7 Leadership en sécurité et gestion de la qualité

Joan Wagner

Les symptômes ou souffrances généralement considérés comme inévitables et concomitants à la maladie ne sont très souvent pas des symptômes de la maladie, mais plutôt quelque chose de tout à fait différent.

– Florence Nightingale (1860, p. 12)

Introduction

Ce chapitre porte sur la gestion de la qualité (GQ) et le maintien de la sécurité dans le cadre de la gestion des soins de santé. Vous découvrirez des événements importants liés à la gestion de la qualité qui se sont produits récemment au Royaume-Uni et aux États-Unis et qui ont attiré l’attention de la communauté internationale sur les questions de sécurité des patients. Enfin, la méthode Lean, une stratégie de gestion de la qualité, et le cycle planifier-faire-étudier-agir (PFEA) seront présentés afin de vous familiariser avec les termes et les techniques de gestion de la qualité souvent utilisés dans la province de la Saskatchewan.

La gestion de la qualité désigne « la philosophie d’une culture des soins de santé qui met l’accent sur la satisfaction des patients, l’innovation et l’implication des employés » (Folse, adapté par Wong, 2015, p. 392). L’assurance de la qualité fait référence à la surveillance et l’évaluation régulières des services afin de s’assurer qu’ils répondent aux normes de pratique établies. L’amélioration de la qualité fait référence au travail continu nécessaire pour assurer une santé optimale aux patients, soit par l’examen et la révision en continu des processus et procédures conformément aux pratiques exemplaires en mettant l’accent sur la satisfaction des patients, l’innovation et l’implication du personnel (Folse, adapté par Wong, 2015).

Figure 7.1 Une formation rigoureuse assure des soins et des résultats de la plus haute qualité
pour les patients 

[s. d.], « Infusion Protocol Display », photo gracieusement fournie par la Saskatchewan Health Authority (anciennement Regina Qu’Appelle Health Region), numéro de collection 2003.8-1304, sous licence Creative Commons Attribution 4.0 International.

L’amélioration de la qualité est une responsabilité fondamentale de tous les prestataires de soins. Florence Nightingale, l’une des premières expertes en amélioration de la qualité, a changé la prestation de soins dans le monde entier. Par sa vision des soins infirmiers hospitaliers, elle « a prédit ce qui, plus d’un siècle plus tard, serait désigné comme un hôpital-aimant » (Shiller, 2013, p. 1).

Objectifs d’apprentissage

  1. Décrire les principaux enjeux qui ont mené au développement des hôpitaux-aimants.
  2. Déterminer comment les hôpitaux-aimants ont changé les soins de santé aux États-Unis.
  3. Décrire les principaux enjeux qui ont conduit à la publication du rapport Francis au Royaume-Uni.
  4. Décrire les caractéristiques d’une « culture de sécurité ».
  5. Évaluer l’utilisation de la méthode Lean dans les soins de santé.
  6. Évaluer le cycle planifier-faire-étudier-agir (PFEA) comme base du travail d’amélioration de la qualité.
  7. Définir les aspects critiques de votre leadership pour créer un environnement de travail sûr et soutenir le travail d’amélioration de la qualité.

7.1 Hôpitaux-aimants

Émergence des hôpitaux-aimant

Les hôpitaux constituent une ressource vitale en matière de soins de santé pour la collectivité. Les membres de la collectivité passent généralement les premiers et derniers jours de leur vie dans ces bâtiments, et ils considèrent l’hôpital comme une ressource sanitaire importante qui les soutiendra en cas de blessure ou de maladie grave. Ainsi, lorsque les hôpitaux sont contraints de fermer des lits et de refuser l’admission de malades, on fait face à une crise communautaire. Une telle crise s’est d’ailleurs produite aux États-Unis dans les années 1980 et 1990, lorsqu’un grand nombre de lits ont été fermés en raison d’une pénurie de personnel infirmier. Cependant, les hôpitaux n’ont pas tous été frappés par la catastrophe. Certains hôpitaux avaient tout le personnel nécessaire et n’ont pas été touchés par cette pénurie. En 1982, une équipe de recherche de l’American Academy of Nursing a identifié 41 de ces hôpitaux sans problèmes d’embauche ou de rétention du personnel infirmier. Ces hôpitaux sont devenus des hôpitaux-aimants.

