1 Introduction

Nous espérons que vous avez poursuivez ce cours puisque vous avez déjà une idée de ce qu’est la télédétection en espérant que vous voulez en savoir plus. Mais qu’est-ce que la télédétection exactement ?!?

Qu’est-ce que la télédétection?

Certaines définitions très larges vont jusqu’à dire que la télédétection consiste à étudier quelque chose sans le « toucher ». Bien que c’est une réalité dans son sens le plus fondamental, de telles définitions ne sont pas vraiment très utiles à comprendre l’essence de la télédétection. Sans ce lancer dans des discussions philosophiques sur le sens des mots « étudier » et « toucher », je pense que nous pouvons convenir que vous ne faites pas de la télédétection en ce moment, puisque vous lisez ce document sur un écran d’ordinateur… même si vous apprenez ce que dit ce document sans le toucher. De manière plus appropriée pour ce cours, nous pouvons définir la télédétection comme l’utilisation d’un instrument (le capteur) pour recueillir des informations sur la surface de la Terre (ou d’autres parties de la Terre, ses océans ou son atmosphère, ou d’autres planètes d’ailleurs) sur de grandes étendues et à une certaine distance d’un lieu. Les exemples typiques incluent l’utilisation de l’imagerie satellitaire ou de la photographie aérienne, mais la détection acoustique (par exemple du fond marin) et d’autres technologies qui ne créent pas de données sous la forme d’une « image » font également partie du grand domaine de la télédétection. Ce type de définition signifie qu’un autre terme, « observation de la Terre », est souvent utilisé de manière interchangeable avec « télédétection ».

Revue des technologies de télédétection

Détection passive

Il existe de nombreuses façons de séparer les technologies de télédétection existantes en catégories précises. Certaines technologies s’appuient sur l’énergie ambiante (par exemple, l’énergie naturellement présente dans l’environnement, comme la lumière du soleil). Elles sont appelées technologies de détection passive.

Détection active

D’autres fournissent leur propre source d’énergie, en émettant une impulsion énergétique vers une zone cible en enregistrant la partie de cette impulsion qui est réfléchie vers le capteur (comme les sonars utilisés dans les sous-marins). Ces technologies sont appelées technologies de détection active.

Détection optique

On peut également distinguer les technologies de télédétection en fonction du type d’énergie qu’elles utilisent. Certaines technologies reposent sur la lumière visible (par exemple, la photographie aérienne traditionnelle), tandis que d’autres technologies étendent la gamme des longueurs d’onde détectées à l’ultraviolet et à l’infrarouge (qui est également le type de « lumière » utilisé par la télécommande de votre téléviseur). Lorsqu’elles mesurent la lumière solaire réfléchie dans ces longueurs d’onde, ces technologies sont appelées technologies de détection optique passive – optique parce que les instruments utilisent l’optique classique dans leur réalisation. Les images satellites que l’on voit sur Google Earth, ou ceux servant de fond aux prévisions météorologiques télévisées sont des images créées par télédétection optique passive. Une forme de télédétection optique active est appelée lidar (light detection and ranging). Il s’agit d’émettre une impulsion laser (la partie active) vers une cible et de mesurer le temps nécessaire pour que cette impulsion frappe quelque chose et qu’une partie de celle-ci revienne pour être mesurée par le capteur. En général, l’intensité de l’impulsion de retour est mesurée aussi.

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Figure 1: La différence entre les systèmes de télédétection passifs et actifs. Source: Remote Sensing Illustration par Arkarjun, Wikimedia Commons, CC BY-SA 3.0.

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Figure 2: NASA Satellite Captures Hurricane Earl on September 1, 2010 par NASA Goddard Photo and Video, Flickr, CC BY 2.0.

