23 Le b.a.-ba du récit de recherche

Rédiger un récit de recherche est un art, un exercice narratif visant à plonger le lectorat dans un monde d’enquête et d’exploration. L’introduction est le premier chapitre. Elle brosse un tableau de votre travail selon le prisme des connaissances actuelles. Vous y présentez les principaux thèmes, les lacunes majeures ciblées par votre recherche et la pertinence de votre cheminement. En tant que candidate au doctorat ayant fait de la recherche au premier cycle et au cycle supérieure, et à titre de mentore, j’ai eu l’occasion de lire bon nombre de chapitres d’introductions de thèses. Grâce à ce point de vue unique, j’ai su estimer pleinement la valeur de l’art de l’approche narrative universitaire. C’est pourquoi je fais part de mes conseils aux personnes qui sont sur le point de ficeler leurs propres récits de recherche.

Capter l’intérêt du lectorat

Le premier paragraphe de votre thèse doit éveiller l’attention du lectorat en présentant une vue d’ensemble du thème de votre sujet. Peaufinez votre introduction et braquez davantage les projecteurs en ajoutant des résultats de recherche, des données et citations pertinentes provenant de sources fiables comme des organismes gouvernementaux, des groupes professionnels nationaux ou internationaux ou de sommités de votre domaine. Pour mettre de l’avant la pertinence de votre étude, situez le contexte de la recherche au moyen de mises en situation courantes, en soulignant l’utilité pratique. Si vous analysez par exemple les mécanismes de contrôle sélectif de l’attention, décrivez un scénario dans lequel l’attention sélective est cruciale, comme la nécessité de porter attention à des stimuli pertinents en voiture. En plus de capter l’attention du lectorat, une telle approche étaie clairement les possibilités d’application et votre recherche.

Proposer un survol guidé (facultatif)

Proposer une feuille de route est une stratégie bien pensée pour donner au lectorat un avant-goût du sujet de votre thèse. Ce bref paragraphe propose un survol guidé, décrit la structure narrative de l’introduction et précise la quantité d’information. Par exemple, vous pouvez indiquer que la lecture commence par une vue d’ensemble du champ ou du domaine, préparant ainsi le terrain pour l’objet de l’étude. Ensuite, présentez un contenu limité aux domaines propres à votre recherche et faites un tour d’horizon de l’étude proposée et des objectifs.

Une telle feuille de route est essentielle pour clarifier le propos de l’introduction, car elle renforce considérablement la compréhension en situant votre recherche dans le contexte dès les premières lignes. Elle est une balise qui oriente au cours du premier contact avec le domaine avant d’explorer les propriétés de la question de recherche, la raison d’être de l’étude et la pertinence du travail dans le cadre de conversations universitaires plus larges. Proposer un plan structuré favorise la transition pour le lectorat en permettant de saisir la portée et le bien-fondé de votre recherche dans le paysage de connaissances actuelles. Ce faisant, votre introduction ne sera pas un simple regroupement de paragraphes. Il s’agira d’un discours narratif cohérent qui évolue logiquement du général au particulier et jette par le fait même les bases pour les discussions approfondies qui suivent.

Planter le décor

Tout comme un roman s’articule minutieusement autour de l’intrigue, votre introduction doit présenter clairement votre domaine de recherche. Profitez de l’occasion pour mettre de l’avant votre maîtrise du sujet choisi en rédigeant un résumé détaillé des connaissances actuelles. Inspirez-vous du corpus (textes que vous lisez hebdomadairement) pour offrir au lectorat une vue d’ensemble des thèmes explorés, faisant actuellement l’objet de recherche et des réalisations à accomplir pour améliorer le domaine. Présentez d’abord le domaine ou le champ d’études dans son ensemble afin d’orienter le lectorat et mettre en relief l’importance de votre travail dans le cadre de conversions universitaires plus larges.

Votre texte doit passer sans transition de l’exploration des aspects généraux au redoublement de l’attention sur le domaine propre à votre recherche. Il serait judicieux d’envisager que le lectorat ne connait pas le sujet pour ainsi élargir l’accès et favoriser la compréhension. Cependant, il faut trouver un équilibre avec le public cible, par exemple le responsable, en adaptant la portée et le détail de la discussion en conséquence.

D’ailleurs, clarifiez et expliquez les principales définitions et les concepts théoriques, dont ceux issus de la recherche fondamentale. Si vous jugez que les définitions existantes sont inadéquates ou insatisfaisantes après avoir exploré le corpus, n’hésitez pas à les affiner ou à proposer les vôtres, en signalant clairement votre contribution. En plus de traduire votre engouement envers le sujet, une telle approche privilégie un dialogue scientifique en proposant des interprétations conceptuelles affinées et clarifiées.

