Chapitre 9 : Récupération des langues autochtones
Martin Kohlberger and Chantale Cenerini
9.7 La reconquête du mitchif
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Martin Kohlberger : Bonjour à tous, je m’appelle Martin Kohlberger. Je suis professeur adjoint à l’Université de la Saskatchewan. Aujourd’hui, je suis ravi de pouvoir m’entretenir avec Chantale Cenerini, qui est également professeure adjointe au département de linguistique de l’Université de la Saskatchewan. Chantale travaille avec les langues des Mitchifs, les langues algonquiennes, ainsi que la réappropriation, la description et la documentation des langues, et je vais simplement vous laisser vous présenter un peu plus, Chantale. Si vous le voulez bien, parlez-nous un peu de vous, de votre nation et de vos langues.
Chantale Cenerini : Avec plaisir! Merci beaucoup pour l’invitation. Je suis très heureuse d’être ici et de partager mon expérience. Comme vous l’avez mentionné, je travaille avec les langues des Mitchifs ou des Métis. Je suis moi-même une citoyenne de la Métis Nation of Saskatchewan. C’est une partie de mon héritage. Je suis également fière, je dirais, de chaque nation dont je suis issue et, pour moi, faire des recherches sur les langues des Mitchifs et Métis a été une façon vraiment spéciale de célébrer mes ancêtres et cette partie de mon héritage et de mes racines parce que j’ai eu l’occasion de visiter tant de merveilleuses communautés et de parler avec tant de gens qui travaillent si dur et qui sont si dévoués à leur langue et à leur communauté. Il ne s’agit pas seulement de préserver les connaissances, les langues parlées, et le savoir acquis, mais aussi de les transmettre aux générations suivantes.
Une chose que je voudrais dire à propos des Métis ou des Mitchifs, c’est qu’ils ont toujours été un peuple multilingue et une nation multilingue. En tant que peuple autochtone ancestral, ils sont entrés en contact non seulement avec les commerçants et les colons européens, mais aussi avec leurs parents tels que les Cris, les Ojibwés et les Saulteux. Ainsi, pour pouvoir communiquer et entretenir des relations avec tous ces peuples différents, ils ont toujours parlé de très nombreuses langues, ce qui témoigne de leur capacité d’adaptation en tant que peuple. Par ailleurs, les Mitchifs et les Métis sont très dispersés.
Le territoire michif est très étendu et couvre les provinces de l’Ouest et les États-Unis, le Dakota du Nord, etc. Nous avons donc une nation extrêmement dispersée et multilingue, qui ne partage pas une seule langue sur l’ensemble de son territoire. Il existe une conscience commune en tant que nation qui semble avoir émergé au-delà du partage d’une seule langue. Je pense donc que l’une des choses que j’ai trouvées vraiment importantes en travaillant avec les communautés des Mitchifs/Métis a été d’apprendre l’histoire et le contexte linguistiques de chaque communauté et d’apprendre des gens quelle langue est parlée et a été parlée dans les communautés et quelles langues sont devenues une partie de leur identité en tant que peuple michif. C’est pourquoi, lorsque nous parlons des communautés des Mitchifs ou des Métis, il est vraiment nécessaire de concentrer les efforts à l’échelle locale, souvent pour cette raison. Je pense que c’est une question que j’ai trouvée vraiment fascinante en travaillant avec les langues des Michifs et c’est très riche en termes de différences dans la diversité, mais aussi, comme je l’ai dit, il y a encore une fois cette conscience commune.
Martin Kohlberger : Avec une nation aussi diversifiée, j’imagine, d’après ce que vous dites, que les rôles que les gens peuvent jouer dans la réappropriation de la langue peuvent être très différents, en fonction des communautés et des régions géographiques, etc. Je suis donc curieux : je sais que vous travaillez fort sur la réappropriation des langues et la documentation linguistique, j’aimerais donc savoir quel est votre rôle spécifique dans la réappropriation des langues et de quelle manière vous avez réalisé votre travail.
