3-4 Expliquer les retombées potentielles de votre projet

Sarrah Lal et Teresa Chan

 

Aperçu

Avez-vous déjà essayé d’expliquer votre travail à quelqu’un qui n’est pas dans votre domaine et observé une profonde perplexité dans son regard? Ou pire encore, un haussement d’épaules? Bien sûr, l’interprétation des retombées de notre projet est très subjective. Nous pourrions nous dire : « Les autres ne comprennent tout simplement pas. » Mais que se passerait-il si nous pouvions mieux communiquer pour que les gens comprennent mieux notre travail, même ceux qui ne font pas partie du milieu universitaire?

En tant que chercheuses et chercheurs, il est de notre responsabilité de générer de nouvelles connaissances, et de promouvoir ensuite leur utilisation pour créer une valeur tangible. Prenons le temps de voir au-delà des publications de recherche qui ne sont lues que par des spécialistes de notre domaine. Libérons tout le potentiel de votre travail en ciblant de nouveaux publics. Dans ce chapitre, nous explorerons l’utilisation des médias sociaux, du transfert de technologie, des publications non universitaires, des vidéos et de l’infographie pour élever les standards de nos travaux de recherche. À la fin de ce chapitre, vous connaîtrez mieux votre public ainsi que les différents types de mobilisation des connaissances, et vous saurez comment mesurer l’efficacité de vos efforts d’influence.

Principaux points à retenir du chapitre

À la fin de ce chapitre, vous serez en mesure de :

  • Connaître votre (vos) public(s) cible(s).
  • Classer les types de techniques de mobilisation des connaissances (médias sociaux, publications universitaires ou non, transfert de technologie, vidéos, infographie, etc.) et comparer leurs retombées potentielles sur différents publics.
  • Utiliser la pensée associative pour déterminer les publics susceptibles de bénéficier, directement ou indirectement, de vos recherches.
  • Décrire comment trouver des comparateurs pertinents.
  • Élaborer un plan pour mesurer la retombée des efforts de mobilisation des connaissances.

 

Vignette

Nkosa fixe les commentaires de sa demande de subvention. Elle a été classée cinquième sur les onze demandes soumises l’année dernière pour l’enseignement local. Le président l’a encouragée à revoir sa proposition et à la soumettre à nouveau pour le concours de cette année, en soulignant que son équipe avait obtenu seulement quelques points de moins que les trois projets qui s’étaient le mieux classés. Le Dr Jeong a laissé entendre que si Nkosa pouvait renforcer l’énoncé des retombées de son projet et se concentrer sur sa pertinence pour les membres de première ligne de la faculté, son équipe pourrait avoir plus de succès cette année.

En examinant les commentaires au sujet de sa demande de subvention, Nkosa remarque que l’évaluateur n°2 a été très dur avec elle. Son commentaire avait seulement été copié-collé (sans aucun filtre), et semblait être de la simple mémétique :

« Très franchement, je ne comprends pas la pertinence de ce projet. En tant que médecin enseignant de première ligne, je pense que ce projet est beaucoup trop théorique et qu’il n’a rien à voir avec les réalités de l’enseignement médical en première ligne ».

En relisant cette critique, Nkosa soupire. Comment allait-elle prendre en compte ce commentaire et retravailler sa demande de subvention pour cette année?

Approfondir le concept

Lorsque vous faites de la recherche, il est important d’expliquer l’influence que vous pensez avoir. En matière de demande de subventions et de rédaction (1), les deux questions les plus importantes que vous devez vous poser en tant que chercheuse ou chercheur sont les suivantes :

  1. En quoi cela peut-il être utile?
  2. Pour qui est-ce pertinent?

Ces deux questions sont d’une importance cruciale pour déterminer comment vous ferez en sorte que votre recherche ne se limite pas à un simple article qui sera publié, mais qui ne sera jamais lu et auquel on ne se rapportera jamais.

Nous pensons qu’il y a 4 étapes clés pour exposer les retombées de votre étude à votre lectorat. Que ce soit pour rédiger un projet de recherche, une demande de subvention, un protocole de recherche ou un manuscrit, ces quatre étapes peuvent vous être très utiles :

Étape 1 : Définir votre public cible

Étape 2 : Dresser la liste de toutes les parties prenantes

Étape 3 : Déterminer comment les parties prenantes utiliseront les nouvelles connaissances transmises par votre projet

Étape 4 : Trouver des modèles

Étape 1 : Définir votre public cible

Le fait de vous demander qui s’intéressera aux résultats de votre recherche est certainement une première étape importante pour réfléchir aux retombées de votre travail. Il existe de nombreuses stratégies qui permettent de mener une réflexion approfondie afin d’analyser cette question sous tous les angles. Voici une activité qui pourrait vous aider à réfléchir à votre public cible :

Exercice – 99 cas d’utilisation

Cette activité est plus facile à réaliser en groupe, alors réunissez-vous avec tous les membres de votre équipe!

