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Nous espérons que les sujets, expériences et discussions que vous trouverez ici seront applicables et pertinents pour toute personne travaillant dans le domaine de l’éducation, mais surtout pour les administrateurs, les concepteurs pédagogiques, les enseignants (titulaires, adjoints, stagiaires), les étudiants diplômés, les étudiants au postdoctorat, les chercheurs en enseignement et en apprentissage, les apprenants, et bien d’autres.

Cette œuvre est particulièrement pertinente pour les personnes qui ont le pouvoir d’apporter des changements et pour celles qui n’ont pas encore ce pouvoir et qui sont enthousiastes à l’idée d’essayer quelque chose qui pourrait améliorer les résultats. Tous deux y trouveront une invitation à réfléchir aux problèmes difficiles de manière authentique et sous de nombreux angles. À ceux qui ont le pouvoir, nous espérons que vous trouverez dans ces activités l’inspiration nécessaire pour profiter de votre pouvoir d’apporter des changements. À ceux qui n’en ont pas, nous souhaitons apporter notre soutien et nos encouragements.

Humaniser pour qui?

Pour les besoins de nos travaux, nous nous sommes d’abord concentrés sur les personnes en situation de précarité dans les différents contextes où les décisions ou les politiques en matière d’éducation sont établies et où se déroule l’éducation elle-même. La question « Qui est en situation précaire ici? » peut nous aider à comprendre le point de vue d’un doyen nouvellement nommé dans une faculté aux prises avec des controverses et des problèmes sociaux, d’une université ou d’un collège qui s’adapte à un nouveau gouvernement avec de nouvelles priorités (et donc un financement incertain pour les travaux en cours), de collègues universitaires débutants (étudiants diplômés et étudiants au postdoctorat) qui ont d’énormes responsabilités (p. ex., dans l’enseignement) et peu de pouvoir, d’étudiants qui ont plusieurs emplois pour financer leurs études, d’individus racialisés en général et de ceux qui sont autrement marginalisés ou exclus de la possibilité de s’exprimer et de choisir en matière d’éducation. Il est important de distinguer une personne et une position : le doyen a traditionnellement du pouvoir, ce qui n’est pas le cas de l’étudiant. Tous les apprenants ne sont pas égaux : les étudiants étrangers portent parfois un fardeau plus lourd, les étudiants de première génération, ceux qui ont grandi dans la pauvreté intergénérationnelle, et toutes les autres réalités de la vie individuelle et des obstacles à l’équité et à l’accès.

Le travail d’humanisation et de compréhension des contextes dans lesquels l’éducation est dispensée ne peut pas être un luxe. Il doit s’agir d’une exigence pour un niveau d’éducation auquel tous ont droit. Ces valeurs ne sont pas nécessairement faciles à mesurer, et peu d’établissements se sont véritablement engagés dans ce travail difficile. Le risque est énorme lorsque cette mobilisation est partielle ou précaire. En outre, lorsqu’un établissement adopte ce travail dans le cadre d’une approche « sur le coin du bureau » sans soutien structurel, les personnes précaires assument généralement le fardeau, ce qui ajoute encore à leur précarité et à leur risque d’épuisement professionnel. Nous espérons donner une voix aux personnes en situation de précarité et aux individus. Nous vous voyons et nous voulons vous soutenir, car c’est grâce à vous qu’il y aura des changements dans les systèmes qui laissent des cicatrices et des blessures à certains. Vous êtes la source du changement dans les cycles d’exclusion et les éléments de l’éducation qui ne sont destinés qu’à certains. Nous pouvons nous soutenir mutuellement et changer fondamentalement le système.

Que signifie l’humanisation de l’apprentissage?

Figure 1 : Photo de Jan Canty sur Unsplash

Il existe des mots et des expressions que nous utilisons comme raccourci pour désigner des problèmes graves dans la société, la culture et sur notre planète. Parfois, ces mots et expressions sont critiqués et critiquables simplement parce qu’ils représentent des problèmes complexes. On peut citer comme exemples « la crise climatique », « l’apprentissage humanisé », « la diversité, l’équité et l’inclusion », « la décolonisation », et bien d’autres encore. Il est dommage que ces lourdes questions globales puissent être réduites à une expression qui peut ensuite être politisée et utilisée par ceux qui ont du pouvoir ou de l’attention pour diffamer ou aduler. Notre espoir, par le biais de cette œuvre, est de ne pas nous laisser distraire par la popularité ou l’absence de popularité d’une expression, mais de nous concentrer sur un besoin, à savoir l’objectif de développement social no° 4 des Nations unies « d’assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et de promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie ».

