Chapitre 9 : Récupération des langues autochtones
David Kanatawakhon-Maracle
9.3 Culture et langue mohawk
Dans ce module, ;David Kanatawakhon-Maracle ;mentionne certains éléments de la culture mohawk qui sont intégrés dans la grammaire de la langue, et nous discutons de l’idée que les langues vivantes sont toujours en évolution.
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Transcription de la vidéo
Ce que je fais également, c’est que j’inclus la culture dans la langue. Je leur apprends un mot, une phrase ou une expression particulière, mais je leur dis aussi d’où elle vient, la raison pour laquelle elle est ainsi, et la raison pour laquelle nous la disons ainsi, ;la raison pour laquelle nous ne nous disons pas ce mot. Par exemple, le mot nyaweh ;en mohawk est interprété comme « thank you » en anglais (merci), mais c’est un peu le début et la fin. En réalité, si nous suivons une tradition plus ancienne, et c’est ainsi que j’ai été élevé, nous ne disons pas nyaweh pour chaque petite chose; nous ne l’utilisons pas de la même manière qu’en anglais. En anglais, nous disons tout le temps « thank you, thank you, thank you », ; il devient vide de sens; il devient un grognement, littéralement, dans la langue anglaise ; parce que les gens l’utilisent si librement qu’il commence à perdre sa signification. En mohawk, nyaweh est utilisé, ou ne devrait être utilisé, qu’entre vous et le Créateur, même lorsque vous dites nyaweh, vous savez que vous voyez quelque chose de beau, un coucher de soleil, une belle fleur, un beau paysage majestueux ou autre, des choses comme ça. Alors vous dites nyaweh ;parce que maintenant ce nyaweh est dirigé vers le Créateur et il témoignage de votre appréciation pour ce que vous avez en face de vous. Lorsque nous nous asseyons à table et que nous mangeons, le premier qui se lève dit nyaweh, non pas pour la nourriture, vous savez, mais pour la possibilité de s’asseoir avec d’autres personnes et de partager la nourriture. Nous commençons à prendre l’habitude de l’utiliser de la même manière qu’en anglais. Vous entendrez de jeunes locuteurs plus contemporains ;qui utilisent ou apprennent la langue, ils utiliseront nyaweh de la même manière ;et j’ai dit « Non » (rires).
[CA : Je me demande s’il n’y a pas une forme de contradiction ici : d’une part, vous voulez honorer les traditions et les connaissances que vous avez apprises des Aînés et des personnes plus âgées et, d’autre part, pour qu’une langue reste ;vivante, elle doit changer, n’est-ce pas? Si les gens modifient quelque peu la ;langue, c’est parce qu’il s’agit toujours d’une langue vivante…]
Je ne sais pas, il y a ;certaines choses que nous ne voulons pas, que nous ne voulons pas changer, que nous ne voulons pas particulièrement mettre à jour parce que cela commence à éroder notre caractère unique. Si vous devez parler mohawk comme vous parlez anglais, pourquoi ne pas parler anglais? Vous pouvez mettre à jour certaines choses, mais pas d’autres. Comme la négation d’une situation future. En anglais, vous pouvez dire « Oh, it will not snow today! » (Oh, il ne va pas neiger aujourd’hui!). Quelle présomption! (rires) Ce n’est pas parce que le ciel est bleu, mais qu’il n’y a qu’un nuage et que vous connaissez les nuages, s’il y a un nuage, il y en aura un autre, puis un autre et encore un autre et, à la fin de la journée, nous pourrions voir de la neige, ce qui est tout à fait possible avec le mot « will » qui se situe dans le futur. Nous ne pouvons pas utiliser la négation pour une situation future.
[CA : C’est donc une attitude culturelle qui se retrouve dans la grammaire mohawk? Que vous n’utilisez pas la négation au futur?]
Il est possible de construire une phrase négative pour le futur. Personne ne le fait. Les personnes qui parlent couramment mohawk ne le font pas. Je veux dire, pour quelles raisons le ferions-nous? Vous savez, parce que cela interfère… Nous ;avons d’autres moyens de contourner le problème, mais… la plupart des gens ne le feraient pas. Nous ne disons pas « it will not snow » (il ne va pas neiger). Nous pouvons créer ce qui équivaut à une sorte de négatif et l’utiliser avec le non-défini, ce qui revient à dire « it would not » ou « there’s a possibility that it won’t » (il ne devrait pas ou il est possible qu’il ne). « It would not » (Il ne devrait pas)… mais le fait est que nous ne pouvons pas dire directement « it *will* not » (il ne va pas), donc nous créons une sorte de situation très floue, non définie, et la mettons à la forme négative. C’est en quelque sorte de la tricherie, mais en même temps, c’est un élément culturel important de la langue. Je veux dire que le fait d’avoir une culture qui n’utilise pas la négation ;pour une situation future, les membres de cette culture abordent les situations futures d’une manière différente, donc je pense que ces genres d’éléments doivent être conservés dans la langue parce qu’ils ajoutent à l’unicité d’une certaine langue.
