10 S’appuyer sur la défense d’une cause pour agir de manière éthique

Joan Wagner

Selon moi, avec sa richesse et son dynamisme, notre beau pays peut devenir un modèle de société juste dans laquelle chaque citoyen jouit de ses droits fondamentaux.

-Pierre Elliott Trudeau, 1968

Introduction

Le Code de déontologie de l’Association des infirmières et infirmiers du Canada vise à guider le personnel infirmier du Canada tout au long de sa carrière. Selon ce code, « L’éthique infirmière s’intéresse aux grandes questions sociales touchant la santé et le bien-être. Cela signifie que les infirmières et infirmiers s’efforcent de se tenir au courant des aspects de la justice sociale qui touchent les déterminants sociaux de la santé et le bien-être et de préconiser des améliorations dans ce sens » (AIIC, 2017, p. 4). La première partie du Code de déontologie décrit les responsabilités éthiques fondamentales de la pratique infirmière. Le Code de déontologie repose sur les relations professionnelles du personnel infirmier avec les personnes recevant des soins ainsi qu’avec les étudiants, les collègues infirmiers et les autres prestataires de soins de santé. Les sept valeurs primaires sont les suivantes :

  1. Fournir des soins sécuritaires et éthiques, avec compétence et compassion
  2. Promouvoir la santé et le bien-être
  3. Promouvoir et respecter la prise de décision éclairée
  4. Honorer la dignité
  5. Respecter la vie privée et protéger la confidentialité
  6. Promouvoir la justice
  7. Accepter l’obligation de rendre compte

La deuxième partie du Code de déontologie de l’AIIC « décrit les mesures que peuvent prendre les infirmières et infirmiers pour lutter contre les injustices sociales. La pratique infirmière respectueuse de l’éthique consiste à traiter des grands aspects de la justice sociale qui sont associés à la santé et au bien-être » (AIIC, 2017, p. 4). Un aperçu des responsabilités éthiques responsables du personnel infirmier converge vers la défense des intérêts, telle que dictée par le Code de déontologie de l’AIIC et nécessaire pour favoriser la santé optimale des citoyens du monde entier.

Objectifs d’apprentissage

  1. Apprendre l’importance de l’éthique dans le leadership infirmier.
  2. Décrire ce qu’est la défense des intérêts.
  3. Comparer l’approche militante à l’approche paternaliste dans la lutte contre les inégalités en santé.
  4. Étudier comment les responsables du personnel infirmier utilisent la défense des intérêts pour donner lieu à des changements qui s’attaquent aux inégalités en santé.
  5. Énumérer les différents types de pouvoir.
  6. Reconnaître le rôle que les responsables du personnel infirmier peuvent jouer dans l’action politique.
  7. Réfléchir à votre propre réaction au changement.

10.1 Intégration de l’éthique dans le leadership infirmier

Il incombe aux responsables du personnel infirmier d’intégrer les directives professionnelles (p. ex., le code de déontologie de l’AIIC) à l’éthique de leur organisme de soins de santé (p. ex., la mission, la vision, les valeurs) afin d’offrir des conseils sur l’éthique aux prestataires de soins. Par la même occasion, ils sont tenus d’analyser de manière critique les situations et de prendre les mesures appropriées en ce qui concerne les pratiques susceptibles de menacer la santé et la sécurité d’un patient. Les responsables du personnel infirmier doivent adopter des comportements justes et bienveillants qui favorisent le bien commun pour les bénéficiaires des soins ainsi que pour les étudiants, les collègues infirmiers et les autres prestataires de soins de santé. La citation suivante souligne le lien entre l’éthique et les patients : Le but ultime de l’éthique infirmière est de promouvoir le bien-être des patients par la prestation de bons soins infirmiers (Johnstone, 2017, p. 19). Les soins infirmiers éthiques et les bons soins infirmiers sont, par définition, des termes similaires qui décrivent les actions requises pour obtenir des soins de santé de qualité.

Des recherches récentes menées en Australie ont porté sur les principes éthiques qui guident le leadership dans la pratique infirmière clinique (Mannix, Wilkes et Daly, 2015). Elles ont révélé trois grands principes qui façonnent la pratique clinique au quotidien. Ces principes sont pertinents pour les prestataires et la pratique infirmière dans le monde entier. Les principes qui ont été examinés sont les suivants :

  1. Le personnel infirmier reste fidèle à ses convictions, en incarnant une pratique fondée sur des principes;
  2. Le personnel infirmier reconnaît que toutes les pratiques ne conviennent pas à tous les patients, ce qui permet de faire preuve de jugement éthique dans les situations ambiguës;
  3. Le personnel infirmier est ouvert aux préoccupations des gens et propose des solutions justes et équitables (Mannix et coll., p.1605).

Ces principes traduisent un sentiment de fierté à l’égard de la pratique infirmière, une volonté de défendre des pratiques qui répondent aux besoins de la patientèle et une compréhension de la manière de favoriser le changement en écoutant les gens et en leur donnant les moyens d’y participer. En vertu du Code de déontologie et des principes éthiques qui façonnent leur pratique quotidienne, les responsables du personnel infirmier sont tenus de défendre, au nom de leurs collègues et du grand public, des conditions de vie saines au sein de communautés saines.

10.2 Défense des intérêts

Figure 10.2.1 Défense des intérêts des étudiants à l’extérieur de l’édifice de l’Assemblée législative de la Saskatchewan

défense des étudiants, politique, activisme, formation en soins infirmiers

L’image « Photo Students Legislative Building, Nursing Education 2004 » du College of Registered Nurses of Saskatchewan est sous licence Creative Commons Attribution 4.0 International.

