Chapitre 6 : Syntaxe

6.1 Connaissance syntaxique et jugements de grammaticalité

Quel type de connaissance avons-nous sur la syntaxe de la langue? Commençons par analyser la phrase (1) :

(1) All grypnos are tichek.

Vous ne savez peut-être pas ce qu’est un grypno ou ce que signifie être tichek (parce que ce sont des mots inventés!), mais vous pouvez dire que la « forme » de cette phrase est acceptable en anglais. En d’autres termes, (1) respecte la façon dont les anglophones combinent les mots pour former des phrases.

Comparez cela avec la phrase en (2) :

(1) *Grypnos tichek all are.

Contrairement à (1), (2) ne respecte pas la forme d’une phrase en anglais. Même si vous saviez ce qu’est un grypno, ou ce que signifie être tichek, les mots ne seraient toujours pas combinés dans le bon ordre pour former une phrase en anglais.

Toutefois, nous pouvons affirmer que vous n’avez fort probablement jamais entendu ou lu l’une de ces phrases avant de les voir dans ce chapitre. En fait, la plupart des phrases que vous lirez dans ce manuel seront probablement des phrases que vous n’avez jamais entendues ou lues dans cet ordre auparavant. Cela signifie donc que vous devez pouvoir généraliser votre grammaire interne de l’anglais pour l’appliquer à de nouveaux cas; il s’agit là encore de la capacité générative du langage, présentée au chapitre 1.

En tant que personne qui utilise le langage — dans le cas des exemples (1) et (2), en tant que personne qui parle et lit l’anglais —, vous pouvez déterminer les phrases qui correspondent ou non aux modèles requis par votre grammaire interne. En syntaxe, nous décrivons les phrases qui correspondent à ces modèles comme grammaticales pour un utilisateur donné de la langue, et les phrases qui ne correspondent pas aux schémas requis comme étant agrammaticales.

Les jugements de grammaticalité en matière de syntaxe

Lorsque nous disons qu’une chose est agrammaticale en matière de syntaxe, nous ne voulons pas dire qu’il s’agit d’une « mauvaise grammaire » dans le sens où elle ne suit pas les règles grammaticales que vous avez peut-être apprises à l’école. Nous qualifions plutôt les choses d’agrammaticales lorsqu’elles sont incompatibles avec le système grammatical de l’utilisateur de la langue.

L’évaluation d’une phrase par un utilisateur de la langue est appelée jugement de grammaticalité. Les jugements de grammaticalité servent d’outils pour analyser le système linguistique d’un utilisateur donné de la langue; il n’existe aucun moyen d’obtenir un jugement de grammaticalité pour « l’anglais » dans son ensemble, par exemple. Nous ne pouvons obtenir que des jugements de grammaticalité provenant d’individus parlant l’anglais. Vous verrez parfois une phrase décrite comme grammaticale ou agrammaticale « en anglais » ou dans une autre langue; techniquement, il s’agit d’une manière simplifiée de dire que les utilisateurs de la langue sont généralement d’accord sur le fait qu’elle est grammaticale ou non. Dans bien des cas, différents utilisateurs d’une langue ne s’entendent pas sur le statut d’un exemple particulier, ce qui peut nous renseigner sur les variations syntaxiques dans cette langue.

Les exemples agrammaticaux sont souvent ceux qui nous intéressent le plus, car ils nous renseignent sur les limites de la construction des phrases dans une langue. Selon les conventions linguistiques, il faut marquer les exemples agrammaticaux d’un astérisque (*) au début de la phrase, que l’on nomme parfois étoile (un peu plus facile à dire). Lorsque vous voyez ce symbole devant un exemple dans ce manuel, sachez que l’exemple est agrammatical au sens linguistique du terme.

Parfois, nous voulons indiquer qu’une phrase est bizarre en raison de son sens plutôt que de sa syntaxe. Dans ces cas, nous utilisons le symbole du croisillon (#) au lieu d’une étoile.

Considérons l’exemple (3) :

(3) #The book pedalled the bicycle harmoniously.

La forme de cette phrase est correcte en anglais, mais la phrase n’a aucun sens. Nous dirions donc qu’elle est grammaticalement correcte, mais qu’elle est sémantiquement bizarre, et c’est ce qu’indique le symbole du croisillon.

La plupart des phrases que nous examinerons dans ce chapitre sont des phrases pour lesquelles de nombreux anglophones (mais pas tous) partagent des jugements similaires. Si vous n’êtes pas d’accord avec l’un des jugements rapportés ici, vous pouvez profiter de l’occasion pour réfléchir à ce que cela vous apprend sur votre propre grammaire. Vous pouvez également explorer si la différence peut être expliquée à l’aide des outils que nous élaborons ici, ou si cela suggère la nécessité de réviser notre théorie de la syntaxe d’une autre manière.

Les objectifs de la théorie syntaxique

Notre objectif en matière de syntaxe est d’élaborer une théorie qui permet de réaliser deux choses :

  1. Prédire les phrases qui sont grammaticales et celles qui sont agrammaticales.
  2. Expliquer les propriétés observées des phrases grammaticales.

En revanche, nous voulons aussi construire une théorie qui peut servir à expliquer non seulement les propriétés de l’anglais, mais aussi celles de tous les langages humains. Nous nous concentrerons dans une bonne partie de ce chapitre sur la syntaxe des variétés de l’anglais, car il s’agit d’une langue commune à tous ceux qui lisent ce manuel, mais nous aurons souvent l’occasion de voir comment d’autres langues nous montrent l’étendue de la variation de la syntaxe en matière de langage humain.

De quel type de théorie avons-nous besoin pour faire ce genre de prédiction? Si les langues étaient limitées, nous pourrions simplement énumérer toutes les phrases correctes et en finir. Cependant, tout utilisateur d’une langue peut générer des phrases que personne n’a rencontrées auparavant, et d’autres personnes peuvent comprendre ces phrases, de sorte que nos « connaissances » sur la syntaxe d’une langue doivent être plus qu’une simple liste de phrases grammaticales. Dans la section suivante de ce chapitre, nous verrons que nos connaissances sur la syntaxe ne peuvent se limiter à l’ordre des mots, et qu’elles doivent également porter sur leur regroupement (**constituance*).

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Les bases de la linguistique, 2e edition Copyright © 2022 by Catherine Anderson; Bronwyn Bjorkman; Derek Denis; Julianne Doner; Margaret Grant; Nathan Sanders; Ai Taniguchi; and eCampusOntario is licensed under a Creative Commons Attribution-NonCommercial-ShareAlike 4.0 International License, except where otherwise noted.

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