4 Enfants utilisateurs et contributeurs

Dans les années 70 et 80, les enfants ne participaient que rarement au développement de technologies expérimentales en les testant avant qu’elles ne soient diffusées au grand public. Le langage de programmation pour enfants Logo[1] (Papert, 1977 d’après Druin, 2002) et SmallTalk[2] (Goldberg, 1984 d’après Druin, 2002) était le plus développé parmi toutes les technologies créées à l’époque. Dans les 30 dernières années, le groupe de recherche Seymour Papert a suscité beaucoup d’intérêt au sujet des théories « constructivistes » d’apprentissage.

Pour celles-ci, une « conception constructive » est un processus de construction des connaissances avec des enfants dont les connaissances et compétences préexistantes sont utilisées pour accomplir une tâche qu’ils n’ont jamais faite auparavant, mais qu’ils sont en mesure d’effectuer (Williamson, 2003). Contrairement à l’opinion comportementaliste qui veut qu’un cadre soit nécessaire à l’étude de l’interaction, les enfants acquièrent plutôt, dans la conception constructive, des connaissances à travers l’expérience. Par conséquent, le comportement des jeunes participants est moins prévisible et génère un apprentissage plus personnalisé (Papert, 1980 ; d’après Markopoulos et Bekker, 2003). Les discussions de chercheurs portent aussi sur l’impact potentiel des technologies sur les enfants considérés comme apprenants et mettent à profit les théories soit explorées ou testées sur l’utilisation des technologies comme outils d’enquête. Dans cet esprit, les chercheurs ont suggéré de nouvelles orientations au développement de nouvelles technologies et possibilités pour les futures expériences d’apprentissage (Markopoulos et Bekker, 2003).

Dans la dernière décennie du 20e siècle, une plus grande attention a été accordée aux enfants. On les considère maintenant comme un groupe spécial d’utilisateurs, surtout dans le secteur du commerce (Bruckman et Bandlow, 2003 ; McNeal, 1992 d’après Markopoulos et Bekker, 2003). Mais la technologie seule ne suffit pas à promouvoir la participation accrue des enfants au processus d’apprentissage, à la conception et à l’utilisation des technologies de l’information, qui ont eu plutôt eu tendance à restreindre le potentiel humain qu’à le développer (Bannon, 1990 d’après Markopoulos et Bekker, 2003). L’industrie devrait chercher à concevoir des produits de qualité qui contribuent positivement au développement des enfants et à leur santé (Wartella et collab., 2000 ; Cordes et Miller, 2000 d’après Markopoulos et Bekker, 2003).

Selon plusieurs chercheurs, les enfants apprenants sont le plus motivés et engagés quand ils travaillent sur des tâches authentiques, c’est-à-dire des tâches quotidiennes mettant les connaissances acquises en pratique, que sur des tâches abstraites et conceptuelles. Dans les tâches authentiques, des activités et des outils appropriés permettent aux enfants de travailler de façon autonome, à leur propre rythme. Ils sont ainsi « au cœur » du défi que représentent le développement de leurs compréhensions et la hausse de leurs performances. Grâce aux compétences et expériences des jeunes explorateurs du monde, on multiplie les manières de développer de nouvelles connaissances et compétences (Williamson, 2003). À cet effet, la conception de produits multimédias est traitée comme un processus démocratique où tout le monde a une voix et où toutes les voix sont entendues et ont un impact. Qui plus est, cet impact est essentiel non seulement pour l’intervention en design, mais devrait conduire à des formes plus larges de participation démocratique sur le lieu de travail. Les chercheurs du domaine ont commencé à suggérer que l’apprentissage de nouvelles technologies par les enfants devrait plutôt être centré sur la « construction » des enfants que sur la « consommation » de ressources conçues par des adultes (Bjerknes et Bratteteig, 1995 d’après Williamson, 2003 : 5).

Par exemple, Lego Group[3], mieux connu sous le nom de LEGO, collabore depuis 8 ans avec ses utilisateurs dès les premières étapes des projets. Les utilisateurs et concepteurs créent et valident les idées des uns et des autres dans une logique de collaboration. Ainsi, pour les utilisateurs du produit Mindstorms, LEGO en choisit certains pour aider les concepteurs à leurs sessions de brainstorming. Grâce aux réseaux sociaux formés par les utilisateurs de Mindstorms NXT, une rétroaction mutuelle permet aux concepteurs d’éviter toute fausse croyance ou impression. En plus de faire la construction de leurs propres robots, LEGO crée aussi ses communautés et événements influençant la conception de ses projets (Ball, 2006 ; Naranjo-Bock, 2011).

[1] Logo est une philosophie de l’éducation et une famille de langages de programmation en constante évolution qui aident à la mettre en pratique. Le logo propose une approche de l’utilisation de l’informatique délibérément constructiviste où l’apprenant (enfant ou adulte expérimenté) est le principal acteur de son apprentissage et l’ordinateur n’est présent que comme outil permettant de construire des réalités dans des environnements divers à l’aide d’un langage informatique spécialement conçu à cet effet. La thèse piagétienne « C’est en créant qu’on apprend » est principale dans la poursuite du projet LOGO de Papert (WIKIPÉDIA 2012d).

[2] Smalltalk est un langage de programmation orienté sur l’objet, réflexif et dynamiquement typé. Il fut l’un des premiers langages de programmation à disposer d’un environnement de développement intégré complètement graphique. Smalltalk a été d’une grande influence dans le développement de nombreux langages de programmation (WIKIPÉDIA 2012e).

[3] Lego Group ou The Lego Group est une société danoise fabriquant des jeux dont la gamme de produits la plus connue est des briques élémentaires à assembler. En 2010, c’est le quatrième fabricant de jouets mondial en importance et le cinquième français (Wikipédia, 2012c).

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