Le dictionnaire en ligne Merriam–Webster dictionary définit la défense des intérêts comme « l’acte ou le processus de soutien d’une cause ou d’une proposition [ou] l’acte ou le processus de défense de quelque chose ». Il convient d’examiner la manière dont l’AIIC décrit la défense des intérêts pour mieux comprendre la responsabilité de l’infirmière professionnelle en la matière :

La défense des intérêts consiste à inciter d’autres personnes à participer, à faire entendre sa voix et à rassembler des preuves pour influencer les politiques et les pratiques, autrement dit, à s’élever contre l’iniquité et l’inégalité. Elle implique une participation directe et indirecte aux processus politiques et reconnaît les rôles importants des preuves, du pouvoir et de la politique dans l’avancement des solutions politiques (AIIC, 2018).

Pour en savoir plus sur la défense des intérêts, consultez la page Web de l’AIIC intitulée Représentation et politiques.

Sensibilisation

La description courte, mais complète de la défense des intérêts par l’AIIC exige que l’infirmière professionnelle soit consciente de l’iniquité et de l’inégalité dans la pratique auprès de la patientèle, entre collègues et au sein des communautés locales, nationales et internationales. Un simple manquement aux pratiques exemplaires dans la pratique auprès des patients est un exemple d’iniquité ou de traitement injuste, p. ex., le traitement d’un ulcère chronique compliqué nécessite un pansement spécialisé, mais l’établissement de soins où le patient est traité n’a pas le pansement requis en raison de restrictions financières. Par conséquent, un pansement moins coûteux est utilisé et la cicatrisation est ralentie. L’infirmière responsable, compétente et respectueuse de l’éthique, comprend les conséquences d’un traitement inapproprié des plaies et est prête à prendre les mesures qui s’imposent pour respecter les pratiques exemplaires.

Elle est consciente de la nécessité de maintenir le moral et l’enthousiasme au travail du personnel des soins de santé. Contrairement aux actions décrites dans l’expression « le personnel infirmier mange ses petits », une infirmière responsable qui réussit encadre les nouvelles recrues en travaillant de pair les autres membres de l’équipe pour les intégrer et les aider à se réaliser pleinement dans la profession.

La conscience des responsables en ce qui a trait à la santé, au bien-être et à la justice sociale va au-delà du lieu de travail et s’étend à ses communautés locales, nationales et mondiales. Un leader s’efforce de favoriser une vie saine et le bien-être des personnes de tous âges, comme le prévoient les objectifs de développement durable des Nations Unies (OMS, 2015). Un responsable ne travaille peut-être pas directement avec chaque communauté, mais peut avoir une influence indirecte à grande échelle par des actions et communications axées sur la santé au sein de sa propre communauté.

Communauté, communication et action fondée sur des données probantes

La défense des intérêts nécessite l’engagement ou la participation de plusieurs personnes. Il ne s’agit pas d’un acte qui relève d’une seule personne. La personne responsable doit communiquer avec les autres et faire participer la communauté à la mise au point de plans et de solutions potentielles aux problèmes liés à la santé. Son habileté à accéder à la recherche pertinente garantit que les projets de défense des intérêts reposent sur des données probantes qui renforcent l’action communautaire.

Activité d’apprentissage essentielle 10.2.1

L’AIIC a mené une étude de milieu en 2016 pour cerner les préoccupations des Canadiens en santé. Les études de milieu permettent de cerner les principales tendances et questions susceptibles d’avoir une incidence sur les politiques et les programmes de l’AIIC et de ses membres, pour ainsi sensibiliser les leaders infirmiers au Canada. Les conclusions visent à éclairer la prise de décision stratégique du conseil d’administration de l’AIIC.

Lisez le résumé de l’étude de milieu de l’AIIC « June 2016 Environmental Scan Summary » et passez en revue les principales tendances et questions relatives aux soins de santé pour les Canadiens.

  1. Nommez et décrivez une tendance ou un problème dans chacune des catégories suivantes :
    •  Politique
    •  Économique
    •  Social
    •  Technologique
    •  Gestion
  2. Sélectionnez trois thèmes de l’étude de milieu de l’AIIC qui, selon vous, auront la plus grande incidence sur ses politiques. Justifiez le choix de ces trois thèmes.

10.3 Défense des intérêts des clients : La frontière ténue entre la défense des intérêts et le paternalisme

La défense des intérêts est irrévocablement liée au changement. En fait, la « défense d’une cause » suggère que les personnes et les communautés s’efforcent de promouvoir le changement. La littérature sur la défense des intérêts des patients offre davantage de renseignements sur le sujet.

Virginia Henderson a décrit la défense des intérêts comme le fait de fournir aux personnes des soins de santé qu’elles feraient elles-mêmes si elles avaient « la force, la volonté ou les connaissances nécessaires pour s’occuper d’elles-mêmes » (Halloran, 1996, p. 18). Cependant, d’autres théoriciens comme Kohnke (1982) ont suggéré que le rôle principal du prestataire qui participe à la défense des intérêts est d’informer le patient et l’aider à prendre des décisions. Gadow (1980) et Curtin (1979) ont mis en garde les prestataires de soins, affirmant que les professionnels ne peuvent pas décider ce qui est dans l’intérêt supérieur du patient s’ils ne comprennent pas les valeurs de ce dernier. Zomorodi et Foley (2009) ont en outre indiqué que la frontière ténue entre la défense des intérêts et le paternalisme peut être franchie (p. 1748) lorsque les patients sont incapables de communiquer ou d’être autonomes en raison d’une maladie ou d’intimidation.