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Figure 3: Schéma conceptuel d’un lidar aéroporté. La localisation et l’orientation de l’instrument sont fournies par les instruments GPS et IMU de l’avion. Grâce à ces connaissances, les distances mesurées entre l’instrument et les objets au sol peuvent être converties pour trouver l’emplacement de ces objets, fournissant ainsi une image 3D de la surface de la Terre. fis01335 par NOAA Photo Library, Flickr, CC BY 2.0.

Détection thermique

La détection thermique thermique est semblable à la détection optique passive, sauf que l’énergie mesurée par le capteur se situe dans la « région thermique » du spectre des longueurs d’onde. C’est le genre de détection thermique passive que vous faites vous-même lorsque vous mettez vos mains près du feu de camp pour sentir sa chaleur. Nous pouvons donc sentir le rayonnement thermique, mais nous ne pouvons pas le voir avec nos yeux comme nous pouvons voir la lumière du soleil. Le Soleil produit beaucoup plus de rayonnement thermique que la Terre (il est beaucoup plus chaud, après tout), mais le soleil est également très éloigné, donc si vous construisez un capteur thermique en le plaçant dans un avion ou sur un satellite, en plus de diriger vers la Terre, le capteur va faire en sorte que le rayonnement thermique émis par la terre écrase les petites quantités de rayonnement thermique qui l’ont atteint du Soleil. Par conséquent, la télédétection thermique est utile pour mesurer la température de la surface de la Terre.

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Figure 4: Cette carte montre la distribution de la température de surface de la mer pour une journée en 2010. La température de surface de la mer est mesurée régulièrement par plusieurs satellites, dont MODIS Terra qui a produit les données présentées ici. Sea Surface Temperature Map (NASA, SPoRT, 04/23/10) par NASA’s Marshall Space Flight Center, Flickr, CC BY-NC 2.0.

Détection par micro-ondes

En ce qui concerne les types de rayonnement que nous ne pouvons ni voir ni ressentir, la détection des micro-ondes est une partie importante de la télédétection. La Terre émet constamment de petites quantités de rayonnement micro-ondes, et la détection passive des micro-ondes peut être utile d’une manière quelque peu analogue à la télédétection thermique, pour mesurer les propriétés physiques de la surface de la Terre (par exemple, là où il y a de la neige et de la glace). La télédétection active par micro-ondes, également appelée télédétection radar, utilise les impulsions radar émises, tout comme les radars installés sur les navires et dans les aéroports. Les radars sont montés sur des avions ou des satellites et pointés vers la terre, des impulsions radar sont émises et la partie réfléchie de chaque impulsion est mesurée pour fournir des informations sur les aspects de la surface de la Terre, dont la plupart ne peuvent pas être mesurés avec des technologies optiques ou thermiques. Il s’agit notamment d’informations sur le relief de la Terre (pour la création de modèles numériques d’élévation), l’humidité du sol, la densité et la structure de la végétation, la présence de glace de mer et de navires. La télédétection par radar présente l’avantage que le rayonnement micro-ondes traverse l’atmosphère plus ou moins librement et, comme il s’agit d’une technologie active, elle peut être utilisée partout et à tout moment, en plus de la nuit et par mauvais temps.

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Figure 5: Une application étonnante de la télédétection radar est une technique appelée radar interférométrique à ouverture synthétique, ou InSAR. Lorsqu’un instrument radar passe devant la même zone sur deux orbites différentes, les changements de forme de la surface de la Terre peuvent être cartographiés avec une précision millimétrique. Par exemple, lorsque des tremblements de terre se produisent, le changement de la surface de la Terre peut être cartographié, comme le montre ici le tremblement de terre de 2010 à Dinar, en Turquie. Les changements plus petits qui résultent, par exemple, de l’enfoncement des bâtiments dans le sol ou de l’expansion et de la contraction des ponts par temps chaud ou froid, peuvent également être cartographiés avec InSAR. Interferogram of the Dinar, Turkey 1995 earthquake par Gareth Funning, GEodesy Tools for Societal Issues (GETSI), CC BY-NC-SA 3.0.

