8 Leaders et prise de décision éclairée par des preuves

Maura MacPhee

La pratique éprouvée n’est possible que si les leaders planifient et mettent en place les structures et les processus organisationnels nécessaires. Le succès consiste à faire en sorte que ces structures et processus soient « transparents » et intégrés au travail quotidien du personnel clinicien.

– R.P. Newhouse (2007, p. 21)

Introduction

Ce chapitre montrera comment les leaders incitent leur entourage à prendre des décisions et à fournir des soins éclairés par des preuves. Ces soins sont associés à des résultats positifs pour les patient.e.s, tels que des taux inférieurs de blessures et de mortalité, ainsi qu’une diminution de l’épuisement professionnel et du roulement du personnel infirmier. Dans les milieux de soins, les leaders influencent la culture organisationnelle en encourageant l’utilisation de preuves et la réflexion critique. Leur quête d’une excellence éprouvée se bute souvent à d’autres préoccupations, telles que les finances, qui peuvent mettre en péril les patient.e.s et le personnel infirmier. Les leaders braves recherchent les meilleures preuves pour se guider.

Objectifs d’apprentissage

  1. Justifier l’importance de la pratique infirmière éprouvée.
  2. Expliquer comment les leaders qui prennent des décisions éclairées par des preuves contribuent à la qualité et à la sécurité de la prestation des soins aux patient.e.s.
  3. Cerner les obstacles à l’utilisation des preuves dans les établissements de soins de santé.

8.1 Leadership éclairé par des preuves

Commençons par un examen de la pratique éprouvée, également appelée pratique éclairée par des preuves. Que vous soyez étudiant.e.s, infirmier.ère.s praticien.ne.s ou responsables du personnel infirmier ayant une autorité formelle dans un établissement de soins de santé, vous devez fonder vos décisions et vos actions sur des preuves.

Activité d’apprentissage essentielle 8.1.1

Lisez l’énoncé de position de l’Association des infirmières et infirmiers du Canada intitulé « Prise de décision et pratique infirmière éclairées par des preuves », puis répondez à la question suivante :

  1. De quels types de preuves le personnel infirmier et ses responsables ont-ils besoin pour prendre des décisions?

L’énoncé de position de l’AIIC indique qu’il est important d’évaluer la qualité des preuves. Le personnel infirmier et ses responsables doivent savoir où trouver les différents types de preuves, s’il s’agit de preuves dignes de confiance (c.-à-d. valides, fiables) et comment en tirer parti dans leur pratique, qu’il s’agisse de soigner des patient.e.s ou de diriger un établissement de soins de santé. Les écoles de soins infirmiers, dans leurs programmes de premier et de deuxième cycle, enseignent la pensée critique, l’évaluation et l’utilisation des preuves comme des compétences importantes pour les apprenant.e.s.

8.2 Innovation, leadership et groupes d’influence

Activité d’apprentissage essentielle 8.2.1

Regardez les vidéos suivantes sur YouTube :

  1. « What is Evidence-Based Practice? » avec Ann Dabrow Woods (3:27)
  2. « Evidence-Informed Practice » par le Centre d’excellence de l’Ontario en santé mentale des enfants et des adolescents (4:14)

Dans la première vidéo, M. Dabrow déclare que le Joanna Briggs Institute est une excellente source de preuves sur les soins de santé. Consultez le site Web de l’Institut. Des ressources comme celle-ci sont essentielles aux responsables du personnel infirmier éclairés par des preuves. L’orateur de la première vidéo explique comment l’Université McMaster, au Canada, a inventé l’expression « pratique éclairée par des preuves ».

La deuxième vidéo souligne l’importance d’utiliser les meilleures données disponibles dans la prestation de services.

Après avoir visionné les deux vidéos, répondez aux questions suivantes : Que doivent faire les leaders d’organisations pour promouvoir les pratiques éprouvées? Que doit faire le personnel infirmier pour optimiser l’utilisation des preuves dans sa pratique?

Que vous soyez étudiant.e en soins infirmiers ou que vous occupiez un poste officiel (par exemple, responsable d’unité, directeur d’établissement, infirmière en chef), vos décisions doivent être éclairées par des preuves. Pourtant, comme le souligne la première vidéo, seul un faible pourcentage (20 %) des décisions prises dans le domaine des soins de santé sont éclairées par des preuves. De plus, Dabrow Woods affirme qu’« il faut de 15 à 20 ans pour que les preuves soient mises en pratique ». Que se passe-t-il?