Ordre des mots en mohawk. L’anglais a un ordre des mots fixe : sujet-verbe-objet. En mohawk, l’ordre des mots est, littéralement, ce qui sort de votre bouche. Les préfixes pronominaux sont le lien entre tous ces mots, et cela fonctionne. La prononciation d’un mot en mohawk est fixe, mais selon le contexte dans lequel ce mot est utilisé, dans un énoncé ou une phrase, l’accent sur ce mot peut changer. Si je dis kahiatónhsera ;pour « book » (livre), l’accent est mis sur tón. Kahiatónhsera, d’accord, mais si je dis kahiatonhseráke, « on the book » (sur le livre), l’accent ;s’est déplacé sur la syllabe pénultième. L’accent se déplace donc sur un mot en fonction de l’endroit où il se trouve. L’anglais est une langue riche en mots d’une ou deux syllabes, ce qui place les anglophones dans une situation étrange puisque la plupart d’entre eux semblent avoir du mal à prononcer un mot qui a plus d’une ou deux syllabes (rires), ce qui rend mon nom très difficile à prononcer pour eux : « Oh, Kanatawakhon, oh, je ne peux pas dire ça! ». C’est encore pire s’ils le voient écrit.
Mais en mohawk, l’organisation et la position des mots dépendent de l’accent. Ainsi, si je veux dire « The boy is walking on the road » (Le garçon marche sur la route), qu’est-ce que je dis?
« The BOY is walking on the road? » (Le GARÇON marche sur la route?), « raksá:’a ire ohaháke ».
ou suis-je en train de dire,
« The boy is WALKING on the road » (Le garçon MARCHE sur la route)? « ire raksá:’a ohaháke ».
Ou suis-je en train de dire,
« The boy is walking on the ROAD » (Le garçon marche sur la ROUTE)? « ohaháke ire raksá:’a ».
Je place les mots dans un ordre différent. Il y a en fait six arrangements de ces trois mots et tout dépend de l’accent. Cela dépend également si vous répondez à une question. Parce que, « What did you buy? » (Qu’est-ce que tu as acheté?) « A COAT I bought. » (Un MANTEAU j’ai acheté.) Parce que le mot Quoi ;demande des informations, nous plaçons ensuite l’information demandée en première position, avec accent. C’est un élément très important du caractère unique d’une langue. Il y a donc trois choses très ;uniques dans la langue mohawk que nous ne voulons pas et que nous ne pouvons pas perdre en la modernisant ou en la rendant plus contemporaine. La langue est définie.
La culture va de pair avec la langue… si vous cessez d’utiliser une hache de pierre, le mot « hache de pierre » finira par disparaître, à certaines exceptions… Et puis, il y a des mots que nous avons créés dans le passé et avons conservés jusqu’à aujourd’hui, comme oháhsera, « a light » (une lumière), qui est aujourd’hui utilisé principalement en référence à l’éclairage artificiel, mais à l’origine, il désignait quelque chose qui ressemblait beaucoup à cet os oháhsa ;avec le suffixe-ra ;. Ainsi, oháhsera ;donne l’impression ou l’apparence de cet os et si vous regardez cet os et une chandelle… oui, c’est ainsi que nous avons appelé les chandelles oháhsera ;, puis les lampes sont apparues. Elles ont plus ou moins la même forme, oháhsera. Puis les lumières, les lampes de salon et d’autres objets similaires sont apparus, d’accord, oháhsera. De nos jours, oháhsera ;désigne tout ce qui projette de la lumière artificielle, vous savez, les plafonniers, les appliques murales, tout ça. Il s’agit donc d’un mot qui a traversé le temps, car même si l’utilisation fondamentale reste plus ou moins la même, la forme n’a cessé de changer.
[CA : Il s’agit d’une dérive sémantique naturelle qui se produit dans la plupart des langues…]
Oui, c’est vrai.