Chapitre 10 : Variations et changements linguistiques
10.7 Corrélations sociolinguistiques : Statut social
Vous avez probablement une intuition concernant la classe sociale et la hiérarchie de statut dans la société qui est liée à la répartition inégale des richesses et du pouvoir. Vous reconnaissez probablement aussi que cette inégalité n’est pas arbitraire et qu’elle recoupe d’autres facteurs sociaux. En même temps, la classe sociale est moins tangible que d’autres faits sociaux concernant les personnes, comme l’âge, le sexe et l’ethnicité. Depuis la révolution industrielle, on peut classer les gens de la société euroaméricaine en trois groupes : la « classe supérieure », la « classe moyenne » et la « classe inférieure ». La hiérarchie implicite de ces catégories traditionnelles reflète la répartition des richesses et du pouvoir : la classe « supérieure » ou dirigeante en détient le plus, alors que la classe « inférieure » ou ouvrière en détient le moins. Les définitions sociologiques de la classe sociale s’appuient sur des mesures objectives comme la propriété, la richesse, le revenu et la profession, ainsi que sur des mesures subjectives comme les chances dans la vie, le prestige et la réputation, pour classer les membres d’une classe. Dans le contexte canadien, la classe sociale semble d’autant plus intangible que, bien que nous soyons en grande partie une société de classe moyenne, lorsque nous considérons ceux qui se trouvent au bas de la hiérarchie des classes sociales, il existe des interactions et des intersectionnalités importantes avec la géographie et d’autres facteurs sociaux, notamment la race et l’ethnicité. D’un point de vue géographique, il existe des zones précises, à la fois dans les villes et dans les régions éloignées, qui sont moins favorisées sur le plan socioéconomique. En ce qui concerne la race et l’ethnicité, les Noirs, les Autochtones et les autres personnes de couleur (en particulier celles qui ont immigré récemment) se trouvent également, dans l’ensemble, dans une situation plus précaire sur le plan socioéconomique.
Si la classe sociale est un concept flou, elle n’en demeure pas moins une réalité intuitive. Pour étudier le rôle de la classe sociale en tant que facteur de conditionnement de la variation linguistique, nous devons trouver des moyens de la « diagnostiquer » ou de la mesurer. Souvent, la profession d’une personne (ou parfois celle de ses parents), son niveau de scolarité, ses revenus ou son lieu de résidence peuvent servir d’indication de sa classe sociale. Dans son étude sur les variations de l’anglais parlé dans le Lower East Side de Manhattan, William Labov (1966) a utilisé trois paramètres pour classer les personnes dans différentes classes sociales : la profession, l’éducation et le revenu. Labov a examiné de nombreuses variables linguistiques différentes dans ses données et il a trouvé des corrélations étendues entre la fréquence d’utilisation de différentes variantes et la classe sociale d’un individu, selon sa mesure.
Dans la figure 10.4 qui suit, basée sur l’un des résultats de Labov, nous pouvons voir que la fréquence d’utilisation de la variante [ɪn] de -ing témoigne d’une stratification sociale. Les participants faisant partie des locuteurs de la classe ouvrière ont le taux le plus élevé de cette variante, les locuteurs de la classe supérieure utilisent le moins [ɪn], et les personnes au milieu du spectre de la classe sociale se situent entre les deux en ce qui concerne l’utilisation du -ing.
Il est important de noter que la figure 10.4 montre également un changement de style systématique, comme indiqué à la section 10.4. Alors que Fischer a observé qu’un jeune homme modifiait sa fréquence d’utilisation de [ɪn] en fonction du formalisme du contexte, nous constatons ici que ce phénomène est généralisé : dans toutes les classes sociales, le contexte de langue courante contient plus d’occurrences de [ɪn] que le contexte des passages de lecture.
Comment devenir linguiste : Conseils pour interpréter les tendances des données dans les graphiques
La sociolinguistique variationniste est un domaine quantitatif et les chiffres et les graphiques peuvent être très intimidants pour certaines personnes! Voici ; quatre conseils pour vous aider à tirer le meilleur parti des types de graphiques présentés dans ce chapitre.
- Conseil 1 : Lire attentivement la légende
- Une bonne légende doit clairement identifier les données visualisées dans le graphique. ; La légende doit vous indiquer ce qui a été mesuré (la variable dépendante) et ce que le chercheur a manipulé ou contrôlé (les variables indépendantes). ; Elle est généralement exprimée sous la forme d’un énoncé secondaire : la variable dépendante en fonction des variables indépendantes. ; Une bonne légende doit également indiquer la source des données.
- Conseil 2 : Lire attentivement la légende (s’il y en a une) et les étiquettes des axes
- Cela vous permettra de savoir ce que le graphique montre exactement. ; En général, la variable dépendante est représentée sur l’axe des y (vertical) et la variable indépendante est représentée sur l’axe des x (horizontal); s’il y a plus d’une variable indépendante, on peut voir des distinctions indiquées dans la légende (comme la couleur, la forme ou le type de ligne). ; En sociolinguistique variationniste, l’axe des y représente généralement la proportion ou le pourcentage d’une variante d’une variable linguistique (par rapport à l’autre ou aux autres variantes).
- Conseil 3 : Tenter de déterminer les tendances du graphique avant de lire la description de l’auteur
- Un bon graphique s’accompagne d’une description de ses caractéristiques. La meilleure façon de se familiariser avec la lecture de graphiques est d’essayer de comprendre la tendance avant de lire la description de l’auteur. Si votre interprétation diffère, regardez à nouveau le graphique et voyez si vous ne vous êtes pas trompé quelque part.
Références
Labov, W. (1966). The social stratification of English in New York city. Cambridge University Press.