Activité d’apprentissage essentielle 8.2.2

Lire l’article du Dr Donald Berwick de 2003 intitulé « Disseminating Innovations in Health Care ». Ce document classique explique pourquoi l’innovation, ou le changement positif, est difficile à intégrer dans les établissements de soins de santé.

Selon des experts en innovation tels que le Dr Donald Berwick, « l’inutilisation des données scientifiques disponibles est coûteuse et préjudiciable; elle entraîne une surutilisation des soins inutiles, une sous-utilisation des soins efficaces et des erreurs d’exécution » (2003, p. 1969). Pour le personnel infirmier et les médecins, nos erreurs peuvent entraîner des blessures, voire des décès. Le Dr Berwick pose les questions suivantes :

Pourquoi l’écart entre les connaissances et la pratique est-il si important?

Pourquoi le personnel des systèmes de soins cliniques n’intègre-t-il pas les résultats de la science clinique ou ne copient-ils pas les « meilleures pratiques connues » de manière fiable, rapide et même avec gratitude dans son travail quotidien, tout simplement (p. 1969)?

Pour que l’innovation soit adoptée avec succès, trois groupes d’influence fondamentaux doivent être pris en compte par les leaders à tous les niveaux d’une organisation de soins de santé : les perceptions de l’innovation, la composition du personnel et les informations contextuelles.

Perception de l’innovation

Le premier groupe est celui des perceptions de l’innovation. Les leaders doivent réfléchir à la manière de présenter une nouvelle politique, un nouveau protocole, une nouvelle technologie ou un nouveau médicament : la première impression compte. Les leaders doivent tenir compte de cinq caractéristiques d’une innovation en posant les questions suivantes avant de la présenter au personnel :

  1. Le personnel percevra-t-il l’innovation comme un avantage pour lui?
  2. L’innovation correspond-elle à ses besoins actuels? (p. ex., l’innovation améliorera-t-elle la prestation des soins?)
  3. L’innovation est-elle facile à comprendre? Est-ce simple à faire? La complexité (p. ex., plusieurs parties, plusieurs étapes) ralentit l’innovation. La simplicité favorise la « diffusion ».
  4. Est-il possible de réaliser un projet pilote à petite échelle? La possibilité de faire des essais améliore le taux d’innovation.
  5. Est-il possible pour le personnel d’observer l’innovation en cours, d’en prendre connaissance et d’obtenir des réponses à ses questions ou préoccupations? L’observabilité et l’expérimentabilité vont souvent de pair.

Les leaders doivent donc prévoir comment ils influenceront les premières impressions du personnel à l’égard d’une innovation. Les changements font peur aux gens; en général, nous y résistons parce qu’ils exigent des efforts, des ressources et du temps supplémentaires. Étant donné nos vies occupées, nous avons besoin de savoir que les leaders prennent des décisions éclairées par des preuves concernant les changements proposés. Pourquoi devrions-nous changer le statu quo?

Composition du personnel

Le deuxième groupe d’influence auquel les leaders doivent penser est la composition du personnel. Ils ne peuvent pas imposer l’innovation seuls; ils ont besoin de l’appui du personnel adéquat. Sinon, leurs tentatives d’innovation sont vouées à l’échec. Consultez la figure 2 de l’article de Berwick (2003, p. 1972). Pour que l’innovation réussisse, il vous faut des personnes innovatrices, des primo adoptant.e.s et une majorité précoce.

Les personnes innovatrices sont à l’origine des améliorations proposées. Ce sont celles qui, au sein d’une organisation, lisent des revues scientifiques, assistent à des conférences et se tiennent informées des meilleures pratiques. Elles sont en contact avec des sources d’information extérieures et suggèrent des idées à l’organisation.