Une étude des hôpitaux-aimant (McClure, Poulin, Sovie et Wandelt, 1983) a révélé 14 attributs ou « forces d’attractivité » (Goode, Blegen, Park, Vaughn et Spetz, 2011) propres aux hôpitaux-aimants. Ces « forces » ou influences environnementales ont été associées à une meilleure satisfaction au travail et à une réduction de l’épuisement professionnel chez le personnel infirmier (McHugh et coll., 2013). Les hôpitaux-aimants affichent également de meilleurs résultats pour les patients, notamment un plus faible taux de chutes, un plus faible taux global de mortalité et un plus faible taux de mortalité pour les nourrissons de très faible poids à la naissance (McHugh et coll., 2013).

Le programme de reconnaissance de l’attractivité (Magnet Recognition Program), officialisé dans les années 1990, exigeait des hôpitaux souhaitant obtenir le statut aimant qu’ils démontrent une réforme organisationnelle de l’environnement de travail du personnel infirmier qui faciliterait l’obtention des résultats souhaités pour les patients. Les 14 forces d’attractivité décrites par McClureet coll. (1983) se sont traduites en 5 objectifs : 1) leadership transformationnel; 2) autonomisation structurelle; 3) pratique professionnelle exemplaire; 4) nouvelles connaissances et améliorations; et 5) résultats empiriques qui s’inscrivent dans chacun des 4 domaines précédents (McHugh et coll., 2013). À l’heure actuelle, 389 hôpitaux aux États-Unis ont réformé l’environnement de travail du personnel infirmier et détiennent le statut d’hôpital-aimant.

Activité d’apprentissage essentielle 7.1.1

Regardez cette vidéo de Mouayad Mohtar, qui donne un tour d’horizon du programme de reconnaissance de l’attractivité (5:55), pour en savoir plus sur les cinq exigences des hôpitaux-aimants, puis répondez aux questions suivantes :

  1. Quelles sont les cinq exigences du modèle d’attractivité?
  2. Quelles sont les principales caractéristiques de chacune des cinq exigences?

Hôpitaux-aimants et résultats pour les patients

Le modèle d’attractivité a été développé à l’origine pour améliorer le recrutement et la rétention du personnel infirmier. En étudiant les hôpitaux-aimant, les chercheurs se sont rapidement rendu compte que l’amélioration des résultats pour les patients était un résultat positif direct de la réforme organisationnelle de l’environnement de travail du personnel infirmier. Une méta-analyse de la littérature de 2006 à 2012 réalisée par Krueger, Funk, Greenet Kuznar (2013) indique que huit catégories de variables liées au personnel infirmier (environnement de travail hospitalier, statut d’attractivité, communication infirmière-médecin, exigences du travail, dotation en personnel, formation, années d’expérience et certification) ont un effet sur les résultats pour les patients. Seize études retenues dans la revue ont révélé qu’il existe un lien significatif entre ces variables et trois résultats pour les patients : événements indésirables (infections, escarres, séjour prolongé, taux de mortalité, échec de sauvetage, erreurs de médication, chutes, hémorragie postopératoire, infarctus aigu du myocarde, insuffisance cardiaque congestive, accident vasculaire cérébral et craniotomie); coût des soins aux patients; et résultats attendus pour les patients (autogestion de la santé et préparation au congé) (Krueger et coll., 2013). L’examen de la recherche sur les hôpitaux-aimants a révélé que la dotation en personnel était la plus stable des variables relatives au personnel infirmier pour prédire les résultats des patients (Krueger et coll., 2013). Les recherches sur les hôpitaux-aimants pour la période de 2006 à 2015 ont permis de démontrer l’association entre l’amélioration des variables relatives au personnel infirmier et les résultats positifs pour le personnel infirmier et les patients. De plus, une comparaison entre les hôpitaux-aimants et les autres hôpitaux a montré des améliorations bien plus importantes de l’environnement de travail et des résultats pour le personnel infirmier et les patients dans les hôpitaux-aimants (Kutney-Lee et coll., 2015).

Note de recherche

Ma, C. et Park, S. H. (2015). Hospital Magnet status, unit work environment and pressure ulcers. Journal of Nursing Scholarship, 47(6), 565-573.

