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une ligne décorative arc-en-ciel

Chers amis, je vous remercie d’entreprendre ce voyage avec nous. Comme vous avez pu le comprendre en lisant le matériel fourni, ce parcours, qui n’aura jamais de fin, sera différent pour chacun d’entre nous. Il nous fera cependant tous vivre la même expérience puisqu’en cours de route, chacun de nous n’aura pas pu s’empêcher de changer. Peut-être voyez-vous maintenant certaines choses différemment. Peut-être passez-vous plus de temps à vous préoccuper des conséquences involontaires de vos décisions en matière de conception, des politiques que vous mettez en œuvre, de vos paroles ou de vos rétroactions constructives. Ou peut-être, passez-vous plus de temps avec les membres de votre famille, abordant avec eux l’humanisation de l’apprentissage. Dans les deux cas, vous « travaillez », puisque vous êtes à l’écoute de ce qui vous entoure et en êtes désormais conscient. Ainsi, en tant que personnes transformées, sachant que nous ne reviendrons pas en arrière, nous ne pouvons plus ignorer les occasions qui s’offrent à nous quand nous embrassons notre humanité commune et dirigeons avec compassion, émerveillement et curiosité.

Nous faisions tous partie du même groupe, et non, nous ne reviendrons pas en arrière. C’est tout simplement impossible. Nous avons changé et nous nous engageons à poursuivre sur cette voie.

Ce qui nous a émus

Communauté, communauté, communauté. Trouver du soutien, trouver un terrain d’entente, mais aussi découvrir les aspects difficiles associés aux communautés : comment se développent-elles? Comment peuvent-elles rester inclusives? Comment peuvent-elles demeurer démocratiques? Pour qui cette communauté existe-t-elle? Comment pouvons-nous être en désaccord, de manière productive? Comment pouvons-nous favoriser une culture dans laquelle nous pouvons être en désaccord tout en étant respectueux?

Être dans le (ou les) bon état d’esprit est l’un des éléments essentiels de l’humanisation de l’apprentissage. Il y a les fondements et les méthodes, mais il est essentiel d’être dans le bon état d’esprit. En particulier, il s’agit de rester ouvert à l’idée d’apprendre quelque chose de nouveau, de désapprendre quelque chose d’ancien et d’adopter l’incertitude.

L’importance d’effectuer une écoute attentive. Écouter ceux qui ont une expérience vécue, qui ont des opinions différentes, les voix plus discrètes et celles que nous n’entendons que rarement ou jamais : voilà ce que signifie humaniser l’apprentissage.

Aller au-delà du simple fait d’offrir un « siège à la table » et participer plutôt à la « cocréation » de la table est peut-être le seul moyen qui nous permettra d’avoir un impact et de réussir à modifier les barrières systémiques en éducation.

Le fait de passer à travers ce processus d’humanisation significative change les gens. Nous aurons tous besoin de temps pour traiter, absorber et mettre en pratique ces nouvelles révélations, tant sur nous-mêmes que sur les autres.

Occasion de réfléchir : qu’avons-nous appris? Comment se préparer au changement?

Il n’existe aucune liste indiquant les « tâches à effectuer » et il n’y en aura jamais. En fait, il n’y a ni fin, ni achèvement, ni évaluation, devoir ou examen final final final.

L’importance de ralentir. Dire qu’il faut ralentir ne veut pas dire qu’il faut faire moins de choses en plus de temps. En fait, c’est tout le contraire. Nous voulons plutôt prendre le temps de réfléchir, de penser, de méditer, d’établir des liens intéressants pour véritablement pouvoir en faire plus dans le même temps alloué.

L’importance des relations, et surtout l’importance d’avoir des relations qui ne sont pas hiérarchiques, mais authentiques et qui reposent sur la curiosité et l’apprentissage.

L’importance des liens et l’importance de briser les silos (tous, quels qu’ils soient).

Le retour à la « normale ». Avant de penser à un tel retour, il faut cependant se demander « normale pour qui? » et « qui a profité de cette ‘normalité’? ». Évitez à tout prix de revenir à la simple « normalité » et d’oublier votre sens critique.