Les primo adoptant.e.s ont de bonnes relations au sein de l’organisation. Ce sont les leaders qui ont de l’influence et de l’autorité. Ils peuvent bousculer l’organisation grâce à leur pouvoir officiel. Ces leaders croient en la valeur de l’innovation et soutiennent les personnes innovatrices. À titre d’exemple, un.e leader primo adoptant.e offre du temps libre et du soutien financier à un.e infirmier.ère enseignant.e pour qu’il ou elle assiste à une conférence sur les innovations en matière de pratiques médicochirurgicales. À son retour, l’infirmier.ère enseignant.e présente d’excellentes nouvelles idées à la direction et au personnel.

Après avoir reconnu le potentiel d’une innovation, un.e leader primo adoptant.e se prépare à en parler au personnel, c’est-à-dire à en donner la première impression. Il ou elle propose un projet pilote à des membres du personnel. Les volontaires qui testeront l’innovation constituent la majorité précoce. Dans de nombreux cas, ils ou elles sont fraîchement diplômé.e.s et ont hâte de faire l’essai des nouveautés.

Si le projet pilote est couronné de succès, le reste du personnel, qui en a observé les résultats positifs, adoptera volontiers l’innovation. Ces membres du personnel forment la majorité tardive. Enfin, certains membres du personnel, les retardataires, restent réfractaires au changement. Les leaders doivent écouter leurs préoccupations, mais au bout du compte, il est peut-être temps pour ces personnes de se tourner vers une autre unité ou un autre lieu de travail. Les retardataires ne représentent généralement qu’un faible pourcentage des employés (16 %) et pourtant, les leaders tentent souvent en vain de les convaincre de changer. En fait, ces personnes ne changeront peut-être jamais.

Les leaders devraient donc miser sur les 20 % du personnel au début de la courbe d’innovation (c’est-à-dire les personnes innovatrices, les primo adoptant.e.s, la majorité précoce) qui ont besoin de leur soutien : il s’agit de la masse critique d’un changement positif.

Renseignements contextuels

Le troisième groupe d’influence est constitué de facteurs contextuels qui facilitent ou entravent l’innovation au sein de l’organisation. Le leadership et la culture organisationnelle ont tous deux une influence majeure sur la diffusion de l’innovation. Vous avez besoin de leaders éclairé.e.s par des preuves (c’est-à-dire de primo adoptant.e.s) qui vont, dans l’ensemble de l’organisation : (1) promouvoir les interactions, les discussions et le réseautage du personnel dans l’ensemble de l’organisation (vous souvenez-vous de l’observabilité?); (2) faire confiance au personnel et lui permettre d’adapter les nouvelles idées à ses besoins; (3) consacrer des ressources essentielles, du soutien et du temps à l’innovation; et (4) « passer de la parole aux actes » ou adopter rapidement les innovations. Comme l’a écrit le Dr Berwick (2003) à propos du capitaine James Cook, un des premiers explorateurs, innovateurs et primo adoptants : « James Cook a dû manger sa propre choucroute, et les responsables des soins de santé qui veulent répandre le changement doivent d’abord changer eux-mêmes » (p. 1974).

Activité d’apprentissage essentielle 8.2.3

Répondez aux questions suivantes :

  1. Avec quel type de leaders aimeriez-vous travailler? Pourquoi?
  2. Dans quel type d’organisation souhaiteriez-vous travailler? Pourquoi?

Expérience sur le terrain

Examinons ce qui se passe lorsque le leadership n’est pas éclairé par des preuves.

En Angleterre, il existe un système à payeur unique, le National Health Service (NHS), qui est très similaire à notre système de santé au Canada. Le NHS est composé de régions sanitaires appelées « fiducies », des « trusts ». Pendant plusieurs années, les leaders d’une fiducie NHS, le Mid Staffordshire Trust, n’ont pas tenu compte des données relatives à la dotation sécuritaire de personnel. Pour équilibrer leur budget, les leaders de la fiducie ont commencé à remplacer le personnel infirmier par des aides-soignant.e.s non agréé.e.s. À la suite d’un tollé provoqué par les proches de patient.e.s blessés ou décédés à la suite de négligences, une enquête indépendante a été menée par le NHS afin de déterminer ce qui se passait au sein du Mid Staffordshire Trust. L’enquête a révélé des conditions de soins épouvantables dues à un manque de personnel infirmier. Le NHS a été « humilié » par cette enquête et s’est engagé à appliquer les politiques et les procédures en place dans toutes les fiducies afin de rétablir la qualité et la sécurité des soins de santé publique.

