6.3  Révision : valeurs propres et vecteurs propres

Il est essentiel de comprendre les valeurs propres et les vecteurs propres pour résoudre des systèmes d’équations différentielles, en particulier pour trouver les solutions de systèmes homogènes. Cette section passe en revue ces concepts et explique comment les trouver.

A. Définition

Considérons une matrice carrée A de taille nxxn et un vecteur bb(v) avec n éléments. En multipliant la matrice A par le vecteur bb(v), on obtient un nouveau vecteur bb(u) avec n éléments. Géométriquement, cette opération peut être vue comme la transformation du vecteur bb(v) par la matrice A, qui peut impliquer une rotation, une dilatation, une réflexion ou une combinaison de ces éléments, en fonction des propriétés de A. Le vecteur bb(u) ainsi obtenu peut différer en direction et en magnitude du vecteur original bb(v).

Dans de nombreuses applications, on recherche un scalaire spécial \lambda et un vecteur non nul correspondant bb(v) de façon à ce que, lorsque la matrice A multiplie bb(v), le résultat soit un scalaire multiple de bb(v), et non un nouveau vecteur. La relation est exprimée sous la forme

 A bb{v} = \lambda\bb{v}    (6.3.1)

En ce cas, le scalaire lambda est appelé valeur propre, tandis que le vecteur bb{v} est le vecteur propre de la matrice A. Une valeur propre représente donc le facteur par lequel un vecteur propre est dilaté lorsqu’il subit la transformation linaire représentée par A.

Pour trouver les valeurs propres de la matrice A, il faut résoudre l’équation de la section 6.3.1 pour un lambda non nul. En réécrivant l’équation, on obtient

 A bb{v} - lambda bb{v}=bb(0)

 A bb{v} - lambda I_nbb{v}=bb(0)

 (A- lambda I_n)bb{v} =bb(0)

Ici, I_n est la matrice identité de la même taille que A. Le déterminant de A- lambda I_n doit être nul pour que ce système ait des solutions non triviales. On définit c_A(lambda)=det(A-lambda I) comme lepolynôme caractéristique de la matrice A. Les racines du polynôme caractéristique sont les valeurs propres, ce qui peut être exprimé sous la forme

  det(A - \lambda I) = 0.    (6.3.2)

Une fois les valeurs propres déterminées, les vecteurs propres correspondants sont obtenus en résolvant le système (A- lambda I_n)bb{v} =bb(0) pour chaque valeur propre lambda. Ces vecteurs ne sont pas uniques, car tout multiple scalaire d’un vecteur propre est aussi un vecteur propre valide.

B. Propriétés des valeurs propres et vecteurs propres

  • Multiplicité algébrique : renvoie au nombre de fois où une valeur propre apparaît comme racine dans le polynôme caractéristique d’une matrice. Permet de savoir combien de fois une valeur propre est répétée.
  • Multiplicité géométrique : indique le nombre de vecteurs propres linéairement indépendants associés à une valeur propre. La multiplicité géométrique est toujours inférieure ou égale à la multiplicité algébrique.
  • Indépendance linéaire des vecteurs propres : les vecteurs propres correspondant à différentes valeurs propres d’une matrice sont linéairement indépendants. Il s’agit d’une propriété essentielle qui permet de former une base dans l’espace vectoriel couvert par ces vecteurs propres. Si les multiplicités algébrique et géométrique d’une valeur propre sont égales, alors il existe un ensemble complet de vecteurs propres linéairement indépendants pour cette valeur propre.
  • Valeurs et vecteurs propres conjugués complexes : dans les systèmes qui ont des valeurs propres complexes, ces valeurs propres et leurs vecteurs propres correspondants apparaissent par paires conjuguées. Cela signifie que, si lambda est une valeur propre complexe avec un vecteur propre associé bb(v), alors bar{lambda} (le conjugué complexe de lambda) est aussi une valeur propre, avec pour vecteur propre correspondant bar{bb{v}} (le conjugué complexe de bb(v)).
  • Diagonalisation : une matrice est diagonalisable si et seulement si, pour chaque valeur propre, la multiplicité algébrique est égale à la multiplicité géométrique. Cela signifie qu’il y a suffisamment de vecteurs propres linéairement indépendants pour former une base pour l’espace. Si une matrice n’est pas diagonalisable, elle est appelée matrice défectueuse.
Exemple 6.3.1 : Trouver les valeurs propres et les vecteurs propres – Valeurs propres réelles

Pour la matrice donnée, a) trouver le polynôme caractéristique de la matrice et b) toutes les valeurs propres et leurs vecteurs propres associés.