Détection gravimétrique

Un autre type d’instrument, la détection gravimétrique, qui a été placé sur des satellites avec beaucoup de succès a mesuré le champ de gravité de la Terre et la façon dont celui-ci peut se changer dans l’espace. L’attraction gravitationnelle de la Terre, tel qu’elle est perçue par un satellite en orbite, est plus puissante lorsque le satellite passe au-dessus d’une zone de masse relativement importante (par exemple l’Himalaya), par opposition à une zone de masse moindre (par exemple les océans profonds). Ces différences peuvent être mesurées avec une grande précision et utilisées non seulement pour cartographier la forme générale du champ de gravité de la Terre, mais aussi pour en mesurer les variations dans le temps. Ces changements sont causés par les marées (plus d’eau égale plus de masse égale plus de gravité), la fonte des glaciers, et même la baisse des nappes phréatiques due à une utilisation non durable des eaux souterraines.

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Figure 6: La forme et la couleur de la Terre selon l’attraction gravitationnelle mesurée par le satellite GOCE de l’Agence spatiale européenne. Geoid undulation 10k scale par le Centre international pour les modèles terrestres globaux, Wikimedia Commons, CC BY 4.0.

Détection acoustique

La détection acoustique est fondamentalement différente des technologies énumérées précédemment, car elle utilise des ondes acoustiques (c’est-à-dire des ondes qui se forment pour donner suite à la compression et à l’expansion des masses d’eau) alors que toutes les autres utilisent le rayonnement électromagnétique (c’est-à-dire des ondes qui ont une composante magnétique et électrique et qui peuvent se propager dans le vide). Bien que la détection acoustique ait de nombreuses utilisations, principalement la cartographie de la profondeur de l’eau, du plancher océanique et même de la structure du sous-sol, les instruments et leur base physique sont suffisamment différents des technologies énumérées précédemment pour que nous ne les examinions pas davantage dans ce cours.

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Figure 7: Les capteurs acoustiques peuvent à la fois fournir des informations sur la profondeur de l’eau et la composition du substrat sur de vastes zones, et fournir des informations détaillées sur la structure du plancher océanique dans des zones ciblées plus petites. On voit ici une reconstruction 3D, basée sur des données acoustiques, d’un avion de la Seconde Guerre mondiale situé au large de la côte britannique. Aircraft on the seabed par Wessex Archaeology, Flickr, CC BY-NC-SA 2.0.

Capteurs terrestres

Toutes les technologies de télédétection sont initialement développées et testées dans des laboratoires terrestres, où la science fondamentale est réalisée. Les prototypes sont produits et testés, ensuite les données initiales sont analysées pour enfin contribuer à l’avancement technologique. Bien que certaines soient finalement reconstruites pour être utilisées dans un avion ou sur un satellite, ces technologies maintiennent généralement leurs utilisations sur terre. Parmi les exemples les plus connus, citons les appareils photo des smartphones, les caméras thermiques utilisées par les inspecteurs électriques pour détecter les circuits défectueux, les radars utilisés par la police pour vérifier la vitesse à laquelle vous conduisez et les lidars utilisés par certaines voitures à conduite autonome pour la connaissance de la situation. Si les capteurs terrestres sont utiles pour recueillir des informations très précises sur une petite zone ou un petit objet, ils ne permettent pas d’obtenir les types de données nécessaires à la cartographie. Néanmoins, les données produites par les instruments terrestres sont souvent utiles dans le processus de télédétection (par exemple, en comparant ce que vous percevez sur une image satellite à ce que vous avez mesuré sur le terrain).

