L’histoire d’Ella et Olivia

Profil d’Ella et d’Olivia

Étude de cas adaptée de :

National Center for Case Study Teaching in Science

Sarah A. Wojiski

Faculté des Arts et des Sciences

Massachusetts College of Pharmacy and Health Sciences, Boston

Au cours de son premier mariage avec une femme d’origine afro-canadienne, Paul a adopté des jumelles identiques, Ella et Olivia. Les filles, d’origine asiatique, ont 5 ans lors du divorce de leurs parents adoptifs. Depuis cette rupture, Paul voit ses filles sporadiquement. Ella est inscrite en première année d’université à l’extérieur de la région. Aujourd’hui, elle prend un autobus pour se rendre chez sa mère et y passer quelques jours en compagnie de sa mère et de sa sœur à l’occasion de l’Action de grâces et de la semaine de congé qui suit. Ella entend rendre une petite visite à son père et à sa nouvelle famille pendant son séjour.

Lorsqu’elles étaient jeunes, Ella et Olivia étaient heureuses et inséparables. Toutefois, les choses ont changé récemment. Ella s’inquiète pour sa sœur, qui connaît des problèmes de santé mentale depuis plus d’un an et demi. Ella ne peut s’empêcher de se demander si ces mêmes problèmes la guettent, compte tenu de la génétique identique des jumelles.

Diagnostic

Ella regarde le paysage qui défile le long de l’autoroute. La jeune femme se remémore le moment où sa mère lui a annoncé la mauvaise nouvelle, en juin dernier : « Olivia a reçu un diagnostic de schizophrénie ».

Clairement, depuis plus d’un an, quelque chose ne va pas. Les comportements d’Olivia sont devenus méconnaissables : elle a quitté soudainement un emploi qu’elle aimait; elle semble renfermée et démotivée; elle a décidé de ne pas s’inscrire à l’université, malgré les efforts d’Ella et de sa mère pour la convaincre du contraire. Cela dit, après son départ pour l’université, Ella n’a pu être témoin du déclin encore plus prononcé des derniers mois. Olivia est en proie à des hallucinations et ne parvient plus à tenir une conversation cohérente avec sa mère ou sa sœur.

Après avoir appris le diagnostic de sa sœur, Ella a effectué des recherches pour en savoir plus sur la schizophrénie. Ce qu’elle a appris la préoccupe énormément. En effet, la schizophrénie peut être de nature héréditaire. Des études indiquent que les frères et sœurs d’une personne schizophrène ont 10 fois plus de risques d’en être atteints à leur tour comparativement aux membres de la population en général. Ella s’inquiète pour sa propre santé mentale. Elle entend consacrer une partie de sa semaine de congé universitaire à approfondir ses recherches sur la maladie.


« Identiques » à quel point?

Deux jours après son arrivée à la maison, Ella ne trouve toujours pas de répit. Le diagnostic d’Olivia et son propre risque de maladie mentale occupent toutes ses pensées. Un soir, après le souper, Ella se confie à sa mère au sujet de son anxiété. « Je comprends parfaitement tes inquiétudes, lui répond sa mère. Tu as toutes les raisons de vouloir tirer les choses au clair. Pourquoi ne pas prendre rendez-vous avec un psychiatre? » Il n’en fallait pas plus. Ella prend un rendez-vous dès le lendemain.

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À sa sortie du cabinet du Dr Jacobson, Ella se sent soulagée. Sur le chemin du retour, elle rejoue sa conversation avec le psychiatre dans son esprit.

« C’était une sage décision de venir me voir, explique le Dr Jacobson. Il est parfaitement normal de t’inquiéter pour toi-même, puisqu’on a diagnostiqué une schizophrénie chez ta jumelle identique. Les recherches montrent que la schizophrénie est héréditaire à près de 50 %. Comme vous partagez un ADN presque identique, il y a effectivement un risque plus élevé. »

« Je suis conscient que ce 50 % peut sembler effrayant, mais il faut garder en tête que la schizophrénie est une maladie très complexe et que ses causes découlent à 50 % d’autres facteurs que la génétique. »

« Comme quoi? Qu’est-ce qui pourrait contribuer à la schizophrénie d’Olivia sans nécessairement m’affecter? », demande Ella.

Le psychiatre lui donne une réponse détaillée : « Tout d’abord, de très nombreuses influences environnementales jouent un rôle dans cette maladie, comme le stress, l’anxiété ou des relations interpersonnelles difficiles. De nouvelles percées scientifiques suggèrent que l’environnement pourrait jouer un rôle en agissant sur l’ADN au niveau moléculaire. Il s’agit du concept d’épigénétique. Un exemple dans la nature est le chat calicot. Chacun de ces chats possède un pelage orange et noir unique en raison de modifications épigénétiques dans les cellules qui produisent la couleur du pelage. Les recherches en épigénétique suggèrent que des personnes atteintes de schizophrénie présentent certaines de ces modifications épigénétiques de leur ADN. Ces modifications pourraient s’expliquer par des influences environnementales, et jouer un rôle dans le développement de la maladie mentale. »

« Un instant, rétorque Ella. Logiquement, j’aurais les mêmes modifications génétiques que ma sœur dans mon ADN, n’est-ce pas? »

« Pas nécessairement. Olivia et toi avez connu des environnements différents. Par exemple, vous avez eu des enseignants et des emplois différents au secondaire. À l’enfance, tu as passé plusieurs étés avec une amie et sa famille dans les Rocheuses, tandis que ta sœur était inscrite à un camp de natation. Votre vie n’a pas été identique. Si ce sujet t’intéresse, je peux te proposer de la documentation plus détaillée. »

La curiosité d’Ella est piquée. Elle rapporte les articles pour les lire à tête reposée.


L’épigénétique, de quoi s’agit-il au juste?

Ella a l’impression d’être de retour sur les bancs d’école. Plus elle lit, plus elle est fascinée. L’étudiante consacre plusieurs heures par jour à approfondir ses recherches sur Internet. Ella a déjà étudié les principes de la génétique dans son cours de biologie et comprend l’essentiel des lois de Mendel. Cela dit, l’épigénétique porte le concept d’hérédité à un autre niveau. Ella est particulièrement fascinée par un article concernant les différences épigénétiques entre les jumeaux identiques. L’article propose qu’au cours de la vie, des changements épigénétiques se produisent dans l’ADN. Ces changements influencent l’expression des gènes et, par conséquent, l’expression ou non de traits particuliers. Ces modifications épigénétiques sont influencées par l’environnement et les comportements. Ainsi, malgré un ADN identique, les jumeaux ne présentent pas toujours les mêmes modifications épigénétiques et, par conséquent, n’expriment pas toujours les mêmes traits.

Case Key Words

Mots-clés : Système nerveux central, épigénétique, hérédité, santé mentale, schizophrénie

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Études De Cas Polyvalentes En Sciences De La Santé Copyright © 2024 by Laura Banks; Elita Partosoedarso; Manon Lemonde; Robert Balogh; Adam Cole; Mika Nonoyama; Otto Sanchez; Sarah West; Sarah Stokes; Syed Qadri; Robin Kay; Mary Chiu; and Lynn Zhu is licensed under a Creative Commons Attribution-NonCommercial-ShareAlike 4.0 International License, except where otherwise noted.

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