9. Forme, distribution et sens
1 Introduction
Pour ce dernier chapitre, nous allons mettre en application plusieurs des notions vues dans les dernières semaines pour mettre en évidence des propriétés de la grammaire du français qui posent souvent des difficultés pour les apprenants et apprenantes du françaises. Mais avant, une discussion sur quelques propriétés grammaticales du français.
2 Les fonctions grammaticales
La position des groupes dans la phrase détermine leur fonction (sujet, complément d’objet, etc.). La première fonction dont nous voulons parler est traditionnellement appelée la fonction d’attribut: c’est la fonction de prédicat du sujet, lorsque le groupe est placé après un verbe d’état, particulièrement le verbe être. Comme on le voit, il y a un parallèle à faire entre ces constructions et les compléments de GN discutés la semaine dernière.
Exercice 1. Découvrir la fonction de prédicat
Points à retenir
Les GN, GA et GP peuvent avoir la fonction de prédicat de la phrase lorsqu’ils apparaissent après le verbe copule être.
- Le GA en position de prédicat: met en évidence une qualité du sujet.
- Le GN en position de prédicat: marque l’appartenance du sujet à la classe à laquelle s’applique le GN prédicat, ou à identifier le sujet.
- Le GP en position de prédicat: exprime une relation entre le sujet et une réalité indépendante, celle identifiée au GN à l’intérieur du GP.
Savez-vous reconnaître les autres fonctions principales des groupes dans la phrase. L’exercice suivant les présente rapidement.
Exercice 2. Les compléments d’objet, et autres fonctions
Points à retenir
Les GN qui occupent les positions de sujet, de complément d’objet direct et de complément d’objet indirect ont les propriétés suivantes:
- Au niveau distributionnel:
- Le sujet précède le verbe.
Le COD et le COI sont après le verbe, et le COI est après une préposition.
- Le sujet précède le verbe.
- Au niveau formel:
- Le sujet s’accorde avec le verbe,
- Le COI est précédé des prépositions à et de.
- Au niveau sémantique:
- Le sujet est la réalité qui contrôle la situation, sans qui la situation n’existerait pas
- L’objet direct est la réalité sous le contrôle de la réalité identifiée par le sujet.
- L’objet indirect est indirectement relié à la situation en ce qu’il n’est pas le contrôleur (le Sujet) ou la réalité contrôlée dans la situation. Mais il reste impliqué dans la situation
3. L’ambiguïté structurale
Lorsque les groupes deviennent complexes, l’enchâssement des formes mène à des structures dans lesquelles un groupe peut recevoir deux analyses: il y a alors une ambiguïté structurale. L’activité suivante vous permet de comprendre la genèse de cette ambiguïté et de donner des représentations à ces différentes interprétations.
Exercice 3. L’ambiguïté structurale: découverte et pratique.
Points à retenir
Lorsqu’un groupe A contient un autre groupe B, il est possible qu’un troisième groupe C puisse être inclus dans A ou dans B. Dans un tel cas, le groupe A est ambigu. La différence est facilement représentable en terme de crochets.
4. Les GN en DE
Vous avez certainement déjà constaté qu’il y a une différence formelle entre le français et l’anglais relativement à l’expression des noms comme eau. La différence est illustrée en (1) et (2):
- Flix boit de l’eau.
- Flix drinks water/is drinking water.

Alors que la phrase (1) du français utilise la forme de l’eau en position de COD pour décrire la situation en (1), l’anglais utilise un GN composé du noyau nominal simple water en (2).
Pourquoi est-ce le cas? Nous allons montrer dans cette section que cette différence découle du fait qu’en français le nombre grammatical (le singulier et le pluriel) du GN est exprimé sur le déterminant, alors que le nombre grammatical est exprimé directement sur le nom en anglais.
Avant de présenter l’analyse, il importe de bien comprendre la nature de la réalité à laquelle s’applique les GN de l’eau et water dans les phrases en (1) et (2). C’est l’objet de la première activité.
Exercice 4. Réalités massives: découverte
Points à retenir
En terme d’application à des réalités du monde, les noms communs se divisent en nom massif et nom dénombrable
- Nom massif: chaque instance d’une réalité massive est identique à toutes les instances de cette réalité cumulée. C’est pour cette raison qu’on peut appliquer la même forme au cumul et à chaque instance de la réalité.
- Nom dénombrable: chaque instance d’une réalité individuelle (dénombrable) est différente de toutes les instances de cette réalité: Étant donnée la règle du UN, une seule forme peut étiquetée une réalité à la fois, et il faut plusieurs formes pour faire un étiquetage de toutes les réalités individuelles.
