Chapitre 7 : Sémantique

7.3 Que signifie cette phrase? Implications vs implicatures

 

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Implications

Dans ce chapitre, notre attention se porte sur la façon dont les sens des mots se combinent pour former le sens de la phrase. Pour analyser le sens d’un mot dans une langue, il ne suffit pas de l’examiner de façon isolée. Par exemple, pour comprendre le sens du verbe soupirer, se limiter à examiner simplement le mot soupirer ;ne serait pas éclairant. Ce que nous voulons analyser, c’est l’interaction de ce mot avec d’autres mots de la même langue : nous devons examiner comment ce mot est (ou n’est pas) utilisé dans des phrases de cette langue. Comme les phrases nous fournissent de l’information sur le sens des mots, nous allons d’abord réfléchir à ce que nous pouvons et ne pouvons pas conclure à partir du sens des phrases.

Examinons les phrases en (1) et en (2) :

(1) Le client a soupiré.
(2) Le client a émis un souffle.

Si la phrase en (1) est vraie, alors la phrase en (2) est nécessairement vraie aussi. Nous disons que la phrase en (1) ;implique la phrase (2), ou que la phrase en (2) est une ;implication ; de la phrase en (1). En utilisant les variables ;p ; et ;q ;comme substituts de phrases, nous pouvons définir l’implication de la manière suivante : ;p implique ;q si et seulement si ;p ; étant vrai fait en sorte que ;q ; est nécessairement vrai également.

Sémantique et mathématiques : les variables

En mathématiques, une ;variable est un symbole utilisé pour remplacer une valeur susceptible de changer. Par exemple, la formule mathématique pour calculer l’aire d’un cercle est π r2, où r est une variable qui représente le rayon du cercle. La valeur de r sera différente selon le cercle analysé. Si le cercle a un rayon de 3 cm, nous pouvons utiliser 3 cm pour ;r, ce qui nous donne une aire approximative de 28,26 cm2. Si nous utilisons 10 m pour ;r, nous obtenons approximativement 314 m2. En sémantique, nous utilisons souvent des variables comme substituts, comme nous l’avons fait pour la définition des implications.

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Il est possible de vérifier si quelque chose est nécessairement vrai dans une phrase en niant l’élément de sens en question à l’aide de « il n’est pas vrai que… » comme en (3), qui sera ensuite relié à la phrase d’origine à l’aide de « mais… » comme en (4). Par exemple, si nous voulons démontrer en (2) qu’il s’agit d’une implication de (1), nous devons déterminer ce qui se passe lorsque nous nions (2) et que nous le relions à (1).

(3) Il n’est pas vrai que le client a émis un souffle.
(4) Le client a soupiré, mais il n’est pas vrai que le client a émis un souffle.

Le symbole ⊥ indique une contradiction. Une contradiction est une phrase qui n’est jamais vraie. Lorsque l’on nie l’implication d’une phrase, on obtient une contradiction. Ainsi, nous affirmons que la phrase en (4) est une contradiction. Nous pouvons également affirmer que la phrase en (3) ; contredit ; la phrase en (1). La phrase en (4) est une contradiction, car si l’on soupire, on expire nécessairement; il serait impossible de soupirer sans émettre un souffle. Cette contradiction nous fournit de l’information sur le sens du mot soupirer, en l’occurrence ce qui est exigé de cet événement.

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;Implicatures

Examinons d’autres choses que nous pourrions conclure à partir de la phrase en (1), reproduite ci-dessous en (5). Il serait possible de conclure la phrase en (6) en entendant ce qui est dit en (5).

(5) Le client a soupiré.
(6) Le client est en colère.

Cependant, est-ce que la phrase en (6) est une implication de la phrase en (5)? Effectuons un test de contradiction.

(7) Il n’est pas vrai que le client est en colère.
(8) Le client a soupiré, mais il n’est pas vrai que le client est en colère.

La phrase en (8) n’est pas une contradiction, ce qui signifie que la phrase en (6) n’est PAS une implication de la phrase en (5). La phrase en (6) est une implicature de la phrase en (5). En utilisant à nouveau les variables ;p ;et ;q comme substituts de phrases, ;p implique ;q si, selon le contexte, ;p suggère que ;q est vrai, mais que ;q n’est PAS nécessairement vrai. En d’autres mots, une implicature est une conclusion possible, mais non une certitude, à partir d’une phrase. Il est possible de démontrer que quelque chose n’est pas nécessairement vrai en l’annulant (en le niant sans contradiction), comme nous l’avons fait en (8). Les implicatures sont annulables parce qu’elles ne doivent pas toujours être vraies. Par exemple, il est possible dans ce cas que le client ait soupiré pour d’autres raisons : parce qu’il était soulagé, par exemple. ;

Les implicatures seront abordées de façon plus détaillée au chapitre 8. Pour l’instant, il est important de comprendre ce que nous entendons lorsque nous affirmons qu’une phrase « signifie » quelque chose : s’agit-il d’une implication ou d’une implicature?

