Auteur.trice.s : Mark Keuchel, D.O., Al’ai Alvarez, M.D., Curtis Knight, M.D.
Réviseure : Teresa Chan, M.D., M. Éd. (ens. en santé)

Étude de cas

Les résident.e.s vont bientôt suivre un module de simulation sur la pose des cathéters centraux. Un petit groupe décide de se présenter tôt pour se familiariser avec l’équipement et tenter d’accomplir la technique sans aide. Chaque personne dans le groupe avait déjà assisté à la pose d’un cathéter central ou réalisé cette technique à la faculté de médecine. Tout le monde avait une idée des étapes à suivre et se sentait à l’aise de s’exercer sans l’aide d’un.e enseignant.e leur donnant de la rétroaction directe.

John, un résident, prend la seringue et tente de canuler la veine jugulaire interne sur le mannequin. Il persiste sans succès et se frustre. Jill, qui a déjà posé un cathéter central et se souvient de quelques étapes, prend le relais. Elle commence à dire à John comment il faut faire à son avis. Pendant que Jill continue à essayer d’insérer la canule, Jim se met à lire à voix haute les étapes contenues dans le courriel envoyé à la classe pour l’apprentissage asynchrone. Tout le monde ressent de la frustration en l’absence de l’enseignant.e.

Contexte

Le modèle en cinq étapes de Joplin se veut délibérément simple et vise à définir l’acte d’apprentissage, mais il ne s’agit pas d’une théorie d’apprentissage en soi. Le modèle est fondé sur un cycle en spirale, qui met l’accent sur l’accomplissement d’une action difficile entre l’étape initiale (concentration) et l’étape finale (bilan). Le cycle « action-réflexion » se distingue de l’expérience seule en intégrant un processus de réflexion. Il peut être appliqué à petite et à grande échelle, selon la portée du projet. Par exemple, le cycle peut se concentrer sur la conception de cours à grande échelle ou sur un bref moment d’enseignement.

La première étape du modèle est la concentration. C’est à cette étape que l’enseignant.e identifie la tâche et engage l’attention de l’apprenant.e. L’enseignant.e a pour tâche d’éclaircir un sujet précis afin d’orienter l’apprenant.e. L’enseignant.e doit aussi veiller à ne pas être trop précis.e, car cela peut entraîner une vision en tunnel chez l’apprenant.e. L’étape de la concentration est nécessaire pour aligner l’attention de l’apprenant.e sur les objectifs de l’enseignant.e. Les actions à l’étape de la concentration dépendent du type d’activité à effectuer. L’étape de la concentration peut consister en une tâche simple, comme discuter verbalement des objectifs, ou une tâche complexe, comme passer en revue un article avant une action.

La deuxième étape du modèle est l’action. À cette étape du modèle, l’apprenant.e est mis.e en confrontation directe avec une situation souvent inconnue qui exige la résolution d’un problème. En raison du stress inhérent à la situation, l’apprenant.e bénéficie d’un apprentissage « expérientiel ». L’apprentissage actif est facilité par la participation plutôt que par la lecture passive ou le visionnement d’une vidéo. Dans le processus d’apprentissage, l’apprenant.e doit recevoir une « responsabilité », une composante qui est absente dans les manuels où l’auteur.trice décide des sources. Le personnel enseignant est responsable de s’assurer que la difficulté d’apprentissage est appropriée pour l’apprenant.e. Lorsque l’apprenant.e est engagé.e activement, le cerveau est considéré comme « activé », ce qui signifie que les nouvelles informations peuvent être traitées et conservées.

Interprétations modernes de cette théorie

En raison de son aspect intentionnel, le modèle d’apprentissage expérientiel en cinq étapes de Joplin exige du temps et des efforts, ce qui n’est pas toujours possible dans le contexte clinique. De plus, il y a un écart générationnel dans la perception de l’enseignement et de l’apprentissage. Comme le modèle de Joplin peut être appliqué à petite et à grande échelle, il peut facilement être transposé à un quart de travail occupé. Il est important de connaître les cinq étapes, et le fait de les indiquer clairement peut aider les apprenant.e.s à mieux comprendre le processus. Voici comment :

1. « Concentrez-vous sur la façon dont vous tenez la seringue. » [concentration]
2. « Je vais vous donner de la rétroaction sur ce que vous faites et vous expliquer la façon dont cela peut affecter le succès de votre canulation veineuse. » [réflexion : rétroaction]
3. « Je vais vous donner une rétroaction plus précise. Je remarque que votre angle est trop prononcé. Comment pouvez-vous optimiser cela pour permettre au fil de s’enrouler facilement? » [rétroaction précise, défi]
4. « J’aime la façon dont vous stabilisez votre main à mesure que vous avancez le fil-guide dans l’aiguille. Cela aide à prévenir l’entortillement du fil. » [soutien précis]
5. « C’est excellent. Vous avez avancé le fil avec succès, et je remarque que vous le tenez soigneusement pour ne pas le perdre. Comment voulez-vous procéder? » [bilan]