 A=[(3,5),(1,-1)]

Afficher/Masquer la solution

 

a.

 A-lambda I =[(3,5),(1,-1)] -lambda[(1,0),(0,1)]  =[(3-lambda,5),(1,-1-lambda) ]

Le polynôme caractéristique de A est

 c_A(lambda)=det(A-lambda I)

 =|(3-lambda,5),(1,-1-lambda) |

 =(lambda-3)(lambda+1)-5

 =lambda^2-2lambda-8

=(lambda-4)(lambda+2)

b) Les racines de c_A(lambda), à savoir lambda_1=4 et lambda_2=-2, sont les valeurs propres de A. Pour trouver les vecteurs propres correspondants, il faut trouver la solution du système (A-lambda I)bb(u)=bb(0) pour chaque valeur propre.

Pour lambda_1=4, on a

 (A-lambda I)bb(u)=bb(0)

 [(3-lambda_1,5),(1,-1-lambda_1)]   [(u_1),(u_2)]=[(0),(0)]

 [(3-4,5),(1,-1-4) ] [(u_1),(u_2)]=[(0),(0)]

 [(-1,5),(1,-5) ] [(u_1),(u_2)]=[(0),(0)]

Pour résoudre le système, on forme la matrice augmentée et on la transforme en FERL au moyen d’opérations de ligne.

 [(-1,5,|,0),(1,-5,|,0) ] image [(1,-5,|,0),(-1,5,|,0) ] image) [(1,-5,|,0),(0,0,|,0) ]

La deuxième colonne n’a pas de pivot 1, donc u_2 est une variable libre. On représente généralement la variable libre par un paramètre, par exemple t. On écrit alors u_1 et u_2 en fonction du paramètre t.

u_1-5u_2=0 image 

 u_2=t

Ainsi, la solution générale est bb(u_1)=[(u_1),(u_2)]=t[(5),(1)], où t est un nombre réel non nul arbitraire. On recherche généralement un vecteur propre basique (sans paramètre). On peut choisir une valeur pour t pour trouver un vecteur propre basique. En utilisant t=1, le vecteur propre correspondant à lambda_1=4 est bb(u_1) =[(5),(1)].

Pour lambda_2=-2, on a

 [(3-lambda_2,5),(1,-1-lambda_2)]   [(u_1),(u_2)]=[(0),(0)]

 [(3+2,5),(1,-1+2) ] [(u_1),(u_2)]=[(0),(0)]

 [(5,5),(1,1) ] [(u_1),(u_2)]=[(0),(0)]

Là encore, pour résoudre le système, on forme la matrice augmentée et on la transforme en FERL au moyen d’opérations de ligne.

La solution générale est

bb(u_2)=[(u_1),(u_2)]=t[(-1),(1)]

t est un nombre réel non nul arbitraire. En utilisant t=1, le vecteur propre basique correspondant à lambda_2=-2 est bb(u_2) =[(-1),(1)].

Les deux valeurs propres sont des valeurs propres simples avec une multiplicité algébrique de 1 et, par conséquent, leurs vecteurs propres sont linéairement indépendants.

 

Prenons un exemple

 

 

Exemple 6.3.2 : Trouver les valeurs propres et les vecteurs propres – Valeurs propres complexes

Pour la matrice donnée, a) trouver le polynôme caractéristique de la matrice et b) toutes les valeurs propres et leurs vecteurs propres associés.

 A=[(-7,-1),(5,-9)]

Afficher/Masquer la solution

 

a.

 A-lambda I =[(-7,-1),(5,-9)] -lambda[(1,0),(0,1)]  =[(-7-lambda,-1),(5,-9-lambda)]

Le polynôme caractéristique de A est

 c_A(lambda)=det(A-lambda I)

 =|(-7-lambda,-1),(5,-9-lambda) |

 =(7+lambda)(9+lambda)+5

 =lambda^2+16lambda+68

En complétant le carré, on obtient

 =(lambda+8)^2+4

b) Les racines de c_A(lambda) sont les valeurs propres de A.