Les leaders du Mid Staffordshire Trust ont choisi d’ignorer plus de deux décennies de recherches sur la dotation sécuritaire de personnel. Par exemple, le nombre (ratio patient.e.s/infirmier.ère.s) et le type de membres du personnel infirmier (mélange de compétences) sont directement liés aux taux de morbidité des patient.e.s (p. ex., infections contractées en milieu hospitalier, chutes évitables et plaies de pression), à la mortalité des patient.e.s et au défaut d’assistance. La lourdeur de la charge de travail du personnel infirmier, caractérisée par des ratios patient.e.s et infirmier.ère.s élevés (p. ex., 10 patient.e.s par infirmière), entraîne des événements indésirables pour les patient.e.s et l’incapacité du personnel infirmier à détecter les changements ou la détérioration de l’état des patient.e.s (Berry et Curry, 2012). Un mélange de compétences plus riche et une plus grande proportion de personnel infirmier autorisé parmi les prestataires de soins directs sont associés à de meilleurs résultats pour les patient.e.s (Needleman, 2016).

La direction du NHS était perplexe : qu’est-ce qui n’allait pas? Pourquoi les leaders du Mid Staffordshire Trust n’ont-ils pas fondé leurs décisions en matière de personnel sur des preuves? Le Dr Berwick, auteur d’un article sur l’innovation en 2003, est considéré comme un expert de renommée internationale en matière de qualité et de sécurité. Il a été mandaté par le NHS d’examiner le rapport d’enquête et de recommander des changements de politique en matière de qualité et de sécurité. Il a présenté ses recommandations dans un document intitulé « A promise to learn – a commitment to act ». Il a tout de suite compris qu’il régnait une culture du secret et de l’oppression au Mid Staffordshire Trust ainsi qu’un manque important de leadership dans l’ensemble de l’organisation. En fait, les médecins et le personnel infirmier avaient peur de s’exprimer. Il a été prouvé que les leaders intimidaient et menaçaient les médecins et le personnel infirmier qui se plaignaient de conditions de travail dangereuses.

Renseignements tirés de « Valoriser la sécurité des patients : Structure responsable de la main-d’œuvre » (MacPhee, 2014).

L’une des principales recommandations du Dr Berwick au NHS (évoquée dans la rubrique Expérience sur le terrain) concernait le leadership. Les leaders sont essentiel.le.s pour créer une culture d’apprentissage ouverte et transparente, où chacun.e est censé.e utiliser les preuves pour garantir les meilleures pratiques et la meilleure prestation possible de soins aux patient.e.s. Ils jouent un rôle essentiel, car ils montrent l’exemple et fournissent aux infirmier.ère.s et autres membres du personnel les informations, les ressources et le soutien dont ils ont besoin pour fournir des soins sûrs et de qualité aux patient.e.s. Ils favorisent une culture d’apprentissage continu, d’ouverture et de transparence en vue de tirer parti de preuves déterminantes : la culture d’une organisation apprenante.

Jetez un coup d’œil au tableau suivant, extrait de « A promise to learn » du Dr Berwick. Dans ses recommandations sur le leadership, il définit la principale responsabilité de l’ensemble du personnel et des leaders.

Tableau 8.2.1 Responsabilités du personnel et des leaders (Source des données : Tableau basé sur des données de Berwick, 2013, p. 16.)
Responsables Responsabilités

Tous les membres du personnel et les leaders des organisations financées par le NHS

Toute personne du secteur des soins financés par le NHS a le devoir d’acquérir les compétences qui lui permettent de cerner et de réduire les risques pour les patient.e.s au travail en collaboration avec son équipe et ses équipes adjacentes. Leaders d’organisations de prestataires de soins de santé, gestionnaires, responsables des cliniques. . . ont le devoir de fournir l’environnement, les ressources et le temps nécessaires pour permettre au personnel d’acquérir ces compétences.

Tous les membres d’une organisation, qu’ils soient employés ou leaders, sont censés contribuer à une culture d’organisation apprenante.

