2-2 Établissement des objectifs de recherche et formulation des questions de recherche
Aperçu
Les idées de recherche en enseignement des professions de la santé foisonnent. Quelles sont différentes approches en matière de conception des programmes d’études? Pourquoi choisir une méthode d’évaluation plutôt qu’une autre? Comment fonctionne l’apprentissage par problèmes? Passer d’une idée à une question de recherche qui améliorera notre compréhension et contribuera à la conversation en enseignement des professions de la santé tient quand même à la fois de l’art et de la science. C’est l’art de comprendre ce qui attirera l’attention de la communauté, et la science de savoir formuler une question axée sur la description, la justification ou la clarification.
Les bonnes questions de recherche tiennent bien compte de la portée du sujet à l’étude. Si elle est trop large, il sera difficile de trouver une signification, si elle est trop précise, c’est l’application qui sera problématique. Les bonnes questions de recherche sont souvent naturellement adaptées à une certaine méthodologie, ou correspondent à la méthodologie, qui convient le mieux au type de question posée ou à la manière dont elle est posée. Finalement, les bonnes questions n’échappent pas à leur contexte d’origine. Comme les personnages principaux d’une intrigue, elles sont résolument uniques. Sans crainte des préjugés, les bonnes questions de recherche formulent clairement les hypothèses sur lesquelles elles s’appuient et réfutent les erreurs d’interprétation par la systématisation. Ce chapitre vous présentera les types de questions de recherche. Nous verrons que les préjugés sont inhérents à toute question de recherche, mais qu’ils peuvent être atténués. Finalement, nous verrons comment les questions de recherche facilitent le choix des méthodologies : la conversation progresse toujours mieux lorsque l’adéquation des méthodes et de la question entraîne clarté, découverte ou nouveauté.
Principaux points à retenir du chapitre
Dans ce chapitre, les participant.e.s apprendront à :
- Classer les questions de recherche en différents types (description, justification, clarification).
- Reconnaître les préjugés dans les questions de recherche.
- Élargir la perspective d’une question de recherche par la collaboration
Vignette
Quelle première année de résidence stimulante! Xyla a été mutée à un nouveau centre pour commencer sa médecine interne et elle a l’impression de s’être redécouverte, de s’être construit une nouvelle identité professionnelle grâce à son parcours. Elle se demande à quel point le changement de contexte culturel a contribué à forger sa nouvelle identité. Quelle bonne idée de projet de recherche! Mais comment transformer cette idée en un sujet de recherche? Quel type de questions pose-t-elle en fait? S’agit-il d’une question de description, de justification ou de clarification? Existe-t-il une théorie pertinente? Elle a déjà réalisé des sondages.Doit-elle simplement reprendre cette approche et l’adapter?
Approfondir le concept
Le travail requis pour rédiger une question de recherche concise et précise en vaut la peine. Formuler une seule phrase peut sembler facile, mais trouver une question qui contribue à la conversation dans la littérature peut s’avérer vraiment complexe. Une bonne question cible précisément le stade de l’action, la zone proximale de développement pour le domaine. Elle remet en question la norme, mais coïncide bien avec la conversation existante. Si vous êtes dans la même position que Xyla, et souhaitez explorer quelque chose de nouveau, assurez-vous de commencer par comprendre où en est le domaine actuellement. Faites des recherches systématiques dans la littérature, décortiquez les articles pour bien comprendre les conversations actuelles autour du sujet avant de formuler votre question de recherche. Pour que votre question de recherche suscite une conversation dans le domaine, elle doit s’appuyer sur les travaux des autres et mettre en évidence une lacune importante dans la littérature, qui n’a pas encore été abordée. Il est important d’aborder les lacunes sur le plan théorique et pratique pour la pertinence de votre question. Reproduire pour les résident.e.s de médecine interne une étude déjà réalisée dans un groupe plus large de résident.e.s comble-t-elle réellement une lacune? C’est possible, surtout s’il existe une raison théorique de considérer les résidents.es en médecine interne comme uniques, et particulièrement si cette raison théorique est inextricablement liée au concept à l’étude. Par exemple, le lien entre la supervision et l’attribution d’une responsabilité est bien établi, mais lorsque les tâches sont cognitives, comme en médecine interne, la signification des termes supervision directe et indirecte est moins claire, mais pourtant très pertinente lorsqu’il est question d’attribuer des responsabilités. Ici, la lacune est liée au concept d’intérêt et celui-ci vaut la peine d’être exploré.
Une fois la lacune cernée, il faut déterminer s’il est possible de formuler une question de recherche qui expliquera cette lacune. Comment apprendrez-vous quelque chose et convaincrez-vous les autres que vous avez appris quelque chose au sujet de cette lacune? Considérons les différents types de questions. Adoptez-vous une approche de description, de justification, ou de clarification? Pour obtenir davantage d’information au sujet de ces différents types de questions, lisez l’article de Cook et coll. indiqué dans la liste de lectures suggérées (1).
