Chapitre 8 : Pragmatique
8.13 Question
Revenons maintenant à la planification du souper d’Aya et de Bo afin d’analyser le sens illocutoire d’INTERR, l’opérateur illocutoire interrogatif. La conversation ainsi que la visualisation du contexte sont reproduites ci-dessous.
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(1) (Contexte : Aya et Bo sont colocataires et essaient de décider ce qu’ils vont cuisiner pour le souper.)
Aya : Devrions-nous manger des spaghettis pour souper?
Bo : Nous avons de la sauce tomate et du bœuf haché dans le réfrigérateur.
Aya : Oui. Pouvons-nous faire des pâtes à la bolognaise avec ces ingrédients?
Bo : Je pense que oui.
Aya : D’accord, c’est super. Donc, nous mangerons des spaghettis.
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Dans cette section, nous analyserons la question en gras présentée en (1). L’analyse compositionnelle est la suivante : INTERR nous pouvons faire des pâtes à la bolognaise avec ces ingrédients avec l’opérateur illocutoire agissant sur la proposition nous pouvons faire des pâtes à la bolognaise avec ces ingrédients. Quelle est la place de cette proposition dans le contexte (figure 1) d’une question?
Contrairement à une assertion, une question n’engage pas celui qui l’énonce à une proposition particulière. Aya peut demander « Pouvons-nous faire des pâtes à la bolognaise avec ces ingrédients? » sans croire qu’elle peut effectivement faire des pâtes à la bolognaise avec ces ingrédients. En fait, dans ce contexte, il est naturel de penser qu’elle pose cette question parce qu’elle ne le sait vraiment pas. Cela signifie donc qu’INTERR p ne met pas à jour l’ensemble d’engagements discursifs du locuteur/signeur avec p.
Les questions, tout comme les assertions, soulèvent un sujet de discussion. Avec une telle question par oui ou non, le locuteur demande si la proposition Nous pouvons faire des pâtes à la bolognaise avec ces ingrédients est vraie ou fausse. Étant donné que les problèmes soulevés dans la pile de QED concernent en fin de compte la proposition qui devrait être ajoutée à la connaissance commune, cette question peut être reformulée comme suit : « Laquelle est vraie (= devrait être ajoutée à la connaissance commune)? Nous pouvons faire des pâtes à la bolognaise avec ces ingrédients ou Nous ne pouvons PAS faire de pâtes à la bolognaise avec ces ingrédients? » Ainsi, l’effet d’INTERR est résumé ci-dessous en (2). Le symbole logique ¬ représente la négation propositionnelle ou « il n’est pas vrai que ». Pour comprendre le sens illocutoire de la question « Pouvons-nous faire des pâtes à la bolognaise avec ces ingrédients? », essayons de remplacer la variable p par « nous pouvons faire des pâtes à la bolognaise avec ces ingrédients ». Ainsi, ¬p se lira « Il n’est pas vrai que nous pouvons faire des pâtes à la bolognaise avec ces ingrédients », ce qui n’est qu’une longue façon de dire « Nous ne pouvons pas faire de pâtes à la bolognaise avec ces ingrédients ». L’exemple en (3) montre à nouveau ASSERT p à des fins de comparaison.
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(2) INTERR p =
Placer « p est-il vrai, ou ¬p est-il vrai? » au sommet de la pile de QED.
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(3) ASSERT p =
(i) Placer p dans l’ensemble d’engagements discursifs du locuteur/signeur.
(ii) Placer « p est-il vrai? » au sommet de la pile de QED.
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Notez que pour ASSERT p, la QED se résume à « p est-il vrai? », alors que la QED pour INTERR ;est « p est-il vrai ou ¬p est-il vrai? ». Cette différence reflète l’idée intuitive selon laquelle lorsque vous affirmez p (par exemple, il neige), le locuteur/signeur a tendance à inclure p dans la connaissance commune. Avec une question polaire INTERR p ; (par exemple, Est-ce qu’il neige?) le locuteur/signeur est ouvert à mettre p OU ¬p dans la connaissance commune.
Dans la section suivante, nous regrouperons tous les éléments pour voir comment le sens illocutoire fonctionne dans une conversation dans son ensemble en nous inspirant de l’illustration de la figure 8.7.
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Vérifiez votre compréhension
Exercices à venir!
Références
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