Activité d’apprentissage essentielle 8.2.4

Regardez les trois vidéos suivantes sur les organisations apprenantes, puis répondez aux questions qui suivent :

« What is a Learning Organization? » (Qu’est-ce qu’une organisation apprenante?) (4:56) par le Centre d’excellence de l’Ontario en santé mentale des enfants et des adolescents

« Introduction to Organizational Learning » (Introduction à l’apprentissage organisationnel) (3:13) par Peter Senge

« Learning Organisation » (Organisation de l’apprentissage) (2:01)

  1. Imaginez que vous êtes un.e infirmier.ère d’une organisation apprenante, telle que le Centre d’excellence de l’Ontario en santé mentale des enfants et des adolescents. Décrivez comment vous contribuerez à la culture de l’apprentissage continu.
  2. Le Centre d’excellence de l’Ontario en santé mentale des enfants et des adolescents a adopté des valeurs fondamentales associées aux organisations apprenantes et à l’apprentissage continu. Pourquoi pensez-vous qu’il a choisi ces valeurs fondamentales?

8.3 La recherche au service d’une organisation saine

Les recherches menées sur des organisations de tous les secteurs (y compris l’industrie, les entreprises et les soins de santé) ont montré que les organisations qui encouragent les pratiques d’organisations apprenantes obtiennent des résultats nettement supérieurs, tels qu’une hausse de la qualité, de l’efficience et de l’efficacité. Les organisations et leurs leaders font donc des investissements judicieux lorsqu’ils soutiennent des cultures qui favorisent l’apprentissage continu (Robbins, Garman, Song et McAlearney, 2012).

Comme vous l’avez peut-être deviné en regardant la vidéo de Peter Senge, les organisations obtiennent de meilleurs résultats lorsqu’elles s’attendent à ce que tout le monde « s’engage sincèrement à apprendre ». Dans sa présentation, le « fort effet de levier » fait référence à la capacité d’apporter des améliorations, à l’esprit d’innovation. Lorsque nous nous restreignons à une seule façon de penser et de faire (habitude), nous ratons des occasions d’améliorer notre collaboration. Senge nous incite à sortir de nos anciens « modèles mentaux », à échanger des connaissances et des idées afin d’obtenir des perspectives multiples. Il souligne également qu’il faut du temps pour « développer, adapter et mettre en œuvre des apprentissages ». Les leaders éclairé.e.s par des preuves doivent « passer de la parole aux actes ». Les leaders doivent constamment remettre en question le statu quo et inviter le personnel, les patient.e.s, les familles et les collègues à adopter des points de vue différents afin d’explorer de meilleures façons de fournir des soins sûrs et de qualité au sein des organisations.

Revenons au Mid Staffordshire Trust. Dans ce cas-ci, les leaders ont ignoré les données d’évaluation d’événements indésirables, ainsi que les plaintes des patient.e.s et du personnel. Ils se sont presque exclusivement concentrés sur les objectifs financiers fixés par le gouvernement pour présenter des budgets équilibrés. Le NHS a finalement demandé une enquête publique sur le Mid Staffordshire Trust après qu’un groupe de familles s’est adressé aux médias pour raconter les terribles blessures subies par leurs proches. Julie Bailey, l’une des organisatrices du mouvement, a perdu sa mère. Le public et les médias sont responsables de l’action du gouvernement.

Activité d’apprentissage essentielle 8.3.1

Regardez cette vidéo de Channel 4 News intitulée « Mid Staffs: Julie Bailey and Jeremy Hunt » (7:51)  » (personnel du Mid Staffordshire Trust : Julie Bailey et Jeremy Hunt). Le journaliste interroge Julie Bailey, qui a perdu sa mère et qui est l’une des organisatrices du mouvement public, et Jeremy Hunt, le ministre de la Santé. La vidéo est datée du 6 février 2013, peu après la publication du rapport Francis sur le Mid Staffordshire Trust.

Dans la vidéo, Mme Bailey conclut que nous avons besoin d’un.e leader pour apporter les changements nécessaires qui garantiront la qualité et la sécurité des soins. Mme Bailey affirme également que le changement ne se produira pas sans un nouveau leadership. Le journaliste met toutefois en doute le fait que la démission de l’actuel leader puisse régler le problème. Qu’en pensez-vous?