Le paternalisme est défini comme l’annulation intentionnelle des préférences ou des actions connues d’une personne par une autre personne, lorsque cette dernière justifie l’action dans le but de bénéficier ou d’éviter de nuire à la personne dont la volonté est annulée (Johnson, cité dans Zomorodi et Foley, 2009, p. 1747). Le paternalisme est contraire aux valeurs exprimées par l’Organisation mondiale de la santé dans la Charte d’Ottawa pour la promotion de la santé (OMS, 1986), notamment où celle-ci affirme que toute personne a le droit de contrôler tous les facteurs qui contribuent à sa santé. Des auteurs récents soulignent que les patients ont le droit de prendre leurs propres décisions, même lorsque les soignants professionnels présents sont d’avis que ces décisions sont mauvaises (McKinnon, 2014; Zomorodi et Foley, 2009; Griffith, 2015; Risjord, 2013). Ce débat entre autonomie et paternalisme fait rage depuis des siècles. John Stuart Mill s’est clairement prononcé en faveur de l’autonomie il y a près de deux siècles :

La seule raison pour laquelle un pouvoir peut être légitimement exercé sur un membre d’une communauté civilisée contre sa volonté est d’empêcher que d’autres personnes ne subissent un préjudice. Son propre bien, physique ou moral, n’est pas un motif suffisant (cité dans McKinnon, 2014, p. 677 ).

10.4 Justice sociale et défense des intérêts

Le Code de déontologie de l’AIIC soutient le principe de justice sociale, lequel stipule que tous les peuples, sans discrimination, « ont le droit de vivre dignement et de jouir librement des fruits du progrès social, et doivent, pour leur part, contribuer à ce progrès » (Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, 1969, partie 1, article 1).

Les soins infirmiers éthiques abordent les aspects de la justice sociale qui sont considérés comme essentiels pour la santé et le bien-être des personnes, des communautés et des populations dans le monde entier. Selon l’AIIC,

la défense des intérêts désigne l’action de soutenir ou de recommander une cause ou une ligne de conduite, entreprise au nom de personnes ou d’enjeux. Elle est liée à la nécessité d’améliorer les structures sociétales et les systèmes afin d’accroitre l’équité et améliorer la santé de tous. Individuellement et collectivement, le personnel infirmier s’efforce de combattre les inégalités sociales pour les éliminer (AIIC, 2017, p. 5).

Les responsables du personnel infirmier œuvrent pour la santé de tous en s’efforçant d’obtenir les ressources fondamentales essentielles à la santé, quel que soit le système social, culturel ou économique dominant. Les ressources fondamentales dont toutes les personnes ont besoin sont la paix, un toit, une éducation, de la nourriture, un revenu, un écosystème stable, des ressources durables, de la justice sociale et de l’équité (gouvernement d’Australie-Méridionale et Organisation mondiale de la santé, 2017).

Il est important de se rappeler que les personnes en santé participent au développement social et économique de la communauté ou de la nation. La défense de la santé favorise les facteurs politiques, économiques, sociaux, culturels, environnementaux, comportementaux et biologiques qui améliorent la santé au lieu de la faire se dégrader. La gestion des facteurs qui déterminent la santé d’une personne permet à tout le monde de réaliser pleinement leur potentiel de santé (OMS, 2017).

Activité d’apprentissage essentielle 10.4.1

La défense de la justice sociale exige que nous nous penchions sur les inégalités sociales, tant au Canada qu’à l’étranger. Nombreux sont les groupes au Canada aux prises avec des inégalités sociales. Les populations autochtones, par exemple, ont été victimes de la colonisation pendant des siècles. Ce n’est que récemment que la population canadienne a pris conscience des problèmes liés aux pensionnats.

Veuillez regarder la conférence TEDx de Dawn Tisdale sur les conséquences des pensionnats sur les soins de santé autochtones (The Impact of Residential Schools on Aboriginal Healthcare, 13:04).

Après le visionnement, répondez aux questions suivantes sous l’angle de la justice sociale :

  1. Quelles sont les conséquences des pensionnats sur la santé des Autochtones?
  2. Quelles mesures ont été prises pour résoudre les problèmes de santé liés aux pensionnats?
  3. Quelles autres mesures recommanderiez-vous?

10.5 Pouvoir et défense d’une cause

Qu’est-ce que le pouvoir?

Des universitaires de nombreuses disciplines ont étudié le concept insaisissable du pouvoir. Hokanson Hawks (1991) lui a donné deux significations : (1) le pouvoir ou la capacité d’accomplir des choses, et (2) le pouvoir sur le comportement ou les décisions d’autrui ou la capacité de les influencer. La définition du pouvoir, celle que l’on trouve généralement dans les recherches sur le leadership, est la capacité d’accomplir des choses, de mobiliser des ressources, d’obtenir et d’utiliser tout ce dont une personne a besoin pour tenter d’atteindre les objectifs qu’elle s’est fixés (Kanter, 1993, p. 166). Le pouvoir est une force inhérente et personnelle qui entre en jeu lorsque les cliniciens influencent la prise de décision d’autrui en santé (Milton, 2016). Lorsque le pouvoir est défini comme la capacité d’accomplir des choses, il s’agit d’une ressource importante pour le personnel infirmier et elle mérite qu’on l’étudie à fond.