La COVID a-t-elle tué les conférences et présentations traditionnelles ou étaient-elles déjà menacées et la COVID n’a simplement fait qu’accélérer le processus?

La pandémie de COVID-19 a révélé qu’un grand nombre de problèmes importants sont à l’œuvre dans le monde de l’enseignement supérieur. Cela inclut notamment les inégalités, l’inaccessibilité, les mauvaises pratiques pédagogiques, le manque de préparation aux catastrophes et, à bien des égards, le manque d’imagination et de volonté d’innover. Bon nombre de pratiques qui persistent dans l’enseignement supérieur, comme les grands cours magistraux passifs et les modèles d’enseignement à sens unique, continuent d’être utilisées en dépit du fait qu’il existe des preuves de leur inefficacité depuis un siècle. Trop souvent, nous constatons que dans ces établissements qui sont destinés à être des centres d’innovation, de créativité, de création de connaissances et de pratiques fondées sur des données probantes continuent à s’en remettre à la tradition et à la mythologie, plutôt que de relever certains des défis complexes auxquels nous sommes confrontés en tant qu’établissements du 21e siècle. D’aucuns pourraient citer l’absence de changement systémique significatif en enseignement supérieur pendant des siècles comme preuve de la remarquable résilience de ces anciennes structures. On peut cependant aussi y voir la tendance à une inertie incroyable associée à d’énormes privilèges détenus par quelques personnes qui, jusqu’à tout récemment, n’avaient été que rarement contestés. La réalité est, bien sûr, plus complexe que ces deux points de vue, mais nous commençons à voir apparaître différentes contestations du rôle de l’enseignement supérieur traditionnel dont les établissements devraient tenir compte avant qu’ils ne prennent le même chemin que Blockbuster et Blackberry, sans trop savoir pourquoi ils en sont arrivés là.

Dans une certaine mesure, ces questions découlent d’une obsession pour la liberté académique, qui était et reste nécessaire pour que des recherches controversées puissent être menées sans crainte de représailles ou d’ingérence. Malheureusement, cette obsession pour la liberté académique a été instrumentalisée pour soutenir l’hyperindividualisation dans laquelle les préférences individuelles l’emportent sur le bien collectif, ce qui constitue un important obstacle au travail d’humanisation de l’éducation. Le travail difficile associé à la conception des expériences d’apprentissage humanisées n’est possible que lorsque les éducateurs collaborent à des niveaux plus larges (programme, corps enseignant, établissement) et s’engagent envers des valeurs et des objectifs communs. Cela ne veut pas dire que les éducateurs individuels et leurs cours ne feront aucune différence dans la vie des apprenants lorsque ces cours sont conçus de façon humanisée. Toutefois, nous devons reconnaître les limites de cette influence, que même si les personnes peuvent être un phare qui guide l’expérience de l’apprenant, l’expérience globale peut être médiocre lorsque les programmes ne sont pas conçus en fonction d’un ensemble cohérent de valeurs axées sur une expérience transformationnelle.

Si l’engagement de chacun à l’égard de ces objectifs est important, il en va de même pour l’engagement visible des dirigeants à remettre en question le statu quo et à s’attaquer aux questions qui peuvent être impopulaires ou controversées si elles finissent par donner de meilleurs résultats pour tout le monde. Les responsables de l’enseignement supérieur qui tentent d’apporter des changements significatifs se heurtent inévitablement à une résistance et à des critiques qui peuvent être incroyablement épuisantes et décourageantes. Réussir à naviguer dans la politique du changement dans une organisation vaste et complexe nécessite une vision d’un état futur amélioré grâce aux changements nécessaires. Il faut également savoir comment raconter des histoires, partager cette vision de manière convaincante et ouvrir l’espace pour que tous les intervenants puissent se voir dans ce nouvel endroit amélioré.

