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14 Considérations futures

La rédaction du guide pratique de l’initiative SAIL nous a donné une occasion supplémentaire de réfléchir à son sujet. En effet, tout au long du processus de rédaction, nous avons vu de nombreuses occasions d’améliorer cette initiative, et nous avons maintenant une foule d’options en vue d’une troisième édition! Vous trouverez ci-dessous une brève réflexion sur les conditions idéales de mise en œuvre d’un projet pilote SAIL ainsi que sur son utilité potentielle. Nous y décrivons également diverses possibilités d’amélioration, notamment le renforcement de la communauté, de la cohérence et de la fiabilité parmi les membres du groupe de travail sur les OAI; l’adaptation de l’évaluation des objectifs d’apprentissage institutionnels en fonction de l’objectif de la recherche; et l’implication des étudiant.e.s en tant que co-chercheur.euse.s.

Conditions optimales pour la mise en œuvre d’un projet pilote SAIL

Comme indiqué à la section Forces et limites, nous avons remis en question l’adaptabilité de ce modèle d’évaluation des objectifs d’apprentissage, car sa conception est exigeante en ressources et repose sur l’utilisation d’une grille critériée normalisée. Nous croyons que pour être optimale, l’initiative SAIL doit se faire dans les conditions suivantes :

  • Engagement volontaire : Les membres du corps professoral sont encouragés à participer, mais ne sont pas tenus de la faire. Cette démarche privilégie la valeur éducative de l’initiative SAIL plutôt que la conformité aux règlements.
  • Perfectionnement professionnel immersif : Les membres du corps professoral sont invités à consacrer au moins 35 heures au cours d’un semestre pour y participer.
  • Culture collégiale axée sur l’enseignement : Pour réussir, les membres du corps professoral doivent faire confiance au processus, à leurs pairs et aux coordonnateur.trice.s SAIL.
  • Restriction concernant certains types de travaux intégrés au cours : En raison de l’utilisation d’une grille critériée normalisée, l’initiative SAIL est idéale pour les travaux écrits et oraux. En revanche, il est difficile de l’utiliser pour certains types de travaux, comme ceux qui sont principalement basés sur des chiffres (p. ex., dans les cours de mathématiques et de statistiques), et pour les examens à choix multiples.

L’initiative SAIL est une méthode idéale pour la formation et le développement immersifs du corps professoral. Dans les bonnes conditions, cette initiative est une pratique à fort impact qui fait participer le corps professoral à une approche académique de l’enseignement et à l’avancement des connaissances sur l’enseignement et l’apprentissage.

Renforcer la communauté et la fiabilité

Les communautés de pratique sont des milieux vivants et dynamiques. Nous sommes d’accord avec les spécialistes qui considèrent les communautés de pratique comme des processus plutôt que comme de simples entités qu’il suffit de mettre en place. En d’autres termes, ces communautés se forment au fil du temps et de l’apprentissage. Elles ne naissent pas dès le départ. Ce sont des « processus d’apprentissage » (Pyrko et al., 2016, p. 390) où l’on réfléchit ensemble à un champ d’intérêt commun.

La méthodologie de l’initiative SAIL repose sur l’idée que les groupes de travail sur les OAI sont des facettes évolutives du cycle de planification de l’initiative SAIL et qu’ils se transforment à mesure que les connaissances sont partagées, créées et reconsidérées dans le cadre d’un processus d’apprentissage collaboratif. Chaque groupe de travail a sa réalité : il a des besoins, des forces, des contraintes, des questions et des solutions qui lui sont propres. Les coordonnateur.trice.s SAIL ont donc la responsabilité de faciliter le dialogue au sein des groupes de travail, de réunir des ressources pour soutenir les besoins d’apprentissage de leurs membres, et de créer le temps et l’espace nécessaires pour la recherche-action.

