5.1: L’importance du Lieu et de l’Espace

Éducation inspirée de la terre 

L’un des principes les plus fondamentaux des pédagogies autochtones est l’interconnexion avec la terre. La terre est essentiellement inséparable de tout apprentissage, de tous les éléments de la vie, et elle est ancrée dans l’esprit, d’où la signification du terme « Terre mère ».

Certaines langues autochtones reflètent également cette situation, et c’est l’une des raisons pour lesquelles il est si tragique que les effets de la colonisation aient entraîné une telle perte de langues. Les langues anglaise et française sont ancrées et positionnées autour de l’utilisation des noms et de la possessivité.

Robin Wall Kimmerer (botaniste, professeur et membre inscrit de la nation Citizen Potawatomi), partage un passage particulièrement frappant dans son livre, Braiding Sweetgrass, qui permet d’illustrer cette interconnexion qui n’existe pas au sein de la langue anglaise et française. Selon le Dr Kimmerer, environ 30 % des mots en anglais, par exemple, sont des verbes et en Potawatami, ce chiffre s’élève à environ 70 % (2013, p. 53). Ce chiffre est significatif, car il souligne le concept d’expérience du monde dans la tradition autochtone, plutôt que de le posséder, comme dans la tradition occidentale.

« Les langues européennes attribuent souvent un genre aux noms, mais le Potawatomi ne divise pas le monde en masculin et féminin. Les noms et les verbes sont à la fois animés et inanimés […] À ce moment-là, je pouvais sentir l’eau de la baie, la regarder se balancer contre le rivage et l’entendre se déposer sur le sable. Une baie n’est un nom que si l’eau est morte. Lorsque la baie est un nom, elle est définie par les humains, piégée entre ses rives et contenue par le mot. Mais le verbe wiikwegamaa – être une baie – libère l’eau de son esclavage et la laisse vivre. « Être une baie » renferme la merveille que, pour ce moment, l’eau vivante a décidé de s’abriter entre ces rives, conversant avec des racines de cèdre et une bande de jeunes harles. Parce qu’elle pourrait faire autrement – devenir un ruisseau, un océan ou une chute d’eau, et il y a des verbes pour cela, aussi. Être une colline, être une plage de sable, être un samedi, tous sont des verbes possibles dans un monde où tout est vivant. L’eau, la terre, et même le jour, la langue sert de miroir pour voir la vie qui anime le monde, la vie qui palpite à travers toutes choses, à travers les pins, les sittelles et les champignons. C’est la langue que j’entends dans les bois ; c’est la langue qui nous permet de parler de ce qui jaillit tout autour de nous. Et les vestiges des pensionnats, les fantômes missionnaires brandissant du savon, pendent leur tête en signe de défaite… » ([traduction libre] Kimmerer, 2013, p. 55).
Jaimie Kechego est photographiée, au bord d'un lac local, avec un cygne qui cherche à interagir avec elle.
(© Lorna Stolarchuk)Jaimie Kechego, à l’étang Little River Corridor, s’entretient avec North, le cygne, alors qu’elle cherche à établir un lien avec elle.

Visionnez la vidéo L’importance de l’éducation inspirée de la terre [5:28] pour voir un exemple de l’éducation inspirée de la terre au parc Black Oak Heritage.

L’éducation inspirée du lieu

Les pédagogies autochtones relient l’apprentissage à un lieu spécifique et, par conséquent, le savoir se situe par rapport à un lieu, une expérience et un groupe de personnes. Pour les personnes qui conçoivent les programmes d’études, cela signifie qu’il faut créer des occasions d’apprendre sur le lieu local et d’apprendre en relation avec le lieu local. La vidéo suivante, L’importance de l’éducation inspirée du lieu [2:06] explique l’apprentissage inspiré du lieu sur le site de Nimkii Binesi Zaswaaning (Thunderbird’s Nest(opens in a new tab)).

Le pavillon d’apprentissage de la Première nation Chippewa on the Thames est en cours de préparation pour offrir un lieu d’apprentissage, de guérison et de cérémonie autochtones à ses membres. Le fait d’établir des liens avec les communautés autochtones de votre région peut vous offrir des possibilités d’apprentissage sur place dans votre programme d’études.

Tipi "Thunderbird"
(© Shreyas Tambe, 2021) Tipi Thunderbird Site de Nimkii Binesi Zaswaaning (Thunderbird’s Nest).

Apprentissage expérientiel

L’apprentissage expérientiel joue un rôle important dans les pédagogies autochtones. Il est utilisé avec les peuples autochtones depuis toujours afin de doter les générations des connaissances, des valeurs, des aptitudes et des compétences spirituelles, émotionnelles, intellectuelles et physiques nécessaires pour survivre et s’épanouir.

Jaimie devant le Centre d'éducation environnementale Nmaachihna.
(© Jaimie Kechego)

Un point de vue contemporain sur l’apprentissage expérientiel a été adopté par l’Université de Toronto, qui a préparé un livre blanc explorant l’apprentissage expérientiel en tant qu’approche stratégique pour améliorer l’apprentissage des étudiantes et étudiants tout en contribuant à la communauté plus large et aux besoins de la société. Ce point de vue reconnaît la valeur de l’apprentissage holistique et multimodal en plus de l’interaction avec l’environnement de la personne qui apprend.