Sullivan (2013) a adapté la description classique du pouvoir social au point de vue des soins infirmiers. Selon MacPhee (2015), les cinq types de pouvoir social en soins infirmiers sont les suivants : (1) le pouvoir personnel d’après la réputation et la crédibilité d’une personne; (2) le pouvoir d’expert [notamment la possession de compétences et de connaissances] dont les autres ont besoin (p. 188); (3) le pouvoir lié au rang qui découle du poste occupé au sein d’un organisme ou groupe; (4) le pouvoir perçu lié au statut d’une personne puissante; et (5) le pouvoir lié aux contacts qui découle d’une association avec des personnes puissantes ou des liens entretenus avec eux. Les leaders infirmiers qui comprennent ces versions du pouvoir social, adaptées aux soins infirmiers, peuvent comprendre la dynamique du pouvoir qui influence la prise de décision en milieu de travail.

Cependant, la complexité croissante des organismes de santé exige que les leaders infirmiers envisagent le pouvoir sous d’autres angles. Certains auteurs envisagent le pouvoir comme s’il était dans les relations (Davidson, 2015). Davidson affirme que, par la nature même des êtres humains, les gens ont toujours des relations où une dynamique du pouvoir est en jeu. Stacey (2006, mentionné dans Davidson, 2015) souligne l’importance des relations en tant que pouvoir donnant lieu à des possibilités et à des limites :

Une personne qui souhaite établir et entretenir une relation avec une autre personne ne peut pas faire ce qu’elle veut. Dès le début d’une relation, des limites sont imposées par les deux parties… . et des possibilités s’offrent aux deux parties aussi (p. 134).

Udod (2008) s’appuie sur les travaux de Michel Foucault pour explorer le pouvoir du personnel cadre infirmier. Foucault indique aussi que le pouvoir n’est pas une propriété, mais plutôt une relation ou une situation… . . . Un pouvoir exercé par rapport à d’autres provoque des réactions et des effets (voir Udod, p. 81). Le pouvoir est considéré comme une stratégie, ce qui suggère que le personnel infirmier déploie des tactiques pour se conformer au pouvoir et éviter de le combattre. Enfin, le pouvoir ne se manifeste pas que dans les actions des leaders. Il se manifeste aussi dans les actions des personnes qui y résistent (pensons aux dénonciateurs). En résumé,

le personnel infirmier doit travailler avec le pouvoir plutôt que contre lui et reconnaître que sa tâche n’est pas de passer par-dessus les personnes plus puissantes que lui. . Il doit plutôt comprendre le fonctionnement du pouvoir et ses effets pour améliorer son sentiment d’autonomie et, par conséquent, sa pratique (Udod, 2008, p. 88).

Activité d’apprentissage essentielle 10.5.1

Lisez l’article suivant pour vous renseigner sur le pouvoir, puis répondez aux questions suivantes.

Davidson, S. J. (2015). Shifting the balance: Relationship as power in organizational life. Nursing Forum, 50(4), p. 258-264.

  1. Quelles sont les trois hypothèses qu’un rationaliste ou positiviste formule à propos du pouvoir?
  2. Quelles sont les limites de l’étude du pouvoir selon l’approche rationaliste ou positiviste?
  3. Quelle est la principale hypothèse sur le pouvoir dans l’utilisation de l’analyse des processus complexes de réaction?
  4. Pourquoi devrait-on étudier les relations de pouvoir dans les organismes et y porter attention?

Pouvoir et soins de santé pour les Autochtones

Reconnaître les conséquences de la colonisation et des pensionnats sur la santé et le bien-être des populations autochtones demande aux leaders infirmiers d’examiner attentivement le lien entre le pouvoir et les diverses populations et, plus particulièrement, la relation entre le pouvoir et la population autochtone. Les travaux de Foucault exigent que nous reconnaissions la façon dont les relations de pouvoir façonnent la production de la vérité (Macias, 2015, p. 225) et dont le discours définit et limite la liberté du sujet (p. 231). Foucault suggère également qu’un changement de discours peut donner lieu à la liberté.

Madeleine Dion Stout (2015), une locutrice du cri originaire de l’Alberta devenue infirmière autorisée il y a environ 46 ans, a travaillé pour améliorer la santé des Autochtones en changeant le discours sur le pouvoir. Elle a abordé le besoin pour les Autochtones de développer leurs propres déterminants de la santé, plutôt que d’accepter les valeurs de la société colonisatrice. Elle a expliqué avec grande éloquence, en cri et en anglais, comment les Autochtones feront pour reprendre leurs droits sur leur santé et leur bien-être. Selon ses propres dires :

kaskitamasowinmiýw-āyāwin est la santé et le bien-être que nous avons créé pour nous-mêmes. kaskitamasowinmiýw-āyāwin signifie l’état de santé que nous nous souhaitons, soit à nous-mêmes ainsi qu’à nos familles, collectivités et nations. Nous obtenons kaskitamasowin miýw-āyāwin par notre propre volonté, nos propres capacités et avec les ressources à notre disposition immédiate. kaskitamasowinmiýw-āyāwin provient de notre volonté intérieure, de nos forces intérieures et de nos voix intérieures (p. 145).

Les changements en matière de propriété de la santé et du bien-être des Autochtones deviennent rapidement de plus en plus évidents dans la relation entre Santé Canada et la population autochtone. Conformément aux souhaits des peuples autochtones du Canada de disposer d’un plan de santé qui répond à leurs besoins, le gouvernement du Canada a conçu le plan suivant : Soins à domicile et en milieu communautaire des Premières Nations et des Inuits (SDMCPNI) : plan décennal (2013-2023) (Santé Canada, 2015). Ce plan fournit un modèle de collaboration avec les partenaires des Premières Nations et des Inuits dans les soins de santé. Il sera mis à jour tous les ans ou au besoin. Le plan est conçu pour répondre aux besoins uniques des peuples autochtones et représente « [u]n continuum de services de soins à domicile et en milieu communautaire qui sont complets, sensibles à la culture, accessibles, efficaces et équivalents à ce que reçoivent les autres citoyens canadiens, et adaptés aux besoins particuliers des Premières Nations et des Inuits en matière de santé et de services sociaux. » (Santé Canada, 2015, p. 1).