But

Déterminer comment les facteurs organisationnels des soins infirmiers à différents niveaux structurels (c.-à-d., l’environnement de travail au niveau de l’unité et le statut d’attractivité de l’hôpital) sont associés aux escarres de décubitus acquises à l’hôpital (EDAH) dans les hôpitaux de soins de courte durée aux États-Unis (Ma et Park, 2015, p. 565).

Discussion

Une étude transversale observationnelle a utilisé les réponses de 33 485 membres du personnel infirmier pour évaluer les environnements de travail.

L’unité d’analyse était l’unité de soins infirmiers, et l’étude porte sur 1 381 unités dans 373 hôpitaux aux États-Unis. Il s’avère que les environnements de l’hôpital et de l’unité sont significativement associés aux EDAH, et l’environnement de travail de l’unité peut avoir une plus grande influence sur la réduction des EDAH (Ma et Park, 2015, p. 565).

Application dans la pratique

L’investissement dans l’environnement de travail du personnel infirmier, tant au niveau de l’hôpital que de l’unité, a le potentiel de réduire les EDAH, et en plus des initiatives au niveau de l’hôpital (ex., programme de reconnaissance de l’attractivité), les efforts ciblant les environnements de travail au sein de l’unité méritent une meilleure attention (Ma et Park, 2015, p. 565).

7.2 Rapport Francis

Une enquête publique sur les soins de piètre qualité au Mid Staffordshire NHS Foundation Trust, au Royaume-Uni, a révélé qu’il y avait eu 1 200 morts évitables pour la période de 2005 à 2009 (Francis, 2013). Le premier rapport (Francis, 2010) issu de l’enquête décrit une organisation axée sur les économies et les gains d’efficacité dans le système au lieu de se concentrer sur la prestation de soins sûrs et de qualité aux patients. Le deuxième rapport (Francis, 2013) préconisait de modifier la culture organisationnelle pour instaurer une culture où la sécurité et le bien-être des patients sont au cœur des préoccupations de la direction et du personnel (Muls et coll., 2015). L’onde de choc s’est propagée dans tout le Royaume-Uni à mesure que le public a pris connaissance des soins abusifs. Les principaux organismes de réglementation et toutes les fiducies du Royaume-Uni ont passé en revue leurs politiques, procédures et processus de prestation de soins. Des plans d’action ont été élaborés pour susciter le changement et faire en sorte que les organisations aient une culture qui répond aux besoins et préférences des patients, en mettant l’accent sur la sécurité des patients.

Activité d’apprentissage essentielle 7.2.1

Regardez cette vidéo où Catherine Foot s’entretient avec Robert Francis QC (9:47), président de l’enquête Francis, puis répondez aux questions suivantes :

  1. Décrivez une des histoires de patient que Francis a racontées. Pourquoi la commission ou le coroner n’ont-ils pas entendu parler de cette histoire?
  2. Pourquoi le personnel ne s’est-il pas manifesté pour donner des exemples de piètres soins aux patients?

Regardez cette courte vidéo de Diane Eltringham sur les réponses des infirmières au rapport Francis (3:04), puis répondez aux questions suivantes :

  1. Qu’est-il advenu de la prestation de soins après le rapport Francis?
  2. Comment la culture organisationnelle a-t-elle changé?
  3. Quel est le changement qui a eu la plus grande influence dans la prestation de soins?

7.3 Culture de sécurité des patients

Les systèmes de santé du monde entier ont pris conscience que la culture de sécurité des patients au sein de chaque établissement est essentielle pour assurer des soins de grande qualité et empreints de compassion (Institute of Medicine, 2000; OMS, 2008). L’amélioration de la sécurité des patients est aussi considérée comme une intervention rentable puisqu’elle réduit les coûts associés aux maladies iatrogènes. Les erreurs de médication constituent un exemple attesté où la réduction de coûts est possible en mettant l’accent sur la sécurité des patients. Aux États-Unis, les erreurs de médication ont coûté environ 19,5 G$ et étaient en cause dans 2 500 décès en 2008 (Shreve et coll., 2010, cité dans Saleh, Darawad et Al-Hussami, 2015). Ulrich et Kear (2015) résument les résultats pour les patients trouvés dans la littérature sur la sécurité en déclarant qu’il y a de plus en plus de données empiriques démontrant un lien direct entre la culture de sécurité des patients et les résultats pour les patients, les résultats financiers, la satisfaction des patients, le comportement des cliniciens et la sécurité des professionnels de la santé. Autrement dit, pour qu’un établissement de soins soit performant, il doit valoriser la culture positive de sécurité des patients.

