Mon premier cours à l’université était « La théorie dans l’enseignement supérieur ». Je dois admettre que j’étais perdu et quelque peu déconcerté pendant les premiers cours. J’avais l’impression de revivre mes premiers mois à la faculté de médecine; je devais apprendre un nouveau langage et de nouvelles façons d’organiser les connaissances. Pour mettre fin à ma confusion, j’ai décidé d’unir mes forces à celles des quatre autres médecins de la classe. (Les autres étudiant.e.s étaient déjà versé.e.s en la matière en raison de leur parcours en sciences sociales ou en sciences humaines.) Chaque mardi soir, à 22 h, après le cours, nous nous réunissions tous les cinq dans un restaurant local pour tenter de démêler le contenu, de définir les nouveaux mots que nous avions appris, mais surtout de comprendre les théories présentées en classe. (À l’époque, nous n’avions pas d’outils comme Google ni un accès instantané à des ressources comme La théorie de l’éducation en termes concrets.) Au fil du temps, je me suis familiarisé avec le langage et j’ai commencé à comprendre comment une théorie pouvait organiser, prédire, étendre ou remettre en question les idées et les concepts que je rencontrais en tant que nouvel enseignant clinicien.
Pendant un certain temps, je croyais qu’il existait un métacadre qui reliait, ordonnait et classait toutes les théories de l’éducation. En rétrospective, je perçois les influences de ma formation médicale, ainsi que l’influence subtile (voire pas du tout) de la médecine factuelle et de la hiérarchie des données probantes qui y est associée. En tant que nouvel enseignant, j’avais du mal à trouver la « bonne » théorie pour expliquer ou comprendre un phénomène. Avec le temps, l’expérience et un excellent accompagnement, j’ai réalisé quel était le problème avec une telle approche.
L’éducation médicale n’est pas une discipline aux frontières discrètes, aux méthodes spécifiques et aux théories acceptées, comme la biologie moléculaire. Il s’agit plutôt d’un domaine aux frontières floues, qui s’appuie sur les sciences, les sciences sociales et les sciences humaines et qui s’inspirent de leurs différentes théories1. Les neurosciences, la sociologie et la philosophie occupent une place égale dans l’éducation médicale. Grâce à toutes ces interconnexions, l’éducation médicale s’en trouve enrichie, car elle requiert une négociation et une collaboration entre les différentes façons de voir un enjeu rencontré par un.e enseignant.e clinicien.ne. Les approches déductives de la recherche en éducation médicale qui utilisent des données expérimentales pour appuyer ou réfuter une théorie sont complétées par des approches inductives, où la théorie est établie à partir des données sans aucune présupposition. De cette façon, l’éducation médicale peut faire appel à plusieurs théories pour tenter de comprendre les problèmes auxquels se heurtent les apprenant.e.s et les enseignant.e.s2. Mais contrairement aux enseignant.e.s clinicien.ne.s dans le domaine clinique, il n’y a pas de hiérarchie des théories dans l’éducation médicale. Il n’y a pas de théorie unique. Les questions liées à l’éducation médicale sont trop nuancées et complexes pour une approche aussi rigide.
C’est en cela que réside la valeur de La théorie de l’éducation en termes concrets. Même s’il y a des théories sur lesquelles je m’appuie plus régulièrement (comme la théorie de la charge cognitive), je reconnais que la majorité des théories sont pertinentes pour mon travail dans le domaine de l’éducation médicale. Même si j’ai progressé en tant qu’enseignant clinicien depuis mon premier cours d’études supérieures, il me reste encore beaucoup à découvrir et à apprendre. Dans l’ouvrage La théorie de l’éducation en termes concrets, je découvre des théories exposées clairement qui peuvent apporter de nouvelles perspectives ou de meilleures réponses aux questions auxquelles je suis confronté dans ma pratique de l’éducation. Krzyzaniak, Messman, Robinson, Schnapp, Li-Sauerwine, Gottlieb et Chan ont mis au point une ressource concise, pratique, documentée et fort agréable à lire pour les enseignant.e.s clinicien.ne.s, quel que soit leur niveau d’expérience. J’ai hâte de découvrir le modèle d’apprentissage expérientiel de Joplin, puis de le comparer à la théorie de l’apprentissage expérientiel de Kolb dans le chapitre qui y est consacré. En parcourant la table des matières, on constate qu’il y a des chapitres portant sur l’enseignement, l’apprentissage, l’évaluation, le bien-être et plus encore.
J’aurais aimé avoir un tel ouvrage lorsque j’ai entamé mes études supérieures. Je le recommande maintenant à mes étudiant.e.s des cycles supérieurs et à mes boursier.ère.s en éducation médicale. Le volume quatre constitue un excellent ajout à la série La théorie de l’éducation en termes concrets.
Jonathan Sherbino, M.D., M. Éd.
Professeur de médecine
Vice-doyen de la recherche en éducation dans les professions de la santé
Université McMaster
- Van Enk, A., et G. Regehr. « HPE as a field: implications for the production of compelling knowledge », Teaching and learning in medicine, 2018, vol. 30, no 3, p. 337-344.
- Varpio, L., E. Paradis, S. Uijtdehaage et M. Young. « The distinctions between theory, theoretical framework, and conceptual framework », Academic Medicine, 2020, vol. 95, no 7, p. 989-994.