À partir du livre blanc, les éléments suivants ont été utilisés pour aider à préciser une définition de l’apprentissage expérientiel en s’inspirant de plusieurs chercheuses et chercheurs occidentaux influents, notamment Kolb, Dewey, Lewin et Piaget (Université de Toronto, 2017) :

Six principes fondamentaux de la théorie de l’apprentissage expérientiel

S’inspirant de la théorie de David A. Kolb (1984), l’apprentissage expérientiel est compris comme « le processus par lequel la connaissance est créée par la transformation de l’expérience » (p. 38). S’appuyant sur des théories antérieures sur l’apprentissage par l’expérience (Dewey, 1938 ; Lewin, 1951 ; Piaget, 1978), la théorie de l’apprentissage expérientiel (TAE) de Kolb est fondée sur six principes de base (Kolb & Kolb, 2005) :

  1. L’apprentissage est un processus.
  2. L’apprentissage est ancré dans l’expérience.
  3. L’apprentissage implique la maîtrise des quatre modes d’apprentissage.
  4. L’apprentissage est un processus holistique d’adaptation.
  5. L’apprentissage se réalise lorsqu’une personne interagit avec son environnement.
  6. La connaissance est créée par le biais de l’apprentissage.

La Dre Marie Battiste (2002) résume une approche autochtone de l’apprentissage expérientiel, avec des liens avec la CUA.

« Le premier principe de l’apprentissage autochtone est une préférence pour les connaissances expérientielles. La pédagogie autochtone valorise la capacité d’une personne à apprendre de façon autonome en observant, en écoutant et en participant avec un minimum d’intervention ou d’instruction. Ce modèle d’apprentissage direct par le biais de la vue et de l’action, sans poser de questions, fait des enfants autochtones des personnes apprenantes diversifiées. » (2002, p. 15)

Dre Battiste poursuit en affirmant que les pédagogues « …doivent reconnaître la nécessité d’utiliser une variété de styles de participation et d’échanges d’information, d’adapter leurs méthodes d’enseignement aux styles d’apprentissage autochtones qui existent, et d’éviter de surgénéraliser les capacités des étudiants et étudiantes autochtones en fonction de différences culturelles perçues et généralisées. Pour maximiser la participation des étudiantes et étudiants autochtones au processus éducatif, les pédagogues doivent faire l’expérience de possibilités d’enseignement qui leur permettent de se connecter aux multiples façons de connaître de ces étudiantes et étudiants et aux intelligences multiples » (2002, p. 15).

Les pédagogues de niveau postsecondaire devraient se demander comment l’intégration de possibilités d’apprentissage expérientiel dans leur enseignement peut améliorer l’apprentissage de tous leurs étudiantes et étudiants.

Activité 1: Activités autodirigées pour votre discipline

Faites des recherches sur le lien entre votre institution et le traité (s’il en existe un) pour votre région et préparez votre propre reconnaissance de territoire sur la base de ce que vous avez appris. Voir Native Land Digital(opens in a new tab) (s’ouvre dans un nouvel onglet) pour consulter une carte interactive sur les traités, la langue et les territoires, des informations sur les reconnaissances de territoires et plus encore.


Nous vous invitons à réfléchir de la manière qui vous convient le mieux, par exemple en écrivant, en dessinant, en créant un fichier audio ou vidéo, une carte mentale ou toute autre méthode qui vous permettra de réfléchir et de vous référer à vos pensées .

Un espace de prise de notes en mode texte est également proposé ci-dessous. Toutes les notes que vous prenez ici restent entièrement confidentielles et ne sont visibles que par vous. Utilisez cet espace comme bon vous semble pour garder une trace de vos réflexions, de votre apprentissage et de vos réponses aux activités. Téléchargez une copie texte de vos notes avant de passer à la page suivante du module afin de vous assurer de ne rien perdre de votre travail !


Références

Battiste, M. (2002). Indigenous knowledge and pedagogy in First Nations education: A literature review with recommendations. Ottawa: National Working Group on Education and Indian and Northern Affairs Canada. https://www.afn.ca/uploads/files/education/24._2002_oct_marie_battiste_indigenousknowledgeandpedagogy_lit_review_for_min_working_group.pdf

University of Toronto (2017). Rethinking higher education curricula: Increasing impact through experiential, work-integrated, and community-engaged learning: A white paper for the University of Toronto. https://experientiallearning.utoronto.ca/wp-content/uploads/UofT-WIL-EL-White-Paper-July-2017.pdf

Kimmerer, R. W. (2013). Braiding sweetgrass (1st ed.). Minneapolis, Minnesota: Milkweed Editions.

IECeducation (2011, Dec 9). Nmaachihna – “We are going home” [Video]. YouTube. https://youtu.be/qfcZfqfoeLE

Campeau, D. (2021). Pédagogie autochtone et pédagogie du lieu : proposition d’un modèle d’enseignement autochtonisé. Education et francophonie49(1), 52–70. https://doi.org/10.7202/1077001ar

Campeau, D. (2017). La pédagogie autochtone. Persévérance scolaire des jeunes autochtones. http://psja.ctreq.qc.ca/nouvelles/la-pedagogie-autochtone/

Campeau, D. M. (2015). Pédagogie autochtone : paradigme éducatif au service des apprentissages du programme de formation. Revue de la persévérance et de la réussite scolaires chez les premiers peuples, 1, 72-74.

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