Définition d’une culture de sécurité des patients

Une première analyse de la littérature indique que le thème de culture de sécurité des patients est apparu récemment dans le cadre des travaux sur l’amélioration de la qualité des soins de santé. Saleh, Darawad et Al-Hussami (2015) suggèrent que le concept de culture de la sécurité est apparu pour la première fois en réponse à la catastrophe nucléaire de Tchernobyl (1986), laquelle a directement été causée par des actions humaines, non pas d’une défaillance mécanique. La société européenne pour la qualité des soins de santé (ESQH) définit la culture de sécurité comme suit :

Un modèle intégré des comportements individuels et organisationnels qui, fondé sur des croyances et valeurs communes, vise à toujours limiter les risques de préjudice aux patients pouvant résulter des processus de prestation de soins (European Union Network for Patient Safety, 2010, p. 4).

Aperçu des cultures de sécurité des patients

Le rapport Francis de 2013 souligne la nécessité pour les organisations d’entretenir une culture à l’écoute des patients, ou centrée sur chaque patient(e). Le ministère de la Santé du Royaume-Uni a élaboré et publié les 6 C pour orienter sa vision et sa stratégie en matière de leadership chez le personnel infirmier, les sages-femmes et le personnel soignant. Les 6 C (soins [care], compassion, compétence, communication, courage et conviction [commitment]) n’avaient rien de nouveau; la nouveauté était de les utiliser comme principes directeurs dans les établissements (Mulset et coll., 2015).

Activité d’apprentissage essentielle 7.3.1

Regardez la vidéo sur les 6 C en soins infirmiers (3:32) pour en savoir plus, puis répondez aux questions suivantes :

  1. Énumérez et décrivez les 6 C en soins infirmiers qui encouragent l’innovation et le changement dans les milieux de soins au Royaume-Uni.
  2. Pensez-vous que ces 6 C sont présents dans les milieux de soins au Canada? Veuillez élaborer.

Les établissements de soins du monde entier s’efforcent de renforcer leur culture de sécurité. La culture n’est pas une chose qui se change facilement; elle s’adapte plutôt aux conditions existantes et tend à refléter son environnement. Plusieurs aspects différents d’une organisation peuvent jouer un rôle dans le développement et le maintien d’une culture de sécurité. Sammer et coll. ont décrit la culture de sécurité comme étant constituée de « sept sous-cultures, à savoir le leadership, le travail d’équipe, la pratique fondée sur des données probantes, la communication, l’apprentissage, l’équité (une culture qui reconnaît les erreurs comme des défaillances systémiques plutôt qu’individuelles) et les soins centrés sur chaque patient(e) » (dans Saleh et coll., 2015, p. 340).

Une récente étude sur la culture de la sécurité des patients dans les milieux de pratique en néphrologie aux États-Unis illustre la manière dont ces sous-cultures peuvent interagir ou non. Cette étude révèle que la sécurité des patients est vue différemment par le personnel infirmier comparativement aux gestionnaires et administrateurs. Les résultats de la recherche mettent en évidence la nécessité d’une discussion approfondie entre les prestataires de soins et les gestionnaires au sujet de la sécurité des patients ainsi que la nécessité de transparence globale et de communication ouverte dans l’ensemble de l’organisation (Ulrich et Kear, 2015).

Les caractéristiques des soins infirmiers, telles que l’épuisement professionnel et le sentiment de cohérence, ont aussi une association directe connue avec la culture de sécurité des patients. Une étude norvégienne a confirmé ce lien en indiquant qu’il existe « une association de la culture de sécurité positive avec l’absence d’épuisement professionnel [chez le personnel infirmier] et la grande capacité à faire face aux situations stressantes » (Vifladt, Simonsen, Lydersen et Farup, 2016, p. 33).

Activité d’apprentissage essentielle 7.3.2

Explorez les outils et ressources sur la page Leader du site Web de l’Institut canadien pour la sécurité des patients.

Examinez le cadre The measurement and monitoring of safety (mesure et surveillance de la sécurité) proposé par le système de santé publique du Royaume-Uni.

