Chapitre 4 : La lutte contre le racisme et la communication du personnel infirmier

Communication non-raciste dans le milieu des soins de santé

En tant que fournisseurs de soins de santé, nous nous sommes engagés collectivement à promouvoir la santé et le bien-être et à ne pas nuire aux autres. Cependant, les Noirs et les autres personnes racialisées peuvent avoir vécu des expériences exceptionnellement pénibles de racisme lorsqu’ils ont eu accès au système de santé ou y ont travaillé (Czyzewski, 2011; McGibbon, 2009).

En tant que fournisseurs de soins de santé et utilisateurs, nous avons tous des idées et des perspectives sur le monde fondées sur nos propres expériences, pensées et croyances, qui peuvent avoir une incidence négative sur nos interactions avec les autres (Trepagnier, 2001, p. 145). Nous devons tous prendre des mesures concrètes pour lutter contre le racisme et favoriser un environnement non-raciste (Ivey-Colson et Turner, 2020).

Le processus de lutte contre le racisme exige une sensibilisation constante à la façon dont vous communiquez– verbalement et non verbalement, y compris la communication écrite. Pensez aux mots que vous utilisez et aux gestes que vous posez. Plus tôt, nous avons discuté du pouvoir des mots – le silence est tout aussi nuisible. Votre silence ou votre inaction en dit long aux autres, qu’il s’agisse de vos patients, de votre famille ou des membres de votre équipe interprofessionnelle (Obasi, 2020).

Pendant vos communications avec les autres, vous devez également être conscient des différences d’autorité. Tenez compte des relations de pouvoir entre vous et les patients, les familles et la collectivité, ainsi qu’entre vous et vos collègues, les éducateurs et les gestionnaires. Les différences de pouvoir se manifestent selon l’âge, la culture, l’emplacement géographique, le sexe et les identités sexuelles et raciales, et elles peuvent recouper les expériences des personnes (voir le chapitre 1 sur l’intersectionnalité). Les personnes qui occupent des postes de direction ont une autorité; parce que leurs actions peuvent avoir des effets profonds et durables, elles doivent être conscientes de leurs propres préjugés et du racisme.

Le racisme n’est pas toujours évident à voir. C’est souvent secret, et vous pouvez avoir de la difficulté à trouver des façons d’y répondre, surtout dans les espaces professionnels. Les craintes d’être ciblé comme un problème au travail pourraient vous inciter à rester silencieux et discret, mais nos normes de pratique des soins infirmiers nous obligent à protéger la santé et la sécurité de ceux que vous soignez et avec qui vous interagissez (Ordre des infirmières et infirmiers de l’Ontario, 2019).

Examinons quelques exemples de racisme explicite, de microagressions, d’actions et d’inactions qui renforcent le racisme en milieu clinique. Comment pourriez-vous communiquer avec les autres lorsque vous répondez à ce genre de racisme dans un contexte clinique?

Scénarios

Parlons des trois scénarios suivants. Que feriez-vous à leur place? Il serait facile de garder le silence, mais si vous ne vous exprimez pas, l’environnement raciste et toxique perdure. Comment pourriez-vous défendre ces patients? Il est de votre devoir, en tant que professionnel de la santé, de démanteler le racisme et de favoriser un environnement exempt de racisme.

  1. Un garçon noir de 16 ans, qui porte un pantalon ample et un chandail à capuchon, se présente à l’hôpital avec sa mère, une mère monoparentale, et il souffre beaucoup. Il est admis à l’unité pour adultes où vous travaillez. Vous entendez des collègues dire des choses comme : « J’ai déjà vu des cas dans son genre. Il demande à avoir de la morphine. Je parie qu’il prend de la drogue. C’est pourquoi il demande de la morphine. Évaluons-le après avoir fini de voir nos autres patients. »
  2. Une musulmane assiste à son rendez-vous obstétrique avec son mari. Elle porte un hidjab (couvre-tête). Votre collègue infirmière vous demande de distraire le mari de la femme afin qu’elle puisse lui poser des questions sur sa situation à la maison et si elle est victime de violence conjugale. Votre collègue est convaincue que la patiente doit cacher des ecchymoses derrière son hidjab.
  3. Vous participez à une réunion d’équipe. Le gestionnaire répond à une plainte de la famille d’un patient, affirmant que la mère jamaïcaine a été ignorée parce qu’elle parle patois,, tandis que l’autre patiente dans le lit à côté de leur mère avait un interprète. Tout à coup, l’infirmière chargée de cette patiente dit : « Alors pourquoi ne parle-t-elle juste en anglais? Je ne comprends pas un mot de ce qu’elle dit! » D’autres sont d’accord et un autre dit : « Elle vit maintenant au Canada. Pourquoi ces gens ne peuvent-ils pas apprendre à parler anglais? Lorsque vous êtes au Canada, on fait comme les Canadiens! » Tout le monde est d’accord.

En tant qu’infirmier ou infirmière, vous avez la responsabilité de dénoncer et de trouver des moyens de lutter contre le racisme. Vous devez participer à des conversations difficiles. Voici quelques façons d’être un allié essentiel : présentez des pétitions pour avoir des ateliers informatifs sur la lutte contre le racisme, des ressources éducatives et des cours de lutte contre le racisme. De nombreuses organisations, y compris l’Association des infirmières et infirmiers du Canada (AIIC), l’Ordre des infirmières et infirmiers de l’Ontario (OIIO), l’Association des infirmières et infirmiers autorisés de l’Ontario (AIIAO) et l’Association canadienne de santé publique (ACSP), travaillent déjà à lutter contre le racisme et plus particulièrement contre le racisme envers les Noirs. Le racisme est une préoccupation en matière de sécurité, et votre participation peut appuyer leur travail de démantèlement du racisme au sein de notre système de santé.

Références

Campbell, J. (2007). Parallel space but disparate usage: Negotiating language use in a bilingual society. Caribbean Quarterly, 53(1-2), 95–103. https://doi.org/10.1080/00086495.2007.11672309

Ordre des infirmières et infirmiers de l’Ontario (2019). Norme d’exercice : Code de conduite. https://www.cno.org/globalassets/docs/prac/59040_code-of-conduct-fr.pdf

Czyzewski, K. (2011). Colonialism as a broader social determinant of health. International Indigenous Policy Journal, 2(1), 5. https://doi.org/10.18584/iipj.2011.2.1.5

Hassen, N., Lofters, A., Sinit, M., Mall, A., Pinto, A. D., et Rackal, J. (2021). Implementing anti-racism interventions in healthcare settings: A scoping review. International Journal of Environmental Research and Public Health, 18(6), 2993. https://doi.org/10.3390/ijerph18062993

Ivey-Colson, K. et Turner, L. (8 septembre 2020). 10 keys to everyday anti-racism: The founders of a new organization, the AntiRacist Table, suggest tools you can use to work against prejudice and inequality. Greater Good Magazine. https://greatergood.berkeley.edu/article/item/ten_keys_to_everyday_anti_racism.

McGibbon, E. A. (2009). Anti-racist health care practice. Canadian Scholars’ Press.

Obasi, C. (5 juin 2020). Silent racism: Why not speaking up becomes lethal for the collective. Harper’s Bazaar. https://www.harpersbazaar.com/uk/culture/culture-news/a32769018/silent-racism-george-floyd/.

Trepagnier, B. (2001). Deconstructing categories: The exposure of silent racism. Symbolic Interaction, 24(2), 141–163. https://doi.org/10.1525/si.2001.24.2.141