Figure 10.5.1 Première infirmière autochtone dans le Nord de la Saskatchewan

Première infirmière autochtone, Saskatchewan

[janvier 1958], photo reproduite avec l’autorisation des archives provinciales de la Saskatchewan, Photographic Services Branch Collection, numéro de collection R-B6805. Tous droits réservés. À propos de la photo : Jean (Cuthand) Goodwill a été la première infirmière autochtone du Nord de la Saskatchewan. La photo a été prise au poste de soins infirmiers Indian Health à La Ronge, en Saskatchewan. Jean Goodwill et sa collègue Jocelyn Bruyere ont créé un registre du personnel infirmier autochtone, qui est devenu le registre canadien du personnel infirmier autorisé d’ascendance autochtone, et a ainsi jeté les fondations de la création de l’Association des infirmières et infirmiers autochtones du Canada en 1975.

10.6 Autonomisation et défense d’une cause

Les discussions sur l’autonomisation du personnel infirmier dans le milieu de la santé sont présentes dans l’ensemble de la littérature mondiale sur les soins infirmiers. L’autonomisation est le fait de donner officiellement l’autorité ou le pouvoir au sens de la loi de promouvoir le plein épanouissement ou son influence (inspiré de la définition du terme empowerment dans le dictionnaire Merriam-Webster, s.d.). Pour mieux comprendre le concept, tournons-nous vers la définition de Conger et Kanungo(1988) : processus par lequel on renforce les sentiments d’efficacité personnelle des membres d’une organisation en relevant les conditions qui favorisent l’impuissance et en les supprimant au moyen de pratiques organisationnelles officielles et des techniques officieuses permettant de fournir de l’information sur l’efficacité (p. 474). De nombreux.euses chercheur.euse.s infirmier.ère.s ont étudié ce concept pour tenter de mieux comprendre la relation entre l’autonomisation, les travailleurs et le milieu de travail.

Activité d’apprentissage essentielle 10.6.1

Des chercheur.euse.s infirmier.ère.s ont effectué de nombreuses études sur ce concept en milieu de travail. La Dre Heather Laschinger de l’Université Western en Ontario a joué un rôle important dans bon nombre de ces études.

Cherchez le terme « structural empowerment » et l’auteur « Laschinger » dans la base de données du CINAHL. Combien d’études trouvez-vous?

La Dre Laschinger est décédée en 2016. Cherchez des articles que des chercheur.euse.s infrmier.ère.s. canadien.ne.s auraient publiés après 2016 portant sur l’autonomisation des prestataires de soins aux patient.e.s, tels que les infirmier.ère.s, les ergothérapeutes et les aides-soignant.e.s. Combien d’études trouvez-vous?

Autonomisation structurelle

Bien des recherches sur l’autonomisation dans la littérature récente sur les soins infirmiers portent sur le travail ethnographique de Kanter (1993) sur l’autonomisation structurelle. Ce travail porte sur les aspects contextuels ou sociostructurels d’un organisme qui favorisent l’autonomisation. L’autonomisation structurelle signifie le partage du pouvoir et le transfert éventuel du pouvoir de décision des gestionnaires aux subalternes dans la hiérarchie organisationnelle. L’applicabilité du pouvoir partagé aux besoins des employés est la clé du succès de l’autonomisation structurelle qui permet aux employés de prendre des décisions liées à leur travail ou à leur rôle (Spreitzer, 2008).

L’autonomisation structurelle comporte quatre dimensions (Havens et Laschinger, 1997). Les employés d’un organisme profitent de l’autonomisation structurelle lorsqu’ils ont accès à ce qui suit : (1) des occasions (avancement ou nouvelles expériences); (2) de l’information (connaissances sur l’organisation nécessaires pour être efficace); (3) des ressources telles que l’équipement, les fournitures et le personnel nécessaires pour effectuer le travail quotidien; et (4) un soutien (de la part des collègues et des supérieurs, si nécessaire, pour accomplir le travail et prendre des décisions). L’accès à l’autonomisation structurelle se fait par le biais du pouvoir officiel (le poste d’une personne dans l’organisation) et du pouvoir officieux (réseaux et alliances avec les superviseurs, les pairs et les collègues, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’organisation). La présence des dimensions structurelles des occasions, de l’information, des ressources et du soutien fait que l’effectif devient autonome, est satisfait au travail et demeure en poste (Wagner et coll., 2010).

Autonomisation psychologique

L’autonomisation psychologique est un autre point de vue de l’autonomisation que l’on trouve dans la littérature récente. Elle porte davantage sur des aspects plus petits que l’autonomisation structurelle, notamment sur l’autonomisation psychologique d’une personne ou sur ses perceptions du pouvoir; Spreitzer (2008) parle des réactions d’une personne aux structures, politiques et pratiques avec lesquelles il doit travailler (p. 55). L’autonomisation psychologique ne porte pas sur le fait de partager le pouvoir organisationnel du gestionnaire, mais plutôt sur la façon dont les employés expérimentent leur travail. L’autonomisation psychologique se compose des éléments suivants : (1) le sens (l’adéquation entre les exigences du travail et les idéaux ou les standards de la personne); (2) la compétence (la confiance d’une personne dans sa capacité à accomplir correctement le travail demandé); (3) l’autodétermination (le sentiment de contrôle sur son travail); et (4) les retombées (le sentiment d’avoir une incidence sur les résultats importants au travail) (Spreitzer, 2008).

