12 Étude de cas 11 : Shova et Anant

Profil   Femme Homme
Nom Shova Anant
Âge au moment du mariage  23 25
Âge*  38 40
Pays d’origine Inde Inde
Religion Hindou Jaïn
Éducation Premier cycle universitaire Premier cycle universitaire
Connaissance de l’anglais Bon niveau Bon niveau
Emploi avant la migration Architecte d’intérieur Possède une entreprise d’importation et d’exportation en Inde
Emploi Commerce de détail Propriétaire d’une société
Catégorie d’immigration Permis de travail temporaire (2007) Résidence permanente au titre du programme de visa pour démarrage d’entreprise en 2009 Permis de travail temporaire (2007) Résidence permanente au titre du programme de visa pour démarrage d’entreprise en 2009
Statut d’immigrant* Résident permanent (2009) Résident permanent (2009)
Nombre d’années de mariage* :  15
Enfants* :
  • Fils : Aditya (13 ans, citoyen indien)
  • Fils : Arjun (7 ans, citoyen canadien)

* Au moment du dépôt de la demande auprès de la Cour de la famille

 

 Parcours avant la migration

En Inde, Shova travaillait comme architecte d’intérieur et hôtesse dans un grand aéroport international. Anant possédait une entreprise d’import-export en Inde. Il a développé cette entreprise en immigrant au Canada. Shova a travaillé pour l’entreprise de son mari : elle exerçait des fonctions dans la vente et le marketing en Inde et au Canada. Après leur mariage, Shova et Anant ont vécu dans la famille élargie d’Anant (16 personnes). Leur mariage était assorti de deux conditions : Shova devait renoncer à manger de la viande, des oignons et de l’ail (interdit par la religion) et elle devait rompre tous les liens avec sa famille. Anant était un pratiquant convaincu de la religion jaïne. Par respect pour les croyances de son époux, Shova a renoncé à manger de la viande à partir de leur mariage. Mais Anant a toujours soupçonné sa femme de ne pas respecter cet engagement.

Dès le début, le mariage était instable, car Shova n’était pas jaïne et elle venait d’une communauté qui mangeait de la viande, des oignons et de l’ail. Un après leur mariage, Anant a agressé une première fois Shova. Puis Anant et sa famille ont voulu annuler le mariage afin qu’il puisse épouser quelqu’un de la communauté jaïne. Ils ont demandé à Shova de quitter le domicile conjugal et de retourner chez ses parents. Après discussion entre les familles élargies, le couple s’est réconcilié. Toutefois, les mauvais traitements physiques, psychologiques, verbaux et sexuels se sont poursuivis.

Peu après, Shova est tombée enceinte. Elle a été admise deux fois à l’hôpital durant sa grossesse. La première fois, Anant lui avait donné un coup de pied et l’avait forcé à dormir à même le sol en marbre froid. La seconde fois, Anant l’avait poussé dans une baignoire, en l’accusant de ne pas l’avoir nettoyé : Shova souffrait de contusions abdominales. Le cousin d’Anant l’a conduite à l’hôpital où elle est restée pendant cinq jours dans l’unité de soins intensifs pour surveiller l’état de santé du fœtus. Shova a informé son médecin de l’incident et Anant a reçu l’ordre de ne pas se rendre à l’hôpital. Lorsque la famille de Shova a demandé des explications à Anant à propos de son comportement, il s’est montré agressif et irrespectueux envers eux.

Shova a donné naissance à son enfant en 2002. L’hôpital a alors décidé de prendre des mesures de sécurité pour éviter qu’Anant ne prenne le bébé. Mais cette menace ne s’est pas réalisée. Durant les premières années de la vie de son fils, Shova a voyagé fréquemment aux États-Unis pour aider Anant à développer son entreprise. Cinq ans plus tard, Shova et Anant ont immigré au Canada avec un visa de travail temporaire en 2007 et un titre de résident permanent dans le cadre du programme de visa pour démarrage d’entreprise en 2009. Ils ont immédiatement ouvert une filiale au Canada de leur entreprise d’import-export indienne. Shova a repris ses activités de vente et de marketing dans la nouvelle structure.

 

Installation au Canada

Shova a commencé à travailler à temps partiel pour une grande chaine de magasins de bricolage tout en contribuant à l’entreprise familiale qui ne fournissait pas encore de revenus stables. Elle devait aussi s’occuper de toutes les tâches domestiques et de l’éducation des enfants. À l’époque, le couple ne possédait qu’une seule voiture et Shova devait marcher une demi-heure dans la nuit froide, quand Anant oubliait de venir la chercher. Elle communiquait rarement avec sa famille en Inde, car Anant limitait ses contacts avec eux. Elle n’avait pas non plus d’amis, car Anant les faisait fuir par son contrôle de tous ses faits et gestes de sa femme. Un an après son arrivée au Canada, Shova a donné naissance à son deuxième fils. L’accouchement difficile a nécessité une césarienne. Anant n’a apporté aucune aide et ne s’est pas intéressé à la santé de sa femme et du bébé. Toute l’attention d’Anant était consacrée à son entreprise. En 2009, le couple a loué un terrain pour développer ses activités. Tous les salaires perçus par Shova dans son emploi de vendeuse ont été absorbés par l’entreprise familiale. L’année suivante, le couple a acheté une maison.

