9.1.2 Plans d’expériences : Analyse

Comme pour toute expérience, une analyse est nécessaire avant de pouvoir se prononcer sur les résultats. Ce chapitre aborde les méthodes d’analyse des plans d’expériences en utilisant les connaissances acquises dans les modules sur la régression.

9.1.5 Analyse de plans d’expériences

Supposons que nous sommes des ingénieur.e.s en biomatériaux cherchant à améliorer la conception d’un implant dentaire. Nous considérons les effets de la rugosité de la surface et de l’angle de contact avec l’eau sur la viabilité d’un biomatériau potentiel pour cette application. Pour que l’implant soit utile, il doit encourager la croissance de grandes quantités de cellules osseuses (ostéoblastes) à sa surface.  Comme dans l’exemple 9.1.3, les tableaux ci-dessous présentent les niveaux (tableau 9.1.5.1), l’ordre standard (tableau 9.1.5.2) et les résultats expérimentaux (tableau 9.1.5.3). Cet exemple peut être résumé comme suit :

Exemple 9.1.5.1 : Analyse de plans d’expériences

Objectif : Augmenter la viabilité de l’implant dentaire

Résultat : Viabilité cellulaire à la surface du matériau prospectif

Facteurs : Rugosité de la surface et angle de contact avec l’eau (voir tableau 9.1.5.1 pour les niveaux)

Tableau 9.1.5.1 : Niveaux du plan d’expériences pour l’implant dentaire
Facteur Niveau bas Niveau élevé
Rugosité de la surface 300 µm 350 µm
Angle de contact avec l’eau 50° 100°
Tableau 9.1.5.2 : Tableau d’ordre standard pour l’implant dentaire
Expérience Rugosité de la surface Angle de contact avec l’eau
1 -1 -1
2 1 -1
3 -1 1
4 1 1
Tableau 9.1.5.3 : Essais expérimentaux pour les plans d’expériences de l’implant dentaire
Expérience Essai Rugosité de la surface Angle de contact avec l’eau Viabilité cellulaire en unités arbitraires (u.a.)
1 4 Faible (300 µm) Faible (50°) 31
2 1 Élevée (350 µm) Faible (50°) 70
3 2 Faible (300 µm) Élevé (100°) 56
4 3 Élevée (350 µm) Élevé (100°) 82

À partir de ces quatre essais, on obtient également un point médian, la moyenne, qui est de 59,75 u.a. On peut ainsi découvrir manuellement les principaux effets de la rugosité et de l’angle de contact avec l’eau (voir la figure 9.1.5.1).

Graphique visualisant le tableau d’ordre standard. La viabilité cellulaire est indiquée pour les différentes combinaisons de rugosité et d’angle de contact avec l’eau.

Figure 9.1.5.1 : Graphique visualisant le tableau d’ordre standard. La viabilité cellulaire est indiquée pour les différentes combinaisons de rugosité et d’angle de contact avec l’eau.

 

Rugosité de la surface

Le passage de 300 à 350 µm de rugosité augmente la viabilité cellulaire, en moyenne, de 32,5 u.a. par 50 µm :

  • en passant de 300 à 350 µm de rugosité, la différence de viabilité cellulaire à un angle de contact avec l’eau de 50° donne : (70 – 31) = 39 u.a.
  • en passant de 300 à 350 µm de rugosité, la différence de viabilité cellulaire à un angle de contact avec l’eau de 100° donne : (82 – 56) = 26 u.a.

 

Angle de contact avec l’eau

L’augmentation de l’angle de contact avec l’eau de 50 à 100° diminue la viabilité cellulaire, en moyenne, de 18,5 u.a. par 50° :

  • en changeant l’angle de contact avec l’eau de 50 à 100°, la différence de viabilité cellulaire à une rugosité de 300 µm donne : (56 – 31) = 25 u.a.
  • en passant d’un angle de contact avec l’eau de 50 à 100°, la différence de viabilité cellulaire à une rugosité de 350 µm donne : (82 – 70) = 12 u.a.

Dans la plupart des logiciels statistiques, ces effets sont considérés comme étant la moitié de ce que nous venons de calculer ci-dessus. Cette différence s’explique par le fait que nous avons codé les niveaux comme si nous allions de -1 à 1, alors que ces niveaux sont considérés mathématiquement comme étant compris entre 0 et 1. Ainsi, les demi-effets rapportés sont :

La rugosité de la surface augmente la viabilité cellulaire, en moyenne, de 16,25 u.a. par 25 µm.