Activité d’apprentissage essentielle 8.3.2

Lire le document « Position Statement on Harm Reduction », soit l’énoncé de position sur la réduction des méfaits de 2017 du syndicat des infirmières et infirmiers de la Colombie-Britannique (BCNU). Le contexte de cet énoncé de position souligne que les approches éprouvées de réduction des méfaits représentent des principes de soins infirmiers. Définir les concepts de réduction des méfaits qui sont associés aux normes professionnelles et aux codes de déontologie du personnel infirmier.

Pour en savoir plus sur les médicaments injectables et les risques liés aux soins infirmiers éprouvés, consultez la page Web de l’Organisation mondiale de la santé sur le VIH et le sida.

8.4 Soins infirmiers éprouvés : Montrer la voie

En Colombie-Britannique, le nombre de décès par surdose de drogues illicites a atteint 914 en 2016, et en Alberta, 343 décès ont été causés par des surdoses de fentanyl en 2016 (Presse canadienne, 2017). La crise des opioïdes qui sévit au Canada et aux États-Unis a incité les décideurs politiques et les prestataires de soins de santé à s’inspirer de la recherche sur la santé mentale et le traitement des dépendances.

Les énoncés de position sont généralement des documents fondés sur des preuves disponibles sur les sites Web des organisations professionnelles, des ordres de réglementation, des syndicats et du gouvernement. Bien que ces documents soient souvent cités et vérifiés, ils peuvent également inclure des principes directeurs qui reflètent la mission, la vision et les valeurs de l’organisation. Il est donc important que le personnel infirmier demande conseil aux organisations qui reflètent les normes professionnelles et les codes de déontologie de sa profession. Pour les étudiant.e.s, ces documents sont d’excellentes ressources qui servent également d’introduction aux principes professionnels qui nous définissent en tant que membres du personnel infirmier.

L’énoncé de position du BCNU mentionné dans l’activité d’apprentissage essentielle ci-dessus commence par une liste à puces des principes, notamment celui-ci : « Le BCNU croit que les politiques et programmes de réduction des méfaits peuvent aider les gens aux prises avec des problèmes de consommation de substances » [traduction libre] (BCNU, 2017). Notez les références et l’utilisation des résultats de la recherche pour décrire les principales stratégies de réduction des méfaits éclairées par des preuves. Cet énoncé inclut un certain nombre d’études récentes. Vous constaterez que les références incluent des recherches qualitatives, quantitatives et économiques (coût-efficacité).

Quelles en sont les répercussions du point de vue du leadership? En tant que membres du personnel infirmier, nous devons montrer l’exemple, c’est-à-dire connaître les données de recherche sur les sujets qui concernent nos patient.e.s et, plus généralement, la santé et le bien-être de la population canadienne. La réduction des méfaits est importante pour le personnel infirmier à l’échelle locale, provinciale, nationale et même mondiale. Si vous voulez en savoir plus, vous pouvez consulter la perspective globale de l’Organisation mondiale de la santé sur la réduction des méfaits pour toute personne consommant des drogues injectables ici.

Note de recherche

L’étude SALOME, un essai de recherche clinique sur l’efficacité à long terme de médicaments de remplacement, a été menée à Vancouver pour déterminer si un opioïde légalement prescrit, l’hydromorphone, pouvait être un substitut efficace à l’héroïne injectable illicite. Un autre volet de l’étude a comparé l’efficacité de l’héroïne et de l’hydromorphone injectables à celle de leurs versions orales.

Une équipe interdisciplinaire composée de médecins, de membres du personnel infirmier, en travail social et de conseiller.ère.s a participé à cette étude. Elle a démontré que l’héroïne injectable pouvait être remplacée par l’hydromorphone injectable, un opioïde moins stigmatisé que l’héroïne. Les versions orales des deux médicaments n’ont pas permis de réduire la consommation de drogues illicites. Les sites d’injection supervisés, gérés par des équipes incluant des membres du personnel infirmier, peuvent désormais proposer des traitements légaux éprouvés (p. ex., méthadone, suboxone, hydromorphone) aux personnes souffrant de dépendances chroniques. Ces solutions réduisent les méfaits potentiels et les décès des personnes chez les plus vulnérables de notre société.

Vous pouvez consulter un aperçu de la recherche sur la réduction des méfaits sur le site des questions et réponses au sujet des essais cliniques SALOME.

Résumé

Repensez à la citation au début de ce chapitre en fonction de tout ce que vous venez de lire.