 

Violence domestique

Dès le début de leur mariage, Anant s’est montré violent avec son épouse. Il l’a accusé à tort d’avoir une liaison extraconjugale. Shova n’a jamais parlé de ces mauvais traitements, car Anant était respecté dans la communauté. Elle souhaitait préserver sa réputation. La situation a empiré lorsque Shova a été promu à un poste de cadre à plein temps en 2012. Après en avoir discuté avec Anant, elle a accepté les nouvelles responsabilités associées à cette promotion. Le contrôle exercé par Anant s’est alors intensifié. Il l’appelait ou passait la voir plusieurs fois par jour à son travail, ce qui perturbait son activité et énervait ses collègues. Il lui imposait un contrôle total de ses finances en surveillant toutes ses dépenses, ses investissements et ses cartes de crédit. La pression exercée par la surveillance d’Anant, son emploi du temps surchargé (salarié et domestique) et le soin apportés aux enfants est devenue trop forte : Shova a été hospitalisée pour une paralysie temporaire due au stress.

En 2013, Shova et Anant ont vendu leur première maison pour acheter une nouvelle maison. Les enfants ont été scolarisés dans un nouvel établissement. Peu après le déménagement, Anant a violemment battu leur fils aîné au point de lui laisser des marques sur le visage. Quelques jours plus tard, leur fils cadet a raconté à l’école ce qui s’était passé. L’école a appelé Shova et lui a dit qu’il était de sa responsabilité de protéger ses enfants. Après une visite de la SAE au domicile familial, Anant a cessé de maltraiter physiquement ses enfants tout en continuant à les agresser verbalement. Sur recommandation de la SAE, les garçons ont bénéficié d’un soutien psychologique.

En 2014, Anant a agressé physiquement Shova si violemment qu’elle avait marchait difficilement après deux jours d’arrêt de travail. La dispute avait éclaté, car Anant voulait que sa femme porte une robe avec un décolleté plongeant pour assister à un événement professionnel. Lorsque celle-ci a refusé, il l’a frappée et jetée contre des étagères. Il a déchiré ses vêtements jusqu’à ce qu’elle accepte de porter ce qu’il voulait. Bien qu’elle ait été blessée au cours de cette altercation, elle a décidé de ne pas aller chez son médecin et de retourner à son travail après un congé de deux jours. Après avoir tenté de dissimuler sa douleur à ses collègues, sa conduite a éveillé les soupçons d’un collègue de travail, qui a signalé le mauvais traitement au bureau des ressources humaines de l’entreprise. On lui a conseillé d’appeler une ligne d’assistance téléphonique pour obtenir de l’aide et des conseils. En novembre 2014, Anant a apposé frauduleusement et à l’insu de Shova le nom de celle-ci sur les documents de constitution d’une nouvelle société. Au cours des années suivantes, il a continué à utiliser illégalement le nom de Shova dans un but lucratif.

En février 2015, le couple a eu une violente dispute et Anant a chassé Shova de la maison. À cette occasion, Anant a menacé Shova de la tuer si jamais elle revenait. Encore sous le choc, elle est allée travailler et a appelé Anant toute la journée, car elle était préoccupée pour la sécurité des enfants. Anant a ignoré ses appels téléphoniques. Elle a trouvé un logement provisoire chez une amie, car elle ne se sentait pas en sécurité chez elle. Dans les semaines qui ont suivi, Anant a essayé de la faire revenir à la maison. En avril 2015, il a menacé de se suicider par overdose et lui en fait porter la responsabilité. Ce soir-là, elle a rendu visite à ses enfants, mais Anant s’est jeté sur elle. Il a brandi un couteau et a menacé de la tuer et de se tuer. Effrayée, elle a appelé le 911. La police est arrivée et Anant a été transféré à l’hôpital, mais aucune charge n’a été retenue contre lui. Les enfants étaient traumatisés par la scène à laquelle ils avaient assisté et Shova a décidé de les emmener avec elle pour une nuit. Le lendemain, Anant est sorti de l’hôpital et il est allé chercher les enfants à l’école. Les enfants ont commencé à communiquer en cachette avec leur mère.

Au début de la séparation, Anant avait vidé le compte bancaire commun et interdit à Shova de revenir. L’absence de Shova au sein du foyer conjugal se faisait sentir. Le garçon le plus âgé, qui avait douze ans à l’époque, assumait souvent le rôle de parent de substitution pour son frère cadet ; il devait lui administrer ses médicaments en cas de besoin.

Shova et Anant ont alors négocié un accord informel sur le rôle parental de chacun. Shovan, qui vivait à l’extérieur, devait se rendre au foyer conjugal pour réveiller les garçons et les aider à préparer leur journée. Elle devait s’occuper des affaires scolaires, préparer les déjeuners, faire la lessive, nettoyer la maison et déposer les enfants à l’école. Elle pouvait leur rendre visite certains soirs, mais elle ne pouvait pas voir les enfants chez elle ou les garder les fins de semaine.

 

Résolution

Anant a reproché à Shova d’avoir abandonné ses enfants. Shova a sollicité l’aide d’un avocat et demandé la garde conjointe des enfants, y compris une pension alimentaire pour les enfants et pour le conjoint. Shova a demandé au Bureau de l’avocat des enfants d’intervenir dans cette affaire pour défendre les intérêts des enfants. Sa demande a été acceptée. En 2016, la cour a accordé la garde conjointe aux deux parties avec le domicile du père comme résidence principale. Le problème des biens a été résolu par le biais d’un règlement financier. Anant et Shova vivent actuellement avec de nouveaux partenaires.

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Violence Domestique dans les Communautés d’Immigrants: Études de Cas Copyright © 2021 by Ferzana Chaze, Bethany Osborne, Purnima George and Archana Medhekar is licensed under a Licence Creative Commons Attribution - Pas d’utilisation commerciale - Pas de modification 4.0 International, except where otherwise noted.

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