Chantale Cenerini : Absolument, vous avez raison de dire qu’il y a toutes sortes de choses que vous pouvez faire, et je pense que cette expérience a varié en fonction de la communauté et des locuteurs avec lesquels j’ai travaillé. Dans le cadre de mes propres recherches, j’ai pu travailler à la documentation d’histoires racontées dans la langue de la communauté. Il s’agit d’histoires de jeunes ayant grandi au sein de la communauté. Il s’agit d’histoires sur leur famille, sur la communauté elle-même, et ce type de projet a suscité beaucoup d’intérêt de la part des gens, parce qu’il permet non seulement de répertorier et de documenter la langue, mais aussi de la promouvoir et de lui donner du prestige, je dirais, en quelque sorte.
Martin Kohlberger : C’est vrai.
Chantale Cenerini : Tous les documents et les histoires qui n’ont parfois pas été intégrés à d’autres récits communautaires, par exemple. D’un point de vue personnel, c’était aussi un moyen pour les gens de documenter l’histoire de leur propre famille. Il s’agit donc d’un héritage familial, même s’il ne dépasse pas les frontières de la famille, qui vaut à lui seul la peine d’être transmis. De ce point de vue, mon travail a été très gratifiant. Ainsi, l’idée de documentation et de consignation linguistiques, mais aussi de partage et de diffusion. ;Il s’agit donc de recueillir ces histoires et de les publier d’une manière qui soit utile aux familles et aux communautés elles-mêmes.
Mais il arrive aussi que mon rôle s’étende au-delà, en devenant une facilitatrice ou une technicienne pour d’autres projets menés par la communauté. Cela inclut les classes communautaires à Saskatoon. Car depuis quatre ou cinq ans, de plus en plus de personnes souhaitent organiser des cours pour la communauté, en particulier pour les adultes qui veulent apprendre leur langue ancestrale. La demande a été très forte. Ils s’adressent alors à des locuteurs qui, pour l’instant, sont pour la plupart des Aînés et qui, bien entendu, disposent de tous le savoir intuitif en tant que locuteurs natifs. Mais ensuite, c’est bien, je pense que cela peut devenir une expérience beaucoup plus positive pour eux si d’autres personnes viennent les aider en ce qui concerne les autres aspects qu’implique l’enseignement d’un cours à un groupe d’adultes.
J’ai donc le sentiment d’avoir eu beaucoup de chance de faire partie de ce type de groupes où des enseignants, des linguistes comme moi et des locuteurs travaillent ensemble. Nous apportons toutes nos compétences spécialisées et nous présentons ensemble le meilleur cours possible. Et cette relation peut également être très gratifiante.
À partir de là, nous commençons à élaborer des ressources pour soutenir ce type de cours. Je pourrai donc en parler un peu plus tard, mais l’élaboration des ressources a également été une partie très importante de ce que j’ai fait pour essayer de soutenir les adultes qui essaient d’acquérir de la fluidité dans leur apprentissage.
Martin Kohlberger : Et il semblerait qu’une grande partie de ce travail consiste à favoriser et à renforcer les relations, n’est-ce pas? Je suppose que lorsque vous parliez de la documentation des récits et de la façon dont les gens documentent leur récit, je suppose qu’en retour, la documentation renforce les relations que les gens entretiennent avec leurs propres souvenirs au sein de leurs communautés. Il s’agit donc d’un travail aux multiples facettes. Cela doit donc être gratifiant, mais je suppose que c’est aussi un défi!
Chantale Cenerini : C’est beaucoup de travail, mais oui, absolument! C’est un excellent outil de travail.
Martin Kohlberger : Et je me demande, vous avez mentionné le fait que beaucoup d’adultes veulent apprendre leur langue d’origine et que cela se fait souvent en collaboration avec plusieurs personnes différentes, qu’il s’agisse de linguistes ou d’Aînés, ou d’un mélange des deux, et je me demande comment se passe cette expérience, à votre avis, pour les apprenants adultes. Avez-vous une idée personnelle à ce sujet? J’imagine que l’apprentissage d’une langue d’origine à l’âge adulte n’est pas du tout la même chose qu’à un plus jeune âge.
Chantale Cenerini : Absolument. C’est quelque chose que j’ai vécu moi-même, parce qu’il était important pour moi d’apprendre ;ces langues avec lesquelles je travaille et que ma famille ne parle plus, mais qu’elle ; aurait parlé il y a quelques générations. Pour moi, il s’agit donc d’un parcours personnel qui me permet de faire partie du processus d’apprentissage et d’avoir cette expérience personnelle et de vivre peut-être ce que les autres étudiants vivent aussi, en tant qu’adultes.