Capteurs aéroportés

Un jour, quelqu’un prendra une technologie terrestre et se demandera « ce qui se passerait-il si je prenais cet instrument, le plaçais dans un avion, le pointais vers le bas et le mettais en marche ? » L’avènement de la photographie aérienne a suivi rapidement le développement de l’appareil photo lorsque quelqu’un a décidé de faire monter un appareil photo dans une montgolfière, et les systèmes lidar et radar aéroportés ont également suivi le développement de leurs technologies respectives sans beaucoup de retard. Il y a au moins deux défis à relever pour emporter un instrument de télédétection dans les airs :  1) l’instrument doit pouvoir collecter rapidement de nombreuses données et les stocker pour une utilisation ultérieure (ou les transmettre directement à un dispositif de stockage situé ailleurs), et 2) chaque point de données collecté doit généralement être géoréférencé — en résumé, une paire de coordonnées géographiques (par exemple, la latitude et la longitude) doit être associée à chaque point de données. Ces défis sont loin d’être insurmontables aujourd’hui, alors qu’un smartphone ordinaire peut servir à la fois de stockage de données et de GPS. En plus, l’installation de capteurs sur des plates-formes aériennes est récemment devenue un domaine en pleine croissance, en raison des drones. Ils sont faciles à piloter pouvant désormais remplacer les avions pilotés en tant que plate-forme transportant l’instrument.

Capteurs spatiaux

Une fois qu’un instrument s’est avéré utile lorsqu’il est installé sur un avion, quelqu’un finit par suggérer que « nous devrions absolument prendre cet instrument et le placer sur un satellite, afin de pouvoir collecter des données en continu pendant des années sans devoir atterrir, faire le plein, soumettre des plans de vol, etc. ». En fait (à ma connaissance) tous les satellites d’observation de la Terre transportent des instruments, dont les prototypes ont été testés sur des avions. Ces derniers permettent non seulement de peaufiner le matériel de l’instrument avant de le lancer dans l’espace, mais aussi de donner aux scientifiques de la télédétection un aperçu de ce à quoi ressembleront les données de l’instrument, afin qu’ils puissent commencer à écrire des programmes qui traitent les données de l’instrument en les convertissant en renseignements pratiques sur la Terre. L’utilisation de satellites présente des avantages et des inconvénients importants par rapport aux drones et aux avions pilotés. Le grand avantage est que les satellites durent généralement de nombreuses années et peuvent recueillir des données pendant cette période. Ils sont donc incroyablement rentables. Imaginez ce qu’il en coûterait de fournir des informations actualisées quotidiennement sur la couverture de glace de mer dans l’Arctique (et l’Antarctique, d’ailleurs) sans les satellites !

Cependant, les satellites ont un carburant limité, en plus les périls de l’espace entraînent des difficultés pour la durabilité des satellites. Les instruments se dégradent donc avec le temps pouvant finir par tomber en panne. Par exemple, en 2012, le satellite européen ENVISAT, qui a coûté plusieurs milliards de dollars, a cessé de communiquer avec son centre de commande et, malgré les efforts de l’Agence spatiale européenne pour rétablir la communication, le satellite et tous ses instruments ont été déclarés « morts » deux semaines plus tard. Landsat 6, un satellite américain polyvalent d’observation des sols, n’a pas réussi à atteindre son orbite après son lancement et n’a jamais produit de données. Un problème important avec les satellites est que lorsque ces difficultés technologiques se produisent, ceux-ci ne peuvent pas atterrir sur terre et être réparés.

Bien que la grande majorité des capteurs spatiaux soient situés sur des satellites, d’autres engins spatiaux ont également transporté quelques instruments de télédétection importants. Un système radar a été placé sur une navette spatiale en 2000 et a été utilisé pour produire un modèle numérique d’élévation quasi mondial avec une résolution spatiale de 30 mètres pendant ses 11 jours de fonctionnement. Récemment, une société canadienne appelée UrtheCast a exploité deux capteurs optiques passifs depuis la Station spatiale internationale — l’un était une caméra vidéo à ultra-haute définition qui produisait des vidéos à trois images par seconde avec une résolution spatiale de 1,1 mètre, l’autre était un instrument d’imagerie plus typique qui produisait des images en couleur avec une résolution spatiale de 5 mètres.

