Chapitre 8 : Pragmatique

8.12 Assertion

L’une des notions fondamentales du sens illocutoire d’une assertion, qui est apporté par le morphème ASSERT, est que le locuteur révèle publiquement sa croyance en la véracité de la proposition. Il est absurde de faire une assertion pour ensuite dire que l’on ne croit pas au contenu propositionnel, comme dans l’exemple en (1).

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(1) ?? Il neige, mais je ne crois pas qu’il neige.

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La phrase en (1) est une formulation très étrange, mais ce n’est pas exactement une contradiction, du moins pas de manière évidente. D’un point de vue conceptuel, il est possible qu’il neige et qu’une personne n’y croie pas. Cependant, telle que formulée en (1), cette assertion est étrange. Ce phénomène (l’absurdité des phrases ayant la forme p, mais je ne crois pas que p) est appelé paradoxe de Moore. Lorsqu’on tente de nier le sens illocutoire d’une phrase, cela donne lieu au paradoxe de Moore. Le sens illocutoire « se produit » au moment de l’énoncé, de sorte que son résultat est immédiatement perceptible. Par exemple, si vous faites une assertion, vous vous engagez à rendre publique votre croyance par le simple fait que vous ayez produit cet énoncé. Ainsi, vous ne pouvez pas « annuler » un sens illocutoire, car il se produit, tout simplement. En (1), c’est précisément ce que le locuteur/signeur essaie de faire, sans succès.

Revenons sur la conversation concernant la planification du souper d’Aya et de Bo que nous avons mentionnée précédemment afin de voir comment fonctionne l’opérateur ASSERT. L’illustration du contexte est également présentée plus bas.

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(2) (Contexte : Aya et Bo sont colocataires et essaient de décider ce qu’ils vont cuisiner pour le souper.)

Aya : Devrions-nous manger des spaghettis pour souper?

Bo : Nous avons de la sauce tomate et du bœuf haché dans le réfrigérateur.

Aya : Oui. Pouvons-nous faire des pâtes à la bolognaise avec ces ingrédients?

Bo : Je pense que oui.

Aya : D’accord, c’est super. Donc, nous mangerons des spaghettis.

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Illustration du contexte avec Aya et Bo comme interlocuteurs. L’illustration montre les ensembles d’engagements discursifs d’Aya et de Bo, la connaissance commune et la pile de questions en discussion.

Figure 8.6. Un contexte composé de la connaissance commune, de la pile de questions en discussion et de l’ensemble des engagements discursifs.

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En guise de rappel, d’un point de vue compositionnel, l’assertion en gras se décompose en ASSERT [nous avons de la sauce tomate et du bœuf haché dans le réfrigérateur]. Voyons où ASSERT place la proposition Nous avons de la sauce tomate et du bœuf haché dans le réfrigérateur dans le contexte, qui est composé de la pile de questions en discussion (QED), de la connaissance commune, de l’ensemble d’engagements discursifs d’Aya et de l’ensemble d’engagements discursifs de Bo.

Lorsque Bo produit cet énoncé, il rend public le fait qu’il croit que cette proposition est vraie. Naturellement, la part de contexte pertinente est l’ensemble d’engagements discursifs de Bo. Si p est une proposition, ASSERT p ; place p dans l’ensemble d’engagements discursifs du locuteur/signeur.

Ce n’est toutefois pas la seule fonction d’une assertion. Rappelez-vous que l’objectif principal de toute conversation est d’ajouter des propositions à la connaissance commune. Cela signifie que Bo ne fait pas cette assertion dans le but de faire connaître ses propres croyances : il essaie d’amener la destinataire (Aya) à être d’accord avec lui. En d’autres mots, Bo soulève également un problème sujet à discussion dans la conversation en produisant cet énoncé.

Vous pouvez observer que les assertions soulèvent un problème parce qu’en (1), Aya répond « Oui ». Dans un autre contexte, cela aurait pu être « Non, nous n’en avons pas ». Cela montre que les gens peuvent être d’accord ou non avec les assertions, ce qui signifie que les assertions introduisent une proposition comme sujet de discussion dans la pile de QED.

Vous vous souvenez peut-être, plus tôt dans ce chapitre, d’avoir vu que le sens littéral de la phrase est appelé le sens problématique ;. Le sens littéral de la phrase est « problématique », car c’est le contenu de la phrase qui est à débattre dans la pile de QED.

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Pour réitérer un point soulevé précédemment, le fait de croire quelque chose ne signifie pas qu’il s’agit d’un fait du monde réel. Affirmer p ne place pas automatiquement p dans la connaissance commune; il faut d’abord obtenir l’accord des autres participants à la conversation. Ainsi, la deuxième chose qu’ASSERT p fait est de proposer p comme sujet de discussion dans la pile de QED.

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(3) résume la force illocutoire d’ASSERT. Pour l’appliquer à notre exemple en (3), remplaçons-la ;par la proposition suivante Nous avons de la sauce tomate et du bœuf haché dans le réfrigérateur.

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(3) ASSERT p =

(i) Placer p ; dans l’ensemble d’engagements discursifs du locuteur/signeur.

(ii) Placer « p est-il vrai? » au sommet de la pile de QED.

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Dans la section suivante, nous verrons comment cette notion se compare à la force illocutoire des questions.

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Références

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Les bases de la linguistique, 2e edition Copyright © 2022 by Catherine Anderson; Bronwyn Bjorkman; Derek Denis; Julianne Doner; Margaret Grant; Nathan Sanders; Ai Taniguchi; and eCampusOntario is licensed under a Creative Commons Attribution-NonCommercial-ShareAlike 4.0 International License, except where otherwise noted.

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