Dans le cas de Saskatoon, il y a pas mal de descendants du camp d’hiver appelé Round Prairie ou La Prairie Ronde, et il s’agit de familles mitchif originaires de la rivière Rouge. Ils parlaient une langue mixte qu’ils appelaient le mitchif. Il y a donc beaucoup d’intérêt, par exemple ici à Saskatoon, pour l’apprentissage de cette langue, parce que c’est la langue des familles, de leurs ancêtres, et beaucoup d’adultes cherchent des occasions d’apprendre cette langue. Et les difficultés sont nombreuses. La plupart des adultes sont des anglophones et, bien entendu, l’anglais n’a pas une structure verbale très complexe. Mais dans une langue mixte comme le mitchif, les verbes viennent du cri, il s’agit donc d’une structure verbale algonquienne et c’est une autre histoire que le verbe anglais! Ainsi, lorsqu’ils font face à un système complexe de genres et de verbes, ils ne disposent d’aucune base s’ils ne parlent pas d’autre langue que l’anglais. Il s’agit donc d’un défi de taille pour ce qui est d’essayer d’amener les gens à apprendre la langue petit à petit.
Je pense que la principale façon dont les adultes abordent l’apprentissage de la langue c’est par les nombreuses ressources en ligne qui sont créées, les cours en ligne pour débutants, les nombreuses vidéos, les dictionnaires en ligne, les leçons, etc. Je pense donc que c’est la ressource sur laquelle comptent beaucoup de personnes. Ainsi que la possibilité de suivre ces cours communautaires dispensés par un conférencier et une équipe de soutien. Et l’objectif sur lequel nous travaillons ici dans la ville est de savoir comment emmener ces personnes qui suivent des cours pour débutants ou des contenus pour débutants depuis quelques années maintenant, mais qui essaient toujours désespérément de franchir l’étape suivante, l’étape suivante, exactement. Comment réussir à parler couramment si les seules ressources à votre disposition sont des supports pour débutants, des vidéos dans un langage courant très complexe, ou des livres pour enfants qui sont entièrement traduits, mais qui ne sont pas vraiment décomposés pour l’apprentissage, ou quoi que ce soit d’autre?
C’est donc une chose sur laquelle j’ai vraiment essayé de travailler en matière de développement des ressources par l’intermédiaire d’une organisation à but non lucratif dont je fais partie. Nous sommes en train de développer un jeu sur le verbe pour que les gens puissent commencer à aborder le sujet du verbe algonquien et de sa structure, et pour savoir comment nous pouvons découper leur apprentissage par étapes et le rendre aussi fluide que possible grâce à une série d’exercices et, dans ce cas, il s’agit d’un jeu interactif où vous manipulez des parties du verbe et vous construisez une phrase complète en utilisant le verbe dans une phrase. L’objectif est donc d’essayer de rendre le verbe moins effrayant, moins intimidant et d’introduire l’idée de ces schémas réguliers que nous commençons à voir dans le verbe. Et c’est la clé dans ce cas pour passer d’un débutant à quelqu’un qui peut réellement tenir une conversation dans la langue et se sentir suffisamment en confiance pour l’utiliser. Nous réfléchissons donc à des moyens de le faire et de soutenir cette démarche auprès des adultes, en particulier.
Martin Kohlberger : Je suppose que c’est l’un des principaux changements qui se produisent, la différence entre le fait d’être un étudiant novice et le fait d’arriver à un stade conversationnel? Est-ce que c’est la raison pour laquelle ce jeu est interactif, afin d’apporter un peu plus de conversation en jeu? Ou bien les premières classes sont-elles aussi très immersives?
Chantale Cenerini : Oui, à différents niveaux, je pense, dans notre parcours ici dans les cours communautaires auxquels j’ai pu assister à Saskatoon et même à l’extérieur de Saskatoon, parce que maintenant, avec Zoom, vous pouvez offrir le même cours à des personnes en Colombie-Britannique, à des personnes à Regina, et c’est un peu ce que nous avons fait aussi. Nous partons donc de Saskatoon, mais nous distribuons le contenu ailleurs dans le pays, là où les Métis sont dispersés.
Martin Kohlberger : À en juger par ce que vous disiez sur la répartition géographique de la Métis Nation, j’imagine qu’il s’agit là d’une évolution plutôt positive au cours des dernières années d’avoir la possibilité d’utiliser Zoom.