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Figure 8: Il existe aujourd’hui un nombre remarquable de satellites d’observation de la Terre en orbite. Cette image montre la constellation de satellites « A-train » de la NASA, une série de satellites dont les orbites se suivent de près et qui passent tous au-dessus de nos têtes en début d’après-midi, heure solaire locale. Les constellations permettent d’utiliser les données d’un satellite pour faciliter l’interprétation des données d’un autre satellite, améliorant ainsi la qualité de nombreux produits satellitaires. Atrain-879×485 par Shakibul Hasan Win, Wikimedia Commons, CC BY-SA 4.0.

Le rayonnement électromagnétique et ses propriétés

Il est maintenant temps d’examiner de plus près le fonctionnement de la télédétection et sa base physique. Cela vous permettra de mieux comprendre comment les données de télédétection sont créées et comment elles peuvent être utilisées de façon créative pour extraire exactement le type d’information nécessaire à un objectif spécifique.

L’énergie qui est mesurée par un instrument de télédétection (autre que les instruments acoustiques), et qui est utilisée pour produire une image, est appelée rayonnement électromagnétique (souvent abrégé en EMR, « ElectroMagnetic Radiation » en anglais). Il peut être difficile de comprendre exactement ce qu’est le rayonnement électromagnétique, mais une façon utile d’y penser est d’envisager que la lumière est un type spécifique de rayonnement électromagnétique. Un typ de rayonnement que nos yeux, donc notre cerveau, est capables de détecter. Parmi les autres types de rayonnement électromagnétique, citons les rayons ultraviolets (UV) nocifs contre lesquels les écrans solaires offrent une certaine protection, le rayonnement thermique que nous ressentons lorsque nous nous approchons d’un feu de camp et les ondes radar utilisées pour détecter les avions et les navires (et pour cartographier certaines propriétés de la surface de la Terre). Physiquement, le rayonnement électromagnétique peut être visualisé comme des ondes qui se propagent dans l’espace. Les ondes ont deux composantes, l’une électrique et l’autre magnétique, qui forment des angles de 90 degrés entre elles et par rapport à la direction de propagation (figure 9).

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Figure 9: Le rayonnement électromagnétique consiste en une onde transversale avec un champ électrique (rouge, plan vertical) et un champ magnétique (bleu, plan horizontal), se propageant (dans cette figure) dans la direction horizontale. Electromagnetic wave par P.wormer, Wikimedia Commons, CC BY-SA 3.0.

Longueur d’onde

Les ondes électromagnétiques ont certaines propriétés que nous pouvons mesurer et utiliser pour les expliquer. Les ondes électromagnétiques peuvent être caractérisées par leur longueur d’onde, qui sont mesurées comme la distance physique entre un pic d’onde et le suivant, le long de la direction de propagation. L’œil humain est capable de détecter les rayonnements électromagnétiques dont la longueur d’onde se situe approximativement entre 400 et 700 nanomètres (un nanomètre correspond à 10-9 mètre, soit un milliardième de mètre), ce que nous appelons donc la lumière visible. Les ondes électromagnétiques se propagent à la vitesse de la lumière, et il existe une relation simple et directe entre la longueur d’onde et la fréquence des ondes électromagnétiques, généralement exprimée par la formule c = νλ, où c est la vitesse de la lumière, v (la lettre grecque nu) est la fréquence, et λ (la lettre grecque lambda) est la longueur d’onde. La fréquence est définie comme le nombre de pics d’ondes passant par un point fixe par unité de temps (typiquement par seconde). Notez que certaines personnes, notamment les ingénieurs et les physiciens travaillant sur les rayonnements, utilisent parfois le nombre d’onde au lieu de la longueur d’onde ou de la fréquence. Le nombre d’onde (ṽ) est défini comme ṽ=1/λ. Nous n’utiliserons pas le nombre d’onde dans la suite de ces notes, mais il est bon de connaître son utilisation pour des études ultérieures.