Il s’agit d’une variante d’un exercice que l’on utilise parfois dans les écoles de commerce pour faciliter le remue-méninges autour de nouveaux modèles d’entreprise. Avec votre équipe de recherche, essayez de trouver 99 façons dont les résultats de votre étude pourraient être utilisés (qu’il s’agisse d’hypothèses ou de résultats réels). Cela semble beaucoup, nous le savons, et vous aurez probablement du mal à vous lancer, mais essayez de ne pas vous restreindre et de laisser libre cours à votre créativité.

Pensez à de grandes utilisations (à l’échelle du système) et à de plus petites utilisations (dans le cadre d’une rencontre individuelle entre un.e enseignant.e et un.e étudiant.e, par exemple). Réfléchissez à la manière dont des groupes d’individus pourraient utiliser vos connaissances. À la fin de votre séance de remue-méninges, examinez les 99 cas d’utilisation possibles et essayez de cibler les personnes qui étaient au centre de ces utilisations. Vous obtiendrez ainsi la liste des gens qui seront susceptibles d’utiliser ces connaissances, et qui constitueront certainement un public cible important pour vos messages et vos écrits à l’avenir.

Étape 2 : Dresser la liste de toutes les parties prenantes

Une fois que vous avez dressé la liste de tous les membres possibles du public, il est temps de réfléchir à la manière dont ces parties prenantes peuvent interagir les unes avec les autres, et à leurs besoins communs.

Exercice – Schéma conceptuel

La schématisation conceptuelle peut être très utile pour communiquer, mais aussi pour comprendre comment vous réfléchissez à un sujet. Vous avez peut-être déjà utilisé la schématisation conceptuelle pour des exercices d’élaboration en tant que stagiaire ou apprenant.e (p. ex. schématiser le fonctionnement du système endocrinien), mais nous vous suggérons maintenant de prendre quelques minutes pour essayer de schématiser les groupes d’individus qui pourraient interagir avec les résultats de votre étude.

Déterminez qui lira votre étude et qui utilisera les connaissances qui en ressortent : Pensez à chaque type de personne susceptible de lire vos résultats et d’interagir avec eux; pensez à un membre du corps enseignant, par exemple. Ce type de schématisation vous permet de déterminer qui pourrait être susceptible de bénéficier, directement ou indirectement, de vos recherches.

Réfléchissez aux personnes en amont et en aval des personnes initialement visées : Avec qui ce membre du corps enseignant pourrait-il interagir en amont (p. ex. qui aurait pu lui parler de votre projet et de ses résultats) ou en aval (p. ex. des apprenant.e.s, d’autres membres du corps enseignant, des membres d’administration)? Comment chaque partie prenante a-t-elle pu acquérir ces connaissances, grâce aux médias sociaux, à une formation ou à une conférence? Pour chaque nouvelle personne, faites le même exercice (qui est en amont ou en aval)?

Étape 3 : Déterminer comment les parties prenantes utiliseront les nouvelles connaissances transmises par votre projet

Cette étape vous aidera à répondre à la question « En quoi cela peut-il être utile? », posée précédemment. Utilisez la liste des parties prenantes que vous avez établie pour réfléchir aux questions suivantes :

  1. Qu’est-ce que les gens feront différemment s’ils prennent connaissance de votre projet?
  2. Comment pourriez-vous les convaincre de changer leurs actions?

Quels seront les avantages pour eux s’ils modifient leur façon de faire? Pour vous aider dans votre réflexion, vous pourriez poser ces questions directement à des membres de votre public potentiel! Parfois, les scientifiques prévoient même des budgets pour organiser des groupes de discussion avec les différentes parties prenantes afin de mieux comprendre comment ces gens utiliseront leurs nouvelles découvertes scientifiques. Si vous n’avez pas de budget pour cela, essayez plutôt de demander à quelques personnes dans votre réseau ce qu’elles pensent de vos résultats. Plusieurs équipes de recherche le font lors de conférences nationales ou en utilisant les médias sociaux. Ces discussions avec vos parties prenantes vous aideront à trouver vos points faibles. Pensez donc à interroger différents types de personnes. Un autre conseil serait de revenir à votre activité de remue-méninges sur les 99 cas d’utilisation possibles pour voir si ceux-ci trouvent un écho auprès de vos parties prenantes.

