Chapitre 8 : Pragmatique

8.8 En savoir plus sur le principe de coopération

Paul Grice était un philosophe du langage. Il a élaboré le principe de coopération dans les années 1960, principalement en réponse aux philosophes de l’époque qui affirmaient que la langue naturelle et ordinaire était trop ambiguë et trop illogique pour être analysée de manière rigoureuse. Il a développé un système permettant aux chercheurs d’analyser logiquement le discours humain quotidien. Il l’a nommé ; logique conversationnelle et le principe de coopération en est un élément fondamental. Son travail s’est avéré fondamental dans le sous-domaine de la pragmatique.

L’une des idées fausses sur le principe de coopération est qu’une conversation dite « idéale » en serait une où les participants respectent parfaitement les maximes de quantité, de qualité, de relation et de manière. Or, ce n’est pas forcément vrai! Le respect strict des maximes peut générer une conversation logique, voire efficace, mais à savoir si elle est « idéale », ou simplement naturelle ou compréhensible, est une autre question. En fait, de nombreux linguistes (y compris Grice lui-même) ont observé que dans les conversations naturelles, d’autres facteurs interviennent dans l’interprétation des énoncés, notamment les contextes linguistiques et non linguistiques des énoncés ; (Grice, 1975, p.50). Il peut s’agir d’éléments tels que le genre de discours, la confiance mutuelle entre les interlocuteurs, la distance psychologique entre les interlocuteurs, et bien d’autres facteurs encore (Lakoff, 2009). En fonction du contexte, certaines maximes peuvent être privilégiées, tandis que d’autres peuvent être reléguées au second plan.

En tant que philosophe du langage, l’objectif de Grice en élaborant le principe de coopération n’était pas de faire des observations empiriques approfondies sur le langage humain. Il avait plutôt comme but de brosser un portrait plus général de la manière dont la logique conversationnelle pourrait fonctionner. Dans ses écrits, certains passages sont intentionnellement vagues, car bon nombre de ses réflexions se voulaient des introspections plutôt qu’un système entièrement élaboré. Ses réflexions sont en grande partie fondées sur l’anglais et, sans surprise, il n’a jamais vraiment précisé si ses maximes étaient censées s’appliquer aux conversations non anglaises. Dans ce manuel, nous avons adopté l’interprétation selon laquelle il existe une variabilité interlinguistique et interculturelle dans le principe de coopération, mais nous ne nions pas non plus le fait que les théories gricéennes de la pragmatique ont contribué à la perception selon laquelle l’anglais (des gens éduqués et blancs) était en quelque sorte la « norme » et d’une certaine manière culturellement « neutre » (Ameka et Terkourafi, 2019). Nous faisons écho à l’appel d’Ameka et Terkourafi (2019) en faveur de pratiques de recherche plus inclusives en pragmatique.

Comme pour toute théorie, il est important de ne pas considérer le travail original de Grice (qui correspond en gros à la version présentée dans ce chapitre) comme étant sans faille. En fait, de nombreuses nouvelles théories de la pragmatique réduisent les maximes de Grice à seulement un ou deux principes (par exemple, la « pertinence » et l’« informativité »)! Si vous souhaitez en apprendre davantage, Kearns (2011) propose un bref résumé des approches post-gricéennes de la pragmatique, que vous trouverez au chapitre 1. Pour les apprenants plus avancés, Huang (2007) propose une vue d’ensemble à la fois plus complète et accessible de l’histoire de la pragmatique, de ses débuts à nos jours. ;


Vérifiez votre compréhension

Voici une question de réflexion à laquelle il n’y a ni bonne ni mauvaise réponse : Avez-vous déjà participé à une conversation dans laquelle vous aviez l’impression que vos règles conversationnelles n’étaient pas les mêmes que celles de l’autre? Quels éléments de la conversation vous ont donné cette impression? En quoi pourraient consister les différences entre ; vos règles et celles de l’autre personne? Est-ce qu’il pourrait s’agir de différences dans les maximes conversationnelles?


Références

Ameka, F. K., & Terkourafi, M. (2019). What if…? Imagining non-Western perspectives on pragmatic theory and practice. ;Journal of Pragmatics, ;145, 72-82.

Grice, H. P. (1975). Logic and conversation. In ;Speech Acts ;(pp. 41-58). Brill.

Huang, Y. (2007). ;Pragmatics. Oxford: Harvard University Press.

Kearns, K. (2011). ;Semantics. Basingstoke: Palgrave Macmillan.

Lakoff, R. T. (2009). Conversational logic. ;Key Notions for Pragmatics,(1), 102-114.

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Les bases de la linguistique, 2e edition Copyright © 2022 by Catherine Anderson; Bronwyn Bjorkman; Derek Denis; Julianne Doner; Margaret Grant; Nathan Sanders; Ai Taniguchi; and eCampusOntario is licensed under a Creative Commons Attribution-NonCommercial-ShareAlike 4.0 International License, except where otherwise noted.

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