 (lambda+8)^2+4=0

(lambda+8)^2=-4

 lambda+8=+-2i

lambda=-8+-2i

Ensuite, pour trouver les vecteurs propres correspondants, on suit les mêmes étapes que dans l’exemple précédent, en résolvant le système (A-lambda I)bb(u)=bb(0). Cependant, comme les valeurs propres sont des conjugués complexes, leurs vecteurs propres correspondants seront aussi des conjugués. Par conséquent, on doit seulement trouver le vecteur propre associé à l’une des valeurs propres.

On trouve le vecteur propre associé à lambda_1=-8-2i.

 (A-lambda I)bb(u)=bb(0)

 [(-7-(-8-2i),-1),(5,-9-(-8-2i)) ]   [(u_1),(u_2)]=[(0),(0)]

 [(1+2i,-1),(5,-1+2i) ] [(u_1),(u_2)]=[(0),(0)]

Pour résoudre le système, on forme la matrice augmentée et on la transforme en FERL au moyen d’opérations de ligne.

 [(1+2i,-1 ,|,0),(5,-1+2i ,|,0) ] image) [(5,-1+2i ,|,0),(5,-1+2i ,|,0) ]

 image[(5,-1+2i ,|,0) ,(0,0,|,0) ]  image) » [(1,-1/5+2/5i ,|,0) ,(0,0,|,0) ]

La deuxième colonne n’a pas de pivot 1, donc u_2 est une variable libre. On représente généralement la variable libre par un paramètre t. On écrit alors u_1 et u_2 en fonction du paramètre t.

 u_1+(-1/5+2/5i )u_2=0  image)u_1=(1/5-2/5i ) t

 u_2=t

Donc, les vecteurs propres correspondant à la valeur propre lambda_1=-8-2i sont bb(u_1)=t[(1/5-2/5i ),(1)] pour t!=0. Avec t=5, on a

 bb(u_1)=[(1-2i),(5)] =[(1),(5)]-i[(2),(0)]

Le vecteur propre correspondant à la valeur propre conjuguée est le conjugué du vecteur propre bb(u_1). Ainsi, le vecteur propre associé à la valeur propre lambda_2=-8+2i est

 bb(u_2) =[(1+2i),(5)] =[(1),(5)]+i[(2),(0)]

Les deux valeurs propres sont des valeurs propres simples avec une multiplicité algébrique de 1 et, par conséquent, leurs vecteurs propres sont linéairement indépendants.

 

Prenons un exemple

 

 

Exemple 6.3.3 : Trouver les valeurs propres et les vecteurs propres – Valeurs propres réelles répétées

Pour la matrice donnée, a) trouver le polynôme caractéristique de la matrice et b) toutes les valeurs propres et leurs vecteurs propres associés.

 A=[(0,6,-2),(0,-2,0),(1,3,-3)]

Afficher/Masquer la solution

 

a.

 A-lambda I =[(0,6,-2),(0,-2,0),(1,3,-3)] -lambda[(1,0,0),(0,1,0),(0,0,1)]  =[(-lambda,6,-2),(0,-2-lambda,0) ,(1,3,-3-lambda)]

Le polynôme caractéristique de A est

 c_A(lambda)=det(A-lambda I)

 =|(-lambda,6,-2),(0,-2-lambda,0) ,(1,3,-3-lambda) |

 =-lambda|(-2-lambda,0) ,(3,-3-lambda) |+|(6,-2),(-2-lambda,0) |

 =-lambda(-2-lambda)(-3-lambda)-(-2-lambda)(-2)

 =(-2-lambda)(lambda^2+3lambda+2)

 =-(lambda+2)^2(lambda+1)

b)

Les racines de c_A(lambda), lambda_(1,2)=-2, avec une multiplicité de 2, et lambda_3=-1, avec une multiplicité de 1, sont les valeurs propres de A.

Pour trouver les vecteurs propres correspondants, il faut trouver la solution du système (A-lambda I)bb(u)=bb(0) pour chaque valeur propre, comme dans l’exemple précédent.