Au cours des deux premières éditions des projets pilotes SAIL, les membres du corps enseignant ont régulièrement exprimé leur souhait d’avoir plus d’occasions d’évaluer les travaux collectivement, de discuter des résultats des évaluateur.trice.s, et de trouver ensemble des solutions. Plus précisément, les professeur.e.s ont noté un décalage entre la formation des évaluateur.trice.s et l’évaluation des artéfacts des étudiant.e.s. Ils ont également exprimé le souhait de tenir une séance structurée qui leur permettrait d’examiner les évaluations des évaluateur.trice.s avec leurs pairs pour discuter des options de reconception de leurs cours.

À l’avenir, nous suggérons de modifier le cycle de planification de l’initiative SAIL afin d’améliorer la formation des évaluateur.trice.s. Cette dernière devra englober l’évaluation de l’apprentissage des étudiant.e.s et l’évaluation des notes attribuées par les évaluateur.trice.s. De plus, il sera de bénéfique de réserver une journée entière pour cette séance, d’ajouter des contrôles en milieu d’évaluation et de discuter des évaluations afin de renforcer la collégialité et d’améliorer l’interprétation entre évaluateur.trice.s.

En outre, nous suggérons que les prochaines éditions du cycle de planification de l’initiative SAIL comprennent un examen des grilles critériées partagées avant et après le cycle. Cela permettrait aux membres des groupes de travail sur les OAI de profiter de l’expérience qu’ils ont acquise au cours de l’évaluation de l’apprentissage des étudiant.e.s pour proposer de nouvelles perspectives.

Enfin, il pourrait être avantageux de prolonger les prochains projets pilotes pour que le cycle de planification s’étende sur trois sessions.

La figure 3 illustre graphiquement la possibilité de révision du cycle.

Figure 3. Considérations futures : Cycle de planification de l’initiative SAIL (Hoessler et Hoare, 2022)

Au cours de la première session (S1), les membres du corps professoral au sein d’un groupe de travail passent en revue leurs cours et élaborent ou perfectionnent la grille critériée correspondant à l’OAI. Au cours de la deuxième session (S2), ils dispensent leur cours, choisissent un travail à inclure dans le projet pilote et participent à une séance de formation des évaluateur.trice.s plus approfondie, comme mentionné plus haut. Finalement, au cours de la troisième session (S3), les coordonnateur.trice.s SAIL aident les membres du corps professoral à examiner la rétroaction des évaluateur.trice.s. Ils explorent ensuite conjointement les façons de mettre en œuvre ce qui a été appris afin d’améliorer leur pratique.

Adapter l’évaluation des OAI à l’objectif visé

L’évaluation des apprentissages des étudiant.e.s peut être effectuée de diverses façons, à différents niveaux et à différentes fins. Une façon courante de catégoriser les types d’évaluations est de distinguer l’évaluation indirecte de l’évaluation directe. Parmi les exemples d’évaluation indirecte au niveau du programme et de l’établissement, on peut citer les enquêtes nationales qui documentent la perception qu’ont les étudiant.e.s de leur apprentissage autodéclaré; la moyenne générale et les taux de rétention, de persévérance et de diplomation; ou la perception qu’ont les employeurs de la préparation professionnelle des personnes diplômées. Voici quelques exemples d’évaluation directe : les résultats des étudiant.e.s à des tests standardisés qui évaluent l’écriture, le calcul et la pensée critique; les notes attribuées à des travaux intégrés dans des cours de formation générale; ou les taux de réussite à des tests pour l’attribution d’un droit d’exercice ou d’une certification. Une liste relativement complète de preuves directes et indirectes de l’apprentissage des étudiant.e.s au niveau des cours, des programmes et des établissements peut être consultée dans l’ouvrage de Suskie, Assessing Student Learning: A Common Sense Guide (2009). Un guide est également accessible à partir du lien suivant : Direct and Indirect Assessment (Suskie, 2009) (PDF),

Grâce au processus d’examen systématique de l’initiative SAIL, nous avons approfondi notre compréhension de l’évaluation de l’apprentissage des étudiant.e.s. Nous avons remis en question la finalité et la valeur de différentes pratiques d’évaluation. Nous nous sommes penchés sur la façon dont différentes pratiques contribuent à la formation en pédagogie, à l’enseignement et à l’apprentissage, ainsi qu’aux connaissances institutionnelles.