Dans une application à grande échelle du modèle de Joplin, on peut considérer le processus de formation comme une équipe pour une compétition SimWars. Un groupe de résident.e.s est choisi pour représenter le service. Chaque résident.e possède des compétences spécifiques nécessaires pour réussir, mais la cohésion est une caractéristique très importante d’une équipe gagnante. Il est essentiel de mettre l’accent sur le développement de l’esprit d’équipe. Tandis qu’elle applique différentes approches de gestion des ressources de crise, l’équipe doit réfléchir à l’efficacité et à l’efficience des styles de communication de chacune de ces approches. Cet aspect du travail d’équipe doit être soutenu délibérément et systématiquement. La rétroaction doit également porter sur la délégation des rôles, l’utilisation de la communication en boucle fermée et le ton approprié des directives. À chaque itération, chacun de ces points doit être abordé aux fins d’amélioration; cela comprend la mise en évidence des tâches accomplies avec succès. En fin de compte, il faut répéter les cinq étapes en utilisant plusieurs sources de rétroaction; le soutien et le défi se produisent à mesure que l’équipe avance. Une fois prête, l’équipe fera la démonstration d’une mise en œuvre cohérente et rodée de la gestion de crise. Un bilan final est essentiel pour souligner les points à améliorer et célébrer les réussites.

Autres exemples d’application de cette théorie

Un autre exemple d’utilisation des cinq étapes de Joplin est le cadre pour un modèle de résident.e.s-enseignant.e.s. La définition claire des étapes de l’enseignement centré sur l’apprenant.e permet aux enseignant.e.s débutant.e.s (résident.e.s) d’adopter une approche d’enseignement plus réfléchie. Ainsi, les résident.e.s sont en mesure d’acquérir de l’expérience dans la maîtrise des sujets qu’ils enseignent et d’appliquer la métacognition des styles d’enseignement efficaces.

Limites de cette théorie

Le modèle en cinq étapes de Joplin est clair, réfléchi et centré sur l’apprenant.e, mais exigeant pour l’enseignant.e. Il ne faut pas prendre à la légère le temps et les efforts requis pour créer des expériences pertinentes et préparer la rétroaction et le bilan qui correspondent à l’expérience initiale. Pour être efficace, le modèle en cinq étapes de Joplin exige du temps et de l’intentionnalité. L’utilisation du modèle de Joplin peut se révéler impossible dans l’enseignement par quart, étant donné qu’on peut rarement soumettre un.e patient.e à plusieurs itérations d’une technique.  Du point de vue de l’apprenant.e, il peut être épuisant d’apprendre dans ce modèle, ce qui va à l’encontre de l’objectif même de l’enseignement centré sur l’apprenant.e. Il est important de favoriser l’adhésion de l’apprenant.e et de reconnaître tôt que les cycles rapides d’observation et de rétroaction peuvent entraîner une certaine usure. Les vérifications fréquentes sont importantes, et l’enseignant.e doit créer un climat d’apprentissage favorable pour que l’apprenant.e puisse travailler de façon autonome avec moins d’intrusions.

Retour à l’étude de cas

Les résident.e.s ont réalisé que l’expérience à elle seule ne suffisait pas pour apprendre à placer des cathéters veineux centraux et qu’ils avaient besoin qu’un.e enseignant.e leur dise ce qui était bien ou mal fait. Lorsque l’enseignante est arrivée, elle a utilisé le modèle en cinq étapes de Joplin afin de favoriser la réflexion à chaque étape du cycle. Cela a encouragé les résident.e.s à développer leurs compétences à chaque étape du processus. La canulation d’une veine n’est pas une question de chance. Un.e enseignant.e expérimenté peut guider le processus et renforcer les compétences techniques à chaque étape. L’enseignante a offert un soutien personnalisé à chaque apprenant.e. Elle a fourni une rétroaction précise sur le moment ainsi que des mesures correctives appropriées. L’enseignante a fourni du soutien pour favoriser la réalisation réussie de chaque tâche. À la fin de l’atelier, chacun.e des apprenant.e.s se sentait confiant.e quant à ses compétences et a été en mesure de démontrer sa maîtrise de la technique. L’enseignante a ensuite tenu une séance-bilan pour discuter des scénarios et offrir des conseils de dépannage. Les ateliers de simulation sont un excellent moyen d’enseigner les compétences techniques, particulièrement en utilisant le modèle d’apprentissage expérientiel en cinq étapes de Joplin.

Références

1. Andreasen, R. J., et C. Wu. « Study abroad program as an experiential, capstone course: A proposed model », Journal of International Agricultural and Extension Education, 1999, vol. 6, n^o 2, p. 69-78.
2. Joplin, L. « On Defining Experiential Education », Journal of Experiential Education, 1981, vol. 4, no 1, p. 17-20.
3. Kolb, D. A. Experiential learning: Experience as the source of learning and development, Upper Saddle River (New Jersey), Prentice Hall, 1984.
4. Torock, J. L. « Experiential learning and cooperative extension: Partners in non-formal education for a century and beyond », Journal of Extension, [En ligne], 2009, vol. 47, n^o 6. [https://archives.joe.org/joe/2009december/tt2.php].