La différence entre l’anglais et le français entre la réalisation des GN massifs et dénombrables dans la phrase ne peut dépendre du domaine d’application des noyaux dans les deux langues. Nous montrons dans la prochaine activité que cette différence est liée à l’expression du pluriel dans les deux langues.
Exercice 5. Nombre grammatical et le massif
Points à retenir
Il y a une différence entre l’anglais et le français relativement à l’expression du nombre grammatical (ou de la quantification des étiquettes)
- En anglais, le nombre grammatical est marqué directement sur le noyau du GN
- Les GN composés d’un noyau simple sont possibles en anglais :
- si ce noyau est singulier, la forme exprime un valeur massive;
- si ce noyau est pluriel, on exprime une multiplication des étiquettes.
- Dans les deux cas, le GN a une valeur indéfinie.
- En français, le nombre grammatical est marqué sur le déterminant
- Le nombre étant sur le déterminant en français, seul le nom propre peuvent être noyau d’GN sans déterminant, et les applications indéfinies du massif et du pluriel nécessitent un déterminant partitif (en DE).
- L’interprétation indéfinie est massive lorsque le déterminant est au singulier (de l’, du et de la),
- L’interprétation indéfinie est plurielle lorsque la forme est des.
Plusieurs mots ont des applications massives et dénombrables, et il existe une série de GN qui présente la partition de réalité massive. L’activité suivante met en lumière certains cas particuliers.
Exercice 6. Emploi des noms à valeur massive (et autres emplois)
Points à retenir
Les mots ont des domaines d’application très variés, application déterminée par convention et habitude.
- Une même forme peut parfois s’appliquer à une réalité massive (de la bière) ou individuelle (une bière).
- La grammaire du français permet de constituer des GN complexes où un noyau nominal permet d’individualiser une portion de la masse (un verre de bière).
5. Les articles contractés
La présentation suivante discute de l’analyse des articles contractés au, aux, du et des, et de comment reconnaître les deux analyses possibles des constructions en DE en français.à
Exercice 7. Les articles contractés
Points à retenir
On reconnaît deux types d’articles contractées
- Ceux qui apparaissent au début d’un GP: au, aux, du et des sont les noyaux d’un groupe, et sont catégorisés PD.
- Ceux qui apparaissent au début de GN s’appliquant sur une réalité massive ou pluriel): du et des sont alors des déterminants DET
- Toutes les formes DE+LE peuvent recevoir une analyse de GP ou de GN: c’est une question de distribution.
Cette discussion termine la matière couverte dans le cours. Ce chapitre a appliqué plusieurs des acquis vus depuis le début du semestre. Voici les points importants qui y ont été examinés:
- On peut déterminer la fonction d’un groupe dans la phrase en fonction des positions qu’ils occupent, de leur propriétés morphologiques et de leur interprétation (leur sens).
- On a identifié les fonctions suivantes
- Sujet de la phrase (pour les GN)
- COD (pour les GN)
- COI (pour les GP, qui introduisent un GN)
- Prédicat (pour les GN, les GA et les GP)
- Complément de nom (pour les GA et GP)
- Il y a une différence entre le français et l’anglais relative à place du nombre dans le GN dans les deux langues.
- En anglais, le nombre est sur le noyau du GN, alors qu’il est sur le déterminant en français.
- Cette différence rend compte du fait que les noms sans déterminant s’appliquent à des réalités massives ou des pluralités indéfinies, ce qui est impossible en français: la forme du partitif est nécessaire pour qu’un GN puisse s’appliquer à de telles réalité
- La forme du GN est une indication de la réalité à laquelle il s’applique, un fait qui diffère entre les langues.
- Un GN sans déterminant en français ne peut s’appliquer qu’à une réalité individuel (un nom propre)
- Un GN sans déterminant en anglais peut, en plus de la réalité individuelle, s’appliquer à une réalité massive (s’il le GN est singulier) ou une pluralité (si le GN est au pluriel).
- Un GN avec un déterminant (singulier) s’applique toujours à une réalité individuelle appartenant à la classe identifiée par le noyau.
- Le domaine d’application d’une même forme peut contenir une réalité massive et une réalité dénombrable reliée (du poulet versus un poulet) et différentes expressions de la langue permettent, selon les habitudes et conventions, de donner une description explicite d’une la réalité massive (une aile de poulet, une pointe de tarte).
- Finalement, les formes contractés et les formes en DE en français peuvent recevoir une analyse de déterminant partitif ou de préposition selon le contexte d’utilisation.