L’approche du processus d’apprentissage de l’initiative SAIL, qui consiste à réfléchir collectivement, nous a aidés à élaborer un écosystème d’évaluation des objectifs d’apprentissage (EOA) institutionnels (figure 5) qui compare la portée de l’apprentissage des étudiant.e.s et le degré d’engagement du corps professoral dans l’examen structuré de ces apprentissages. L’écosystème de l’EOA examine des exemples d’évaluation directe au niveau institutionnel. Il est à noter que l’écosystème de l’EOA n’a pas pour but de fournir une liste exhaustive de tous les types d’évaluation (voir plutôt Suskie, 2009). Il vise plutôt à explorer les exigences en matière d’évolutivité, de généralisation et de ressources pour la mise en œuvre de différents types de méthodes d’évaluation.

Figure 5. Écosystème d’évaluation des objectifs d’apprentissage institutionnels (Hoessler et Hoare, 2022)

Lors de la planification des objectifs d’apprentissage institutionnels, les programmes ou les établissements peuvent envisager d’utiliser une combinaison d’approches et de différentes méthodes pour évaluer des résultats précis. Par exemple, un programme ou un établissement d’enseignement peut tirer parti de l’approche de l’initiative SAIL pour élaborer de nouveaux cours en se fondant sur une compréhension commune d’un OAI, comme l’éducation permanente. Il peut également utiliser la notation agrégée des questions d’examen de certains cours obligatoires pour évaluer les connaissances, ou utiliser des projets intégrateurs pour mettre en évidence les compétences acquises à partir d’un éventail d’expériences.

Veuillez noter que, selon notre expérience, nous ne recommandons pas l’utilisation de tests normalisés pour évaluer les objectifs d’apprentissage de l’Université Thompson Rivers. En effet, nous estimons que ces tests sont incompatibles avec la structure et la culture de l’Université, qui sont marquées par un esprit de collégialité, des programmes de formation incroyablement diversifiés, une culture axée sur l’enseignement ainsi que des principes communs qui guident les objectifs d’apprentissage et les évaluations. Lorsqu’ils ne sont pas intégrés au programme d’études, les tests normalisés offrent une valeur éducative limitée pour les étudiant.e.s et le corps professoral. Les recherches ont montré que la motivation des étudiant.e.s est beaucoup plus élevée lorsque les évaluations sont liées au programme d’études, que leurs efforts sont pris en compte dans le calcul des notes et que leurs pédagogues peuvent expliquer la pertinence de la méthode d’évaluation par rapport au contenu du cours et au-delà de la salle de classe (Deller et al., 2018).

Mobiliser les étudiant.e.s en tant que co-chercheur.euse.s

L’Université Thompson Rivers est un chef de file en matière de formation à la recherche pour les étudiant.e.s de premier cycle. Elle s’est engagée à développer une culture de la recherche et de l’érudition à l’échelle de la communauté. La capacité d’engager des étudiant.e.s en tant que co-chercheur.euse.s dans le cadre d’un projet pilote SAIL est réelle et mérite d’être approfondie.

En tant que lieux de savoir, les universités possèdent des structures qui favorisent les activités parascolaires qui améliorent l’apprentissage des étudiant.e.s, comme la recherche au premier cycle. Les expert.e.s suggèrent que cette force peut être utilisée pour soutenir la mise en œuvre de méthodologies de recherche qualitative (Fine, 2017; van Note Chism et Banta, 2007).

En outre, les recherches émergentes sur les partenariats pédagogiques suggèrent que la participation des étudiant.e.s en tant que partenaires dans les domaines de l’assurance de la qualité et de la formation en pédagogie peut en fait des expert.e.s de leur propre apprentissage et de leur perfectionnement. Ryan (2015) soutient que « l’étudiant.e a la capacité de voir la situation du point de vue de l’apprenant.e » (p. 8). En combinant la perspective du corps professoral et de l’établissement en matière d’assurance de la qualité à celle des étudiant.e.s, nous pouvons obtenir des renseignements précieux sur les expériences vécues par les étudiant.e.s (Tinto, 1994).

