11 Domaine de l’expérience

Selon Sanders, l’expérience est subjective et seulement ressentie par la personne la vivant. L’expérience peut être éphémère, c’est-à-dire qu’elle ne dure qu’un moment où la mémoire et l’imagination se rencontrent (Sanders, 2001). Ce moment se tisse inévitablement à nos souvenirs et au passé, que nous exprimons à travers nos expériences vécues. Ce moment est aussi étroitement lié à nos rêves : nous interprétons ce qui se passe autour de nous en prévision de nos espoirs et nos craintes pour l’avenir. Puisque l’expérience est à l’intérieur de la personne, on ne peut pas la concevoir. Cependant, on peut concevoir l’expertise, l’échafaudage ou la substructure que les gens utilisent pour créer leur propre expérience (Sanders, 2001 : 2). La Figure 8 montre l’ensemble complet de l’expérience.

Chaque expérience révèle une histoire ou une image. Écouter ce que les gens disent nous montre ce qu’ils sont capables d’exprimer en mots par leurs connaissances explicites. Regarder ce que les gens font et ce qu’ils utilisent fournit des informations observables ou de l’expérience observée et donne une perception de l’expérience, qui ne suffit toutefois pas pour tracer l’expérience de l’utilisateur (Cain, 1998 ; Sanders, 1992 d’après Sanders, 1999a). Observer ce que les gens produisent, finalement, fournit des informations plus profondes qui ne s’expriment pas verbalement : les connaissances tacites.

Grâce à la recherche en marketing, on peut savoir ce que les gens pensent. En appliquant l’anthropologie, on peut savoir ce que les gens font. Et en appliquant le design participatif, on peut observer ce qu’ils créent. C’est seulement lorsque ces trois éléments sont explorés simultanément — ce que les gens font, ce qu’ils disent et ce qu’ils produisent, comme le modèle « say-do-make » le permet — qu’on peut appréhender l’expérience (Sanders et Stappers, 2003) (Figure 9). L’expérience est un fondement de la théorie mettant en œuvre les outils génératifs, au cœur du design participatif.

Figure 9. Notre interprétation du modèle « Say-Do-Make» d’Élizabeth Sanders (Sources : SANDERS 1999a; SANDERS et STAPPERS 2003).

Comprendre comment les gens se sentent nous permet d’être empathiques envers eux. Voir et apprécier leurs rêves nous donne une idée du potentiel d’amélioration de leur avenir. Une autre forme de connaissances tacites révélatrices de besoins échappant à la conscience et reconnaissables seulement après-coup sont les besoins latents (Sanders, 1999a) (Figure 10).

 

Figure 10. Notre interprétation du modèle « What people say, do and make » d’Élizabeth Sanders (Source : SANDERS 1999a : 3-4).

Les pensées des gens se révèlent dans ce qu’ils pensent et disent. Il s’agit de connaissances explicatives que l’on peut recueillir lors d’entrevues. Le comportement des gens et leurs actions s’expriment dans leurs actions. Ce sont des connaissances observables qu’on peut voir grâce aux sciences d’observation. Les sentiments et rêves, pour leur part, ne s’expriment qu’à travers ce que les gens produisent. Ce sont des connaissances tacites que l’on peut observer dans des sessions génératives, des ateliers participatifs entre les utilisateurs et les gens qui produisent des artefacts (Sanders, 1999a).

Les outils génératifs lient trois dimensions : le verbal, l’ethnographique et le créatif. Ainsi, les méthodes verbales sont enracinées dans le domaine de la communication et utilisées dans les discussions traditionnelles. Les méthodes ethnographiques observent les gens directement ou indirectement et les sessions créatives ou génératives suscitent l’expression créatrice quotidienne (Sanders et William, 2001) (Figure 11).

Figure 11. Les différents niveaux de connaissances selon l’accès à l’expérience de l’utilisateur par les différentes techniques (Source: VISSER et coll. 2005: 4).

 

 

 

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