Maintenant, étudions le langage utilisé. Les mots sont importants. Cela vaut donc la peine d’étudier sérieusement les termes que vous allez utiliser. Est-ce que ce sont les termes qui ressortent dans la littérature? Ces termes sont-ils les plus susceptibles de nous aider à mieux comprendre la lacune? Sont-ils assez précis et ciblés pour faire l’objet d’une recherche? Souhaitez-vous vous pencher sur une évaluation qui s’appuie sur le lieu de travail ou sur une évaluation des responsabilités professionnelles qui peuvent être confiées? La différence de terminologie pose les bases de l’ensemble de votre recherche.
Puis, une fois le langage établi, il faut trouver l’équilibre entre concision et exhaustivité. Il ne faut pas perdre le lectorat dans une formulation interminable et trop détaillée de la question de recherche, mais exposer le sujet assez clairement pour formuler une bonne question de recherche et non un simple objectif. Bon nombre de personnes incluront le contexte, la population et la méthodologie dans leur question. Comme dans la formulation de nombreuses questions de recherche clinique qui inclut la population, l’intervention, le contrôle et le résultat. Finalement, voyez si votre question de recherche peut être divisée en questions plus petites, particulièrement si vous faites référence à plusieurs méthodologies ou populations. Les questions de recherche trop générales entraînent souvent des méthodes complexes et leurs résultats sont difficiles à interpréter.
Il est bon de présenter votre question à votre équipe de recherche et d’y réfléchir. Les interrogations suivantes guideront votre réflexion au sujet de votre question de recherche :
- Peut-on y répondre?
- Corrige-t-elle la lacune que vous avez relevée dans la littérature?
- Est-elle assez précise et offre-t-elle un contexte suffisant pour prédire les méthodes?
- Contribuera-t-elle à la conversation dans la littérature?
- Aura-t-elle un sens?
- Une incidence? (Voir le chapitre 3-4 pour une réflexion plus approfondie sur ce sujet.)
Vous pouvez également examiner certains articles portant sur la manière de bien formuler les questions de recherche indiqués dans la liste de références ci-dessous (2-4).
Aussi, écoutez la baladodiffusion suivante de la Dre Larkin Lamarche et de la Dre Teresa Chan au sujet des questions de recherche. Certains articles mentionnés dans la baladodiffusion sont disponibles ci-dessous.
Principaux points à retenir
- Dans une question de recherche, les mots sont importants. Cela vaut la peine de prendre le temps de bien étudier les termes que vous choisissez.
- Orientez votre question vers la lacune dans la littérature. Souvenez-vous qu’elle doit présenter un intérêt sur le plan théorique et pratique pour votre public cible.
- La portée est importante. Les questions trop générales ne peuvent habituellement pas faire l’objet d’une étude, et les questions trop précises ne présentent souvent pas d’intérêt.
- Ne vous pressez pas. Formuler une question à la hâte en ralentit la publication!
Conclusion de la vignette
Xyla décide d’abord de se plonger dans la littérature. Elle réalise qu’il existe de nombreux cadres théoriques au sujet de l’identité professionnelle. Elle communique avec une autrice d’un article qu’elle a lu et discute de ses idées. Elle décide d’explorer le rôle du contexte culturel dans l’identité professionnelle en se penchant sur les personnes qui suivent leur formation dans des cultures différentes. Elle utilise la théorie de l’apprentissage transformateur comme cadre pour aider à clarifier sa question.
- Cook D.A., Bordage G., Schmidt H.G. Description, justification and clarification: a framework for classifying the purposes of research in medical education. Medical education. Février 2008; 42(2):128-33. Consulter sur Mac | Consulter sur le site de Medical Education
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Eva, K. W. (2008). On the limits of systematicity. Medical Education, 42(9), 852–853. Consulter sur Mac | Consulter sur le site de Medical Education
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Dine C.J., Shea J.A., Kogan J.R. Generating good research questions in health professions education. Academic Medicine. 1er décembre 2016; 91(12):e8. Consulter sur Mac | Consulter sur le site de Academic Medicine
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O’Brien B.C., Ruddick V.J., Young J.Q. Generating research questions appropriate for qualitative studies in health professions education. Academic Medicine. 1er décembre 2016; 91(12):e16. Consulter sur Mac | Consulter sur le site de Academic Medicine
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Monte A.A., Libby A.M. Introduction to the Specific Aims Page of a Grant Proposal. Academic Emergency Medicine. Septembre 2018; 25(9):1042-7. Consulter sur Mac | Consulter sur le site de Academic Emergency Medicine
À propos de l’auteur et de l’autrice
Matt Sibbald
McMaster University
Matthew Sibbald est professeur agrégé en médecine à l’Université McMaster ainsi que cardiologue d’intervention à Hamilton Health Sciences and Niagara Health System. Il est également doyen associé du programme d’études en médecine de premier cycle de la Michael G. DeGroote School of Medicine.
Sarah Blissett
Schulich School of Medicine & Dentistry, Western University
Sarah Blissett est professeure adjointe dans le département de médecine (division de la cardiologie) à l’Université Western. Elle est également chercheuse pour le Centre for Education Research and Innovation, Schulich School of Medicine and Dentistry, de l’Université Western.
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