Répondez maintenant aux questions suivantes :

  1. Quelles sont les cinq dimensions nécessaires pour mesurer et surveiller la sécurité?
  2. Comment mesureriez-vous chaque dimension du cadre proposé dans les hôpitaux canadiens?

7.4 Méthode Lean

La méthode Lean est née de la réussite de Toyota dans les années 1960. Il s’agit d’une stratégie de gestion utilisée pour évaluer les processus organisationnels, en déterminant ceux qui ajoutent de la valeur à l’entreprise, en éliminant le gaspillage et en améliorant le flux, dans le but de créer une meilleure valeur en matière de temps et d’argent (Crema et Verbano, 2015; Johnson, Smith, et Mastro, 2012). Crema et Verbano (2015) soutiennent que cette stratégie met l’accent sur la normalisation des processus afin de faciliter la détection des événements inattendus qui peuvent être corrigés rapidement.

La méthode Lean est utilisée dans divers domaines des soins de santé : recrutement et embauche, informatique en soins infirmiers, fonctions des laboratoires, milieux de soins, radiologie, sécurité des patients, traumatologie et réduction des coûts. De plus, elle contribue à l’amélioration des processus en ce qui concerne les interventions cliniques, le respect des rendez-vous, le flux des patients, les orientations de patients, les temps d’attente et de sortie et les réhospitalisations. Johnson, Smith et Mastro (2012) soulignent le fait qu’elle est de plus en plus utilisée comme cadre de fonctionnement systémique.

Le gouvernement provincial de la Saskatchewan a instauré la méthode Lean comme approche d’amélioration de la qualité dans tous ses établissements de santé en 2010. Au cours des dernières années, la méthode Lean a dû affronter bien des défis. Cela dit, malgré ces défis, elle continue de fournir aux responsables des soins d’excellents outils et processus qui soutiennent l’amélioration continue de la qualité.

Activité d’apprentissage essentielle 7.4.1

Pour voir un exemple de la méthode Lean en action, regardez la vidéo YouTube du Lucile Packard Children’s Hospital de Stanford sur la méthode Lean en soins de santé (3:08), puis répondez aux questions suivantes :

  1. Quel est l’objectif de la méthode Lean?
  2. Comment améliore-t-elle le flux de patients?
  3. Qui ou qu’est-ce qui est au centre de la méthode Lean?

La méthode Lean s’attarde à l’optimisation des ressources plutôt qu’à l’excellence ou la qualité des soins. Des inquiétudes ont été exprimées quant à l’accent que met la méthode Lean sur « faire plus avec moins » et sur la nécessité d’apporter des changements significatifs. La communauté des soins s’est également montrée préoccupée par les priorités mal placées et la sécurité des patients dans un environnement de soins Lean.

La prestation de soins centrés sur chaque patient(e) découle de la base de connaissances spécialisées que les membres du personnel infirmier mettent en pratique dans leurs différents rôles, de la gestion aux soins directs. Si les méthodes Lean d’amélioration de l’efficacité et les stratégies de réduction des coûts sont importantes pour les hôpitaux et les gouvernements, certaines personnes, en recherche et chez les responsables des soins, estiment que les méthodes Lean ignorent le travail réel du personnel infirmier (Wagner, Brooks et Urban, 2018, p. 22).

Cependant, bien des chercheurs, notamment Simons et coll. (2015), estiment que la gestion selon la méthode Lean peut contribuer à la culture de sécurité des patients. La méthode Lean, par sa philosophie de gestion de la qualité, est centrée sur chaque patient.e, et ses outils sont utilisés pour motiver le personnel et augmenter l’efficacité de l’organisation tout en améliorant la qualité des soins et la sécurité des patients. D’autres chercheurs, comme Crema et Verbano (2015), suggèrent que la méthode Lean, une stratégie de gestion d’entreprise qui permet d’analyser, de concevoir et de gérer des processus, est un excellent outil pour renforcer la prévention des erreurs médicales. Enfin, Kaplan, Patterson, Chinget Blackmore (2014) soulignent que les outils Lean ne sont pas la seule réponse aux préoccupations organisationnelles et qu’il est préférable de les utiliser dans le cadre d’un système de gestion global avec un engagement en faveur du changement organisationnel et d’un leadership innovant.

