Chapitre 1 : Langage humain et sciences du langage

1.1 Qu’est-ce qu’un langage?

 

Un ou plusieurs éléments interactifs ont été exclus de cette version du texte. Vous pouvez les consulter en ligne à l’adresse suivante, mais notez que le contenu est en anglais : https://ecampusontario.pressbooks.pub/essentialsoflinguistics2/?p=333#oembed-1


Nous sommes tous des utilisateurs du langage. ;En ce moment même, nous, les auteurs, utilisons une variété de l’anglais canadien ;(vous lisez présentement une version traduite en français). Nous savons que beaucoup d’entre vous connaissent également une ou plusieurs autres langues. ;La linguistique est l’étude scientifique du langage humain. Cette définition est brève, certes, mais elle n’est pas vraiment simple, n’est-ce pas? Comment étudier le langage sous un angle scientifique? De reste, qu’est-ce qu’un langage exactement?

Le mot langage est utilisé pour désigner plusieurs concepts complexes différents qui sont interconnectés les uns avec les autres. Le terme est notamment employé pour désigner des langages individuels, comme la langue des signes américaine (LSA), le basque, l’anglais, la langue des signes québécoise (LSQ), le nishnaabemwin, le xhosa et bien d’autres encore.

Le mot langage peut également renvoyer à d’autres notions connexes. Si vous êtes programmeur, votre CV peut comporter une section énumérant les langages informatiques que vous connaissez, comme Python, R, C++ ou Perl. Les langages informatiques ne sont généralement pas au cœur de la linguistique, même si de nombreux linguistes les utilisent pour analyser des données linguistiques! Il existe également des utilisations métaphoriques du mot langage, comme le langage corporel ou le langage amoureux. Ces utilisations du mot se situent également en dehors du champ d’études habituel de la linguistique.

Pour l’instant, nous allons nous intéresser à un langage en particulier, puisqu’il se trouve que c’est celui que nous étudions actuellement. J’utilise une variété de l’anglais (parlée par une femme blanche d’âge moyen en Ontario). Avant de commencer à réaliser cette ;vidéo, j’utilisais mes doigts pour taper des mots sur mon clavier. Lorsque je lis ces mots et que je vous parle, j’expulse l’air de mes poumons, je fais vibrer mes cordes vocales et je manipule certaines parties de ma bouche pour produire des sons. Ces sons sont captés par un microphone et enregistrés sur mon ordinateur, puis je les téléchargerai dans le livre numérique. Si vous écoutez cette vidéo, les sons que j’ai enregistrés sont diffusés sur votre appareil et vos tympans réagissent aux informations auditives. Si vous lisez le texte ou les légendes, vos yeux réagissent à l’information visuelle. Vos yeux et vos oreilles envoient des signaux à votre cerveau. Et d’une manière ou d’une autre, après tout cela, si ma communication a réussi, vous finissez par avoir une idée dans votre esprit qui est similaire à l’idée que j’ai transmise. Pour que cela se produise, il faut qu’il y ait un lieu commun, un système partagé qui nous permet de comprendre les idées des autres par l’intermédiaire du langage. Ce système partagé est ce que de nombreux linguistes appellent la grammaire mentale et l’un des objectifs de la linguistique est d’expliquer ce système partagé.

Nous avons donc un peu précisé notre définition de la linguistique, qui est l’étude scientifique du langage humain, de la grammaire, le système commun qui nous permet de nous comprendre les uns les autres. En quoi consiste la grammaire? Ou, autrement dit, que savons-nous lorsque nous connaissons un langage?

Qu’est-ce que la grammaire?

Imaginez que vous êtes un extraterrestre, que vous venez d’arriver sur Terre et que vous devez apprendre le langage utilisé par la communauté terrienne où vous avez atterri. Quelles sont les questions que vous devez vous poser? L’une des premières choses que vous devez savoir au sujet de ce langage est ce qui est considéré comme le fait de parler. Cette langue est-elle signée ou vocalisée? Autrement dit, quelle est la modalité du langage? De nombreux langages humains sont vocalisés (ou « parlés »). Dans cette modalité, les locuteurs émettent des sons avec leur larynx, leur langue, leurs dents et leurs lèvres, et reçoivent des sons avec leurs oreilles. D’autres langages humains sont exprimés par des signes. Les utilisateurs font des signes avec leurs doigts, leurs mains, leurs poignets et leurs avant-bras, et reçoivent des signes par la vue ou le toucher. Bien que leurs modalités soient très différentes, ces langages ont de nombreuses caractéristiques en commun dans leurs grammaires. Dans cet ouvrage, nous nous efforcerons de réserver les mots parler et parole aux langues vocales, et nous ferons référence aux utilisateurs de la langue lorsque nous parlerons des langues, quelle que soit leur modalité. Dans d’autres endroits, le verbe s’exprimer est utilisé pour signifier « utiliser la langue dans n’importe quelle modalité ».

Huit biscuits aux pépites de chocolat sur une feuille de papier blanc légèrement froissée.

Figure 1.1. Biscuits.

Une fois la modalité choisie, que faire? Vous devez probablement segmenter le flux d’informations auditives ou visuelles en unités significatives. En observant attentivement, vous pourriez découvrir qu’une séquence particulière de sons ou de gestes se répète dans cette langue et qu’une signification cohérente est associée à cette séquence. Par exemple, vous avez peut-être remarqué que les utilisateurs de la langue que vous avez rencontrés prononcent les sons « cookie » (biscuit) lorsqu’ils vous proposent une pâtisserie ronde, sucrée et délicieuse. Vous avez peut-être aussi remarqué que lorsque vous entendez le son z à la fin du mot cookies en anglais, il y en a plus d’un qui vous est offert!