Appliquer l’approche de l’entonnoir : cibler le champ d’activité

Peaufinez progressivement votre objectif, en braquant les projecteurs sur le domaine distinct ou le champ d’activité de votre recherche. Il faut donc cibler rigoureusement des lacunes dans le corpus de connaissances actuelles à combler. Passer par une présentation générale vers une question de recherche précise est essentiel, car la méthode souligne la pertinence et la nécessité de votre recherche. Pour étayer votre recherche, vous devez avancer une justification convaincante des réalisations, en soulignant les retombées pour l’enrichissement de manière significative de la littérature scientifique existante. Pour ce faire, repérez d’abord une lacune ou une limite propre aux ouvrages actuels et illustrez la résolution ou l’amélioration proposées par votre étude. Évidemment, vous comprendrez que la structure narrative recommandée, du général au particulier, assure une transition naturelle vers la prochaine section suivante du document, à savoir vos méthodes. Cette orientation stratégique ne justifie pas seulement l’intérêt de votre recherche; elle la présente comme un ajout précieux au domaine, en soulignant les avantages à approfondir la compréhension ou à offrir un nouvel éclairage.

Formuler la ou les questions de recherche

Il est essentiel de formuler clairement la ou les questions de recherche ou les hypothèses, car elles forment la pierre angulaire de la thèse. Concises et ciblées, elles doivent cerner directement les lacunes et être le fil conducteur du récit.

Indiquez trois ou quatre principaux objectifs de recherche qui sous-tendent votre enquête et donnent une orientation précise à votre étude. Selon l’approche méthodologique, intégrez des questions connexes pour les études qualitatives ou des hypothèses pour les études quantitatives. Ces éléments découlent généralement de vos objectifs de recherche et forment une structure cohérente pour votre exploration.

Dans cette optique, les questions, hypothèses ou objectifs doivent être flexibles de sorte à être affinés à mesure que votre enquête progresse et que de nouveaux résultats émergent. Par exemple, si les premières observations donnent des résultats inattendus, vous pourriez concevoir des activités de suivi pour explorer davantage les divergences. Cependant, si aucune recherche immédiate ne fournit aucune explication, il n’est pas conseillé de modifier votre hypothèse Présentée en introduction. Au contraire, approfondissez les théories ou explications des résultats inattendus dans la section de discussion et mentionnez l’intérêt de poursuivre les travaux.

Cette approche adaptative, tout en assurant la rigueur et la transparence de votre recherche, favorise l’analyse de résultats imprévus sans compromettre le postulat initial. En formulant ainsi l’introduction, vous jetez des bases solides pour votre thèse et vous démontrez votre souci d’explorer de manière réfléchie et analytique la ou les questions, en vous adaptant à la nature dynamique de la recherche universitaire.

Décrire l’approche méthodologique

Après avoir placé votre recherche dans le contexte universitaire plus large et présenté votre étude comme une solution aux lacunes ciblées dans les ouvrages actuels, attardez-vous dans les dernières sections de l’introduction la recherche même. Présentez un sommaire de l’approche méthodologique. Cette vue d’ensemble est un élément essentiel, qui donne au public une vision claire de votre démarche pour combler les lacunes touchant les connaissances. Il faut donc trouver un juste milieu : fournissez suffisamment de renseignements pour montrer la démarche d’exploration de l’étude sur les questions mises en évidence dans l’introduction, sans pour autant avancer des explications détaillées, qui figurent surtout dans la section sur les méthodes.

Une présentation stratégique permet de saisir le lien entre les questions de recherche, les hypothèses et le choix méthodologique choisi. Elle brosse le portrait du plan, en offrant un survol de l’approche et de la portée de l’enquête. Ce faisant, vous offrez au lectorat une compréhension générale du postulat de votre recherche pour apporter des réponses pertinentes aux questions posées, préparant ainsi le terrain pour l’exploration détaillée dans les prochaines sections de la thèse.

De plus, mentionner à ce stade les prédictions basées sur vos hypothèses permet de mieux situer l’introduction et est une transition naturelle vers la section consacrée aux méthodes. En concluant l’introduction par des énoncés prospectifs, vous captez l’intérêt du public en plus d’instaurer les conditions idéales pour approfondir les méthodologies utilisées. Cette approche structurée assure que l’introduction place votre travail dans le contexte de recherche dans un cadre scientifique plus large et prépare le lectorat à l’analyse détaillée de votre approche méthodologique, renforçant ainsi la cohérence et la fluidité de votre thèse.