À cette fin, ce document serait incomplet s’il n’abordait pas directement la question suivante : « Humaniser l’éducation pour qui? ». Nous partons du principe que le pouvoir est partout : là où il y a des gens, il y a du pouvoir. Ce thème est essentiel pour comprendre l’humanisation – vous devez être capable de reconnaître et d’être conscient du pouvoir que vous détenez en tant qu’individu. Que vous choisissiez de l’appliquer ou non dans votre propre pratique pédagogique ou professionnelle, il existe et a des répercussions sur les résultats. L’humanisation de l’apprentissage exige que nous repensions les dynamiques de pouvoir traditionnelles et que nous travaillions activement à la redistribution du pouvoir. C’est ce qui rend ce travail si difficile, car le simple fait d’affirmer que nous devons être conscients du pouvoir et le redistribuer perturbe la manière dont nous avons collectivement conçu l’éducation jusqu’à présent :

• Identités fortes et attentes quant à la manière dont les individus (corps enseignant, étudiants, chargés de cours, administrateurs, personnel, etc.) devraient se comporter, basées sur le préjugé de survie
• Hiérarchies de pouvoir
• Matrice de domination et cultures dominantes
• Personnes, planète et profit (les 3P avec lesquels toutes les organisations doivent composer)
• Éthique
• Intervenants
• Objectifs déclarés (généralement mesurables à l’aide de données quantitatives, comme la rétention, l’immatriculation et l’inscription)
• Évaluations
• Achèvement

En effet, chacun de ces sujets nécessite une interrogation et une perturbation en soi. Pour certains, ce travail sera le point de départ d’un examen plus approfondi de nombreuses suppositions avec lesquelles nous vivons. Nous espérons que chacun d’entre nous trouvera dans ces documents quelque chose qui l’invitera à réfléchir et qui l’inspirera à prendre le temps d’examiner et de repenser les domaines de l’éducation dans lesquels il exerce un certain contrôle ou une certaine influence. Nous soutenons que l’accès à l’éducation et la réussite scolaire sont inextricablement liés aux questions de justice, d’équité, de diversité et de préjugés systémiques.

Qu’est-ce que l’équité?

Nous souhaitons être aussi clairs que possible en indiquant à qui cette œuvre est destinée et pour qui nous espérons humaniser l’éducation. Nous pouvons dire gaiement et de manière insensée « tout le monde », mais nous préférons être explicites quant aux personnes pour lesquelles nous voulons humaniser l’éducation.

Notre approche actuelle de l’éducation consiste à normaliser tout ce que nous faisons pour être « justes ». Nous codifions cette « similitude » dans nos plans de cours, nos politiques et pratiques universitaires et collégiales. Mais traiter tout le monde de la même manière ne permet pas de parvenir à l’équité : cela ne fait que codifier le statu quo, perpétuer les cycles d’inclusion et d’exclusion et creuser davantage le fossé entre les deux. Lorsque nous sommes confrontés à la complexité et à l’incertitude (comment rendre l’éducation équitable), nous nous appuyons sur la simplicité, l’exhaustivité et la similitude. Dans le cas présent, nous nous contentons de l’égalité au détriment de l’équité sans s’interroger sur ce qu’ils signifient.

Figure 2 : Photo par John Mark Arnold sur Unsplash

Nous codifions dangereusement l’égalité dans la structure. Et c’est à l’aune de ces structures que nous mesurons le succès. Nous vous mesurerons tous exactement selon les mêmes critères parce que cela nous donne l’impression d’être justes; une règle « sans exception » nous donne l’impression d’être justes. Mais nous savons que ce n’est pas juste du tout. En l’absence d’un substitut, nous nous blottissons dans la similitude et son illusion simplifiée d’équité, d’objectivité, de validation, de rigueur et d’autres crimes. Cela devrait nouer l’estomac de chacun d’entre nous, car nous savons que cela fait des dégâts. Le fait d’aplanir le terrain au niveau de la validation et de l’évaluation ne change pas fondamentalement le fait que le terrain n’est pas nivelé ailleurs. Choisir la similitude (parce qu’il est difficile d’être équitable) n’est pas un geste neutre.

Le point de départ de l’histoire est important. Les personnes qui entrent dans les établissements d’enseignement et qui sont issues de la pauvreté intergénérationnelle n’auront pas la même expérience que leurs pairs qui n’ont pas grandi dans la pauvreté. Selon nous, le travail d’exploration des moyens de rendre l’éducation plus équitable commence par l’humanisation de l’éducation. Un travail de collaboration et de réflexion conceptuelle participative beaucoup plus important doit être réalisé pour commencer à aborder la question de l’équité dans l’éducation (en fait, il s’agit l’un des sujets que nous revisitons au module 4). Nous tenons à déclarer que ce travail est un parcours, jamais une tâche. Il est nécessaire que les personnes impliquées dans l’éducation s’engagent dans cette voie à titre de nouvelle valeur à introduire dans tout ce que nous entreprendrons.

Aux opposants qui proclament que les exceptions sont fondamentalement injustes, nous demandons de lutter sincèrement contre la vérité ci-dessus : nous n’abordons pas tous l’expérience de l’éducation avec le même bagage, voire avec un bagage similaire (et ne vous y trompez pas, tout le monde à un bagage).