L’angle de contact avec l’eau augmente la viabilité cellulaire, en moyenne, de 9,25 u.a. par 25°.

En utilisant les moindres carrés ordinaires, on peut déterminer que le modèle MCO pour ce système est :

y = 59,75 + 16,25x1 + 9,25x2

où y correspond à la viabilité cellulaire, x1 à la rugosité de la surface et x2 à l’angle de contact avec l’eau.

9.1.6 Interactions

Comme pour la régression linéaire, il faut tenir compte des interactions doivent dans les plans d’expériences. Rappelons que l’on parle d’interactions lorsque l’effet d’un facteur dépend du niveau d’un autre facteur.

En utilisant l’exemple de l’implant dentaire de la section 9.1.5, des diagrammes d’interaction peuvent être générés pour la rugosité et l’angle de contact avec l’eau (figure 9.1.6.1). Le fait que les deux lignes ne sont pas parallèles indique clairement qu’il existe une interaction entre la rugosité et l’angle de contact avec l’eau. (Les ingénieur.e.s en biomatériaux le savent bien!) En fait, toute interaction doit être symétrique : si la rugosité interagit avec l’angle de contact avec l’eau, l’angle de contact avec l’eau interagit avec la rugosité dans la même mesure.

Diagrammes d’interaction de la rugosité de surface et de l’angle de contact avec l’eau pour l’exemple du plan d’expériences de l’implant dentaire

Figure 9.1.6.1 : Diagrammes d’interaction de la rugosité de surface et de l’angle de contact avec l’eau pour l’exemple du plan d’expériences de l’implant dentaire

Si l’on souhaitait calculer les termes d’interaction à la main, on obtiendrait les résultats suivants :

Rugosité de la surface

  • à un angle de contact élevé avec l’eau : 82 – 56 = 26 u.a.
  • à un angle de contact faible avec l’eau : 70 – 31 = 39 u.a.
  • (26 – 39)/2 = -6,5

Angle de contact avec l’eau

  • à rugosité élevée : 82 – 70 = 12 a.u.
  • à rugosité faible : 56 – 31 = 25 u.a.
  • (26 – 39)/2 = -6,5

Terme d’interaction moyen = -6,5/2 = -3,25 u.a.

Rappelons que l’on divise à nouveau par deux parce que nous avons codé les niveaux comme si on allait de -1 à 1, mais que ces niveaux sont considérés mathématiquement comme étant 0 et 1.

En incluant le terme d’interaction, on peut créer le modèle MCO suivant :

y = 59,75 + 16,25x1 + 9,25x2 – 3,25x3

où y est la viabilité cellulaire, x1 la rugosité de la surface, x2 l’angle de contact avec l’eau et x3 le terme d’interaction.

9.1.7 Quelle est la prochaine étape?

Ces expériences ne sont que l’ébauche d’une réflexion qui vous aidera à comprendre votre système. Si vous voulez vraiment l’optimiser, il faudra mener d’autres expériences. Par conséquent, cela nous amène à la question suivante : « Quelle est la prochaine étape? »

Pour être en mesure de répondre à cette question, il faut faire évoluer les niveaux de nos facteurs dans une direction qui optimise notre objectif. Dans le cas de l’exemple utilisé aux sections 9.1.5 et 9.1.6, il s’agirait de modifier les niveaux de rugosité de surface et d’angle de contact avec l’eau dans une direction qui, selon nous, permettra d’améliorer la viabilité des cellules. On peut mieux visualiser ce processus à l’aide d’un graphique des courbes de niveau (figure 9.1.7.1). À partir de ce graphique, nos prochaines expériences pour cet implant dentaire se situeraient dans la partie supérieure droite du graphique (c’est-à-dire un angle de contact plus élevé et une rugosité de surface plus importante). L’utilisation de courbes de niveau est utile pour les systèmes à deux ou trois facteurs, mais avec l’augmentation de la complexité, il n’est plus possible de les visualiser. Il faut alors trouver le vecteur pointant dans la direction à suivre pour augmenter le résultat mesuré.

Graphique des courbes de niveau montrant les interactions entre la rugosité et l’angle de contact avec l’eau sur la viabilité cellulaire.

Figure 9.1.7.1 : Graphique des courbes de niveau montrant les interactions entre la rugosité de la surface et l’angle de contact avec l’eau sur la viabilité cellulaire.

Licence

Introduction aux méthodes statistiques en ingénierie© par C. Bassim et Bryan Lee. Tous droits réservés.

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