Alors que les établissements d’enseignement supérieur commencent à émerger des nombreuses perturbations engendrées par les restrictions liées à la pandémie, ils doivent prendre des décisions difficiles. Doivent-ils prioriser le retour à l’état antérieur et ignorer l’apprentissage et l’innovation qui ont découlé de cette situation d’urgence? Ou décideront-ils d’entreprendre le difficile examen de conscience et de réflexion critique qui leur permettra d’imaginer un nouvel état qui permettrait de résoudre les problèmes d’inégalité et d’accès pour les apprenants comme pour les travailleurs du milieu de l’enseignement supérieur?

Malheureusement, de nombreux établissements semblent se précipiter pour revenir à la situation antérieure, bouleversant ainsi les règles du jeu qui avaient été temporairement aplanies et supprimant les politiques temporairement humanisées, lesquelles étaient sans doute meilleures pour tous. Certains signes montrent toutefois que ce n’est pas le cas dans toutes les régions du monde, ce qui nous permet d’espérer qu’une approche plus humaine, plus diversifiée et plus inclusive de l’enseignement supérieur à l’échelle mondiale est possible.

Par exemple, en Australie et au Royaume-Uni, nous constatons que les responsables de l’enseignement supérieur mettent depuis longtemps l’accent sur les méthodes d’enseignement fondées sur des données probantes, transformatrices et de qualité. Ils ont notamment mis en place des structures qui normalisent, encouragent et récompensent une culture de l’excellence et de l’amélioration continue grâce à la réflexion. Les dirigeants de ces deux pays ne veulent absolument pas revenir au statu quo (malgré les fortes pressions exercées par leurs gouvernements). Ils ont plutôt décidé de tirer les leçons de la pandémie et d’apporter des changements permanents au profit des apprenants et de l’environnement d’apprentissage. Un important changement que de nombreuses universités australiennes et britanniques prévoient aussi d’effectuer après la pandémie de COVID consiste à ne pas revenir aux grands cours magistraux sur le campus. Cette tendance avait commencé à s’implanter avant la pandémie. Certains établissements, comme la University of Technology, à Sydney (UTS), ont commencé dès 2014 à remplacer les grands amphithéâtres par des espaces d’apprentissage actif et collaboratif; d’autres, comme la Victoria University, à Melbourne, s’étaient déjà éloignés du modèle semestriel traditionnel pour passer à un enseignement par blocs, sans cours magistraux et avec des cohortes réduites.

La pandémie a accéléré le processus de réexamen des pédagogies. Un livre blanc de l’Australasian Council on Distance and eLearning a notamment indiqué qu’en 2021, selon un sondage sur les universités en Australie et en Nouvelle-Zélande, seulement 23 % des universités prévoyaient revenir aux cours magistraux sur le campus, tandis que plus de 30 % ont dit qu’elles ne reviendraient certainement ou probablement pas à des cours magistraux sur le campus. En s’interrogeant sur les motifs sous-jacents à ce changement, près du quart des établissements ont reconnu qu’ils voulaient avant tout améliorer la pédagogie et l’apprentissage pour les étudiants, tandis que d’autres ont évoqué différentes raisons sociales, pédagogiques, logistiques et économiques pour réduire ou supprimer l’apprentissage magistral tel que nous le connaissons.

Alors qu’une poignée d’établissements suppriment complètement les cours magistraux, la plupart des autres ont cependant décidé de les conserver sous une forme ou une autre, mais ils ont également des discussions essentielles sur la diversité des modèles d’enseignement et sur les raisons réfléchies de leur utilisation. Bon nombre de ces établissements réexaminent maintenant la flexibilité de leur conception pédagogique et des horaires, divisent les classes en petites cohortes d’apprenants et se concentrent sur la conception d’espaces physiques et numériques visant à faciliter l’apprentissage actif, collaboratif et informel. Ces données montrent que l’élément prétendument transformateur dans l’« expérience universitaire » est rarement le temps passé dans un cours magistral avec 500 autres étudiants. Il s’agit plutôt de la rencontre des esprits qui se produit dans de petits groupes activement engagés dans le processus, un processus qui dépend moins du lieu que de la conception pédagogique utilisée pour déclencher l’apprentissage. Il ne s’agit pas non plus d’une question simpliste qui donne le choix entre les cours « en ligne ou sur le campus », mais plutôt de reconnaître que l’apprentissage est un processus complexe et merveilleux qui peut commencer par une étincelle qui survient dans la salle de classe. Il ne faut pas oublier que la grande majorité de l’apprentissage s’effectue dans l’espace interstitiel désordonné à l’extérieur des salles de classe (quelle que soit la façon dont nous définissons « salle de classe ») où la vie des étudiants se recoupe avec les nouvelles connaissances qu’ils acquièrent et où de nouveaux liens, espérons-le, sont créés.