Chantale Cenerini : Oh oui, parce que les locuteurs qui acceptent de donner des cours de langue sont de plus en plus difficiles à trouver. Je pense que, dans le cas du Michif, par exemple, les intervenants ont au moins 70 ans. L’intérêt et les fonds disponibles pour les travaux sur les langues autochtones étant de plus en plus importants, les personnes qui travaillent dans ce domaine, les orateurs qui s’impliquent en faveur de ces langues, sont souvent très occupés. N’est-ce pas? ;Avec la quantité de travail qui leur est offerte, ils sont très demandés! C’est bien qu’il y ait des moyens comme Zoom qui vous permettent d’entrer en contact avec un locuteur s’il n’y en a pas dans votre propre communauté qui donne ce genre de cours. Ça vous permet d’avoir accès à ses cours. Et ce qui est amusant, c’est qu’en étant tous des Mitchifs ou des Métis, nous trouvons des liens avec des gens qui vivent un peu partout, par exemple sur la côte Ouest. Ils sont tous originaires de la Saskatchewan et du Manitoba, et il y a beaucoup de contacts qui se font, ce qui vous permet de rencontrer des personnes de votre propre famille avec lesquelles vous n’auriez pas pu rentrer en contact autrement.
Martin Kohlberger : Wow, oui! Euh. Je suis également curieux parce que vous avez mentionné le fait que vous portez plusieurs chapeaux, vous assumez ces nombreux rôles. D’une part, vous êtes vous-même un membre de la communauté, vous avez parlé de la façon dont l’apprentissage de la langue fait aussi partie de votre propre voyage, mais vous êtes aussi manifestement une linguiste, une chercheuse, du point de vue de votre carrière et de vos centres d’intérêt. Mais je me demande également, de manière générale, quelle est l’expérience de votre communauté avec les linguistes, comme les linguistes universitaires, ou même avec le domaine de la linguistique? Y a-t-il eu beaucoup d’interactions? Quels sont les points de vue des membres de la communauté sur la linguistique? Qu’en pensez-vous?
Chantale Cenerini : Eh bien, je pense que, comme dans de nombreux cas, l’expérience est parfois variée, mais je pense qu’il y a eu des expériences très positives. Dans de nombreuses communautés de l’Ouest canadien, beaucoup de gens se souviennent… Le linguiste qui a publié les travaux les plus fondamentaux sur les langues des Mitchifs et des Métis est Peter Bakker, et il est toujours très apprécié. Et je pense que l’une des choses que les gens mentionnent, par exemple, lorsqu’ils parlent de lui ou d’autres personnes qui sont venus après lui, c’est qu’il semble qu’il y a toujours une opinion plus positive à l’égard du linguiste ou du chercheur qui est venu et s’est intéressé à la langue s’il a lui-même fait un effort pour apprendre la langue et pour la parler. Je sais qu’en tant que linguistes, nous n’aimons pas nous faire demander combien de langues nous parlons et se faire dire que nous étudions simplement pour apprendre à parler des langues, mais lorsqu’il s’agit d’effectuer un travail de réappropriation ou de revitalisation des langues, c’est en fait un point très important de la création d’une relation positive : devenir soi-même un apprenant. Et je pense que cela vous permet d’avoir un point de vue différent sur la langue.
De plus, lorsque vous essayez de devenir un apprenant, cela vous permet de voir la langue un peu plus de l’intérieur, plutôt que de l’extérieur, et c’est juste… J’ai constaté partout où je suis allée que c’est généralement quelque chose que les gens remarquent et apprécient vraiment s’ils voient que vous êtes venu, que vous êtes resté un certain temps, mais que pendant que vous étiez là, vous avez fait un véritable effort pour essayer de communiquer dans la langue, pour essayer d’utiliser la langue, que vous avez montré un intérêt pour l’apprentissage de la langue, et un intérêt sincère, bien sûr. Et je pense que cela joue un rôle très important dans l’établissement d’une relation.