Pour lambda_(1,2)=-2, on a

 |(-lambda,6,-2),(0,-2-lambda,0) ,(1,3,-3-lambda) |  [(u_1),(u_2),(u_3)]=[(0),(0),(0)]

 |(2,6,-2),(0,-2+2,0) ,(1,3,-3+2) |  [(u_1),(u_2),(u_3)]=[(0),(0),(0)]

 |(2,6,-2),(0,0,0) ,(1,3,-1) |  [(u_1),(u_2),(u_3)]=[(0),(0),(0)]

Pour résoudre le système, on forme la matrice augmentée et on la transforme en FERL au moyen d’opérations de ligne.

 |(2,6,-2),(0,0,0) ,(1,3,-1) |  image)   |(2,6,-2),(1,3,-1),(0,0,0) |

  image|(1,3,-1),(2,6,-2) ,(0,0,0) |   image  |(1,3,-1),(0,0,0) ,(0,0,0) |

Les deuxième et troisième colonnes n’ayant pas de pivot 1, u_2 et u_3 sont des variables libres. On fait en sorte que u_2 et u_3 soient représentés par les paramètres s et t, respectivement. On écrit alors u_1 en fonction de ces paramètres.

 u_1+3s-t=0 image 

 u_2=s

 u_3=t

Le vecteur propre bb(u_(1,2)) peut donc être exprimé sous la forme

  bb(u_(1,2))=[(u_1),(u_2),(u_3)]=[(-3s+t),(s),(t)] =s[(-3),(1),(0)]+t[(1),(0),(1)],    s,t!=0 en même temps

où s et t ne peuvent pas être nuls en même temps, car cela donnerait un vecteur nul et les vecteurs propres ne sont jamais nuls. L’espace propre est traversé par deux vecteurs {[(-3),(1),(0)], \ [(1),(0),(1)]}.

Les vecteurs propres basiques associés à la valeur propre lambda_(1,2) sont donc bb(u_1)=[(-3),(1),(0)] et bb(u_2)= [(1),(0),(1)].

Pour lambda_3=-1, on a

 |(1,6,-2),(0,-1,0) ,(1,3,-2) | [(u_1),(u_2),(u_3)]=[(0),(0),(0)]

Là encore, pour résoudre le système, on forme la matrice augmentée et on la transforme en FERL au moyen d’opérations de ligne.

 |(1,6,-2),(0,-1,0) ,(1,3,-2) |  image)  |(1,6,-2),(0,-1,0) ,(0,-3,0) |

image  |(1,6,-2),(0,1,0) ,(0,-3,0) |  image)|(1,6,-2),(0,1,0) ,(0,0,0) |  image  |(1,0,-2),(0,1,0) ,(0,0,0) |

La troisième colonne n’a pas de pivot 1, donc u_3est une variable libre. On représente généralement la variable libre par un paramètre t. On écrit alors u_1 et u_2 en fonction du paramètre t.

u_1-2t=0 image 

u_2=0

u_3=t

Le vecteur propre bb(u_3) peut ainsi être exprimé sous la forme

  bb(u_3)=[(u_1),(u_2),(u_3)]=[(2t),(0),(t)] =t[(2),(0),(1)],  t!=0

En utilisant t=1, le vecteur propre correspondant à lambda_3=-1 est bb(u_3) =[(2),(0),(1)].

Pour les deux valeurs propres, la multiplicité algébrique est égale à la multiplicité géométrique et leurs vecteurs propres sont donc linéairement indépendants.

 

Prenons un exemple

 

Section 6.3 Exercices

  1. Trouve les valeurs propres de la matrice

     [(0,-5),(4,6)].

    Afficher/Masquer la réponse

     lambda_(1,2)= 3+-isqrt(11)

  2. Trouve les valeurs propres et les vecteurs propres de la matrice [(5,2,8),(-4,-1,-16),(0,0,3)].
    Afficher/Masquer la réponse

     lambda_1=1, \ bb(v_1)=[(-1),(2),(0)] ou n’importe quel multiple scalaire.

    lambda_(2,3)=3, \ bb(v_2)=[(-1),(1),(0)], \ bb(v_3)=[(-4),(0),(1)] ou n’importe quel multiple scalaire.

  3. Trouve les valeurs propres et les vecteurs propres de la matrice [(-5,-4),(14,10)].
    Afficher/Masquer la réponse

     lambda_1=3, \ bb(v_1)=[(1),(-2)] ou n’importe quel multiple scalaire.

    lambda_2=2, \ bb(v_2)=[(4),(-7)] ou n’importe quel multiple scalaire.

Licence

Équations différentielles© par AMIR TAVANGAR. Tous droits réservés.

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