L’engagement limité des étudiant.e.s dans les processus d’assurance de la qualité est courant au Canada. Un récent rapport publié par le groupe de travail sur le curriculum du Conseil de formateurs en pédagogie de l’Ontario (Heath et al., 2021) a montré que les pratiques actuelles « ne reconnaissent pas le rôle central du point de vue et de l’expérience des étudiant.e.s dans le programme de travail » (p. 14). Les étudiant.e.s investissent beaucoup de temps et d’argent dans leurs études et portent un intérêt particulier à la qualité de leur expérience éducative (Alaniska et al., 2006).

En Ontario, on reconnaît de plus en plus que la participation des étudiant.e.s en tant que partenaires importants dans les processus d’assurance de la qualité peut améliorer l’efficacité de ces processus. Par exemple, en 2019, les collèges Humber et Centennial ont accueilli la première édition de la conférence Student Voices in Higher Education: Quality Assurance Perspectives and Practices Symposium (Burdi, 2019).

Pour faire participer les étudiant.e.s en tant que co-créateur.trice.s de connaissances institutionnelles dans le cadre d’un projet pilote SAIL, il est possible de les embaucher à titre d’assistant.e.s de recherche, de les inclure dans des groupes de travail sur les OAI, ou encore de les faire participer à toutes les étapes du cycle de planification, leur permettant ainsi d’apporter leur contribution et de réaliser un apprentissage inestimable. Le soutien supplémentaire fourni par les assistant.e.s de recherche pourrait alléger les contraintes de temps imposées aux membres du corps professoral, augmenter la taille de l’échantillon sélectionné pour l’évaluation, et amener aux professeur.e.s une rétroaction précieuse.

Bibliographie

Alaniska, H. et Eriksson, G. (2006). Student participation in quality assurance in Finland. In H. Alaniska, E. A. Cadina et J. Bohrer (dir.), Student involvement in the processes of quality assurance agencies, (p. 12-15). European Association for Quality Assurance in Higher Education.

Burdi, A. (2019). Listening to student voices in higher education. Humber Today. https://humber.ca/today/news/listening-student-voices-higher-education

Deller, F., Pichette, J. et Watkins, E. K. (2018). Driving academic quality: Lessons from Ontario’s skills assessment project. Conseil ontarien de la qualité de l’enseignement supérieur. https://heqco.ca/fr/nos-priorites/resultats-dapprentissage/consortium-sur-levaluation-des-resultats-dapprentissage/driving-academic-quality-resume-les-enseignements-tires-du-consortium-sur-levaluation-des-resultats-dapprentissage-du-coqes/

Fine, M. (2017). Just research in contentious times: Widening the methodological imagination. Teachers College Press.

Heath, S., Wilson, M., Groen, J. et Borin, P. (2021). Engaging students in quality assurance processes: A project of the COED Curriculum Working Group. http://www.coedcfpo.ca/wp-content/uploads/2021/05/Engaging-Students-in-Quality-Assurance-Processes-Final-Report.pdf

Pyrko, I., Dorfler, V. et Eden, C. (2017). Thinking together: What makes communities of practice work? Human Relations, 70(4), 389-409. http://doi.org/10.1177/0018726716661040

Ryan, T. (2015). Quality assurance in higher education: A review of the literature. Higher Learning Research Communications, 5(4), DOI:10.18870/hlrc.v5i4.257

Suskie, L. (2009) Assessing student learning: a common sense guide (2e édition). Jossey-Bass.

Tinto, V. (2017). Through the eyes of students. Journal of College Student Retention: Research, Theory & Practice, 19(3), 254-269.

van Note Chism, N. et Banta, T. W. (2007). Enhancing institutional assessment efforts through qualitative methods. New Directions for Institutional Research, 136, 15-28. https://doi.org/10.1002/ir.228