Activité d’apprentissage essentielle 10.6.2

On estime que l’autonomisation structurelle et l’autonomisation psychologique sont étroitement liées dans le milieu des soins de santé. Les leaders qui comprennent et mettent en œuvre des changements fondés sur la théorie de l’autonomisation structurelle peuvent apporter des changements positifs dans les milieux de travail. Lisez la revue systématique suivante pour bien comprendre, puis répondez aux questions suivantes.

Wagner, J., Cummings, G., Smith, D. L., Olson, J., Anderson, L. et Warren, S. (2010). The relationship between structural empowerment and psychological empowerment for nurses: a systematic review. Journal of Nursing Management, 18 (4), p. 448-462.

  1. Quel est le lien entre l’autonomisation structurelle et l’autonomisation psychologique?
  2. Pourquoi les auteurs de cette revue systématique pensent-ils qu’il n’y a aucun lien entre la sous-échelle de compétence de l’autonomisation psychologique et l’autonomisation structurelle globale dans l’exemple du personnel infirmier cadre de l’Ontario?
  3. Pourquoi les auteurs recommandent-ils aux leaders de déléguer ou décentraliser le pouvoir officiel?

Théorie sociale critique et autonomisation

Les leaders en soins infirmiers sont également conscients de l’importance de la théorie sociale critique pour l’autonomisation en soins infirmiers. La théorie sociale critique s’efforce de faire prendre conscience de la manière dont la culture et les normes au quotidien contraignent les gens ou leur enlèvent tout pouvoir. Elle s’efforce de démanteler les obstacles oppressifs qui se révèlent dans les échanges qui comportent des valeurs et des normes cachées, lesquelles diffèrent en fonction de la situation et des participants (Sumner et Danielson, 2007). Selon Clune et Gregory, une personne qui remet en question le statu quo dans le monde social adopte une approche sociale critique (2015, p. 202).

Manias et Street (2000) décrivent quatre grands domaines théoriques de la théorie sociale critique :

  1. La théorie de la fausse conscience montre qu’un groupe de personnes peut entretenir un ensemble commun de fausses croyances (les personnes qui n’ont pas la peau blanche sont inférieures).
  2. La théorie de la crise exige que les gens examinent la façon dont leur mécontentement menace la cohésion d’une société (les actions terroristes de l’ÉIIS).
  3. La théorie de l’éducation selon laquelle les personnes reçoivent un avantage de la scolarisation (information sur les conséquences du terrorisme sur le bien-être des personnes).
  4. La théorie de l’action transformatrice qui s’appuie sur la préparation de plans pour changer les choses (l’OMS détermine des objectifs de développement durable).

La théorie sociale critique est importante pour le personnel infirmier qui est dans une relation de soins et de communication unidirectionnelle avec la patientèle. La majorité de la littérature sur les soins infirmiers parle des attentes de la patientèle à l’égard du personnel infirmier. Par contre, les besoins humains du personnel infirmier qui doivent être satisfaits dans sa relation avec la patientèle sont rarement, voire jamais, étudiés (Sumner et Danielson, 2007, p. 30). Peut-être est-il temps d’examiner la structure de pouvoir de ces relations unidirectionnelles entre le personnel infirmier et la patientèle. De la même manière, à titre d’aspirants leaders infirmiers, il est nécessaire de porter un regard critique sur les relations entre ces responsables et leurs subordonnés et avec l’organisme de soins de santé. La théorie sociale critique permet d’examiner les besoins du personnel infirmier et de réfléchir à la manière dont ces besoins peuvent être satisfaits, tout en réfléchissant à l’asymétrie inhérente aux relations (Sumner et Danielson, 2007).

La théorie critique de la race, la théorie queer et la théorie féministe sont des exemples de théories critiques sociales bien connues. Une autre théorie sociale critique importante pour la profession infirmière porte sur les groupes opprimés. MacPhee (2015) affirme que le personnel infirmier est considéré par les sociologues comme un groupe opprimé ou un groupe dont les libertés et les droits sont restreints par des inégalités imposées par la société (p. 189). MacPhee souligne que les membres d’un groupe opprimé ne réalisent pas qu’ils sont impuissants dans une situation issue d’une construction sociale et qu’elle peut être remise en question. Sans surprise, les membres des groupes opprimés ont tendance à dominer ou à opprimer les autres (intimidation et violence envers les pairs). Cependant, la théorie critique sociale peut aider les membres des groupes opprimés, comme le personnel infirmier, à mieux comprendre son comportement grâce à la réflexion et à l’éducation. Cette nouvelle compréhension peut les motiver à s’engager dans une action transformatrice qui remet en question leur impuissance socialement programmée.

10.7 Dénonciation et défense d’une cause

La dénonciation est un acte conscient de divulgation de pratiques et de comportements organisationnels ou individuels à ceux susceptibles d’apporter un changement (Jackson et coll., 2011, p. 656). Le code de déontologie de l’AIIC appuie la dénonciation en cas de manquement à l’éthique : « Les infirmières et infirmiers appuient un climat de confiance qui favorise l’ouverture, encouragent la remise en question du statu quo et soutiennent les personnes qui prennent la parole pour traiter en toute bonne foi de questions préoccupantes (comme la dénonciation) (2017, p. 20). » Toutefois, la dénonciation peut s’avérer très difficile pour un membre du personnel infirmier, car elle signifie une accusation publique qui peut faire que cette personne soit perçue comme déloyale envers l’organisme. Malgré cette difficulté, le personnel infirmier a la responsabilité de dénoncer et de signaler aux responsables les cas où la patientèle risque de subir un préjudice ou s’il observe une expérience de mauvaise qualité liée à un environnement de soins inadéquat.