Étape 4 : Trouver des modèles

Une autre méthode que vous pouvez utiliser pour comprendre comment les gens s’intéresseront à votre travail consiste à trouver des modèles ou des comparateurs pertinents et à analyser comment ils ont réussi à convaincre les autres de changer leurs pratiques. Cette « analyse de la concurrence » peut s’avérer très utile, car elle met souvent en évidence de nouvelles idées auxquelles vous n’aviez pas pensé auparavant. Parfois, cette analyse consistera simplement à demander à votre communauté de chercheuses et de chercheurs si quelqu’un a déjà réalisé un projet similaire, et à lui demander conseil.

Dans d’autres cas, il s’agira de procéder à une revue de la littérature afin de déterminer comment d’autres scientifiques ont mené ce genre de recherche auparavant. Il est également possible d’explorer les programmes de perfectionnement du corps professoral (voir les ressources suggérées ci-dessous et dans les références) afin de vous améliorer en ce qui concerne la diffusion de vos recherches, l’application des connaissances et les stratégies de mise en œuvre à la fin de la subvention. Des équipes de recherche demandent même ouvertement sur les médias sociaux des conseils sur la meilleure façon de s’engager dans certaines pratiques. La ressource suivante fournit quelques conseils pour développer votre image de marque :

 

Un ou plusieurs éléments interactifs ont été exclus de cette version du texte. Vous pouvez les consulter en ligne ici : https://ecampusontario.pressbooks.pub/hperprimer/?p=52#oembed-1

Enfin, en vous impliquant dans le comité d’examen de votre établissement, le comité d’éthique ou les comités d’attribution des subventions, vous pourrez obtenir de précieux conseils et trouver des exemples d’équipes de recherche qui exposent l’importance et les retombées potentielles de leur travail.

Principaux points à retenir

En résumé, lorsque vous expliquez les retombées potentielles de votre travail, vous devez tenir compte des éléments suivants :

  1. Réfléchissez à toutes les parties prenantes possibles : utilisez des techniques d’élaboration (comme la schématisation conceptuelle ou les séances de remue-méninges) pour penser à toutes les personnes qui pourraient être touchées par votre travail. Pensez à la fois au niveau proximal (c’est-à-dire aux personnes qui pourraient immédiatement utiliser les résultats de votre étude) et au niveau distal (c’est-à-dire aux personnes qui pourraient être touchées par votre travail à long terme).
  2. Connaissez votre (vos) public(s) : il est essentiel de savoir quel serait le public potentiel de votre article ou de votre subvention. Si vous rédigez une demande de subvention, cela signifie généralement que vous vous adressez à des évaluatrices et évaluateurs, et à des donatrices et donateurs établis dans le domaine, qui connaissent le terrain. Si vous rédigez un article, l’équipe de rédaction, l’équipe de révision et le lectorat voudront savoir en quoi votre travail est pertinent pour eux. Veillez à vous appuyer sur les travaux réalisés par d’autres équipes de recherche, mais examinez également la littérature pour repérer les controverses et les dilemmes que vous pourriez mettre en évidence afin de montrer que vous êtes bien au fait des discussions dans ce domaine.
  3. Envisagez de consulter d’autres personnes pour vous aider à identifier les zones grises : la diversification de votre équipe de subvention ou de rédaction peut vous aider à identifier les zones grises en ce qui concerne les retombées (à la fois positives et négatives) que peut avoir votre travail dans le domaine. Vous pourriez aussi former un groupe de partenaires pour participer à des projets communs.

Références

  1. Bordage G., Dawson B., Experimental study design and grant writing in eight steps and 28 questions. Medical education. 2003 Apr; 37(4):376-85.
  2. Varpio L., Using rhetorical appeals to credibility, logic, and emotions to increase your persuasiveness. Perspectives on medical education. Juin 2018; 7(3):207-10.

À propos des autrices

Sarrah Lal est professeure adjointe au sein de la Division de l’enseignement et de l’innovation du département de médecine, Faculté des sciences de la santé de l’Université McMaster. Elle dirige aussi l’équipe de leadership et de gestion au sein du programme de perfectionnement du corps professoral, et elle est membre du programme MERIT (McMaster Education Research, Innovation, and Theory).

Teresa Chan est professeure agrégée au sein de la Division de médecine d’urgence du département de médecine et occupe également un poste au sein de la Division de l’enseignement et de l’innovation. Elle est également doyenne associée au Continuing Professional Development Office (CPD) et clinicienne scientifique du programme MERIT (McMaster Education Research, Innovation & Theory) de la faculté des sciences de la santé de l’Université McMaster.

 

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