Je pense que c’est l’une des choses qui m’a le plus frappé lorsque j’ai commencé mes propres recherches et mon propre travail, quelque chose que je me suis fait raconter ou que j’ai entendu. Par ailleurs, il s’agit en grande partie d’établir une relation personnelle. Je pense que si vous pouvez vous montrer non seulement en tant que chercheur, mais aussi en tant qu’être humain et en tant que personne, que vous trouvez ces points communs et que vous établissez cette relation interpersonnelle, cela a généralement tendance à être beaucoup plus positif que d’essayer de rester à un certain égard trop professionnel. Je pense que c’est aussi quelque chose que je vois. Mais bien sûr, cela dépend. Cela dépend des attentes des personnes avec lesquelles vous travaillez et de ce qu’elles attendent de la relation, ce qui fait que les choses ne se passent pas toujours de la même manière.
Martin Kohlberger : Et comme vous l’avez mentionné, avec une nation aussi diversifiée, les besoins et les attentes seront probablement différents dans tous les cas. Merci pour cette précision! Je me demandais s’il y avait une ou plusieurs choses que vous souhaiteriez que les étudiants en linguistique sachent sur le type de travail que vous faites ou sur les langues des Mitchifs et des Métis? Y a-t-il une chose que vous souhaiteriez que les étudiants en linguistique sachent et avec laquelle ils pourraient repartir de cette conversation?
Chantale Cenerini : Je pense que s’ils sont intéressés par ce type de travail et tout ce qui s’y rapporte, par exemple ici en Amérique du Nord ou ailleurs, en ce qui concerne la revitalisation et la réappropriation des langues autochtones, et que c’est quelque chose qui intéresse les étudiants et que c’est la direction qu’ils veulent prendre en termes de carrière en linguistique. Je pense que l’une des choses que je voudrais peut-être partager à nouveau, c’est que si vous voulez travailler avec des gens et des langues qui ont une histoire compliquée, dans des disciplines telles que la linguistique, et où les relations sont vraiment importantes, j’aimerais partager quelque chose qui m’a vraiment frappé ou marqué au début de mon programme de doctorat. J’ai participé à un séminaire d’une semaine à l’Université Carleton et l’un des organisateurs était John Medicine Horse Kelly. Ils avaient organisé une semaine entière qui portait sur l’éthique de la recherche avec les peuples autochtones, et des personnes de tous les domaines sont venues à ce séminaire, pas seulement des linguistes ou des spécialistes des sciences sociales, mais aussi des personnes dans le domaine de l’agriculture, de la médecine, etc., tout le monde s’est réuni. Et une chose qu’il a partagée avec nous pendant cette semaine et qui, honnêtement, est restée gravée dans ma mémoire pendant tout ce temps, c’est tout simplement : « Venez avec de bonnes intentions ». « Ayez le cœur ouvert. » Et il dit : « Si vous faites des erreurs ou si vous commettez des erreurs de protocole, ou d’autres choses de ce genre, ce sera toujours mieux reçu si vous venez avec de bonnes intentions. »
Martin Kohlberger : Wow, oui.
Chantale Cenerini : C’est un conseil très simple, mais je l’ai gardé tout au long de ma vie et j’y pense encore régulièrement, car il arrive que nous ne sachions pas comment aborder quelque chose, ou que nous ne sachions pas comment s’y prendre. C’est quelque chose qui me revient toujours à l’esprit et qui me rassure en me disant : d’accord, fais une pause, et le simple fait de toujours vérifier avec quel état d’esprit j’aborde quelque chose et quelles sont mes intentions lorsque je me lance dans quelque chose peut parfois faire toute la différence, même quant à la manière dont je vois les choses. Il y a donc beaucoup d’inconnues lorsque nous travaillons dans le domaine de la documentation, la réappropriation et la revitalisation des langues, et je pense que garder cela à l’esprit est peut-être juste une chose immuable à laquelle je n’ai pas cessé de penser après l’avoir entendue, et qui restera honnêtement probablement dans mon esprit pour le reste de ma vie. C’est donc une chose à laquelle j’aime réfléchir et que j’ai eu envie de partager.
Martin Kohlberger : Merci beaucoup! Merci beaucoup pour le temps que vous m’avez accordé, pour vos réflexions sur votre propre travail, sur votre communauté et pour les enseignements que vous avez partagés. Personnellement, je peux dire que j’ai vraiment apprécié celui-ci : « Venez avec de bonnes intentions ». Je pense que cela me marquera aussi… Je vous remercie donc encore une fois d’avoir partagé tout cela avec nous! Et merci d’être venue aujourd’hui!
Chantale Cenerini : « Merci beaucoup de votre invitation! C’était un très bon moment, merci!