La notion d’« étudiant traditionnel » qui se concentre seulement sur ses études et est capable d’assister à des cours 40 heures par semaine n’est plus réaliste. Plus d’étudiants que jamais ont des handicaps, des problèmes de santé, des responsabilités familiales, un travail à temps plein et d’autres contraintes qui rendent l’approche traditionnelle de l’enseignement supérieur tout simplement insoutenable. Les changements apportés aux politiques pendant la pandémie ont temporairement permis une certaine flexibilité dans l’assiduité, la mise en œuvre de stratégies d’évaluation nouvelles et créatives et la mise en place d’une politique de la compassion. Ces changements ont créé de l’espace pour des apprenants qui auraient traditionnellement été exclus de l’approche unique. Il ne faut pas oublier que les étudiants ont des vies complexes et qu’ils veulent avoir flexibilité et choix dans leur éducation. Pour leur offrir cette flexibilité et ce droit de choisir, il faut cependant modifier la dynamique du pouvoir et voir les étudiants comme des partenaires égaux dans l’entreprise de l’apprentissage.

Il est essentiel que de telles conversations aient lieu dans l’ensemble du secteur de l’enseignement supérieur et à tous les niveaux dans les établissements qui ont choisi d’adopter ce type d’approche, plutôt que d’être menés par une poignée de membres engagés du corps enseignant qui nagent à contre-courant de la tradition et qui sont constamment secoués par les artefacts d’une époque révolue. Cela ne veut pas dire que nos voix individuelles ne comptent pas, bien au contraire, puisqu’il est important que les voix de ceux qui veulent le changement et cherchent à le mettre en œuvre se fassent entendre et puissent être entendues à tous les niveaux. Le travail difficile qui consiste à rendre nos universités et nos collèges plus humains et plus aptes à remplir leur mission en ce 21e siècle exige que nous élargissions la notion de l’identité des intervenants et que ces derniers soient traités comme des partenaires égaux. Nous devons entreprendre une conversation soutenue sur le type de communauté inclusive que nous voulons être, puis transformer cette conversation en action. Si nous ne nous engageons pas maintenant de manière significative dans cette conversation, nous éroderons encore davantage la position privilégiée des établissements d’enseignement supérieur traditionnels et pousserons les étudiants potentiels à chercher ailleurs l’apprentissage qui saura répondre à leurs besoins. Nous en sommes à un moment charnière : nous avons maintenant le choix de refaire de meilleures versions de nos universités et de nos collèges en tant qu’établissements sociétaux essentiels, ou d’essayer de continuer à soutenir et à retenir les murs de ces tours d’ivoire qui s’effritent sous nos yeux, car ils ne pourront pas nous protéger éternellement contre les changements qui s’imposent. Peut-être devrions-nous voir ces établissements moins comme des bâtiments de pierre construits une fois pour toutes, et davantage comme des jardins communautaires qui doivent être activement entretenus, arrosés et qui évoluent au fil du temps grâce au contact et à l’influence de mains nombreuses et variées.

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Apprendre à être humain ensemble Copyright © 2022 by Co-designed by Students, Faculty and Staff at OCAD University, Mohawk College, Brock University, Trent University, Nipissing University, University of Windsor, University of Toronto-Mississauga is licensed under a Creative Commons Attribution 4.0 International License, except where otherwise noted.

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