moins soutenue, TRIZ offre une occasion de sortir les marteaux et de démolir les murs entre vous et les choses que vous souhaitez atteindre (ou au moins identifier).
Réflexion
Il y a de bonnes chances que vous ayez songé à plusieurs possibilités « gagnantes », des choses qui feraient rire les apprenants ou les membres de votre communauté. TRIZ est un outil particulièrement puissant lorsqu’on l’explore en groupe, car il donne à tous l’occasion de s’exprimer et de collaborer les uns avec les autres. En offrant une telle activité aux apprenants, vous les invitez à entrer dans le cours non seulement comme participants, mais aussi comme cocréateurs qui auront le sentiment de disposer d’une réelle capacité d’agir. Gardez à l’esprit que les actes sont plus éloquents que les paroles ; c’est très bien que vous soyez en mesure d’établir un protocole de communication, mais c’est l’adhésion du groupe à ces idées qui leur donnera du sens. C’est particulièrement vrai pour l’enseignant(e) : si votre comportement n’est pas représentatif de ces valeurs, il se pourrait que les apprenants se sentent déçus et démotivés.
Selon la théorie de l’autodétermination, les personnes qui ont une motivation externe peuvent ressentir moins d’appartenance, tandis que celles qui ont une motivation intrinsèque sont plus susceptibles de prendre plaisir à ce qu’elles font (Ryan & Deci, 2000, p. 72).[3] Le fait d’inviter les apprenants à cocréer et à négocier les valeurs donne lieu à une perception commune de rituel. Cette intégration ouvre la voie à l’appartenance, laquelle contribue à créer du sens parmi les membres de la communauté (même si c’est seulement d’une façon restreinte). Quelle que soit la raison qui explique pourquoi une personne est motivée particulièrement par ce cours (le sujet du cours l’intéresse personnellement beaucoup, elle est simplement curieuse et remplit son horaire ou bien il s’agit d’une exigence pour l’obtention de son diplôme, par exemple), le fait de cultiver et de dégager des valeurs et des lignes de conduite communes permettra à tous de se sentir mieux et de comprendre l’espace plus clairement.
Points essentiels à retenir
En établissant et en mettant en évidence des valeurs communes, vous pourrez créer une expérience d’apprentissage utile et authentique.
La cocréation de l’expérience avec vos apprenants les aidera à avoir le sentiment d’être plus à l’aise à l’égard de leur participation, ainsi qu’à ressentir l’enthousiasme d’en faire partie.
La transformation de votre cours en une communauté entraînera une meilleure communication entre vous et vos apprenants.
Une façon de trouver des solutions à des problèmes difficiles consiste à démystifier le sujet — quand il est plus facile de parler des thèmes, les interactions sont plus fructueuses.
- Vogl, C. H. (2016). The art of community: Seven principles for belonging. Berrett-Koehler Publishers. ↵
- Ibid. ↵
- Ryan, R. M., & Deci, E. L. (2000). Self-determination theory and the facilitation of intrinsic motivation, social development, and well-being. American Psychologist, 55(1), 68–78. https://doi.org/10.1037/0003-066x.55.1.68 ↵