La façon dont les responsables organisationnels répondent aux préoccupations liées aux manquements à l’éthique dépend souvent de l’organisme. Le personnel infirmier peut craindre que les contrats de travail comportant des clauses de confidentialité donnent la priorité aux problèmes organisationnels plutôt qu’aux préoccupations du personnel et de la patientèle (Jackson et coll., 2011). Ces clauses de confidentialité mènent parfois au secret et au refus de divulguer des renseignements risqués ou susceptibles de mener à la stigmatisation (Ellenchild Pinch, 2000). La perception voulant que les gestionnaires et les leaders organisationnels ne répondent pas aux préoccupations de la clientèle peut pousser le personnel infirmier à porter ces problèmes à l’attention des personnes en position de pouvoir à l’extérieur de l’organisme. La personne qui divulgue les problèmes à l’extérieur de l’organisme afin de régler les préoccupations de la patientèle et de protéger le bien-être du personnel peut ne pas respecter la confidentialité et risquer d’en subir les conséquences. La dénonciation est toujours le dernier recours (Reid, 2013).

Activité d’apprentissage essentielle 10.7.1

Pour obtenir de plus amples renseignements sur la dénonciation, consultez les textes de loi suivants conçus pour protéger les personnes qui signalent un problème pour répondre à des préoccupations de bonne foi.

Extrait du Code criminel du Canada :

425.1(1) Commet une infraction quiconque, étant l’employeur ou une personne agissant au nom de l’employeur, ou une personne en situation d’autorité à l’égard d’un employé, prend des sanctions disciplinaires, rétrograde ou congédie un employé ou prend d’autres mesures portant atteinte à son emploi — ou menace de le faire :

a) soit avec l’intention de forcer l’employé à s’abstenir de fournir, à une personne dont les attributions comportent le contrôle d’application d’une loi fédérale ou provinciale, des renseignements portant sur une infraction à la présente loi, à toute autre loi fédérale ou à une loi provinciale — ou à leurs règlements — qu’il croit avoir été ou être en train d’être commise par l’employeur ou l’un de ses dirigeants ou employés ou, dans le cas d’une personne morale, l’un de ses administrateurs;

b) soit à titre de représailles parce que l’employé a fourni de tels renseignements à une telle personne. (Code criminel, 1985.)

Extrait du préambule de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles :

“. . « que la confiance dans les institutions publiques ne peut que profiter de la création de mécanismes efficaces de divulgation des actes répréhensibles et de protection des fonctionnaires divulgateurs, et de l’adoption d’un code de conduite du secteur public; » (Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, 2005.)

Le site Web du gouvernement de la Saskatchewan indique que la Public Interest Disclosure Act (loi sur la divulgation dans l’intérêt du public) protège le personnel du gouvernement de la Saskatchewan contre les représailles pour avoir divulgué un acte répréhensible au travail (gouvernement de la Saskatchewan, 2013). Consultez le site Web du gouvernement de la Saskatchewan pour lire ce texte de loi.

Note de recherche

Jackson, D., Peters, K., Hutchinson, M., Edenborough, M., Luck, L. et Wilkes, L. (2011). Exploring confidentiality in the context of nurse whistle blowing: Issues for nurse managers. Journal of Nursing Management, 19(5), p. 655-663.

But

Le but principal de l’article est de révéler les expériences et la signification de la confidentialité pour le personnel infirmier australien dans le contexte de la dénonciation (Jackson et coll., p. 655).

Discussion

Malgré l’importance éthique, juridique et morale de la confidentialité dans le contexte des soins de santé, peu de recherches se sont penchées sur les conséquences de la confidentialité liées aux actes de dénonciation.

La recherche est une enquête narrative qualitative. Dix-huit infirmier.ère.s australien.ne.s ayant eu une expérience directe de la dénonciation ont accepté de participer à des entretiens semi-structurés en personne. Quatre thèmes émergents relatifs à la confidentialité ont été relevés : (1) la confidentialité est un silence imposé; (2) la confidentialité favorise l’isolement et la marginalisation; (3) la confidentialité favorise la propagation de rumeurs; et (4) la confidentialité dans le contexte du droit du public de savoir.

L’interprétation et l’application de la confidentialité influencent les résultats de la dénonciation dans le contexte des services de soins de santé. Inversement, la confidentialité peut être un mécanisme de protection pour les établissements de santé (Jackson et coll., p. 655).

Application à la pratique

Il incombe aux gestionnaires en soins infirmiers de gérer soigneusement les risques liés aux dénonciations. Il est également important que ces gestionnaires soient conscients des conséquences de leur interprétation et de leur application de la confidentialité aux cas de dénonciation, et des résultats potentiellement contradictoires pour les personnes et l’établissement (Jackson et coll., p. 655).

10.8 Activisme politique et défense d’une cause

Le dictionnaire en ligne Merriam-Webster définit l’activisme comme une doctrine ou une pratique qui met l’accent sur une vigoureuse action directe, en particulier pour soutenir un des aspects d’une question controversée ou s’y opposer. L’activisme politique oriente l’action vers la création d’un changement lié à l’élaboration d’une politique gouvernementale. Tout au long du chapitre, nous avons discuté de la nécessité pour le personnel infirmier de défendre les intérêts de la patientèle. La discussion sur l’autonomisation au travail dans le secteur de la santé suggère qu’il est également nécessaire de défendre les intérêts du personnel infirmier afin de confirmer leur différence en tant que professionnels de la santé et défenseurs avisés de la patientèle.