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Présuppositions

Examinons la phrase suivante.

(9) Le restaurant a cessé de facturer un supplément pour le guacamole.

La phrase en (9) exprime que le restaurant ne demande plus de supplément pour le guacamole. C’est probablement une bonne chose pour les clients qui espèrent économiser sur leur repas. Cependant, les amateurs de guacamole pourraient tout de même être légèrement contrariés par ce qui est exprimé dans cette phrase, car celle-ci « signifie » également ce qui est énoncé en (10).

(10) Le restaurant facturait un supplément pour le guacamole.

La phrase en (10) est une implication de la phrase en (9), comme nous pouvons le voir ci-dessous :

(11) Le restaurant a cessé de facturer un supplément pour le guacamole, mais il n’est pas vrai qu’il facturait un supplément pour le guacamole.

La phrase en (10) est un type particulier d’implication que l’on appelle présupposition. Une présupposition est une implication qu’une phrase tient pour acquise. La phrase en (9) présuppose la phrase en (10), ce qui signifie que la phrase en (9) suppose que la phrase en (10) est déjà vraie. Pour illustrer cela, imaginez la conversation suivante :

(12) Hanna : Le restaurant a cessé de facturer un supplément pour le guacamole.
Ken : Ce n’est pas vrai!

Dans la phrase en (12), la seule chose que Ken peut contester est si le restaurant a cessé ou non de facturer un supplément pour le guacamole. Même si Ken dit « ce n’est pas vrai », Ken et Hanna supposent dans cette conversation que le restaurant facturait un supplément pour le guacamole par le passé. C’est ce que nous entendons lorsque nous affirmons que le contenu de la présupposition est tenu pour acquis.

Comme une présupposition est ce qui doit être vrai avant que la phrase soit prononcée, celle-ci ne peut pas faire l’objet d’une négation ou d’une remise en cause dans la phrase principale. Examinons maintenant (13) et (14).

(13) Il n’est pas vrai que le restaurant a cessé de facturer un supplément pour le guacamole. (test de négation)
(Cela implique toujours que « le restaurant facturait un supplément pour le guacamole ».) ;
(14) Le restaurant a-t-il cessé de facturer un supplément pour le guacamole? (test de question)
(Cela implique toujours que « le restaurant facturait un supplément pour le guacamole ».) ;

Les phrases en (13) et (14) présupposent toujours la phrase en (10) : « le restaurant facturait un supplément pour le guacamole ». Le fait qu’un élément de sens « survive » à la négation et aux questions est un bon indicateur pour déterminer s’il s’agit d’une présupposition ou non. Comparez les phrases en (13) et (14) à une implication régulière (et non à une présupposition) en (15). Qu’advient-il de l’implication voulant que le client ait émis un souffle en (16) et (17)?

(15) Le client a soupiré.
(Cela implique que  « le client a émis un souffle ».)
(16) Il n’est pas vrai que le client a soupiré. (test de négation)
(Cela n’implique pas que  « le client a émis un souffle ».) ;
(17) Le client a-t-il soupiré? (test de question)
(Cela n’implique pas que  « le client a émis un souffle ».) ;

L’implication présente dans la phrase en (15) n’existe plus dans les phrases en (16) et (17). S’il n’est pas vrai que le client a soupiré, nous ne pouvons pas nécessairement conclure qu’il a émis un souffle. Si nous demandons si le client a soupiré, nous ne pouvons pas non plus conclure nécessairement qu’il a émis un souffle.

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En résumé, il existe deux principaux types de relations de sens propositionnel que nous avons examinés dans cette section : les implications et les implicatures. Les implications peuvent également être subdivisées en implications « régulières » et en présuppositions. ;

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Vérifiez votre compréhension

 

Un élément interactif H5P a été exclu de cette version du texte. Vous pouvez le consulter en ligne ici, mais notez que le contenu est en anglais :
https://ecampusontario.pressbooks.pub/essentialsoflinguistics2/?p=804#h5p-57

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Références

Frege, G. (1892). Über sinn und bedeutung. ;Zeitschrift für Philosophie und philosophische Kritik, ;100, 25-50.

Kratzer, A., et Heim, I. (1998). ; Semantics in Generative Grammar ; (Vol. 1185). Oxford: Blackwell.

Karttunen, L. (1973). Presuppositions of compound sentences. ;Linguistic Inquiry, ;4(2), 169-193.

Strawson, P. F. (1950). On referring. ;Mind, ;59(235), 320-344.

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Les bases de la linguistique, 2e edition Copyright © 2022 by Catherine Anderson; Bronwyn Bjorkman; Derek Denis; Julianne Doner; Margaret Grant; Nathan Sanders; Ai Taniguchi; and eCampusOntario is licensed under a Creative Commons Attribution-NonCommercial-ShareAlike 4.0 International License, except where otherwise noted.

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