Laisser transparaître votre passion

Laissez transparaître votre passion en imprégnant votre introduction de vos motivations. Le ton et la curiosité authentiques enrichissent le récit et stimulent fortement l’attention du lectorat et l’intérêt envers votre travail. Une telle passion métamorphose une introduction ordinaire en un prologue attrayant et convaincant du parcours de recherche.

L’introduction est l’entrée en matière de la thèse, le premier contact avec le public, la première impression, la plus cruciale. C’est le préambule qui prépare le ton pour l’exploration complexe des idées et des découvertes qui suivent. Une introduction bien rédigée, teintée d’enthousiasme pour le sujet, captivera le public dès l’entame, et ce dernier plongera corps et âme autant que vous dans ce voyage.

En adoptant ces principes, vous pouvez concevoir une introduction qui respecte les normes universitaires les plus rigoureuses et qui trouve un écho profond auprès du public. Posez ainsi des fondements sérieux et intéressants pour le cheminement du récit de recherche, en donnant un avant-goût de découvertes à la fois instructives et passionnantes.

Ne pas laisser le public sur sa faim

Je soulève souvent en classe que le processus de réflexion n’est pas clairement mis en évidence dans les travaux universitaires. Je rencontre le même problème dans mes propres rédactions, qui découle d’une omission simple, mais omniprésente : lorsque des affirmations ou des arguments sont formulés, il est essentiel d’exposer le raisonnement en détail. Pour tout rédacteur et expert en la matière, les liens entre les idées peuvent sembler évidents, étant donné qu’ils les ont conçues et qu’ils comprennent intimement les interactions. De votre point de vue, vos écrits peuvent paraître fluides et cohérents. Or vous pourriez penser à tort que vos conclusions sont les seules interprétations possibles.

Néanmoins, il ne faut pas oublier que le public est composé de penseurs critiques dont le parcours et les domaines d’expertise peuvent être très différents des vôtres. Ainsi, laisser une partie de votre discours nébuleux peut conduire à des interprétations erronées, car le lectorat peut tirer des conclusions très différentes, ce qui brouille toute affirmation ultérieure. En fait, tout rédacteur doit se faire l’avocat du diable et réexaminer ses premières versions après un certain temps pour les revoir à travers un nouveau prisme. Cette pratique d’auto-évaluation et de recherche de commentaires externes sur vos projets est inestimable, car elle permet de cerner et de rectifier les domaines dans lesquels votre réflexion n’est peut-être pas aussi transparente qu’attendu.

De plus, mettez les bouchées doubles pour étayer votre raisonnement. Le public ne devrait jamais se questionner sur vos conclusions. En détaillant minutieusement les étapes de la réflexion, vous rendez le récit simple et compréhensible, ce qui favorise l’engouement d’un lectorat plus intéressé et mieux informé. La clarté renforce non seulement la cohérence de l’argumentation, mais aussi la force de persuasion de votre travail.

Comment procéder en cas d’expériences multiples

Dans les projets de thèse comportant plusieurs expériences, il est d’usage de présenter d’entrée de jeu une introduction générale, suivie de sections distinctes pour chaque expérience, chacune étant définie en conséquence (par exemple, « Expérience 1 », « Expérience 2 », « Expérience 3 ».) Les sections comprennent habituellement des sous-sections intitulées « Méthodes », « Résultats » et « Brève discussion », qui reflètent la structure détaillée de la thèse. Pour améliorer la compréhension, présentez chaque expérience par une courte introduction ciblée.

Un survol de 2 à 3 paragraphes ne dépassant pas une page à double interligne offre une vue d’ensemble de chaque expérience. Il doit bien résumer les objectifs, les méthodologies et les résultats attendus de chaque expérience, en les situant dans le cadre plus large de la thèse. Il sert entre autres de guide au lectorat dans les aspects uniques et la logique de chaque expérience, évitant de revenir à l’introduction générale pour saisir le contexte.

En intégrant des introductions concises, vous proposez une feuille de route intelligible pour le parcours expérimental. De plus, vous renforcez significativement la compréhension et l’intérêt du lectorat à l’égard de votre travail. Une telle technique structure la corrélation de chaque expérience aux objectifs généraux de la recherche, en mettant en évidence le cheminement méthodique et l’interconnectivité de vos travaux. D’ailleurs, cette approche permet d’alléger l’expérience du lectorat, rendant la thèse seulement plus cohérente et intelligible. L’ajout d’introductions concises est essentiel pour créer un flux narratif homogène, renforçant la progression logique de la recherche et soulignant les incidences des résultats.

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Rédiger des récits de recherche qui transcendent le jargon technique© par Sevda Montakhaby. Tous droits réservés.

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