Figure 10.8.1 Campagne des 99 paires de chaussures

défense des intérêts, politique, activisme, chaussures du personnel infirmier

L’image « Campagne des 99 paires de chaussures » de la Saskatchewan Union of Nurses est sous licence CC BY 4.0 International.

La défense des intérêts de tous les patients est un élément important de la garantie de la qualité des soins de santé. Le personnel infirmier peut réagir au contexte social, politique et économique de leur environnement pour défendre les patients et leurs familles par le biais d’un activisme politique invisible. Cet activisme invisible est lié à de solides partenariats avec le public, les résidents, le gouvernement et d’autres structures de pouvoir. Une communication constante avec les groupes communautaires, y compris le gouvernement et les médias, est nécessaire pour entretenir ces partenariats (Paterson, Duffet-Leger et Cruttenden, 2009). Le travail visant à entretenir des relations positives avec la communauté peut éloigner le personnel infirmier de ses responsabilités en santé centrées sur la patientèle. Par conséquent, il est important de penser que la défense collective des intérêts, laquelle serait réalisée par les associations professionnelles et les syndicats, peut étendre la portée du personnel infirmier afin d’aborder les problèmes systémiques dans les établissements de santé et la bureaucratie (Mahlin, 2010, p. 247). Mahlin insiste sur le fait que de nombreuses difficultés de la patientèle sont le résultat direct de problèmes systémiques liés à l’attribution inappropriée des ressources en santé, pensons aux médicaments coûteux que la patientèle ne peut pas se permettre à sa sortie de l’hôpital, et à la dotation inadéquate en santé. Agir et trouver des solutions à ces problèmes systémiques sont des actions souvent hors de portée du personnel infirmier, mais elles relèvent certainement de celle des groupes de professionnels de la santé.

Résumé

Le présent chapitre porte sur les responsabilités éthiques des leaders en soins infirmiers à défendre la santé. Un leader qui comprend comment utiliser le pouvoir est plus susceptible de bien mener la défense des intérêts. Selon les travaux de Foucault, nous savons que nous devons étudier la relation entre la santé, le pouvoir et la diversité des populations. Au Canada, il faut porter une attention aux populations autochtones si l’on veut changer la donne.

Les responsables du personnel infirmier doivent également se pencher sur le lieu de travail et examiner comment la présence ou l’absence de l’autonomisation structurelle et psychologique des professionnels de la santé joue sur les soins prodigués aux patients. La théorie sociale critique suggère que la réflexion sur les rôles du personnel infirmier dans les systèmes de santé donne les moyens au personnel infirmier de faire la défense d’une cause avec efficacité. Les leaders infirmiers qui souhaitent ardemment défendre la santé peuvent se joindre à d’autres membres du personnel infirmier pour mener une action politique visant à modifier les pratiques actuelles en santé. Lorsqu’il ne reste plus aucune solution pour défendre la santé des personnes vulnérables, la dénonciation peut être utilisée en dernier recours.

À la fin du chapitre, vous devriez être en mesure de faire ce qui suit :

  1. Apprendre l’importance de l’éthique dans le leadership infirmier.
  2. Décrire ce qu’est la défense des intérêts.
  3. Comparer la méthode de défense des intérêts à l’approche paternaliste dans la lutte contre les inégalités en santé.
  4. Étudier comment les responsables du personnel infirmier utilisent la défense des intérêts pour donner lieu à des changements qui s’attaquent aux inégalités en santé.
  5. Énumérer les différents types de pouvoir.
  6. Reconnaître le rôle que les responsables du personnel infirmier peuvent jouer dans l’action politique.
  7. Exprimer votre propre réaction au changement.

Exercices

  1. Choisissez un quart de travail de l’un de vos derniers stages cliniques. Examinez les actions du personnel infirmier pendant votre quart de travail et cherchez des exemples des cinq différents types de pouvoir infirmier. Avez-vous, ou un collègue aux études en soins infirmiers a-t-il, fait preuve d’un pouvoir personnel, d’un pouvoir d’expert, d’un pouvoir lié au rang, d’un pouvoir perçu ou d’un pouvoir lié aux contacts? De quels types de pouvoir votre formateur a-t-il fait preuve? Qu’en est-il du personnel infirmier? Et de l’infirmière responsable? Selon vous, quel membre du personnel infirmier détenait le plus de pouvoir dans l’unité? Pourquoi?
  2. Consultez le Résumé de l’analyse de l’environnement de juin 2016 de l’ANC, dont il a été question dans l’activité d’apprentissage essentielle 10.2.1. Choisissez une question de l’analyse de l’environnement qui, selon vous, aura une grande incidence sur la santé des Canadiens lorsque vous obtiendrez votre diplôme dans un ou deux ans. Élaborez un plan de défense de la santé de la population canadienne au moyen des outils de défense fournis sur le site Web de l’AIIC.
  3. Lisez l’article de recherche Exploring confidentiality in the context of nurse whistle blowing: issues for nurse managers (Jackson et coll., 2011) sur la dénonciation (susmentionné dans la note de recherche du présent chapitre). Indiquez comment la confidentialité a été utilisée pour réduire au silence et isoler le personnel infirmier.
  4. Réfléchissez à l’expression « le personnel infirmier mange ses petits ». Quelle théorie explique cette phrase? En tant qu’infirmière diplômée, quelles mesures prendrez-vous pour vous assurer que les gens ne vous décriront pas comme une personne qui « mange ses petits »?

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