La pratique éprouvée n’est possible que si les leaders planifient et mettent en place les structures et les processus organisationnels nécessaires. Le succès consiste à faire en sorte que ces structures et processus soient « transparents » et intégrés au travail quotidien du personnel clinicien.

– R.P. Newhouse (2007, p. 21)

Les leaders éclairé.e.s par des preuves sont des primo adoptant.e.s qui cherchent les meilleures données et encouragent les pratiques éprouvées au sein du personnel. Ils mettent en place les structures et les processus nécessaires pour répandre l’utilisation des preuves et l’innovation dans l’ensemble de l’organisation. Les leaders éclairé.e.s par des preuves ne se contentent pas de chercher les données les plus fiables, ils s’en servent pour prendre des décisions, c’est-à-dire « passer de la parole aux actes ». En outre, ils favorisent les cultures d’organisation apprenante, la transparence et l’apprentissage continu.

Les leaders qui ignorent les preuves sont souvent les plus grands obstacles à la prestation de soins sûrs et de qualité. Comme l’illustre la tragédie du Mid Staffordshire Trust, le leadership éclairé par des preuves ne se limite pas à l’accès aux preuves, ni même à leur utilisation. Sir David Nicholson, qui dirigeait le NHS à l’époque, avait accès à de nombreuses preuves, mais il a choisi de se concentrer sur les données financières et, ses subordonnés immédiats, sur les objectifs financiers. Les leaders, en raison des autres attributs de leadership qu’ils possèdent, influencent comment les autres interprètent et partagent les preuves. Comme nous l’avons vu tout au long de cet ouvrage, d’autres qualités de leadership, telles que l’authenticité, l’intégrité morale et l’utilisation efficace du pouvoir, sont nécessaires pour faire un grand leader.

À la fin du chapitre, vous devriez être en mesure de faire ce qui suit :

  1. Faire valoir l’importance de la pratique éprouvée pour les soins infirmiers.
  2. Expliquer comment les leaders qui prennent des décisions éclairées par des preuves contribuent à la qualité et à la sécurité de la prestation des soins aux patient.e.s.
  3. Cerner les obstacles à l’utilisation des preuves dans les établissements de soins de santé.

Exercices

Débattez de la question suivante avec vos camarades de classe : Faut-il donner une autre chance à un.e leader qui laisse de graves manquements à la qualité ou à la sécurité se produire parce qu’il ou elle ignore les preuves?

Références

Berry, L. et Curry, P. (2012). Charge de travail du personnel infirmier et soins aux patients Ottawa : Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et infirmiers.

Berwick, D. (2003). Disseminating innovations in health care. Journal of the American Medical Association, 289(15), p. 1969 à 1975.

Berwick, D. (2013). A promise to learn—a commitment to act.Improving the safety of patients in England. Groupe consultatif national sur la sécurité des patient.e.s en Angleterre. https://www.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/226703/Berwick_Report.pdf

Syndicat des infirmières et infirmiers de la Colombie-Britannique. (2017). Harm Reduction Position Statement. https://www.bcnu.org/AboutBcnu/Documents/PS_HarmReduction.pdf

Presse canadienne (2017). Severity of opioid crisis in Canada, U.S. prompted inclusion in joint statement: Goodale. Toronto Star, 14 février. https://www.thestar.com/news/canada/2017/02/14/severity-of-opioid-crisis-in-canada-us-prompted-inclusion-in-joint-statement-goodale.html

MacPhee, M. (2014). Valoriser la sécurité des patients : Structure responsable de la main-d’œuvre. Ottawa : Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et infirmiers. https://fcsii.ca/wp-content/uploads/2018/02/Valuing-Patient-Safety-WEB-June-17-2014_FR.pdf

Needleman, J. (2016). The economic case for fundamental nursing care. Nursing Leadership, 29(1), p. 26 à 36.

Newhouse, R.P. (2007). Creating infrastructure supportive of evidence-based nursing practice: Leadership strategies. Worldviews on Evidence-based Nursing, premier trimestre, p. 21-29.

Robbins, J., Garman, A.N., Song, P.H. et McAlearney, A.S. (2012). How high-performance work systems drive health care value: an examination of leading process improvement strategies. Quality Management in Healthcare21(3), p. 188 à 202.

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