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Figure 10: Un aperçu des différents types de EMR, de leurs longueurs d’onde, de leurs fréquences et de certaines sources communes. Electromagnetic spectrum with sources par Dinksbumf, Inductiveload and NASA, Wikimedia Commons, CC BY-SA 3.0.

Selon la théorie quantique, on peut également considérer que l’EMR est constitué d’un flux de paquets d’énergie individuels appelés photons. Chaque photon contient une quantité d’énergie proportionnelle à sa fréquence, une relation exprimée par E=hv, où h est la constante de Planck (environ 6,6 * 10-34 Js). La relation entre la longueur d’onde, la fréquence et l’énergie par photon est illustrée à la figure 10. On trouve également dans la figure 10 les noms communs d’EMR d’une certaine longueur d’onde. Vous pouvez voir, par exemple, que les rayons X ont des longueurs d’onde très courte, des fréquences très élevées et donc un contenu énergétique par photon très élevé, ce qui est une raison importante pour limiter votre exposition à ces rayons.

Polarisation

Outre la longueur d’onde, l’EMR peut être caractérisé par sa polarisation, qui peut être considérée comme l’orientation des oscillations du champ électrique. Par exemple, sur la figure 9, le champ électrique oscille exclusivement dans le plan vertical, l’EMR représenté sur la figure est donc dit polarisé verticalement. De nombreuses sources d’EMR, comme le Soleil, produisent des ondes électromagnétiques dont la polarisation se change si rapidement, lorsqu’on la mesure, la combinaison de plusieurs ondes semble ne pas avoir de polarisation distincte. En d’autres termes, l’orientation des oscillations du champ électrique (et par extension du champ magnétique) est verticale, horizontale, et tout ce qui se situe entre les deux.

Un tel rayonnement électromagnétique est dit non polarisé. D’autres sources de lumière, comme celle créée par la plupart des instruments est polarisée, signifiant ainsi l’orientation des oscillations du champ électrique ne changent pas avec le temps. Un exemple connu de polarisation est la lumière du soleil se reflétant sur une surface d’eau. Lorsque la lumière non polarisée du Soleil frappe la surface de l’eau. Les ondes, dont le champ électrique est orienté verticalement sont absorbées ou réfractées dans l’eau plus facilement que celles dont le champ électrique est orienté horizontalement, ont plus de chances d’être réfléchies par la surface de l’eau. Lorsque vous regardez une surface d’eau, les parties de la lumière polarisée horizontalement que vous voyez ont donc été principalement réfléchies par la surface de l’eau, tandis que les parties de la lumière polarisée verticalement ont été principalement réfléchies par l’intérieur de l’eau elle-même, ou par le fond si vous regardez une eau peu profonde. Par conséquent, si vous utilisez des lunettes de soleil polarisées qui ont été conçues pour éliminer efficacement la lumière polarisée horizontalement, la lumière qui atteint vos yeux est principalement la partie du champ lumineux qui provient de l’eau elle-même. Un exemple de ce phénomène est illustré à la figure 11, où l’on peut voir que l’utilisation d’un filtre polarisant permet de rendre visibles les détails du fond marin.

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Figure 11: Un exemple d’observation d’une eau peu profonde, sans (à gauche) ou avec (à droite) un filtre de polarisation. Reflection Polarizer2, par Amithshs, Wikimedia Commons, public domain.