Johnson, Smith et Mastro (2012) affirment que les membres du personnel infirmier sont les leaders idéaux pour les travaux novateurs de la méthode Lean et de l’amélioration de la qualité. Les membres du personnel infirmier combinent l’expérience de la gestion d’équipes interdisciplinaires, la connaissance des systèmes et de solides compétences en évaluation avec la défense des intérêts des patients et l’engagement en faveur de la qualité des soins. Ces attributs combinés sont nécessaires pour orienter un établissement vers des changements d’assurance qualité axés à la fois sur le rapport coût-efficacité et sur le maintien d’une solide culture de sécurité des patients. Les soins de santé exigent que les membres du personnel infirmier, grâce à leurs compétences polyvalentes, connaissances et expériences, prennent les devants de l’innovation en amélioration de la qualité.

7.5 Planifier, faire, étudier et agir

Le cycle planifier-faire-étudier-agir (PFEA) est l’un des nombreux outils ou techniques d’amélioration de la qualité utilisés pour améliorer les soins. Ce cycle est facilement utilisable à tous les niveaux organisationnels et mise sur le développement, l’essai, l’évaluation et la mise en œuvre de solutions d’amélioration de la qualité. Le cycle PFEA consiste à planifier (décider du changement à essayer), à faire (effectuer le changement), à étudier (examiner les données avant et après le changement et déterminer ce qui a été appris) et à agir (planifier un autre cycle de changement avec les modifications nécessaires ou passer à la mise en œuvre complète). Les changements à grande échelle ne sont mis en œuvre qu’après un cycle PFEA consistant en de rapides essais séquentiels ou parallèles à petite échelle, afin d’étudier les changements proposés et d’en déterminer le bon fonctionnement (Gillam et Siriwardena, 2013). Le PFEA est décrit comme un outil pouvant être utilisé pour évaluer la prestation de services actuelle et pour essayer et développer des idées novatrices (Byrne, Xu et Carr, 2015).

Activité d’apprentissage essentielle 7.5.1

Regardez ces deux vidéos pour obtenir des renseignements détaillés sur l’utilisation de la méthode PFEA : partie 1 (4:45) et partie 2 (3:45).

Résumé

Ce chapitre a présenté la philosophie de la gestion de la qualité dans les soins de santé et a mis en lumière les événements survenus à l’international dans le monde des soins de santé, lesquels ont mis l’accent sur la culture de sécurité des patients, par exemple le développement des hôpitaux-aimants aux États-Unis et l’enquête Francis au Royaume-Uni. De plus, des approches communes d’amélioration de la qualité, comme les hôpitaux-aimants et la méthode Lean, ont été décrites et examinées sous le prisme de leur contribution à la sécurité des patients. Enfin, le cycle PFEA, un outil d’amélioration de la qualité très répandu, a aussi été présenté.

À la fin du chapitre, vous devriez être en mesure de faire ce qui suit :

  1. Décrire les principaux enjeux qui ont mené au développement des hôpitaux-aimants.
  2. Déterminer comment les hôpitaux-aimants ont changé les soins de santé aux États-Unis.
  3. Décrire les principaux enjeux qui ont conduit à la publication du rapport Francis au Royaume-Uni.
  4. Décrire les caractéristiques d’une « culture de sécurité ».
  5. Évaluer l’utilisation de la méthode Lean dans les soins de santé.
  6. Évaluer le cycle planifier-faire-étudier-agir (PFEA) comme base du travail d’amélioration de la qualité.
  7. Définir les aspects critiques de votre leadership pour créer un environnement de travail sûr et soutenir le travail d’amélioration de la qualité.

Exercices

  1. Appliquer le cadre proposé par les services de santé publique du Royaume-Uni en 2014 pour mesurer et surveiller la sécurité dans un hôpital où vous avez effectué un stage clinique. Pouvez-vous cerner des domaines qui pourraient être améliorés en matière de mesure et de surveillance de la sécurité?
  2. Vous êtes à la direction des soins infirmiers d’un établissement de soins de longue durée. Lorsqu’une femme âgée tombe de son lit pendant la nuit et se fracture la hanche, vous consultez les rapports d’incidents récents et remarquez qu’il y a eu une augmentation des chutes nocturnes des résidents. Aux fins d’amélioration de la qualité, utilisez le cycle PFEA pour trouver une solution qui réduira les chutes nocturnes.

Références

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