La partie de la grammaire qui relie ces formes aux significations est le lexique mental. C’est un peu comme un dictionnaire dans votre esprit. Connaître un mot dans une langue implique de reconnaître sa forme – la combinaison de signes, de sons ou de symboles écrits – et son sens. Pour la majorité des mots des langues du monde, le lien entre la forme et le sens est arbitraire.

Une petite citrouille orange dans un bac avec une variété d’autres courges.

Figure 1.2 : Citrouille.

Par exemple, le mot anglais pour cette chose est pumpkin (citrouille) et le mot nishnaabemwin est kosmaan. Il n’y a rien d’intrinsèquement orange ou rond ou végétal dans l’une ou l’autre de ces formes de mots : l’association de ce sens à cette forme est arbitraire dans chaque langue. (Mais il existe des mots dont la forme a une relation iconique, moins arbitraire, avec le sens; nous en reparlerons plus loin dans ce manuel.)

Supposons que vous ayez compris que les biscuits sont délicieux et que vous souhaitiez en demander davantage à vos hôtes terrestres. Pour ce faire, vous devez apprendre à contrôler les muscles de votre bouche, de votre langue et de vos lèvres pour prononcer le mot « biscuit », ou à utiliser vos mains, vos doigts, vos poignets et vos avant-bras pour signer le mot. En d’autres termes, vous devez connaître la phonétique articulatoire de la langue. Cela soulève un aspect important de la grammaire : lorsque nous connaissons une langue couramment, une grande partie de nos connaissances grammaticales sont inconscientes ou implicites. Pour les langues que vous maîtrisez, votre connaissance du lexique est probablement assez consciente ou explicite et il en va de même pour une partie de la morphologie de votre langue : il s’agit des combinaisons d’éléments significatifs à l’intérieur des mots (par exemple, si vous voulez plus d’un biscuit, vous dites cookies avec un z). Mais vous n’êtes probablement pas aussi conscient de la façon dont vous utilisez vos articulateurs pour produire les sons k ou z.

Notre connaissance implicite du langage comprend également la phonologie, des informations sur la façon dont les unités physiques du langage peuvent être combinées et changent dans différents contextes. ;La syntaxe est la partie de votre grammaire mentale qui sait comment les mots peuvent ou ne peuvent pas être combinés pour former des syntagmes et des phrases, dont une grande partie est implicite. La syntaxe agit de concert avec la sémantique pour permettre à la grammaire de déterminer le sens de ces phrases. Le volet pragmatique de la grammaire mentale peut vous aider à savoir quelles significations se dégagent dans différents contextes. Par exemple, « J’ai des nouvelles » peut être interprété comme une bonne ou une mauvaise nouvelle selon le contexte.

Tous ces éléments font partie de la grammaire : ce que nous savons lorsque nous connaissons une langue. Mais une grande partie de ces connaissances est implicite : le problème est que ces connaissances implicites sont difficiles à observer. L’un des buts les plus importants dans ce manuel est d’essayer d’être explicite sur la nature de la grammaire mentale et sur les indices que nous pouvons utiliser pour la comprendre. Nous reviendrons plus en détail sur ce défi dans la section 1.3 ;ci-dessous.

Qu’en est-il de la lecture et de l’écriture?

Parions que vous vous demandez pourquoi ;nous n’avons pas inclus la lecture ni l’écriture dans la grammaire mentale dont il est question ci-dessus. Après tout, vous avez probablement consacré beaucoup de temps à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture au cours de vos études. Ces compétences font en effet partie des connaissances grammaticales que vous possédez sur votre langue. Cependant, les utilisateurs de la langue n’ont pas besoin de savoir lire ni d’écrire pour avoir une grammaire mentale. Au Canada, les enfants commencent généralement à apprendre à lire et à écrire vers l’âge de cinq ans, mais ils maîtrisent déjà la phonétique, la phonologie, la morphologie, la syntaxe et la sémantique d’une ou de plusieurs langues avant même d’aller à l’école.

Écriture mongole verticale

Figure 1.3a. Écriture mongole verticale.

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Le mot « Mongol » en écriture cyrillique.

Figure 1.3b. Écriture cyrillique mongole.

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Dans un autre ordre d’idées, les utilisateurs d’une langue pourraient commencer à utiliser un système d’écriture différent sans rien changer d’autre à la grammaire. En mongol, par exemple, les locuteurs utilisent actuellement deux systèmes d’écriture différents : l’alphabet cyrillique et l’écriture mongole traditionnelle, qui se déploie verticalement. Les locuteurs du mongol se comprennent mutuellement, quelle que soit l’écriture qu’ils utilisent pour transcrire la langue. Et il existe de nombreux langages humains qui n’ont tout simplement pas de formes écrites. Les langues des signes comme l’ASL et la LSQ, par exemple, n’ont pas de formes écrites. La plupart des signeurs sont bilingues dans leur langue des signes et dans la forme écrite d’une autre langue.

Ainsi, comme les langages humains ne disposent pas tous d’un système de lecture et d’écriture et que les utilisateurs n’ont pas tous accès à ces systèmes, nous considérons ces compétences comme des éléments secondaires de la grammaire mentale. Si vous êtes alphabétisé dans votre langue, cette alphabétisation est certainement intégrée dans votre grammaire mentale. Mais l’alphabétisation n’est pas nécessaire pour la compétence grammaticale.


Vérifiez votre compréhension

 

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Les bases de la linguistique, 2e edition Copyright © 2022 by Catherine Anderson; Bronwyn Bjorkman; Derek Denis; Julianne Doner; Margaret Grant; Nathan Sanders; Ai Taniguchi; and eCampusOntario is licensed under a Creative Commons Attribution-NonCommercial-ShareAlike 4.0 International License, except where otherwise noted.

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