Comment le rayonnement électromagnétique est créé

Maintenant que nous savons comment quantifier les différentes propriétés du rayonnement électromagnétique, nous allons examiner brièvement comment il est créé en premier lieu. Les physiciens disent que le rayonnement électromagnétique est produit lorsque des particules chargées sont accélérées. Cela se produit tout le temps, mais ce n’est pas utile dans le cadre de la télédétection. Il est plus utile d’examiner la luminance spectrale créée par une surface, c’est-à-dire la quantité de rayonnement créée et sa distribution sur différentes longueurs d’onde. Cela dépend principalement de la température de la surface, et est décrit de façon claire pour les corps noirs par la loi de Planck  :

Dans la loi de Planck, Lλ,T est la luminance, les indices indiquant qu’elle dépend de la longueur d’onde et de la température (de la surface). h est la constante de Planck, c est la vitesse de la lumière dans le vide, λ est la longueur d’onde, kB est la constante de Boltzmann (à ne pas confondre avec la constante de Stefan-Boltzmann !), T est la température de la surface en degrés Kelvin. Si la loi de Planck peut sembler intimidante au premier abord, gardez à l’esprit que h, c et kB sont toutes des constantes, et que tout ce qu’elle dit est que la luminance émise par une surface (Lλ,T) peut être calculée à partir de la température (T) de cette surface pour une longueur d’onde donnée (λ).

Pour examiner le résultat de la loi de Planck, vous pouvez imaginer un objet avec une certaine température de surface, comme le Soleil dont la température est d’environ 5800K, et calculer la luminance qu’il émet à, disons, 400 nm, en branchant simplement la température et la longueur d’onde dans l’équation. Vous pouvez ensuite répéter l’opération pour 401 nm, 402 nm, et ainsi de suite, pour obtenir ce que l’on appelle une courbe de Planck. La figure 12 présente un exemple de plusieurs courbes de Planck. Notez que très peu de rayonnement est produit à des longueurs d’onde très courtes (par exemple, 0-200 nm), et que chaque courbe présente un pic distinct qui indique la longueur d’onde auquel la quantité maximale d’énergie est émise. L’emplacement de ce pic peut être calculé à l’aide de la loi de Wien, qui est basée sur la loi de Planck et qui stipule que la longueur d’onde du pic d’émission (λmax) peut être calculée comme suit : λmax=b/T, où b est la constante de déplacement de Wien : 2 897 767 nm K. Pour le Soleil, cela correspond à environ 500 nm, soit une lumière bleu-vert.

Une remarque importante sur la loi de Planck est qu’elle s’applique aux corps noirs, qui sont des entités imaginaires définies comme des absorbeurs et des émetteurs parfaits. Bien que les objets du monde réel, comme le Soleil et la Terre, ne soient pas des corps noirs, ils s’en approchent suffisamment la plupart du temps pour que la loi de Planck soit une approximation utile qui peut être utilisée pour quantifier leur émission de rayonnement électromagnétique. La proximité ou l’éloignement d’une surface par rapport à un corps noir est défini par son émissivité, qui est la quantité de luminance produite à une longueur d’onde donnée par rapport à celle qui serait produite par un corps noir. Les matériaux naturels ont tendance à avoir des valeurs d’émissivité élevées, de l’ordre de 0,98-0,99 (eau), 0,97 (glace) et 0,95-0,98 (végétation). Cependant, certains matériaux naturels peuvent avoir une faible émissivité, comme la neige sèche (environ 0,8) ou le sable sec (0,7-0,8). Cela signifie, par exemple, que la neige sèche, à une température donnée, ne produit que 80 % de la radiance qu’elle devrait produire selon la loi de Planck. Une autre complication est due au fait que l’émissivité change avec la longueur d’onde, mais c’est un pont à traverser une autre fois.

La loi de Planck peut être utilisée pour déterminer la température d’une surface dont on mesure la luminance spectrale. Pour ce faire, il suffit d’inverser l’équation pour isoler la température  :

Si la détermination effective de la température de la surface de la Terre à partir de la mesure spatiale de la luminance (spectrale) est légèrement plus compliquée, car il faut tenir compte de l’émissivité et de l’influence de l’atmosphère, l’inversion de la loi de Planck, telle que décrite ci-dessus, est le principe de base sur lequel repose cette cartographie.

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Figure 12: Exemple de trois courbes de Planck, pour des surfaces à 3000-5000 degrés Kelvin. Black body par Darth Kule, Wikimedia Commons, public domain.

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